Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 15 January 2024

Location: Côte-des-Neiges Armoury, 4185 Côte-des-Neiges Road, Montréal, QC

Language of the trial: French

Charges:

Charge 1: S. 84 NDA, used violence against a superior.
Charge 2: S. 86 NDA, quarrelled with a person subject to the Code of Service Discipline.

Results:

FINDINGS: Charge 1: Withdrawn. Charge 2: Guilty.
SENTENCE: A severe reprimand and a fine in the amount of $2,250.

Decision Content

Warning : this document is available in French only.

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Donos, 2024 CM 5002

 

Date : 20240115

Dossier : 202357

 

Cour martiale permanente

 

Manège militaire de la Côte-des-Neiges

Montréal, (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté le Roi

 

- et -

 

Soldat V. Donos, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

I. Introduction

 

[1]               Le soldat (Sdt) Donos a plaidé coupable à une accusation de querelle et désordre alléguant que le ou vers les 27 juin 2022, à la garnison Saint-Hubert, il s’est querellé avec le bombardier-chef (Bdrc) Lalchan. La Cour a accepté et enregistré son plaidoyer de culpabilité sur le deuxième et seul chef porté au terme de l’article 86 de la Loi sur la défense nationale (LDN). Lors de l’audition sur sentence, les avocats des deux parties ont recommandé conjointement que la Cour impose une peine composée d’un blâme et d’une amende de 2 250 $. La Cour doit maintenant déterminer, considérant les principes juridiques applicables, si la recommandation conjointe devrait être acceptée dans les circonstances.

 

Faits considérés

 

[2]               Les faits relatifs à la perpétration de l’infraction sont révélés par le sommaire des circonstances lu par le procureur de la poursuite et déposé en preuve. À l’audition, la Cour a demandé au contrevenant s’il admettait la véracité de ces faits. Il a répondu par l’affirmative. Le sommaire révèle les faits suivants:

 

« SOMMAIRE DES CIRCONSTANCES (ORFC 112.51(3))

 

1.                  En tout moment pertinent, le sdt Donos était réserviste, en devoir et en uniforme.

 

2.                  Le 26 juin 2022, à la Garnison St-Hubert, le sdt Donos complète sa première journée de formation QMB.

 

3.                  Vers 22 h 25 le 27 juin 2022, le bdrc Lalchan a ordonné au Sdt Donos de rejoindre les membres de sa section et d'effectuer des pompes (push-up).

 

4.                  Le sdt Donos était alors en train de se réhydrater en buvant de l'eau et a indiqué au bdrc Lalchan qu'il avait soif. Le bdrc Lalchan lui a de nouveau ordonné d'effectuer les push-ups et le sdt Donos a, encore une fois, refusé d'obtempérer.

 

5.                  Le sdt Donos a crié « shut the fuck up » et a foncé vers le bdrc. Il lui a donné un coup à l’abdomen.

 

6.                  Les membres de la section 1 et les instructeurs qui étaient proches sont intervenus et ont séparé le sdt Donos et le bdrc Lalchan.

 

7.                  La police militaire a été appelée par les autorités sur place.

 

8.                  Le sdt Donos a été arrêté par la police militaire et reconduit aux cellules où il est demeuré pendant plus de six heures.

 

9.                  Le sdt Donos a été remis en liberté sous conditions, par un officier réviseur de la détention. »

 

[3]               Le procureur de la poursuite a confirmé que le justiciable du code de discipline militaire avec qui le sdt Donos s’est querellé, le Bdrc Lalchan, a été informé de son droit de préparer une déclaration en vertu de la LDN. Il a choisi de ne pas fournir de déclaration.

 

II. La recommandation, constituée d’un blâme et d’une amende de 2 250 $, est-elle contraire à l’intérêt public?

 

Position des parties

 

[4]               Le procureur a soumis que les objectifs de dénonciation et dissuasion générale devraient être les objectifs qui doivent être visés par la peine. Il a référé à quatre causes qu’il a jugé similaires, en expliquant que la recommandation conjointe, soit un blâme et une amende de 2 250 $, était bien dans la fourchette des peines. De plus, la peine proposée n’occasionnerait pas la confection d’un casier judiciaire. En réponse aux questionnements de la Cour quant à la sévérité de cette recommandation conjointe, le procureur a expliqué que l’amende proposée était plus onéreuse que dans les cas passés, tenant compte de l’inflation. Il a aussi expliqué que le Sdt Donos aurait pu devoir répondre d’une accusation de voie de fait devant un tribunal de compétence criminelle. Il a rappelé à la Cour que la querelle visait un supérieur, facteur aggravant d’importance. La défense a supporté les arguments de la poursuite en expliquant que son acceptation de la recommandation conjointe impliquait le retrait de l’accusation qui était objectivement plus grave. En d’autres termes, la recommandation conjointe permet que l’accusé soit exposé à un péril juridique moindre, limitant les conséquences dévastatrices d’une condamnation de violence envers un supérieur, accusation qui prévoit comme peine maximale l’emprisonnement à perpétuité.

 

Principes applicables aux recommandations conjointes

 

[5]               Lorsqu’une recommandation conjointe est présentée à la Cour, celle-ci doit appliquer le test de l’intérêt public promulgué par la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43. Ce test est à l’effet que le juge à qui on présente la recommandation ne peut s’en écarter, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public. Par conséquent, le juge présidant est fort restreint dans l’exercice de sa discrétion aux fins de détermination de la peine.

 

[6]               De multiples considérations d’intérêt public appuient l’imposition de toute peine conjointement recommandée. En effet, dans ces cas, la poursuite accepte de recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, minimisant ainsi le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour ceux qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion de reconnaître leurs torts. De surcroît, les recommandations conjointes offrent une certitude relative quant à la peine qui sera imposée suivant un plaidoyer de culpabilité.

 

[7]               Cela étant, lors de la considération de la peine recommandée, les objectifs disciplinaires du code de discipline militaire ne doivent pas être mis de côté pour autant. Tel que reconnu par la CSC, la raison d’être d’un tribunal militaire est entre autres de permettre aux Forces armées canadiennes (FAC) de s’occuper des questions qui touchent directement le maintien de la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. La sentence est le point culminant du processus disciplinaire qui suit un procès contesté ou un plaidoyer de culpabilité. C’est la seule occasion pour la Cour de traiter publiquement des besoins disciplinaires générés par la conduite du contrevenant.

 

[8]               Distincte des cours de juridictions criminelles, la détermination de la peine dans le cadre d’un procès en cour martiale comporte un aspect disciplinaire important. Même lorsqu’une recommandation conjointe est soumise à la Cour, le juge militaire doit s’assurer, au minimum, que les faits pertinents à la situation du contrevenant et à la perpétration de l’infraction soient non seulement considérés, mais également expliqués dans les motifs relatifs à la sentence.

 

[9]               Ceci dit, le principe fondamental applicable à la détermination de la peine précisé à l’article 203.2 de la LDN est à l’effet que le juge militaire doit imposer une peine « proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant ». Dans cette optique, en plus de la preuve, la Cour a considéré les plaidoiries des avocats au soutien de leur recommandation conjointe sur la peine, ainsi que des cas en semblable matière devant des cours martiales. Je suis d’avis que dans le contexte d’une soumission conjointe des procureurs, ces représentations ainsi que la preuve, et l’information additionnelle fournie à la suite des questions soulevées par la Cour, me permettent d’être suffisamment informée pour prendre en considération et appliquer les objectifs et les principes de la détermination de la peine appropriés à l’infraction et à la situation personnelle du contrevenant.

 

La situation du contrevenant

 

[10]           Sur ce point, j’ai examiné la situation personnelle du contrevenant. Le Sdt Donos a vingt ans. Il s’est enrôlé en mai 2022 et a été promu artilleur le 13 août 2023. Puisque sa carrière militaire en tant que réserviste en est à ses tout débuts, ses dossiers militaires sont très succincts. La défense a choisi de ne pas présenter de preuve quant à sa situation personnelle, mais elle m’a informé que le Sdt Donos est étudiant au Collège Ahuntsic en soins ambulanciers. Il est célibataire et n’a pas de personne à charge.

 

Facteurs aggravants

 

[11]           La Cour considère comme aggravant, dans les circonstances de cette affaire, le fait que le comportement du contrevenant était non provoqué, impulsif et inexplicable dans le contexte de relations professionnelles entre collègues en uniforme. Il s’agit d’un comportement contraire aux valeurs et à l’éthos de l’organisation et contraire à l’obligation imposée à tous ses membres d’agir avec respect. Un tel manque de respect est intolérable au sein d’une organisation militaire disciplinée et soucieuse du respect de la dignité de toute personne. S’ajoute à cela que le justiciable avec qui le Sdt Donos s’est querellé était non seulement un supérieur, mais aussi son instructeur, et que la querelle a eu lieu devant une demi-douzaine de membres de la section dont quelques-uns ont dû intervenir pour les séparer.

 

Facteurs atténuants

 

[12]           Me tournant maintenant vers les facteurs atténuants, la Cour a considéré :

 

a)                  le plaidoyer de culpabilité du contrevenant à la première occasion, un signal clair qu’il accepte la responsabilité de ses gestes devant des membres de la communauté des FAC présents pour ces procédures qui auraient été beaucoup plus longues;

 

b)                  le fait qu’il n’a aucun antécédent judiciaire ni infraction disciplinaire à son dossier militaire;

 

c)                  le fait que l’infraction se soit déroulée lors de son tout premier jour, non seulement de formation militaire, mais de service en tant que membre des FAC; en effet, il a été enrôlé à peine un mois avant la commission de l’infraction. Son endoctrinement en était à son état embryonnaire et il n’avait quasiment aucune connaissance militaire, vu son statut de nouvellement enrôlé; j’ai d’ailleurs exprimé des préoccupations aux parties, eu égard à cet aspect de la cause, à l’effet que je considérais la peine sévère dans les circonstances;

 

d)                  son très jeune âge;

 

e)                  les perspectives favorables de réhabilitation. J’ai devant moi un contrevenant repentant qui possède sans doute la capacité de contribuer de manière positive tant au sein des FAC qu’au niveau de la société canadienne.

 

Conséquences indirectes

 

[13]           Je note également que le Sdt Donos a été arrêté par la police militaire et est demeuré en détention pendant plus de six heures. Il a donc payé, déjà, un certain prix pour sa conduite. Je note, de plus, que la peine proposée n’engendrera pas d’antécédent judiciaire puisque l’amende n’excède pas un mois de solde de base, donc les effets à long terme de la peine sont limités.

 

Harmonisation des peines

 

[14]           En plus de considérer ces facteurs, je dois également m’assurer que la peine proposée soit conciliable avec les peines imposées dans le passé à des contrevenants dans les situations similaires à celle du Sdt Donos, pour des infractions similaires. À cet égard, le procureur a référé, au cours de sa plaidoirie, aux causes de R. c. Burton, 2014 CM 2024, R. c. Matelot de 3e classe J.D. Durante, 2009 CM 1014, R. c. Schelder, 2014 CM 1002 et R. v. Baluyot, 2017 CM 2013. Mis à part le cas de Burton que je trouve fort distinguable, il s’agit de façon générale, de cas de querelles comportant certaines similarités avec les faits du présent dossier. J’ai aussi considéré le cas du bombardier Wolf (R. v. Wolf, 2023 CM 5021), un cas similaire où la recommandation conjointe d’une réprimande et une amende de 3 000 $, a été acceptée. Bien que les faits de chaque dossier soient différents, ces décisions jurisprudentielles ont une certaine utilité pour la détermination du caractère raisonnable de la recommandation conjointe des avocats. En effet, ces cas jurisprudentiels de cours martiales révèlent que la recommandation conjointe, bien que sévère dans le cas qui nous occupe, est dans l’éventail des peines imposées dans le passé pour des gestes similaires.

 

Objectifs devant être privilégiés dans cette affaire

 

[15]           Je suis venu à conclure que, dans les circonstances de la présente affaire, l’imposition de la sentence devrait cibler des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. La sentence imposée ne devrait pas compromettre l’objectif de réhabilitation, qui est, selon moi, en partie atteint par le plaidoyer de culpabilité du Sdt Donos.

 

Évaluation de la recommandation conjointe

 

[16]           Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction qui, tel que prévu à l’article 86 de la LDN, infraction qui est passible au maximum d’une peine d’emprisonnement de moins de deux ans.

 

[17]           Aux fins de décider si une recommandation conjointe déconsidérerait l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public, je dois me demander si elle correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables et instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale.

 

[18]           Je suis d’avis qu’une personne raisonnable et renseignée sur les circonstances de ce dossier s’attendrait à ce qu’un contrevenant qui s’est querellé avec son supérieur de façon impulsive, devant des membres de la section, mais qui admet sa culpabilité, soit sanctionné par une peine proportionnelle à l’écart de comportement sanctionné, et qui a un impact réel sur le contrevenant, en considérant les circonstances qui lui sont propres. J’en conclus, eu égard aux circonstances de cette affaire, que la peine proposée est sévère, considérant que l’infraction fut commise le tout premier jour de service du Sdt Donos dans les FAC, et considérant son plaidoyer de culpabilité. Néanmoins, une peine d’un blâme jumelé à une amende de 2 250 $ n’est pas sévère au point que si elle était acceptée et imposée, elle risquerait de déconsidérer l’administration de la justice, compte tenu des facteurs aggravants de cette cause, en particulier que la conduite du Sdt Donos visait son instructeur. Tel que l’a rappelé la CSC, un juge ne peut intervenir si cette intervention n’est que pour modifier légèrement la peine proposée. Je me dois donc de faire preuve de réserve.

 

III. Conclusion

 

[19]           En considérant la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, les principes d’imposition de la peine applicable, et les facteurs aggravants et atténuants mentionnés précédemment, bien que je considère sévère la recommandation conjointe, je ne suis pas en mesure de conclure que la sentence recommandée conjointement par les avocats est déraisonnable ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Je vais donc accepter de l’entériner.

 

[20]           Sdt Donos, je conclus que votre décision de plaider coupable aujourd’hui confirme votre intention de vous réhabiliter maintenant que vous avez reconnu que votre comportement était inacceptable. Il devrait être clair pour vous aujourd’hui ainsi que pour tous les militaires présents à cette audience qu’un comportement irrespectueux et menaçant est contraire à l’efficacité militaire en ce qu’il nuit à la confiance mutuelle et au respect nécessaires pour l’accomplissement de la mission des FAC. Néanmoins, je n’ai aucun doute, à la lumière de votre attitude à la suite de la commission de l’infraction, que vous pourrez utiliser cette expérience pour devenir un meilleur soldat et progresser dans votre carrière de militaire sans plus d’embûches.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[21]           DÉCLARE le Sdt Donos coupable d’une infraction de querelle et désordre au terme de l’article 86 de la LDN.

 

[22]           CONDAMNE le Sdt Donos à un blâme et une amende de 2 250 $. L’amende sera payable à raison de 150 $ par mois, pour une période de quinze mois, à partir du 15 février 2024.


Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major B. Richard

 

Major É. Carrier, Service d’avocats de la défense, avocat du soldat V. Donos

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