Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 10 février 2014.

Endroit : BFC Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, avoir entravé un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions (art. 129 C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Non coupable.
•SENTENCE : Une réprimande.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Wellwood, 2014 CM 1003

 

Date : 20140219

Dossier : 201363

 

Cour martiale générale

 

Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier

Courcelette (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Major B.M. Wellwood, contrevenante

 

 

Devant : Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

MOTIFS POUR LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               La Cour martiale générale a déclaré le major Wellwood coupable aujourd'hui, de l'infraction d'entrave au travail d'un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions, une infraction punissable selon l'article 130 de Loi sur la défense nationale, contrairement à l'article 129 du Code criminel, d'une part; et, d'autre part, d'une infraction de comportement préjudiciable au bon ordre et la discipline pour s'être conduite de manière méprisante par ses paroles et ses gestes envers un policier militaire en présence de subordonnés, selon l'article 129 de la Loi sur la défense nationale. Ces infractions ont été commises le 5 février 2012 lors de l'exercice « Rafale Blanche » qui se tenait dans la région de la Beauce, dans la province de Québec.

 

[2]               Cette cour considère donc comme prouvé tous les faits, exprès ou implicites, essentiels aux verdicts de culpabilité qu'a rendu le Comité de la Cour martiale générale. Ces faits nous indiquent que suite à un appel 911 logé par la conjointe d'un militaire en exercice avec son unité à l'effet que ce dernier venait de lui faire part qu'il entretenait des idées suicidaires au moyen d'une arme à feu, une cascade de diverses communications entre les différents centres d'appel d'urgence 911 fit en sorte que deux policiers militaires, en poste dans le secteur de la Beauce pour la durée de l'exercice dans un rôle traditionnel de policier et d'agent de la paix, reçoivent l'ordre de retracer l'individu et de prendre les mesures appropriées pour assurer sa sécurité. Dès le début, il est acquis que cette personne appartient au 2e Bataillon du Royal 22e Régiment. Sur la foi des informations qui leurs sont transmises, les policiers militaires se rendent dans le secteur occupé par la compagnie de services du 2eR22eR sous le commandement du major Wellwood. L'un des policiers a le statut d'agent de la paix aux termes de l'article 156 de la Loi sur la défense nationale, alors que l'autre ne jouit pas de ce statut à titre de membre de la réserve. Le policier qui bénéficie du statut d'agent de la paix porte l'uniforme de policier militaire noir. Il porte une veste pare-balles assortie, son arme de service, ainsi que les autres accessoires de son uniforme de policier militaire. Il occupe le siège du passager du véhicule 4X4 qui, lui, est identifié comme un véhicule de la Police militaire dans le cadre d'opérations de police conventionnelle. L'autre policier militaire porte la tenue de combat et il n'est pas armé. Les policiers se présentent donc à la guérite du poste de commandement de la compagnie de services du 2eR22eR en début de soirée, soit le PC8. Il fait nuit. Sans s'identifier formellement et sans annoncer les motifs de leur présence au préposé de la guérite, les policiers actionnent leurs gyrophares, afin qu'on leur donne accès. Le préposé à la guérite déplace alors un tréteau pour leur donner accès, mais il communique promptement à la tente du PC8 que des policiers militaires viennent de s'introduire dans le secteur sans fournir les motifs de leur intrusion et il décrit à sa chaîne de commandement comment ils ont agi. Puisque ce genre de situation s'est déjà produite durant l'exercice et que cela irritait les autorités militaires en poste à cet endroit pour des motifs liés à la sécurité du personnel et de l'équipement, le major Wellwood avise donc les membres de son poste de commandement présents dans la tente du PC8 qu'elle s'occupait personnellement de la situation. À ce moment, les autorités militaires du 2eR22eR, 2e Bataillon, y compris le commandement du PC8, sont déjà informés de la situation relative au militaire qui avait exprimé des propos suicidaires et ils essaient eux-aussi de localiser l'individu pour le prendre en charge. Les informations connues de part et d'autre sont incomplètes à ce stade-ci.

 

[3]               Le major Wellwood sort donc de la tente du PC8 et se dirige au véhicule de la police militaire pour s'enquérir de la situation et surtout pour demander aux policiers pourquoi leur véhicule ne s'était pas arrêté à la guérite. Croisant ou non l'agent de la paix sur son passage, elle frappe dans la fenêtre du passager du véhicule à quelques reprises et fait ensuite le tour du véhicule pour s'adresser au conducteur qui s'apprête en en sortir. Constatant la situation, l'agent de la paix les rejoint et il s'interpose. Le major Wellwood leur demande pourquoi ils ne se sont pas arrêtés à la guérite. L'agent de la paix l'informe de la raison de sa présence en relation avec l'appel 911. Le major Wellwood lui dit alors que la chaîne de commandement est déjà informée de la situation, y compris le commandant de l'unité, et que les autorités militaires gèrent cette situation. Le majorWellwood indique à l'agent de la paix que cette situation n'était pas du ressort de la Police militaire et que le militaire en question n'était pas au PC8. Elle lui redemande pourquoi les policiers ne se sont pas arrêtés à la guérite. La situation s'envenime et l'agent de la paix, à son tour, indique qu'il s'agissait d'une affaire policière qui n'était pas du ressort de la chaîne de commandement et qu'elle ne devrait pas mélanger son grade à elle avec son autorité policière à lui. Les tons de l'un et de l'autre sont à tout le moins autoritaires à ce moment. Les échanges acrimonieux entre les deux personnes se poursuivent jusqu'à ce le major Wellwood lui demande de quitter les lieux en termes non équivoques. L'agent de la paix ignore les demandes explicites du major Wellwood et il se dirige directement vers la tente du PC8 pour y entrer et poursuivre son enquête, et ce malgré l'interdiction formelle du major Wellwood qui passe devant lui et qui se retourne à l'entrée de la tente. Les échanges acrimonieux se poursuivent entre les deux et l'agent de la paix pousse le major Wellwood avec ses mains à la hauteur de sa poitrine pour l'empêcher de dire à ses subordonnées de ne pas l'assister dans son enquête, du moins telle était la croyance du policier. Elle perd l'équilibre à l'entrée de la tente. À ce moment, les officiers présents dans la tente s'interposent afin de savoir ce qui se passe en raison de toute cette commotion. L'un des officiers demande à l'agent de la paix ce qu'il fait dans la tente du PC8 et comment il peut l'aider. Il lui répète l'information qui fut déjà transmise par le major Wellwood à l'effet que la chaîne de commandement est déjà au courant et que des efforts sont faits pour retracer l'individu. L'officier accompagne l'agent de la paix à l'extérieur de la tente jusqu'à son véhicule et il lui fournit l'information dont il dispose à ce moment et informe l'agent de la paix qu'il le contactera par téléphone cellulaire lorsqu'il aura des développements. L'individu sera localisé par les membres de son unité un peu plus tard dans la soirée, seul dans un véhicule, près d'une cabane à sucre où plusieurs membres du bataillon, en congé pour cette soirée-là, s'étaient rendus pour regarder le match du Super Bowl 2012. Cela complète le résumé des faits qui sont pertinents pour l'imposition de la sentence.

 

[4]               L'imposition d'une sentence justement pour qu'elle soit juste et équitable est, de loin, la tâche la plus difficile d'un juge. Nous savons tous que certains objectifs sont visés à la lumière des principes qui sont applicables et ces principes varient d'un cas à l'autre en fonction des infractions et des individus. Le prononcé de la sentence par la cour martiale a pour objectif essentiel de contribuer au maintien de la discipline militaire et aussi au respect de la loi, et ce, par l'infliction de peines qui sont justes et qui visent entre autre que ce soit l'un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  dénoncer le comportement illégal;

 

b)                  dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c)                  isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d)                  favoriser la réinsertion du contrevenant dans son environnement au sein des Forces canadiennes ou dans la vie civile; et

 

e)                  susciter la conscience de leurs responsabilités chez les contrevenants militaires.

 

[5]               La sentence doit également prendre en compte les principes suivants. Elle doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction, les antécédents du contrevenant, ainsi que son degré de responsabilité. La sentence doit prendre également en compte le principe de l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peines semblables à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.

 

[6]               La poursuite recommande aujourd'hui une sentence composée d'une réprimande et d'une amende de 2,000 dollars. Une telle sentence permettrait, selon le procureur de la poursuite, de promouvoir les objectifs primordiaux dans cette affaire que sont la dissuasion générale et spécifique ainsi que la dénonciation des gestes commis par le major Wellwood durant la soirée du 5 février 2012. La poursuite a soumis que les décisions antérieures récentes en matière d'entrave jugées par cour martiale permettent de circonscrire le spectre sentenciel applicable pour de tels infractions. J'accepte cette affirmation, mais toutes les décisions citées sont peu utiles au-delà de cette affirmation.

 

[7]               Outre les documents usuels d'ordre administratif déposés par la poursuite, la défense a soumis les plus récents rapports d'évaluation de rendement de la contrevenante et d'une fiche de conduite qui contient deux mentions élogieuses récentes données ou formulées par les Commandants du Commandement Canada et du Commandement de la Force terrestre tels qu'ils existaient à ce moment. La cour a également pris en compte le témoignage du major Wellwood lors du procès et les sincères regrets qu'elle a exprimés relativement à sa conduite du 5 février 2012. Évidemment, comme sa fiche de conduite l'indique, les seules mentions qui y apparaissent sont des mentions élogieuses, en conséquence, elle n'a aucun antécédent disciplinaire ou criminel avant aujourd'hui.

 

[8]               La cour considère aggravants les abus-mêmes du major Wellwood relativement à sa conduite, ses gestes et le langage qu'elle a utilisé envers l'agent de la paix durant la soirée en question. Il importe peu que l'agent de la paix ait eu une conduite que je considère absolument inacceptable pour un représentant de l'ordre chargé de la protection du public et du maintien de l'ordre que ce soit civil ou militaire. Dans un contexte militaire, il importe peu que ceux qui ont un pouvoir d'agent de la paix ne soient pas les subordonnées, autre que par leur grade le cas échéant, des militaires qui constituent le public visé dans l'exercice de leurs fonctions quotidiennes. Ils demeurent des militaires et ils sont astreints eux-aussi aux devoirs et obligations qui incombent aux membres des Forces canadiennes en matière de respect envers tant les subordonnées en grade que les officiers supérieurs. Cela ne peut servir toutefois d'excuse au major Wellwood, un officier d'expérience, pour son comportement à l'égard de ce dernier. Il ne fait aucun doute qu'elle a réagi promptement et démesurément. Elle a manqué de jugement et de contrôle de soi. J'abonde avec les propos de la poursuite que son rôle nécessitait une approche coopérative plutôt que de contribuer à une confrontation inutile à la résolution de la situation. Elle avait un devoir d'agir avec respect et professionnalisme. Ce qu'elle n'a pas fait. À titre d'officier supérieur et d'officier commandant, elle avait un devoir de respect, elle-aussi, envers les agents de la paix qui accomplissent leurs fonctions et de ne pas agir de manière à miner le respect légitime que méritent les gens chargés par la loi de la protection des personnes et des biens dans notre société civile et militaire.

 

[9]               Mais cette cause ne peut être dissociées de son cadre factuel et du contexte dans lequel les évènements se sont déroulés, mais elle est porteuse d'enseignement à plusieurs niveaux sur la relation qui devrait exister entre les policiers militaires et les membres des Forces canadiennes peu importe leur grade ou leurs fonctions. Cela dit, la preuve déposée devant la cour démontre très clairement que le major Wellwood non seulement a été jusqu'à ce jour mais qu'elle est et qu'elle continue d'être un officier absolument exceptionnel à tous les points de vue qui est tenu en très haute estime par ses supérieurs. À la lumière de son parcours professionnel récent, il ne fait aucun doute qu'elle a déjà su tirer les leçons de cette histoire qui a eu lieu en février 2012.

 

[10]           Je suis d'avis que les circonstances particulières de cette affaire ne requièrent pas que la sentence imposée par la cour mettre l'emphase sur les besoins en matière de dissuasion spécifique. La tenue de cette cour martiale, en soi, est très importante en l'espèce pour promouvoir les objectifs de dissuasion générale et dénoncer les comportements abusifs reprochés au major Wellwood. J'ajouterais que la sentence doit aussi promouvoir la conscience de leurs responsabilités chez les contrevenants militaires. Il s'agit là d'un avertissement très sérieux aux officiers en situation telle que celle qui existait pour le major Wellwood relativement aux normes de conduite qui leur sont imposées dans leurs relations avec les agents de la paix qui ont une tâche, souvent ingrate, à accomplir et qui demeurent leurs subordonnées en grade.

 

[11]           La cour ne partage toutefois pas la recommandation qui a été formulée par l'avocat de la défense à l'effet qu'une amende serait suffisante dans les circonstances. Je suis d'avis qu’une réprimande doit faire partie de la sentence qui est imposée pour ce genre de comportement à l'égard des officiers supérieurs.

 

POUR CES RAISONS, LA COUR

 

[12]           CONDAMNE le major Wellwood à la réprimande.


Avocats :

 

Major G. Roy, Service canadien des Poursuites militaires

Avocat de la poursuivante

 

Maj L.-P. Boutin, Service d'avocats de la défense

Avocat pour le Major B.M. Wellwood

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