Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 12 janvier 2015.

Endroit : Base de soutien, 2e Division canadienne du Canada, l'Académie, édifice 534, Courcelette (QC).

Chef d’accusation :

• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).

Résultats :

Accueille la fin de non-recevoir aux termes de l'article 112.24 des ORFC.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Thibault, 2015 CM 1001

 

Date : 20150113

Dossier : 201431

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 2e division Valcartier

Courcelette (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine, intimée

 

- et -

 

Caporal Thibault, A.J.R., accusé-requérant

 

 

Devant : Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la Défense nationale (LDN) et de l’article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement permettant d’établir l’identité de la plaignante dans la présente cour martiale.

 

DÉCISION RELATIVE À UNE FIN DE NON-RECEVOIR (ARTICLE 112.24 DES ORDONNANCES ET RÈGLEMENTS ROYAUX APPLICABLES AUX FORCES CANADIENNES (ORFC)

 

(Oralement)

 

[1]               Le caporal Thibault soulève une fin de non-recevoir aux termes des sous-alinéas 112.24(1)a) et e) des ORFC, l’effet que la cause n’est pas de la compétence de la cour et que l’accusation devant celle-ci ne révèle pas une infraction d’ordre militaire. Il est accusé d’avoir commis l’infraction suivante :

 

Premier chef

d'accusation

Article 130 L.D.N.

UNE INFRACTION PUNISSABLE SELON L’ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, SOIT D’AVOIR COMMIS UNE AGRESSION SEXUELLE, CONTRAIREMENT À L’ARTICLE 271 DU CODE CRIMINEL

 

Détails : En ce que, le ou vers le 20 août 2011, à Sainte-Catherine, province de Québec, il a agressé sexuellement le Caporale A.B.G.

 

[2]               Cette requête s’inscrit dans la foulée des récentes décisions de la Cour d’appel de la cour martiale qui portent sur la constitutionalité de l’alinéa 130(1)a) de la Loi sur la défense nationale et de la nécessité d’établir l’existence d’un lien de connexité avec le service militaire pour que le tribunal militaire puisse exercer sa compétence. (R. c. MoriarityHannah, 2014 CACM 1, 20 janvier 2014, autorisation de pourvoi accordé par la Cour suprême du Canada le 24 juillet 2014, 35755; R. c. Vézina, 2014 CACM 3, 7 mars 2014, autorisation de pourvoi accordé par la Cour suprême du Canada le 24 juillet 2014, 35873; R. c. Arsenault, 2014 CACM 8, 13 juin 2014, autorisation de pourvoi accordé par la Cour suprême du Canada le 11 décembre 2014, 35946; R. c. Larouche, 2014 CACM 6, 30 avril 2014; et R. c. Royes, 2014 CACM 10, 30 octobre 2014).

 

[3]               La particularité de cette affaire c’est que le requérant attaque à la fois la constitutionnalité de la disposition législative, mais aussi l’inexistence du lien de connexité militaire requis pour que la cour puisse exercer sa compétence.

 

[4]               Outre la connaissance judiciaire aux termes de l’article 15 des Règles militaires de la preuve, les faits à l’appui de la fin de non-recevoir sont limités et ils ont été soumis conjointement. D’une part, les parties ont déposé un document du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes sous la cote R1-3 intitulé « Énoncé d’éthique de la défense ». Cet énoncé s’applique tant au ministère de la Défense nationale qu’à ses employés ainsi que les Forces armées canadiennes et leurs membres qui « s’engagent à appliquer les normes d’éthique les plus rigoureuses dans toutes leurs décisions et actions, tant au pays qu’à l’étranger ». D’autre part, les parties ont déposé un sommaire conjoint des faits pour établir les circonstances de cette affaire. Pour la bonne compréhension du dossier, je reproduis ledit sommaire conjoint des faits. [Le sommaire conjoint de faits est reproduit tel que présenté à la pièce R1-2.]: 

 

Sommaire conjoint de faits

 

1.                  La plaignante, le Cpl A.B.G. a joint les Forces Canadiennes le 20 mai 2005, dans la Force de Réserve, au sein du groupe professionnel de la Police militaire. Le Cpl A.B.G. a transféré à la Force Régulière le 6 octobre 2009, au sein du même groupe professionnel.

 

2.                  Le Cpl A.B.G. est formée et actuellement en fonction à titre de policière militaire, sur la Base de soutien de la 2e Division du Canada - Détachement St-Jean. Elle est membre du 5e Régiment de la police militaire.

 

3.                  Le Cpl A.B.G. est susceptible d'être affectée au cours de sa carrière sur tous les établissements de la défense nationale au Canada et à l'extérieur du pays.

 

4.                  Le Cpl A.B.G. est susceptible d'être déployée sur des missions auxquelles participent les Forces armées canadiennes (FAC), en support aux troupes déployées, à titre de policière militaire.

 

5.                  Le Cpl A.B.G a été déployée en Afghanistan, entre le 25 novembre 2010 et le 28 juin 2011.

 

6.                  Le Cpl Alexandre Thibault a joint la Force Régulière, le 24 juillet 2002. Il est membre du 2e Bataillon du Royal 22e Régiment. Il a été déployé à deux reprises, soit entre le 25 juillet 2007 et le 20 février 2008 ainsi qu'entre le 11 novembre 2010 et le 28 juin 2011.

 

7.                  Au cours de l'entraînement de la montée en puissance de la ROTO 3-10 et du déploiement en Afghanistan en 2011, le Cpl Thibault était attaché à la police militaire.

 

8.                  Suite au déploiement en Afghanistan du Cpl A.B.G et du Cpl Thibault, ils eurent l'occasion de développer un lien d'amitié, puisqu'ils se trouvaient dans le même groupe de militaires, au centre de décompression à Chypre.

 

9.                  Le Cpl A.B.G. a alors développé un lien de confiance plus étroit avec le Cpl Thibault et a partagé ses sentiments en regard des situations difficiles qu'elle vivait.

 

10.              À son retour au pays, le Cpl A.B.G. a tenté de deux à trois reprises de reprendre contact avec lui, afin de partager une passion commune en lien avec les véhicules JEEP. Ils ne se rencontrèrent jamais.

 

11.              Le 19 août 2011, le Cpl Thibault aurait invité le Cpl A.B.G à venir le rejoindre chez sa cousine, à Sainte-Catherine ( Rive Sud de Montréal), dans un but purement social, alors qu'il procédait le jour même, au déménagement de celle-ci. Le Cpl Thibault était en visite à cet endroit puisqu'il habitait à Québec. Le Cpl A.B.G demeurait à Brossard, à cette époque.

 

12.              Le Cpl A.B.G s'est présentée à la nouvelle résidence de la cousine du Cpl Thibault, le Cpl A.B.G. est demeurée sur place pour y dormir. Le Cpl A.B.G n'était pas en mesure de conduire son véhicule, en raison de sa consommation d'alcool.

 

13.              Au cours de la nuit, entre le 19 et 20 août 2011, l'événement présumé serait survenu selon le Cpl A.B.G. Cet événement présumé fera l'objet de l'analyse par cette cour dans la présente affaire, à moins que le tribunal accueille la présente requête.

 

14.              Le 16 janvier 2012, le Cpl A.B.G a porté plainte auprès de la Régie intermunicipale de police Roussillon. Elle a été rencontrée par un enquêteur de la police du Roussillon, le 26 janvier 2012.

 

15.              Le Cpl A.B.G s'est sentie trahi par un frère d'armes et a perdu confiance aux militaires. Elle s'est présentée à la police civile, car elle n'avait aucune confiance au militaire.

 

16.              En raison de l'événement allégué par le Cpl A.B.G., celle-ci a spécifiquement précisé à son gestionnaire de carrière qu'elle ne désirait pas être affectée sur la Base de Soutien de la 2e Division du Canada – Valcartier, puisque le Cpl Thibault se trouve sur celle-ci. Elle refuse de travailler sur l'établissement où pourrait se trouver le Cpl Thibault. La nature de ses fonctions présente pour elle un risque additionnel de le rencontrer, puisqu'elle peut avoir à répondre à des appels ou conduire des interventions qui l'amèneraient à être en contact avec le Cpl Thibault.

 

17.              Le Cpl A.B.G. craint maintenant le Cpl Thibault.

 

18.              Le Brigadier-général Jean-Marc Lanthier, l'autorité de renvoi dans la présente affaire, a indiqué lors de la demande de renvoi au Directeur des poursuites militaires : Toutes forme de violence sexuelle, particulièrement entre deux militaires, doivent être dénoncées et réprimées, car elles érodent les valeurs sociales chères aux militaire, notamment en ce qu'elles portent atteinte à l'intégrité physique et psychologique des victimes et entraînent des conséquences néfastes pour celles-ci, leur famille et l'ensemble de la société. De plus, ce type de comportement affecte le moral, la discipline et la cohésion au sein des Forces armées canadiennes (FAC). Les militaires doivent en tout temps se sentir en sécurité avec leurs collègues de travail.

 

[5]               Dans l’affaire Larouche, (Supra, paragraphe 2, paragraphe 8)le juge Cournoyer affirme, d’entrée de jeu, partager entièrement l'approche et les conclusions du juge en chef Blanchard dans l’arrêt Moriarity/Hannah au sujet de la portée excessive de l'alinéa 130(1)a) de la LDN et de la violation de l'article 7 et de l'alinéa 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés.  Il énonce également en quoi consiste ce lien de connexité avec le service militaire à la lumière des décisions de la Cour d’appel de la cour martiale depuis une trentaine d’années. Le juge Cournoyer nous rappelle, aux paragraphes [21] à [23] :

 

[21] Une infraction prévue à l'article 130 de la LDN peut être jugée sous le Code de discipline militaire lorsqu'elle est à ce point reliée à la vie militaire, par sa nature et par les circonstances de sa perpétration, qu’elle est susceptible d’influer sur le niveau général de discipline et d’efficacité des Forces canadiennes. Une telle infraction relève de la justice militaire au sens de l'alinéa 11f) de la Charte et de la compétence des tribunaux militaires canadiens, car elle touche directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes.

 

[22] Il s’agit là de l'interprétation adoptée par notre Cour durant les trente dernières années. On n'a fait valoir aucun motif impérieux de s'écarter de cette interprétation, qui a subi avec succès l'épreuve du temps.

 

[23] Le critère du lien de connexité avec le service militaire fait partie de la « substantifique moelle » du droit militaire canadien. Il n'est pas opportun de procéder aujourd'hui à une nouvelle chirurgie constitutionnelle.

 

[6]               Le requérant soumet que le test exprimé par la Cour d’appel de la cour martiale doit s’évaluer en deux étapes. La première vise à déterminer si l’infraction par sa nature et par les circonstances de sa perpétration est à ce point reliée à la vie militaire; alors que la seconde, une fois la première étape franchie, consiste à évaluer si ladite infraction est susceptible d’influer sur le niveau général de discipline et d’efficacité des Forces canadiennes. Cette approche n’est pas contestée.

 

[7]               L’acte d’accusation allègue que la plaignante et l’accusé sont militaires du rang. Le sommaire conjoint des faits nous indiquent qu’ils se sont connus au cours de l’entraînement de la montée en puissance de la ROTO 3-10 en 2011, et qu’ils ont été déployés en Afghanistan de la fin novembre 2010 à la fin juin 2011, l’un en tant que fantassin et l’autre en tant que policier militaire. Suite au déploiement en Afghanistan, ils ont eu l’occasion de développer des liens d’amitié puisqu’ils se trouvaient dans le même groupe de militaires au centre de décompression de Chypre. La plaignante a alors développé un lien de confiance plus étroit et elle a partagé ses sentiments en regard des situations difficiles qu’elle vivait. Rien n’indique que ce lien de confiance était autrement que personnel entre les deux individus. À leur retour au pays, la plaignante a essayé d’entrer en contact avec le caporal Thibault à quelques reprises, sans succès, pour partager leur passion commune avec les véhicules de marque « Jeep ». Ce n’est que le 19 août 2011, que le caporal Thibault aurait invité la plaignante à venir le rejoindre chez sa cousine à Sainte-Catherine, près de Montréal, alors qu’il l’aidait dans son déménagement. Lui vivait alors à Québec, alors que la plaignante habitait Brossard. L’invitation était purement à des fins sociales. La plaignante s’est donc présentée à la nouvelle résidence de la cousine. La soirée s’est déroulée dans une atmosphère détendue et accompagnée d’alcool. Ainsi, sous les conseils de la cousine de l’accusé, les deux personnes ont accepté de demeurer sur place pour dormir. Des évènements auraient eu lieu durant la nuit et ceux-ci font l’objet de l’accusation devant cette cour. Le 16 janvier 2012, la plaignante se rendait à la police locale pour y déposer une plainte. Elle dit s’être sentie trahi par un frère d’armes et avoir perdu confiance aux militaires, ce pourquoi elle s’est présentée à la police civile. La plaignante occupe des fonctions de policier militaire et elle est susceptible d’être affectée partout, et elle dit craindre l’accusé maintenant et elle ne veut pas servir là où il pourrait se trouver.

 

[8]               Dans l’affaire Moriarity/Hannah, (précité) le regretté juge en chef Blanchard nous rappelait que l’analyse du lien de connexité militaire avec le service militaire ne s’effectue pas dans un cadre rigide, au paragraphe [65] :

 

Par ailleurs, je suis d’accord avec le juge McIntyre pour dire qu’il n’est pas possible d’énumérer toutes les circonstances dans lesquelles il y aurait un lien de connexité avec le service militaire et qu’il est donc préférable d’examiner cette question au cas par cas. La Cour a déjà fourni dans un certain nombre de décisions des directives sur la façon d’appliquer la doctrine du lien de connexité avec le service militaire aux circonstances de chaque affaire, notamment dans : Catudal c. R. (1985), 4 C.M.A.R. 338; R. c. MacEachern (1986), 24 C.C.C. (3d) 439; Ryan c. R. (1987), 4 C.M.A.R. 563, R c. Ionson (1987), 4 C.M.A.R. 433, conf. par [1989] 2 R.C.S. 1073 (CSC) et R. c. Brown (1995), 5 C.M.A.R. 280.

 

[9]               C’est ainsi que la poursuite conclut à l’existence du lien de connexité requis en s’appuyant notamment sur les arrêts MacEachern et Ionson. Elle évoque entre autres la combinaison du statut de militaire de la plaignante et de l’accusé, la nature même de l’infraction d’agression sexuelle et son impact sur le moral, la discipline et la cohésion au sein des Forces armées canadiennes, et ce, à la lumière des propos exprimés au paragraphe 18 du sommaire conjoint des faits. Dans l’arrêt R. c. MacEachern (1986), 24 C.C.C. (3d) 439, le juge Addy, pour la Cour, traitait du lien de connexité avec le service militaire et des circonstances particulières de l’affaire, aux pages 442-445 :

 

        Since the MacKay case our Court has recognized the principle that a military nexus is required to create jurisdiction: see R. v. MacDonald (1983), 6 C.C.C. (3d) 551 , 150 D.L.R. (3d) 620 (C.M.A.C.), and in R. v. Catudal as yet unreported, court file C.M.A.C. 218, decision dated January 18, 1985 [since reported 18 C.C.C. (3d) 189 , 63 N.R. 58].

 

        There seems to be little doubt, having regard to the MacKay case and to the two last-mentioned decisions, that the specific offence of possession of which the appellant stands convicted must be established as having been service connected in order for the conviction to be upheld.

 

        I do not feel, however, that the Relford factors or anything approaching a comprehensive series of tests listing the existence of various factors should be laid down. On the contrary, each case should be considered according to its particular circumstances. Suffice it to say that the nexus must be real although it need not be physical or tangible. In my view, a nexus capable of truly affecting the morale, the discipline or the efficiency of the military would suffice. As stated by MacIntyre J. at pp. 161-2 of the MacKay case:

 

The question then arises: how is a line to be drawn separating the service-related or military offence from the offence which has no necessary connection with the service? In my view, an offence which would be an offence at civil law, when committed by a civilian, is as well an offence falling within the jurisdiction of the courts martial and within the purview of military law when committed by a serviceman if such offence is so connected with the service in its nature, and in the circumstances of its commission, that it would tend to affect the general standard of discipline and efficiency of the service. I do not consider it wise or possible to catalogue the offences which could fall into this category or try to describe them in their precise nature and detail. The question of jurisdiction to deal with such offences would have to be determined on a case-by-case basis.

 

        Turning to the facts of the present case, on the one hand the appellant was not in uniform and was on leave in his home town several hundred miles from his former military base or from any military base for that matter, when the alleged offence was committed. On the other hand, there is evidence that an investigation concerning drugs at HMCS Iroquois which the appellant had just left as a steward, was being carried out and that, as a result of that investigation, two military policemen felt that it was necessary to drive some six to eight hours for the sole and express purpose of interviewing the accused in connection with the investigation being carried out at the time. They were concerned enough about the involvement of the accused to make arrangements with the R.C.M.P. before they left for Dingwall to have an interrogation room available at Ingonish, which is about a one-half hour drive from Dingwall. One of the two investigating policemen when asked on cross-examination at trial by counsel for the appellant whether he suspected his client of drug involvement, replied:

 

I never suspected that he had any drugs. We had a suspicion that he may have been involved in several drug incidents on board the ship, and in addition, we had reason to believe that he had information that would lead us to who was directly involved. That's the reason why we went to Dingwall.

 

        It is also of some significance that the appellant had been contacted by telephone in Dingwall by someone on board ship and warned that the military police would be driving to Dingwall to interview him. He, indeed, was expecting them and knew beforehand why they were coming. They were most anxious to see the accused as he was not to return to the ship but was to proceed directly to Canadian Forces Base North Bay on the expiry of his leave. Finally, the vehicle which he entered and in which the drugs were ultimately found, although not the actual property of the Department of National Defence, had, nevertheless, been rented by the military police on behalf of the department for the purpose of conducting this investigation and more specifically of driving to Dingwall to interview the appellant. The military, at the time, undoubtedly had a proprietary interest in the vehicle and it must be regarded as military property pro tempore.

 

        All the above circumstances, in my view, are sufficient to establish the required nexus for jurisdiction. Because of the particularly important and perilous tasks which the military may at any time, on short notice, be called upon to perform and because of the team work required in carrying out those tasks, which frequently involve the employment of highly technical and potentially dangerous instruments and weapons, there can be no doubt that military authorities are fully justified in attaching very great importance to the total elimination of the presence of and the use of any drugs in all military establishments or formations and aboard all naval vessels or aircraft. Their concern and interest in seeing that no member of the forces uses or distributes drugs and [...] ultimately eliminating its use, may be more pressing than that of civilian authorities. The existence of a drug-related offence, in the context of the particular exigencies of military service, is one of the many factors which must be taken into consideration in deciding whether jurisdiction exists. It is, indeed, an important factor. I do not, however, for one moment agree with certain pronouncements of some military U.S. tribunals to the effect that, because of the devastating effect of drugs in the forces, any involvement or use of drugs whatsoever by a member of the military constitutes by that very fact a sufficient nexus for its tribunals to assume jurisdiction.

 

[10]           La cour partage l’opinion exprimée par la poursuite à l’effet que l’infraction d’agression sexuelle est profondément reliée à la vie militaire et que toutes formes de violence sexuelle, particulièrement entre deux militaires, doivent être dénoncées et réprimées, car elles érodent les valeurs sociales chères aux militaires, notamment en ce qu'elles portent atteinte à l'intégrité physique et psychologique des victimes et entraînent des conséquences néfastes pour celles-ci, leur famille et l'ensemble de la société. Or, la nature même de l’infraction n’est qu’un des éléments requis pour conclure que l’infraction relève de la justice militaire dans un cas particulier. Les circonstances entourant sa perpétration sont tout aussi importantes. Contrairement aux faits de l’affaire MacEachern, outre leur statut de militaire et le fait qu’ils se connaissaient, rien ne permet de croire que le statut de militaire des individus a joué quelque rôle que ce soit dans les circonstances qui ont entouré la perpétration de l’infraction. Bien sûr, l’opportunité qui fut la source de leur relation amicale découlait d’une rencontre liée au travail. Mais au-delà de cet aspect, rien n’était relié au service militaire lors des évènements qui ont précédé l’agression sexuelle alléguée. Par exemple, ils ne travaillaient pas ensemble, ni dans la même ville. Ils étaient certes susceptibles de se croiser durant leur carrière, mais pas plus que d’autres militaires de métier ou d’occupation différente. La preuve devant la cour indique simplement que leur rencontre du 19 août 2011, était purement personnelle et dans un but social. La rencontre a eu lieu dans la résidence privée d’une tierce personne qui n’avait aucun lien avec le service militaire, sauf celle d’être la cousine du caporal Thibault. Peut-être que les faits sur lesquels l’agression elle-même se fonde pourraient fournir des éléments pertinents sur la suffisance d’un lien de connexité avec le service militaire, malheureusement, les seules informations pertinentes apparaissent au paragraphe 13 du sommaire conjoint des faits qui énonce ce qui suit :

 

« Au cours de la nuit, entre le 19 et 20 août 2011, l'événement présumé serait survenu selon le caporal A.B.G. Cet événement présumé fera l'objet de l'analyse par cette cour dans la présente affaire, à moins que le tribunal accueille la présente requête. »

 

[11]           Il aurait été possible pour la poursuite de fournir des éléments additionnels en réfutation de la fin de non-recevoir si elle le jugeait opportun. Elle ne l’a pas fait. Force est de constater que la preuve présentée ne permet pas d’affirmer que de telles circonstances sont suffisantes pour que cette infraction, par sa nature et par les circonstances de sa perpétration, soit susceptible en l’espèce d’influer sur le niveau général de discipline et d’efficacité des Forces canadiennes.

 

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[12]           ACCUEILLE la fin de non-recevoir aux termes de l’article 112.24 des ORFC.

 

ET

 

[13]           MET fin à l’instance.


 

Avocats :

 

Major G. Roy et Major P. Doucet, Service canadien des poursuites militaires

Répondants pour l'intimée, Sa Majesté la Reine

 

Me M. Morin, Service d'avocats de la défense

Avocat pour l'appliquant, caporal A.J. R. Thibault

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