Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of the trial: 14 September 2015.

Location: 8 Wing Trenton, building 22, 74 Polaris Avenue, Astra, ON.

Charges:

• Charge 1 (alternate to charge 2): S. 130 NDA, obstructs a peace officer in the execution of his duty (s. 129(a) CCC).
• Charge 2 (alternate to charge 1): S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.
• Charge 3 (alternate to charge 4): S. 130 NDA, obstructs a peace officer in the execution of his duty (s. 129(a) CCC).
• Charge 4 (alternate to charge 3): S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.

Results:

• FINDINGS: Charges 1, 3: A stay of proceedings. Charges 2, 4: Guilty.
• SENTENCE: A reprimand and a fine in the amount of $600.

Decision Content

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COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Laflamme, 2015 CM 3014

 

Date : 20150914

Dossier : 201511

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Trenton

Trenton (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef J.S.R. Laflamme, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Caporal-chef Laflamme, la cour martiale ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité relativement aux deuxième et quatrième chefs d'accusation figurant à l’acte d’accusation, par le fait même, vous déclare coupable de ces deux chefs. Considérant que le premier et le troisième chef d’accusation sont des infractions subsidiaires, la cour ordonne une suspension d’instance quant aux premier et troisième chefs d’accusation apparaissant aussi à l’acte d’accusation.

 

[2]               Maintenant il m’incombe à titre de juge militaire présidant la présente cour martiale de déterminer la peine à être infligée au caporal-chef Laflamme.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l'activité militaire au sein des Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir l’inconduite ou de façon plus positive à promouvoir la bonne conduite. C'est grâce à la discipline que les forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leur mission avec succès, de manière fiable et confiante. Le système veille également au maintien de l'ordre public et s'assure que les personnes assujetties au code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               Il faut garder à l’esprit que le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’imposer une sentence qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d’autres mots, toute peine infligée par le tribunal doit être individualisée et représenter l’intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental des théories modernes de la détermination de la peine au Canada.

 

[5]               Le procureur de la poursuite et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine à être infligée. Ils ont recommandé que la cour impose au caporal-chef Laflamme une réprimande et une amende au montant de 600 dollars. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait s’en écarter que lorsqu’il a des raisons impérieuses de le faire. Cela peut découler du fait que la peine n’est pas adéquate, qu’elle est déraisonnable, ou qu’elle va à l’encontre de l’intérêt public ou jette le discrédit sur l’administration de la justice, tel que mentionné dans l’arrêt de la Cour d’appel de la cour martiale R. c. Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21.

 

[6]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par la cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline par l’infliction de peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  protéger le public y compris les Forces canadiennes;

 

b)                  dénoncer le comportement illégal;

 

c)                  dissuader le contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d)                 isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société; et

 

e)                  réadapter et réformer les contrevenants.

 

[7]               Les peines infligées qui composent la sentence imposée par un tribunal militaire peuvent également prendre en compte les principes suivants :

 

a)                  la proportionnalité par rapport à la gravité de l'infraction;

 

b)                  la responsabilité du contrevenant et les antécédents de celui-ci;

 

c)                  l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peine semblable à celle infligée à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances similaires;

 

d)                 le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d'emprisonnement ou de détention qu'en dernier ressort comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada dans leurs décisions;

 

e)                  enfin, toute peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction et à la situation du contrevenant.

 

[8]               Je conclus que dans les circonstances particulières de l’espèce, et tel que suggéré par le procureur de la poursuite, que la peine doit viser surtout les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. Il faut se rappeler que la dissuasion générale ne vise pas seulement le contrevenant mais aussi dissuader tout autre militaire qui serait tenter de commettre des infractions similaires afin de décourager ces gens de les commettre.

 

[9]               Le caporal-chef Laflamme était un militaire qui s’est enrôlé en juin 1986 au sein de l’aviation dans la Force régulière qui est âgé actuellement de cinquante-deux ans. Je comprends que vous aurez bientôt cinquante-trois ans et vous avez un conjoint de fait depuis quelques années. Au moment des faits, le caporal-chef Laflamme était au sein des Forces canadiennes depuis vingt-six ans et il avait sa nomination de caporal-chef depuis 2009. La preuve indique qu’il a connu de nombreuses affections et plusieurs déploiements. Il a eu aussi de nombreux cours de métier et autre ainsi que plusieurs formations. Sur le plan disciplinaire, aucun incident n’est survenu sauf en 2009 sur un cours et il s’agit du déchargement d’une arme dans le cadre de ce cours-là qui s’est concrétisé par une négligence au bon ordre et à la discipline, une infraction portée en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale. Donc essentiellement, le caporal-chef Laflamme à part ce petit incident de parcours, est sans reproche sur le plan disciplinaire.

 

[10]           Les faits de la cause se sont déroulés dans la nuit du 4 au 5 février 2012, à la Base des Forces canadiennes Trenton, en Ontario. Le caporal-chef Laflamme était employé au 426e Escadron d’entrainement au transport de Trenton depuis le 24 juin 2009.

 

[11]           Deux policiers militaires, la caporale Ryan et le caporal Bains, effectuaient des contrôles près de la sortie de la base, dans le cadre d’un programme RIDE (Reduce Impaired Driving Everywhere), qui est un programme de prévention de la conduite en état d’ébriété. Ces deux policiers étaient des policiers militaires nommés en vertu de l’article 156 de la Loi sur la défense nationale. Ils étaient en service et vêtus de leur uniforme de patrouille de la police militaire.

 

[12]           Le 5 février 2012, peu après 1 h, la caporale Ryan a indiqué à deux véhicules de se ranger sur le terrain de parade de la base afin de s’adresser aux conducteurs. Le premier s’est immobilisé, mais le deuxième véhicule, celui du caporal-chef Laflamme, a ralenti mais par la suite, a repris la route en direction de la sortie de la base.

 

[13]           La caporal Ryan est donc montée dans son véhicule de police et a rejoint le véhicule du caporal-chef Laflamme qui était alors arrêté aux feux de circulation à la sortie de la base. Elle est sortie de son véhicule, s’est approchée de lui et s’est adressée à lui en anglais. Le caporal-chef Laflamme a atteint le plus haut niveau en ce qui a trait à l’interaction orale en anglais, c’est-à-dire le niveau « Exemption ». Il a toutefois choisi de s’exprimer en français. La caporale Ryan comprenait difficilement le français et elle ne saisissait pas les paroles du caporal-chef Laflamme, sauf lorsque ce dernier disait « non » et « pourquoi ».

 

[14]           La caporale Ryan a d’abord expliqué qu’elle effectuait des vérifications dans le cadre d’un programme RIDE. Elle n’a pas compris la réponse du caporal-chef Laflamme. La caporale Ryan a demandé au caporal-chef Laflamme s’il avait consommé de l’alcool et il a répondu « non ». Le caporal-chef Laflamme a mis la transmission de son véhicule en position « P », tel que demandé par la caporale Ryan. La caporale Ryan a demandé le permis de conduire du caporal-chef Laflamme et ce dernier lui a montré par l’ouverture de la fenêtre, en le tenant dans sa main. Lorsqu’elle a tenté de le prendre, le caporal-chef Laflamme a retiré sa main et le permis. Elle a de nouveau demandé le permis de conduire au caporal-chef Laflamme et ce dernier a répondu « non ».

 

[15]           Elle lui a donc demandé de sortir de son véhicule pour fournir un échantillon d’haleine et il a refusé. Elle a demandé l’assistance de son collègue, le caporal Bains. Lorsqu’il est arrivé sur les lieux, il s’est adressé en anglais au caporal-chef Laflamme. Et le caporal Bains ne parle pas français. Il s’est présenté et a demandé trois ou quatre fois au caporal-chef Laflamme de sortir de son véhicule. Ce dernier a répondu « non » et « pourquoi ». Le caporal-chef Laflamme est finalement sorti de son véhicule.

 

[16]           Le caporal Bains a demandé à trois ou quatre reprises le permis de conduire du caporal-chef Laflamme. Ce dernier a répondu « pourquoi ». Le caporal-chef Laflamme a ensuite montré son permis de conduire au caporal Bains. Il a tenté de le prendre mais caporal-chef Laflamme a retiré sa main et le permis. Les policiers militaires ont donc fait appel au service du répartiteur qui s’exprimait autant en français qu’en anglais. Le caporal Bains a demandé au répartiteur, qui était un commissionnaire à l’époque, de traduire ses propos au caporal-chef Laflamme.

 

[17]           Le caporal Bains a demandé au caporal-chef Laflamme de lui remettre son permis sinon il serait mis en état d’arrestation s’il n’obtempérait pas. Le caporal-chef Laflamme n’a pas obtempéré. Le caporal Bains a donc mis le caporal-chef Laflamme en état d’arrestation pour avoir refusé de s’identifier.

 

[18]           La mise en arrestation a été aussi un peu difficile car au moment où le caporal Bains a demandé au caporal-chef Laflamme de mettre les mains dans son dos, ce dernier a rendu la manœuvre un peu difficile et il a fallu deux paires de menottes pour attacher les mains du caporal-chef Laflamme dans le dos étant donné la rigidité de ses bras.

 

[19]           Le répartiteur est revenu rejoindre le policier militaire afin d’agir comme interprète dans les circonstances. En quittant son poste, le répartiteur ne pouvait plus répondre aux appels d’urgence au poste de police et il n’était pas en mesure de surveiller des écrans de caméras de sécurité et le panneau des indicateurs d’alarmes.

 

[20]           Le caporal-chef Laflamme a reçu l’ordre de fournir un échantillon d’haleine et il a en fourni un. L’appareil de détection a affiché le résultat « zéro ». Environ trois heures après son arrestation, le 5 février 2012, le caporal-chef Laflamme a été remis en liberté par l’officier réviseur de son unité avec l’unique condition de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite.

 

[21]           Maintenant, pour en arriver à ce qu’elle estime être une peine juste et appropriée, la cour a tenu compte des facteurs aggravants suivants :

 

a)                  D’abord, il y a la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé de deux infractions en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale qui est punissable par la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ou d’une peine moindre.

 

b)                  Il y a aussi la gravité subjective de l’infraction, et j’y vois deux éléments :

 

                                                  i.                  Il y a l’absence de respect dont vous avez fait preuve à l’égard des policiers militaires au moment de la commission des infractions. Le respect est une valeur fondamentale au sein des Forces canadiennes. Lorsque vous regarder le code d’éthique, c’est quelque chose qui est cité en premier. Je n’ai pas l’intention d’élaborer longuement parce que lorsque je regarde vos antécédents en tant que militaire, il apparait clair, pour moi, que vous avez une notion claire du respect. Vous avez su tout au long de votre carrière le démontrer sauf à ce moment-là. Puis vous comprendrez qu’un militaire qui n’agit pas de manière respectueuse va à l’encontre d’une de ces valeurs fondamentales auxquelles il doit adhérer. Vous avez refusé d’obtempérer à une demande d’un policier militaire qui représente une autorité et vous n’aviez pas de motif particulier pour le faire. C’est dans ces circonstances qui font en sorte que je dois retenir cet aspect, le manque de respect, comme un facteur aggravant dans les circonstances.

 

                                                ii.                  D’autre part, il y a votre âge et votre expérience comme militaire, et votre expérience de vie au moment de la commission des infractions. Vous avez décidé de ne pas être coopératif pour une raison qui est la vôtre et qui n’apparait pas clairement de la preuve. La raison fondamentale pour laquelle vous avez agi ainsi n’apparait pas, mais il est clair que ça vous appartient. Et le fait de ne pas être coopératif, compte-tenu de tout ce que vous connaissiez, compte-tenu de votre bagage, constitue, dans les circonstances, un facteur aussi aggravant. Tout simplement rappeler le fait que ce que vous avez sur la manche de votre uniforme, ce n’est pas un grade, c’est une nomination qui est donnée à des chefs, et dans ces circonstances-là, c’est ce qui aggrave un petit peu plus le tout.

 

[22]           Mais il y a aussi des facteurs atténuants que la cour retient et qui sont les suivants :

 

a)                  D’abord, il y a votre plaidoyer de culpabilité, qui à mon avis, est fait à la première opportunité. Ce sont des infractions, comme je l’ai mentionné auparavant, qui n’apparaissaient pas à l’acte d’accusation et maintenant qu’ils sont là, vous avez choisi d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité indiquant d’une part un signe clair et authentique de remords, mais plus particulièrement, le fait que vous assumez pleinement la responsabilité de vos actes que vous avez commis dans les circonstances.

 

b)                  Il y a le fait que vous avez fait l’objet d’une courte détention, déjà cet aspect-là rencontre l’objectif de dissuasion générale. Même si ça a été très court, ce n’est pas une expérience qui est nécessairement agréable, et dans ces circonstances, je crois que cette détention-là, même si elle était avant procès, doit être considérée.

 

c)                  Il y a le fait aussi que vous avez dû vous présenter devant cette cour martiale dans les circonstances, dans la dynamique particulière de cette cause, pour une deuxième fois. Une première fois pour les accusations auxquelles vous avez été trouvé coupable. Il s’agit quand même d’une deuxième fois vous vous retrouvez devant la cour martiale pour la même chose compte-tenu de la décision de la Cour d’appel de la cour martiale. Le fait de vous retrouver devant la cour, à mon avis, a un effet dissuasif non pas juste sur vous mais aussi sur tous les autres membres de votre communauté, tous les autres membres militaires et c’est un facteur dont je dois tenir compte parce que ça rencontre cet objectif-là de dissuasion générale.

 

d)                 Je note aussi qu’après presque trente ans de carrière, il s’agit d’un incident isolé qui dénote chez vous un comportement totalement inhabituel qui ne semble pas être quelque chose qui fait partie de vous et dans ce sens-là je retiens cet élément-là comme un facteur atténuant.

 

[23]           Compte-tenu de la nature de l’infraction, compte-tenu aussi des objectifs sur l’imposition d’une peine dont la cour tient compte, ainsi que des facteurs aggravants et atténuants que j’ai énumérés, la cour est prête à accepter la recommandation conjointe qui a été faite par les avocats quant à la peine à imposer au caporal-chef Laflamme.

 

[24]           Une réprimande et une amende constitue la peine actuellement imposée dans des circonstances similaires pour une infraction de cette nature. Évidemment, les avocats m’ont représenté le fait que précédemment le juge Perron, suite à une condamnation à des infractions similaires aux premier et troisième chefs d’accusation, vous avait imposé la même peine. Il m’apparait évident que les infractions pour lesquelles vous avez plaidé coupable en terme de gravité objective sont très similaires aux infractions pour lesquelles vous aviez été trouvé coupable et sur lesquelles la Cour d’appel de la cour martiale a ordonné un nouveau procès.

 

[25]           Il n’y a pas vraiment de disparité dans ces circonstances-là et dans le contexte je viens d’énoncer, je crois que cette peine-là est tout à fait raisonnable, la réprimande et l’amende au montant de 600 dollars. Cela ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et ne déconsidère pas l’administration de la justice, à mon avis.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[26]           CONDAMNE le caporal-chef Laflamme à une réprimande et une amende de 600 dollars.

 


 

Avocats :

 

Directeur des poursuites militaires tel que représenté par major J.S.P. Doucet

 

Maître M. Drapeau, avocat de la défense pour le caporal-chef J.S.R. Laflamme

 

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