Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of the trial: 4 September 2015.

Location: CFB Petawawa, building L-106, 48 Nicklin Parade Square, Petawawa, ON.

Charges:

• Charge 1: S. 90 NDA, absented himself without leave.
• Charge 2 (alternate to charge 3): S. 88 NDA, deserted.
• Charge 3 (alternate to charge 2): S. 90 NDA, absented himself without leave.

Results:

FINDINGS: Charges 1, 3: Guilty. Charge 2: A stay of proceedings.
SENTENCE: Imprisonment for a period of six days and dismissal from Her Majesty’s service. One day credited for each day served in pre-trial custody for a total of six days; no time to be served in imprisonment.

Decision Content

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COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Lavoie, 2015 CM 3013

 

Date : 20150904

Dossier : 201560

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 4e Division du Canada Petawawa

Petawawa (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat S.J. Lavoie, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Soldat Lavoie, la cour accepte et enregistre votre plaidoyer de culpabilité relativement aux premier et troisième chefs d’accusation figurant sur l’acte d’accusation, et ordonne une suspension d’instance sur le deuxième chef d’accusation considérant que ce chef-là est subsidiaire au troisième chef d’accusation.

 

[2]               Dans le contexte particulier d’une force armée, le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline et il est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité. Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les personnes justiciables du Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[3]               Ici en l’espèce, le procureur de la poursuite et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine à être infligée. Ils ont recommandé que la cour impose un emprisonnement pour une période de six jours assorti d’une destitution du service de Sa Majesté. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait pas s’en écarter que lorsqu’il a des raisons impérieuses de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la peine n’est pas adéquate, qu’elle est déraisonnable, qu’elle va à l’encontre de l’intérêt public ou qu’elle a pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice, tel que mentionné dans la décision de la Cour d’appel de la cour martiale R. c. Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21.

 

[4]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline. Le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’imposer une sentence qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d’autres mots, toute peine infligée par le tribunal doit être individualisée et représenter l’intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental des théories modernes de la détermination de la peine au Canada. Dans le cadre de sa décision, la cour doit considérer les objectifs suivants :

 

a)                  protéger le public y compris les Forces canadiennes;

 

b)                  dénoncer le comportement illégal;

 

c)                  dissuader le contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d)                 isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société; et

 

e)                  réadapter et réformer les contrevenants.

 

[5]               Les peines infligées qui composent la sentence imposée par un tribunal doivent également prendre en compte les principes suivants :

 

a)                  la proportionnalité par rapport à la gravité de l'infraction;

 

b)                  la responsabilité du contrevenant et les antécédents de celui-ci;

 

c)                  l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances similaires;

 

d)                 le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté, si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d'emprisonnement ou de détention qu'en dernier ressort comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale du Canada et la Cour suprême du Canada;

 

e)                  enfin, toute peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration des infractions et à la situation du contrevenant.

 

[6]               Je conclus que dans les circonstances particulières de l’espèce, la peine doit viser surtout les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale.

 

[7]               Le soldat Lavoie était d’abord et avant tout un membre de la Force de réserve jusqu’à son enrôlement dans la Force régulière le 28 août 2014. Il a été muté à l’effectif du 2e Régiment du génie de combat à la garnison Petawawa, Petawawa, Ontario.

 

[8]               Il appert de la preuve qu’il a été condamné à deux reprises : une première fois, pour une absence sans permission qui a eu lieu le 31 octobre 2014 jusqu’au 3 novembre 2014; une deuxième fois, pour une autre absence sans permission qui s’est déroulée durant la journée du 6 novembre 2014.

 

[9]               Le 21 avril 2015, le soldat Lavoie s’est absenté de son poste de travail alors qu’il devait s’y présenter cette journée-là et il est demeuré absent jusqu’au 22 avril 2015 à 18 h 27. Il n’avait aucune raison légitime ni autorisation lui permettant de s’absenter du 21 au 22 avril 2015.

 

[10]           Tel qu’il appert du témoignage de l’adjudant-maître Spence, lorsqu’il est revenu le 22 avril 2015, sa présence a été notée par l’ensemble des membres de l’unité puisqu’il est revenu dans le cadre de célébrations reliées à un anniversaire du Régiment.

 

[11]           Il s’est absenté de nouveau de son unité et de son lieu de travail à compter du 27 avril 2015. Et ce n’est que lors de son arrestation le 30 août 2015, à Saint-Hilaire, province de Québec, par la police locale, que son absence sans permission a cessé.

 

[12]           Durant toute cette période, le soldat Lavoie n’avait aucune raison légitime ni autorisation lui permettant d’agir ainsi. Il a pu faire l’objet d’une arrestation en raison d’un mandat d’arrestation émis le 27 avril 2015 par le commandant de l’unité, le lieutenant-colonel Gasparotto

 

[13]           En aucun temps, il appert de la preuve que le soldat Lavoie a fait un quelconque effort pour communiquer avec son unité ou les Forces armées canadiennes, à l’exception d’une seule fois où il a contacté le padre de l’unité au début du mois d’août 2015.

 

[14]           Durant sa deuxième période d’absence sans permission, le soldat Lavoie a travaillé comme manœuvre sur différents chantiers de construction dans la région de Montréal. Il entend déménager dans cette région et s’y trouver un travail rapidement lorsque le présent dossier et sa relation avec les Forces canadiennes comme membre de la Force régulière seront réglés.

 

[15]           Il est à noter que suite à son arrestation, le soldat Lavoie a acquiescé au fait de ne pas être remis en liberté afin de procéder plus rapidement dans cette affaire. Donc, le soldat Lavoie est en détention préventive depuis le 30 août 2015, soit pour une période de six jours.

 

[16]           Pour en arriver à ce qu’elle considère une peine juste et appropriée, la cour a tenu compte des facteurs atténuants et aggravants. Concernant ceux qui sont aggravants, la cour a retenu les suivants :

 

a)                  D’abord, il y a la gravité objective de l’infraction. Vous avez été accusé et reconnu coupable d’une infraction prévue à l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, soit absence sans permission. Cette infraction est passible d’un emprisonnement maximal de deux ans ou d’une punition moindre.

 

b)                  Il y a aussi la gravité subjective de l’infraction ou de ces infractions qui couvre, à mon avis, cinq aspects :

 

                                                  i.                  D’abord, il y a la nature même de vos gestes. Comme militaire, un des principes éthiques fondamentaux que l’on doit considérer est de faire passer l’intérêt des autres avant son intérêt personnel : l’intérêt de l’unité, l’intérêt de la mission avant ses intérêts personnels. Lorsque vous avez commis l’infraction, la preuve révèle que vous avez procédé à l’inverse de ce principe. Vous avez fait passer vos intérêts personnels avant ceux de votre unité, avant ceux des Forces canadiennes. Cela constitue un facteur aggravant car vous comprendrez qu’afin d’accomplir toute mission ou toute tâche, chacun des militaires qui sont formés au sein des Forces canadiennes se doit d’être fiable. Et vos gestes ont clairement démontré qu’on ne pouvait plus se fier à vous, et en ce sens, je vais donc considérer cela comme un facteur  aggravant.

 

                                                ii.                  D’autre part, il y a la durée des absences. Il est certain que la première absence constitue à peu près deux jours en totalité, mais la deuxième qui constitue une période de quatre mois et durant laquelle vous n’avez pas démontré un intérêt particulier pour faire cesser cette infraction-là fait en sorte que je dois considérer cela aussi dans le cadre de la détermination de la peine comme un facteur aggravant.

 

                                              iii.                  Il y a aussi les annotations apparaissant à votre fiche de conduite. Il y a deux annotations qui réfèrent à deux condamnations pour absences sans permission qui ont été commises au cours de l’automne passé. À l’intérieur d’une période d’une année, vous vous retrouvez avec quatre infractions d’absence sans permission. De plus, la fiche de conduite révèle la nature de ces condamnations. Vous avez eu des amendes mais aussi les amendes ont été assorties chaque fois d’une période, la première fois trois jours, la deuxième fois neuf jours, de confinement aux quartiers. Et le confinement aux quartiers, tel que je l’ai mentionné auparavant, prévoit une forme de réhabilitation et de restitution des valeurs qui sont propres et communes à l’ensemble des militaires au sein des Forces canadiennes. Et malgré ces douze journées au total, vous n’avez changé d’aucune manière votre comportement. Quant à moi, ces annotations-là et les faits qu’elles contiennent constituent aussi des faits aggravants, donc, que je dois considérer.

 

                                              iv.                  Comme je l’ai mentionné, une absence sans permission quatre fois en une seule année, c’est un geste qui à tout le moins je peux considérer répétitif. Ce ne sont pas des infractions de nature différente, c’est exactement la même nature et cela constitue encore une fois un autre facteur aggravant.

 

                                                v.                  Finalement, il y a aussi les circonstances qui parfois sont propres au monde militaire. Je dois dire que concernant la première infraction, et les circonstances décrites par l’adjudant-maître Spence à l’effet que quand vous êtes arrivé en retard, vous êtes arrivé en retard en présence de l’ensemble des membres de votre unité, je peux comprendre à un certain point que cela peut apparaître dans les circonstances comme un défi à l’autorité en place, un défi envers votre commandant d’unité, un défi envers vos superviseurs immédiats à l’effet que vous n’avez aucun respect pour la discipline. Malgré le fait que l’absence sans permission, en termes de gravité objective, ne constitue pas ce qu’il y a de plus grave dans le Code de discipline militaire, il s’agit d’une infraction qui vise à corriger quelque chose avant que des infractions plus graves  soient commises, comme la désobéissance à un ordre qui prévoit un emprisonnement à perpétuité comme peine maximale par exemple. Donc, l’insubordination, l’absence sans permission sont dans ce genre d’infractions qui est considéré un peu plus mineures que la désobéissance à un ordre mais qui est dans le même esprit. La façon dont cela s’est passé, je peux comprendre que pour les militaires qui étaient sur place, ils ont pu considérer votre geste comme une espèce de défi à l’autorité. Et je dois considérer ça aussi comme un facteur aggravant.

 

[17]           Il y a aussi certains facteurs atténuants que je retiens :

 

a)                  Le premier est votre plaidoyer de culpabilité à l’égard des deux infractions. Ce geste indique à la cour que vous prenez l’entière responsabilité de ce que vous avez fait en ce qui a trait à ces deux infractions.

 

b)                  De plus, je comprends que vous avez fait preuve de coopération une fois que vous avez fait l’objet d’une arrestation et que vous avez clairement indiqué aux autorités que vous vouliez régler cette question, et en ce sens, vous ne cherchez plus à vous évader, à aller ailleurs, mais simplement à faire face à vos responsabilités dans le monde militaire, et dans ce sens-là, je dois considérer ça comme un facteur atténuant.

 

c)                  Tel qu’il m’a été présenté aussi, votre âge, ainsi que le potentiel que vous avez pour demeurer un actif positif au sein de la société canadienne en général doivent être considérés. Il est clair que les faits démontrent que vous ne vouliez pas demeurer inactif ou devenir un poids pour la société même si vous aviez quitté temporairement votre lieu de travail au sein des forces, comme l’a exprimé votre avocat. Les faits semblent démontrer qu’il s’agit plus d’une question de s’adapter à la vie militaire dans le cadre de la Force régulière qu’autre chose qui fait en sorte que vous avez agi ainsi. Donc, vous demeurez avec un potentiel élevé pour vous réintégrer à la société et devenir un actif positif.

 

d)                 Un autre facteur que je cite souvent mais que je pense qui a son importance, est le fait que vous vous retrouvez aujourd’hui en cour martiale devant vos pairs. J’ai la conviction qu’une telle cour martiale a un effet dissuasif sur vous, parce que ce n’est pas nécessairement une expérience agréable et si j’y ajoute la détention plus la cour martiale, ça peut être perçu par les autres comme quelque chose aussi de dissuasif parce que je ne suis pas certain qu’ils voudraient se retrouver à votre place, et en ce sens-là, je considère ça aussi d’une certaine manière comme un facteur atténuant.

 

e)                  Il y a aussi le temps que vous avez passé en détention soit une période de six jours, et cela a une incidence sur l’objectif que je retiens pour la détermination de la peine, soit la dénonciation.

 

f)                   Vous comprendrez aussi que la peine suggérée va demeurer sur votre fiche de conduite et même si j’acceptais la suggestion des avocats, soit l’emprisonnement et la destitution, vous comprendrez que vous aurez un casier judiciaire même si vous êtes libéré des Forces canadiennes, puis cela c’est aussi un facteur dont je dois tenir compte parce que vous devrez prouver à la société pour une certaine période de temps que vous pouvez avoir un bon comportement et une bonne réputation et vous aurez l’habilité en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, après une certaine période de temps, de demander que votre casier judiciaire disparaisse, mais pendant cette période vous aurez un casier judiciaire et il ne faut pas en sous-estimer les conséquences dépendant des prochaines activités que vous aurez dans la société.

 

[18]           Ceci dit, il m’a été suggéré, d’abord et avant tout, de vous condamner à l’emprisonnement parce que, comme vous m’avez entendu, j’ai demandé des clarifications sur la suggestion qui m’a été faite et, d’abord et avant tout, je dois considérer si l’incarcération qui est une peine qui doit être infligée dans les cas de dernier recours seulement, devrait être considérée par cette cour

 

[19]           Je dois conclure qu’il n’y aura aucune autre sanction ou combinaison de sanctions autre que l’incarcération qui pourrait s’appliquer dans les circonstances. J’ai bien sûr relu avec attention les décisions de R. c. Estridge, 2013 CM 3003 et R. c. Heideman, 2013 CM 3004, des décisions qui ont été rendues le même jour dans deux cas différents qui impliquent aussi des militaires à Petawawa qui se sont absentés de manière répétitive de leur lieu de devoir.

 

[20]           J’ai aussi considéré la décision de  R. c. Lévesque, 2014 CM 3012, que j’ai rendue. Dans cette cause, il y avait une infraction d’absence sans permission combinée à celle de non-respect de certaines conditions de remise en liberté. La jurisprudence de manière générale dans le cas d’absences sans permission répétées considère la destitution du service de Sa Majesté comme une peine appropriée dans beaucoup de circonstances.

 

[21]           Ici, on me demande d’aller un peu plus loin, c'est-à-dire de considérer l’emprisonnement. Je dois dire que par rapport à l’ensemble de ces causes, si je considère l’objectif de dénonciation lui-même, c’est sûr que l’incarcération reflète clairement cet objectif, plus que la destitution, à mon avis. Et il y a certaines circonstances qui font en sorte que je dois de considérer sérieusement l’incarcération.

 

[22]           D’abord, parce que vous avez fait l’objet d’une condamnation à des confinements aux quartiers qui ne sont pas en soi, sur le plan juridique, de l’incarcération ou de la détention ou de l’emprisonnement, mais vous êtes quand même limité dans vos déplacements et vous faites l’objet d’un certain régime pour, comme je le disais auparavant, ré-instituer les valeurs militaires

 

[23]           Malgré le confinement aux quartiers, il appert de la preuve que vous n’avez eu aucune hésitation à vous absenter plus longtemps. De plus, lors de votre première absence, vous êtes revenu devant tous vos pairs. Parfois, lorsqu’un militaire s’absente, l’impact est plus limité. Mais votre retour, dans les circonstances, était presqu’un défi à l’unité et à votre commandant. Et je considère cela comme un facteur à considérer sous l’angle de la dénonciation de votre geste et du geste suivant qui était le fait que vous êtes parti et la preuve démontre que vous aviez clairement l’intention de faire autre chose.

 

[24]           Ce n’est pas de la désertion, mais il n’en reste pas moins que vous vous êtes absenté pour une longue période. Il est en preuve que vous n’avez fait aucun effort pour revenir à l’unité ou indiquer à quel endroit vous étiez ou à tout le moins indiquer ce qui se passait avec vous.

 

[25]           Il n’en reste pas moins que ces facteurs aggravants augmentent la nécessité de dénoncer les gestes que vous avez faits par rapport à d’autres situations d’absence sans permission qui impliquent une période prolongée d’absence de deux, trois, ou quatre mois.

 

[26]           Et il y a aussi l’aspect répétitif sur une courte période. Ça aussi ça doit être dénoncé

 

[27]           J’ai aussi fait face à des situations dans certaines causes où on pouvait comprendre qu’il y avait peut-être un problème de santé mentale, qu’il y avait un problème de circonstances personnelles, mais après avoir été totalement inactif pendant une période de quatre à cinq mois sur une période d’un an au sein de la Force régulière en raison de vos gestes et de vos décisions, il est clair que vous avez fait passer vos intérêts personnels avant ceux de votre unité contrairement aux valeurs d’éthique des Forces canadiennes. La situation commande que l’objectif de dénonciation soit bien rencontré, et pour cela ait lieu, à mon avis, la suggestion d’incarcération doit être acceptée.

 

[28]           Ceci dit, évidemment, il y a la question du type d’incarcération. Je ne crois pas que la détention, dans les circonstances de l’espèce, aurait une quelconque valeur puisqu’elle a les mêmes objectifs que le confinement aux baraques, même si cela ne se passe pas dans le même environnement, mais ce qu’on fait c’est de ré-instituer les valeurs fondamentales chez les militaires et sur la base de ce qui m’a été démontré à la cour, on n’a pas réussi, à ce jour, à vous faire comprendre que l’intérêt de l’unité passe avant votre intérêt personnel. Cela ne veut pas dire que vous ne le comprenez pas, mais jusqu’à ce jour, ce n'est pas quelque chose qui m’a été démontré.

 

[29]           Donc la détention, d’après moi, n’aurait aucune pertinence et l’emprisonnement constituerait la seule peine appropriée. Et compte tenu de l’ensemble des circonstances et particulièrement du principe de l’objectif de détermination de la peine qu’est la dénonciation, et quand je regarde aussi l’ensemble de la jurisprudence en matière semblable, et tenant compte des circonstances aggravantes et atténuantes, j’en conclus qu’il n’y a aucune autre sanction ou combinaison de sanctions que l’emprisonnement qui pourrait constituer la peine la moins sévère, nécessaire et appropriée en l’espèce.

 

[30]           Donc, je suis prêt à accepter la suggestion d’emprisonnement qui m’a été faite par les avocats. Maintenant, ce qu’on me suggère, dans les circonstances, c’est que ça ne nécessite pas une longue période d’emprisonnement. Selon les avocats, une courte période d’emprisonnement serait appropriée et serait quelque chose qui reflèterait le temps que vous avez passé en détention préventive et qui rencontrerait les différents objectifs et principes que j’ai retenus

 

[31]           Je dois dire que je suis d’accord avec eux. Vous m’avez entendu m’exprimer quant à la différence qui existe entre la détention préventive et la détention suite à une condamnation. Je crois que, dans les circonstances, considérant les faits avec la détention préventive dont vous avez fait l’objet pour une période de six jours, l’emprisonnement pour une période de six jours est une suggestion que je me dois d’accepter dans les circonstances.

 

[32]           Maintenant, j’ai aussi exprimé le fait que la loi permet, particulièrement l’article 140.1 de la Loi sur la défense nationale, à un juge dans le cadre où une condamnation à l’emprisonnement de moins de deux ans est prononcée, de prononcer aussi la destitution du service de Sa Majesté.

 

[33]           Quant à moi, je crois qu’il est nécessaire dans les circonstances que la peine d’emprisonnement soit assortie de cette peine-là, que je vous impose la peine de destitution du service de Sa Majesté. La destitution vise à refléter l’autre objectif, la dissuasion générale. Toute personne qui aurait un comportement semblable au vôtre, malheureusement, démontre le fait qu’on ne peut plus lui faire confiance. La destitution, c’est exactement cela.

 

[34]           Cela peut être utilisé dans le cas où, par exemple, une personne occupe une fonction ou un grade où on s’attend de lui un niveau de confiance assez élevé et qu’il a déçu de manière claire et qu’on sait qu’on ne pourra plus jamais lui faire confiance. Il y a d’autres circonstances, comme l’absence sans permission, où quel que soit le grade du contrevenant, il faut se poser la question est-ce que du point de vue militaire on peut encore lui faire confiance compte tenu de son comportement?

 

[35]           La destitution du service de Sa Majesté illustre exactement ce fait. Je crois qu’on en est rendu à un point, compte tenu de vos nombreuses absences sur une courte période, où vous n’êtes plus fiable d’un point de vue militaire. Ça ne veut pas dire, quand je dis cela, que je considère que vous n’êtes pas un individu fiable.

 

[36]           Je comprends que c’est un environnement militaire et vous avez peut-être démontré à d’autres employeurs qu’au contraire vous êtes tout à fait fiable et motivé, parce qu’il y a une question de motivation pour démontrer qu’on est fiable. Vous avez démontré à votre unité et aux militaires qui vous entourent clairement que vous n’avez plus aucune motivation personnelle à demeurer au sein des Forces canadiennes, qu’à la moindre occasion vous ne serez pas là. Cela a un impact temporaire sur les opérations de l’unité, ça ne m’a pas été démontré que ça a eu un impact sérieux ou majeur, mais c’est sûr et certain que ce genre de situation impose à l’unité à chaque fois de se réorganiser au niveau de ses opérations.

 

[37]           En ne sachant pas si les soldats vont être là ou non rend difficile, pour tout supérieur, l’accomplissement d’une tâche. À la fin, logiquement, la seule réponse que vous pouvez donner à vos supérieurs quand vous avez des soldats sur qui vous ne pouvez pas vous fier c’est «  je ne sais pas si je serai en mesure d’accomplir ce que vous me demandez » ce qui est totalement inacceptable compte tenu de la nature même des Forces armées canadiennes. Il faut que les militaires et les citoyens, qui ne sont pas militaires mais qui mettent de l’argent là-dedans et qui mettent certains espoirs, sachent qu’ils peuvent à tout le moins se fier à leurs militaires. Alors la destitution sert à dissuader toute personne qui aurait un tel comportement comme le vôtre à y réfléchir deux fois avant de refaire la même chose.

 

[38]           Donc, quant à moi, je suis prêt à accepter cette suggestion qui m’a été faite de vous condamner à l’emprisonnement pour une période de six jours, à créditer la période de détention préventive de six jours, ce qui fait — contre cette période de six jours d’emprisonnement ce qui ferait en sorte que vous n’auriez plus aucune autre journée à purger en termes d’emprisonnement et d’assortir cette condamnation d’une peine de destitution du service de Sa Majesté.

 

[39]           Étant donné que cette peine ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice donc je suis prêt à accepter cette recommandation conjointe faite par les avocats.

 

[40]           La seule chose que je peux ajouter est le fait qu’il m’appert que vous avez pris conscience des conséquences de vos gestes, puis vous avez décidé de faire face à vos responsabilités, et c’est tout en votre honneur. Ça vous permettra, à ce que je comprends, de tourner la page; ça permettra, en termes disciplinaires, à votre unité aussi de savoir à quoi s’en tenir puis aussi de tourner la page. Et, j’espère qu’au niveau de l’unité, les gens comprendront bien, sur un plan individuel, que c’est un comportement qui ne peut être toléré d’aucune manière au sein de l’unité. Et je demeure confiant, malgré le peu de preuve que j’ai eue à ce sujet, puis ça c’est une décision que vous faites conjointement avec votre avocat, mais je demeure convaincu que vous êtes un excellent individu et que vous serez en mesure de réintégrer la société de manière positive et de trouver votre voie. Je vous souhaite d’être en mesure de trouver un domicile fixe, de trouver de l’emploi et de vous retrouver là-dedans personnellement parce que cette cour martiale elle met fin, vous comprendrez, à toutes ces péripéties.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[41]           CONDAMNE le soldat Lavoie à l’emprisonnement pour une période de six jours et à la destitution du service de Sa Majesté.

 

ET

 

[42]           CRÉDITE la période de détention préventive de six jours.

 

 


 

Avocats :

 

Directeur des poursuites militaires tel que représenté par Major P. Rawal et Major C. Walsh

 

Major B. Tremblay et Major A. Gélinas-Proulx, avocats de la défense pour soldat S.J. Lavoie

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