Courts Martial

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COUR MARTIALE

Citation : R. c. Soldat D. Thériault, 1998 CM 22

Date : 9 octobre 1998

Dossier : V199822

Cour martiale permanente

Courcelette, Québec, Canada

Base des Forces Canadiennes Valcartier

Sa Majesté La Reine, poursuivante

- et -

Soldat D. Thériault, accusé

Devant : Colonel G.L. Brais, J.M.

Avis

Cette cause fait l'objet d'une ordonnance interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit l'identité de la plaignante ou des renseignements qui permettraient de la découvrir.

VERDICT

(Oralement)

[1]                    La cour trouve l'accusé non coupable des quatre chefs d'accusation. Assoyez-vous.

[2]                    La preuve présentée devant cette cour depuis mardi n'a pas réussi à convaincre la cour hors de tout doute raisonnable de l'existence de tous les éléments essentiels tels qu'allégués dans ces quatre chefs d'accusation.

[3]                    Il ne faudrait pas comprendre toutefois, que ce verdict est une reconnaissance même implicite que les incidents du 29 juin et du 4 juillet 97 à la piscine extérieure de la Base des Forces canadiennes de Valcartier, rapportés par les quatre adolescentes qui ont témoigné devant cette cour, ne se sont pas produits. Il y a eu de la part de l'accusé des gestes et des paroles inappropriés et intolérables de la part d'un militaire, peu importe son âge, envers des jeunes de 12 et 13 ans.

[4]                    Au premier chef d'accusation, la cour n'a pas été convaincue hors de tout doute raisonnable que lors de ces conversations avec les adolescentes, l'accusé était en position d'autorité ou de confiance vis-à-vis Y. et X.. Selon la preuve présentée, les fonctions de l'accusé le 4 juillet 97 étaient de percevoir de l'argent, soit deux dollars, ou la carte de membre des personnes qui fréquentaient la piscine extérieure de la Base des Forces canadiennes de Valcartier. Et à leur départ, dans le cas des détenteurs de carte, l'accusé devait leur remettre ces cartes. En plus, après avoir complété l'entretien, soit le ménage de l'édifice, l'accusé était responsable de voir à la fermeture à clef des portes de l'édifice.

[5]                    La cour a déduit de la présence des sauveteurs lors de la baignade et de l'absence de responsabilité de l'accusé vis-à-vis des usagers une fois entrés sur le site, que c'était les sauveteurs qui étaient responsables des personnes utilisant la piscine et non l'accusé.

[6]                    La décision de la Cour suprême du Canada dans Audet à laquelle les deux parties ont fait référence a fourni des éléments précieux sur la signification qui doit être donnée aux mots "en situation d'autorité ou de confiance" utilisés dans le premier chef qui est porté sous l'article 153 (1) b) du Code criminel du Canada. Des remarques du juge La Forest, la cour a retenu que le rapport entre un adulte et un adolescent que le législateur a voulu définir par cette expression est bien celui où l'adolescent se retrouve dans une position de vulnérabilité ou de faiblesse face à cet adulte. Comme on l'a dit, le professeur, le parent, l'entraîneur sportif sont facilement identifiables comme des personnes qui peuvent se trouver en situation d'autorité et de confiance en rapport avec les adolescents avec qui ils ont des relations. Dans d'autres cas moins évidents, il faut procéder à une analyse approfondie des circonstances particulières à la situation de faits impliquant un adulte et un adolescent.

[7]                    Comme l'a dit le juge Blair dans l'affaire P.S. et dont les paroles sont rapportées par le juge La Forest dans la décision Audet :

Lorsque la nature de la relation entre un adulte et un adolescent est telle qu'elle permet que tous les facteurs de persuasions et d'influence qui interviennent entre les adultes et les enfants ou les adolescents entrent en jeu, et que l'enfant ou l'adolescent est particulièrement vulnérable à l'influence de ces facteurs, l'adulte est dans une situation où les concepts de fiabilité, de sincérité et de force sont mis à l'épreuve. Globalement, ces facteurs créent une « situation de confiance » vis-à-vis de l'adolescent.

[8]                    En appliquant ce raisonnement aux circonstances de la relation qui existait entre l'accusé et Y. et X., la cour devait considérer que le rôle de l'accusé se limitait à ramasser les cartes des usagers de la piscine ou l'argent de ceux qui n'avaient pas de carte du service des Loisirs; à remettre les cartes aux détenteurs au moment de leur départ; et, à fermer l'édifice de la piscine à 20 heures après en avoir fait le ménage. Il n'apparaît pas qu'il avait d'autres responsabilités auprès des usagers dans l'enceinte de la piscine comme, par exemple, l'exercice d'un contrôle quelconque sur les allées et venues des usagers une fois qu'ils avaient pénétré dans l'enceinte de la piscine.

[9]                    Dans le contexte des événements tels que rapportés, la cour n'est pas satisfaite hors de tout doute raisonnable que l'accusé, du fait de sa position à la piscine, était en situation d'autorité ou de confiance par rapport aux deux adolescentes. Comme cette situation d'autorité ou de confiance est un élément essentiel dans une infraction d'exploitation sexuelle, l'absence de preuve sur cet élément a été fatale à ce chef d'accusation.

[10]                Au deuxième, troisième et quatrième chef d'accusation. Comme l'a soumis le procureur de la défense, la cour n'a pas pu être convaincue hors de tout doute raisonnable que lorsque l'accusé s'acquittait de ses tâches à la piscine de la base, il accomplissait là un devoir militaire et ce, nonobstant le fait qu'il exécutait ses tâches au lieu de celles d'artilleur du Xe Régiment d'Artillerie légère du Canada comme cela aurait dû normalement se produire. Comme on l'a dit, aucune parade; aucun port d'uniforme ou d'arme; un horaire de quatre jours de travail suivi de quatre jours de repos; une supervision exécuté par un militaire qui lui non plus n'a pas à porter son uniforme très souvent, rien qui semble bien militaire dans tout ça.

[11]                Mais il y a plus. Aucune preuve n'a été présentée par la poursuite à l'effet que cette piscine, à part du fait qu'elle soit située sur la Base de Valcartier, ait une utilité militaire quelconque, aucune preuve qu'elle soit fréquentée par des militaires pour fins de récréation ou encore mieux, pour fins d'exercice ou pour fins d'entraînement au moment où l'accusé y exerçait ses fonctions durant l'été 97. De fait, la seule preuve offerte est à l'effet que des dépendants, en possession de cartes du service des loisirs et d'autres personnes demeurées non identifiées pour un montant de deux dollars, l'utilisaient de juin à septembre. Alors, la cour s'est demandée de quelle façon on utilisait les services d'un membre des Forces canadiennes dans le cadre d'une activité qu'on a décrite comme faisant partie des activités des Fonds non-publics de la base. Aurait-on pu démontrer de façon convaincante que de telles fonctions étaient de nature militaire? Peut-être, mais on ne l'a pas fait. La seule combinaison du statut de membre des Forces canadiennes de l'accusé et du fait que la piscine ait été située sur une base militaire ne suffisent pas pour rendre ce devoir "militaire" au sens où l'expression est utilisée dans les trois chefs d'accusation. On pourrait même ajouter d'ailleurs, qu'on peut mettre en doute, en l'absence d'autres preuves, la capacité d'un tribunal militaire de trouver l'accusé coupable de négligence dans l'exécution de ses tâches sous l'empire de l'article 124 de la Loi sur la défense nationale, c'est-à-dire, par exemple, d'avoir mal nettoyé les vestiaires de la piscine si on portait cette accusation. Il faudrait qu'on fasse la preuve hors de tout doute raisonnable qu'il s'agissait d'une tâche militaire.

[12]                La Cour d'Appel des Cours Martiales dans l'affaire Brocklebank a décrit le devoir militaire comme étant une obligation qui est créée par la loi, un règlement, un ordre d'un supérieur ou une règle émanant du gouvernement ou du chef d'état major de la défense. En révisant le droit sur ce point, il semble clair que la Cour d'Appel était d'avis que seuls les devoirs proprement militaires peuvent tomber sous le coup de l'article 124 de la Loi sur la défense nationale. De la même façon, la NOTE (F) sous l'article 103.16 des Ordonnances et Règlements royaux des Forces canadiennes indique bien que l'expression « service militaire » que l'on traduit en anglais par les mots « military duty » se rapporte à des actes militaires, fonctions militaires, application aux règlements militaires, bien-être des troupes ou tout autre aspect reconnu de la vie militaire et comprend même la notion de tradition militaire. On n'a présenté aucune preuve à cet effet durant ce procès.

[13]                Le défaut par la poursuite de démontrer hors de tout doute raisonnable un des éléments essentiels de ces trois chefs d'accusation suffit pour résulter en un verdict de non culpabilité. En concluant que les tâches de l'accusé à la piscine de la base le 29 juin et le 4 juillet 97 ne constituaient pas un devoir militaire, la cour n'a pu appliquer au comportement de l'accusé la notion de préjudice au bon ordre et à la discipline au sens où ce concept est défini à la NOTE (C) de l'article 103.60 des Ordonnances et Règlements royaux des Forces canadiennes.

[14]                Si l'accusé a pu se livrer à des gestes et prononcer des paroles inacceptables envers des adolescentes de 12 et 13 ans, il n'a pas été démontré que cela s'était produit dans le cadre de l'exécution d'un devoir militaire, ce qui aurait vraisemblablement amené sa conduite sous l'empire des Ordonnances administratives des Forces canadiennes - pardon, Ordres administratives des Forces canadiennes 19-36 et 19-39 sur l'inconduite à caractère sexuel et le harcèlement.

[15]                Alors, pour ces raisons donc, et pour ces raisons précises, la cour en est arrivée à ce verdict de non culpabilité.

[16]                Les procédures de cette cour martiale en rapport avec l'accusé Thériault sont maintenant terminées. Donnez-lui son chapeau. Saluez la cour et sortez.

Avocats :

Major J.B. Cloutier, Assistant du juge-avocat adjoint Valcartier, Avocat de la poursuivante

Lieutenant-colonel D. Couture, Direction des services juridiques/Défenses, Avocat du soldat D. Thériault

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