Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of the trial: 7 March 2017

Location: Military Armoury of 4 R22eR Laval, room Chaballe, 2100 le Carrefour Boulevard, Laval, QC

Charges:

Charges 1, 2: S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.

Results:

FINDINGS: Charge 1: Guilty. Charge 2: Withdrawn.
SENTENCE: A fine in the amount of $600.

Decision Content

Warning : this document is available in French only.

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Paquette, 2017 CM 4004

 

Date : 20170307

Dossier : 201610

 

Cour martiale permanente

 

Manège militaire du 4e Bataillon, Royal 22e Régiment

Laval (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal S.J.V. Paquette, contrevenant

 

 

Devant : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Caporal Paquette, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité sur le premier chef à l’acte d’accusation, la Cour vous déclare coupable de ce chef en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN), pour comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, consistant en des paroles que vous avez prononcées à l’effet que les normes contre le harcèlement ne s’appliquaient pas à vous.

 

Une recommandation conjointe est présentée à la Cour

 

[2]               Il est maintenant de mon devoir d’imposer la sentence. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe à la Cour, me demandant d’imposer une amende au montant de 600 dollars.

 

[3]               Cette recommandation conjointe limite significativement ma discrétion en ce qui a trait à la détermination de la peine. Bien qu’ultimement je doive seul exercer le pouvoir discrétionnaire de déterminer la sentence, je ne peux écarter une recommandation conjointe que si j’ai de sérieux motifs de le faire. La Cour suprême a précisé récemment dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 qu’un juge présidant un procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la sentence proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public.

 

[4]               Bien qu’il soit de mon devoir d’évaluer si la recommandation conjointe qui m’est présentée est acceptable, le seuil que cette recommandation doit atteindre pour que je la rejette est indéniablement élevé — à juste titre, considérant les multiples considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de toute peine conjointement recommandée. En effet, dans ces cas, la poursuite accepte de recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, minimisant ainsi le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour ceux qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion de commencer à reconnaître leurs torts. Les recommandations conjointes sont également dans l’intérêt des victimes, des témoins et de l’administration de la justice en général en faisant économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Le plus important avantage est la certitude qu’offrent les ententes menant à des recommandations conjointes. Celles-ci sont attrayantes non seulement pour l’accusé, mais également pour la poursuite qui désire obtenir ce que le procureur estime être un règlement approprié de l’affaire dans l’intérêt public.

 

[5]               Ceci étant dit, même si la certitude quant au résultat est importante pour les parties, ce n’est pas l’objectif ultime du processus de détermination de la peine. Je dois également garder à l’esprit les objectifs disciplinaires du Code de discipline militaire en m’acquittant de mes responsabilités. Tel que mentionné par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, la raison d’être d’une cour martiale, en tant que tribunal militaire, est entre autres de permettre aux Forces armées canadiennes (FAC) de s'occuper des questions qui touchent directement le maintien de la discipline, l'efficacité et le moral des troupes. Les cours martiales permettent de faire respecter la discipline efficacement. La sentence est la culmination du processus disciplinaire suite à un procès ou un plaidoyer. C’est la seule occasion pour la Cour de traiter des besoins disciplinaires générés par la conduite du contrevenant et ce, sur un établissement militaire, devant public incluant plusieurs membres de l’unité du contrevenant ainsi que, de plus en plus, en présence de victimes.

 

[6]               La détermination de la peine dans le cadre d’un procès en cour martiale comporte donc un aspect disciplinaire important. Pour fixer une sentence, je dois être guidé par l’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), qui prévoit que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. Lorsqu’une recommandation conjointe est soumise à la cour, le juge militaire doit s’assurer, au minimum, que les faits pertinents à la situation du contrevenant et à la perpétration de l’infraction soient non seulement considérés mais également expliqués adéquatement dans ses motifs relatifs à la peine, conformément à ce que la Cour suprême a énoncé au paragraphe 54 de l’arrêt R. c. Anthony-Cook.

 

Éléments considérés

 

[7]               Lors de l’audience, le procureur a lu à voix haute un bref sommaire conjoint des faits et circonstances. Il a de plus présenté les documents prévus à l’ORFC 112.51. La Cour a également considéré les plaidoiries des avocats au soutien de leur recommandation conjointe sur la peine. Je suis d’avis que dans le contexte d’une soumission conjointe des procureurs, ces représentations, ainsi que la preuve, me permettent d’être suffisamment informé pour rencontrer les exigences des ORFC voulant que je tienne compte de toute conséquence indirecte de la sentence et que j’impose une peine qui soit proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

Le contrevenant

 

[8]               En ce qui concerne, d’abord, le contrevenant. La Cour tient compte du fait que le caporal Paquette est âgé de 23ans. Il s’est joint à la Force de réserve en septembre 2011 dans le métier de fantassin. Il a réussi sa qualification militaire de base en janvier 2012 et s’est qualifié dans le métier de fantassin lors d’une période d’instruction de 66 jours en service de réserve de classe « B » à Valcartier au cours de l’été 2012. Depuis ce temps, il a servi en service de classe « A » au sein du 4e Bataillon du Royal 22e Régiment (Châteauguay) occupant diverses positions à temps partiel. Le caporal Paquette occupe un emploi civil en tant qu’ingénieur civil junior.

 

L’infraction

 

[9]               Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction qui, telle que prévue à l’article 129 de la LDN, est passible au maximum d’une peine de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

[10]           Les faits relatifs à la perpétration de l’infraction sont révélés par le sommaire des circonstances et des faits lu par le procureur de la poursuite et accepté comme étant véridique par le caporal Paquette. Les circonstances de l’infraction ont été expliquées de manière extrêmement succincte. Essentiellement, le caporal Paquette a assisté à une formation sur le harcèlement le 9 mai 2015 à son unité à Laval. Dans le cadre d’un BBQ suivant la formation, le caporal Paquette aurait dit à un autre militaire qu’il se sentait visé par ce qui avait été discuté, mais qu’il s’en foutait, suggérant que les normes contre le harcèlement ne s’appliquaient pas à lui. En indiquant de façon méprisante à un autre militaire qu’il n’accordait pas d’importances aux normes applicables en matière de harcèlement, après avoir reconnu qu’elles s’appliquaient clairement à certains de ses comportements déplacés, le caporal Paquette s’est comporté de manière préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

Facteurs aggravants

 

[11]           La Cour considère comme aggravante, dans les circonstances de cette affaire, la gravité subjective de l’infraction. Bien que les propos attribués au caporal Paquette ont été prononcés lors d’un évènement social, ces mots ont été exprimés à un autre militaire, sur les lieux du travail. Ces paroles suggèrent un manque de respect pour une directive administrative visant à éviter et à agir dans les cas de harcèlement, manifestement un sujet important au sein des FAC, considérant la tenue de séances d’information et de mise à jour régulières. Dans les circonstances, un tel comportement ne peut avoir pour effet que de nuire à la cohésion et au moral au sein de l’unité. De plus, considérant que la politique sur le harcèlement constitue un ordre du chef d’état-major de la défense (CEMD), les propos dénigrants tenus par le caporal Paquette constituent une forme d’insubordination. L’infraction reflète un manque de discipline personnelle, une qualité pourtant requise pour quiconque désire contribuer positivement à toute organisation et dans tout emploi.

 

Facteurs atténuants

 

[12]           La Cour a également considéré les facteurs atténuants suivants, tels que mentionnés aux plaidoiries de l’avocat de la défense:

 

a)                  Tout d’abord, le plaidoyer de culpabilité du contrevenant, que la Cour considère comme étant une indication de ses remords, et la preuve qu’il accepte la responsabilité pour ses gestes et ce, en public dans le cadre de cette cour martiale. Je prends note du fait que le caporal Paquette reconnait que son comportement était inapproprié et s’en excuse. 

 

b)                  Deuxièmement, force est de constater, à la lumière de ce qui m’a été dévoilé, que les propos déplacés du caporal Paquette n’étaient pas prémédités ni réfléchis;

 

c)                  Troisièmement, le fait que le caporal Paquette n’a pas de fiche de conduite ni de condamnation criminelle à son dossier;

 

d)                 Quatrièmement, je considère comme étant atténuant le délai depuis les infractions, durant lequel le caporal Paquette s’est réformé et a affiché un rendement et un comportement irréprochable dans le cadre de son service au sein de la Force de réserve;

 

e)                  Finalement, j’ai considéré le potentiel du contrevenant, qui, à l’âge de 23 ans, peut continuer à contribuer à la société canadienne autant dans une capacité militaire que civile, dans le domaine du génie civil ou autre.

 

Objectifs de détermination de la peine devant être privilégiés dans cette affaire

 

[13]           Je suis venu à conclure que, dans les circonstances de la présente affaire, l’imposition de la sentence devrait cibler des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale, la peine à être imposée devant dissuader d’autres personnes qui, dans une situation similaire, pourraient songer à commettre le même type d’infraction.

 

Évaluation de la recommandation conjointe

 

[14]           Tel que mentionné précédemment, pour établir la peine appropriée dans la présente affaire, je dois en tout premier lieu évaluer la recommandation conjointe des avocats et son impact. En effet, la poursuite et la défense ont conjointement recommandé que cette Cour impose une amende de 600 dollars, de manière à rencontrer les exigences d’administration de la justice. Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, je dois appliquer le critère promulgué récemment par la Cour suprême à l’effet qu’un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public.

 

[15]           En tant que juge militaire, la question que je dois déterminer n’est pas si j’aime la peine qui m’est conjointement recommandée ou si j’avais pu arriver à quelque chose de mieux. En effet, le seuil que cette recommandation doit atteindre pour que je la rejette fait en sorte que toute opinion autre que je pourrais avoir sur ce qui constituerait une sentence adéquate n’est pas suffisante pour me permettre de rejeter la recommandation conjointe qui m’a été faite.

 

[16]           La Cour suprême a fixé un seuil aussi élevé pour écarter des recommandations conjointes de manière à ce que leurs indéniables avantages ne soient pas compromis. Les avocats de la poursuite et de la défense sont bien placés pour en arriver à une recommandation conjointe qui reflète tant les intérêts du public que ceux de l’accusé. En principe, ils connaîtront très bien la situation du contrevenant et les circonstances de l’infraction, ainsi que les forces et les faiblesses de leurs positions respectives. Le procureur militaire est chargé de représenter les intérêts des autorités militaires et de la collectivité civile pour faire en sorte que justice soit rendue. On exige de l’avocat de la défense qu’il agisse dans l’intérêt supérieur de l’accusé, et il doit notamment s’assurer que le plaidoyer de celui-ci soit donné de façon volontaire et éclairée. Les avocats représentant les deux parties sont tenus, sur le plan professionnel et éthique, de ne pas induire la Cour en erreur. Bref, ils sont entièrement capables d’arriver à des règlements équitables et conformes à l’intérêt public.

 

[17]           Pour décider si une recommandation conjointe déconsidérerait l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public, je dois me demander si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale. En effet, comme tout juge devant examiner une recommandation conjointe, je dois éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable, incluant les membres des FAC, sa confiance dans l’institution des tribunaux, incluant la cour martiale.

 

[18]           Je suis d’avis qu’une personne raisonnable et renseignée sur les circonstances de ce dossier s’attendrait à ce qu’un contrevenant admettant sa culpabilité à une accusation d’avoir tenu des propos méprisants relativement à l’application d’une politique aussi importante que celle applicable au harcèlement soit sanctionné par une peine qui exprime la désapprobation pour le manquement disciplinaire reflété par l’infraction, en plus d’avoir un impact personnel direct sur le contrevenant. L’imposition d’une amende est cohérente avec ces attentes légitimes.

 

[19]           En considérant la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, les principes d’imposition de la peine applicable, et les facteurs atténuants et aggravants que j’ai mentionnés précédemment, je ne suis pas en mesure de conclure que la sentence recommandée conjointement par les procureurs est déraisonnable ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Je dois donc accepter de l’entériner.

 

[20]           Caporal Paquette, les circonstances de l’infraction à laquelle vous avez reconnu votre culpabilité révèlent un comportement inacceptable, ce que vous semblez reconnaître. Je n’ai pas l’intention de vous imposer une remontrance parce que je n’ai simplement pas assez d’information pour juger à quel point vos paroles reflétaient le fond de votre pensée. Je peux vous dire une chose par contre, c’est que le harcèlement en milieu de travail est une réelle préoccupation dans notre société, autant au niveau civil que militaire. Les personnes qui traitent de cette question de manière désinvolte, en mots ou en action, sont sujet à se faire sérieusement remettre à leur place avec des conséquences souvent catastrophiques sur leur carrière, leur réputation et leur vie personnelle. Je souhaite que vous ayez appris une leçon des évènements de mai 2015 et que vous soyez déterminé à ce qu’on ne vous reprenne jamais plus en défaut pour toute question reliée au harcèlement. De cette façon, vos qualités pourront vous permettre de vraiment maximiser votre contribution à la société, au niveau professionnel dans le civil et possiblement en tant que superviseur au sein de votre régiment de la Première réserve.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

VOUS CONDAMNE à une amende de 600 dollars, payable dès maintenant.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major A.J. van der Linde

 

Major A. Gélinas-Proulx, service d’avocats de la défense, avocat du caporal S.J.V. Paquette

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