Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 15 January 2019

Location: Canadian Forces Base Borden, 30 Ortona Street, Borden, ON

Charges:

Charge 1 (alternate to charge 2): S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.
Charge 2 (alternate to charge 1): S. 85 NDA, behaved with contempt toward a superior officer.

Results:

FINDINGS: Charge 1: Guilty. Charge 2: A stay of proceedings.
SENTENCE: A fine in the amount of $200.

Decision Content

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COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Lamontagne, 2019 CM 4001

 

Date : 20190115

Dossier : 201851

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Borden

Borden (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef A.J.Y.P. Lamontagne, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]        Caporal-chef Lamontagne, la Cour a accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité sur le premier chef à l’acte d’accusation et je vous déclare donc coupable de ce chef en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN), pour comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline. La Cour prononce une suspension d’instance sur le deuxième chef d’accusation.

 

Une recommandation conjointe est présentée à la Cour

 

[2]        Il est maintenant de mon devoir d’imposer la sentence. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe à la Cour en ce qui concerne la peine à être imposée. Les avocats recommandent que cette Cour impose une sentence composée d’une amende de 200 $.

 

[3]        Le juge militaire à qui on propose une recommandation conjointe sur la peine à imposer est sévèrement limité dans l’exercice de sa discrétion sur sentence. Comme tout autre juge, je ne peux écarter une recommandation conjointe à moins que je ne juge que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public. Il s’agit du test promulgué par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 

[4]        De multiples considérations d’intérêt public appuient l’imposition de toute peine conjointement recommandée. En effet, dans ces cas, la poursuite accepte de recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, minimisant ainsi le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour ceux qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion de commencer à reconnaître leurs torts. Le plus important avantage est la certitude qu’offrent les ententes menant à des recommandations conjointes, autant pour l’accusé que pour la poursuite.

 

[5]        Ceci étant dit, même si la certitude quant au résultat est importante pour les parties, ce n’est pas l’objectif ultime du processus de détermination de la peine. Je dois également garder à l’esprit les objectifs disciplinaires du code de discipline militaire en m’acquittant de mes responsabilités. Tel que reconnu par la Cour suprême, la raison d’être d’un tribunal militaire est entre autres de permettre aux Forces armées canadiennes (FAC) de s'occuper des questions qui touchent directement le maintien de la discipline, l'efficacité et le moral des troupes. La sentence est le point culminant du processus disciplinaire suite à un procès ou un plaidoyer. C’est la seule occasion pour la cour de traiter des besoins disciplinaires générés par la conduite du contrevenant, et ce, sur un établissement militaire, devant public incluant des membres de la communauté militaire.

 

[6]        La détermination de la peine dans le cadre d’un procès en cour martiale comporte donc un aspect disciplinaire important, ce qui n’est pas le cas pour le même exercice dans une cour civile de juridiction criminelle. Même lorsqu’une recommandation conjointe est soumise à la cour, le juge militaire doit s’assurer, au minimum, que les faits pertinents à la situation du contrevenant et à la perpétration de l’infraction soient non seulement considérés, mais également expliqués adéquatement dans ses motifs relatifs à la sentence, et ce, dans une mesure qui peut ne pas être toujours nécessaires dans d’autres cours.

 

[7]        De nouvelles dispositions législatives relatives à la détermination de la peine par les tribunaux militaires ont été revues et sont entrées en vigueur le 1er septembre 2018. Sans répéter le contenu de tous les articles pertinents, il est utile de mentionner que le principe fondamental applicable à la détermination de la peine précisé à l’article 203.2 de la LDN est à l’effet que le juge militaire doit imposer une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

Faits considérés

 

[8]        Lors de l’audience, la procureure a lu à voix haute un sommaire des circonstances en plus de déposer les documents prévus à l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes.

 

[9]        Pour sa part, l’avocat de la défense a lu et déposé un sommaire conjoint des faits pour informer la Cour sur la situation personnelle du caporal-chef Lamontagne au moment et depuis la commission des infractions.

 

[10]      En plus de la preuve, la Cour a également considéré les plaidoiries des avocats au soutien de leur recommandation conjointe sur la peine ainsi que des précédents en semblable matière devant des cours martiales. Je suis d’avis que dans le contexte d’une soumission conjointe des procureurs, ces représentations, ainsi que la preuve, me permettent d’être suffisamment informé pour prendre en considération et appliquer les objectifs et les principes de la détermination de la peine appropriés à l’infraction et au contrevenant.

 

Les circonstances du contrevenant et de l’infraction

 

[11]      Le caporal-chef Lamontagne est un conducteur de matériel mobile de soutien âgé de 34 ans qui s’est joint aux Forces canadiennes en 2006. Suite à son entraînement de base et de métier, il a été affecté à Winnipeg pour presque sept ans, pendant lesquelles il a été déployé pour plus de six mois en Égypte avec la Force opérationnelle El Gorah. Il est affecté à Borden avec le Centre d’instruction de logistique des Forces canadiennes depuis 2014. Il est célibataire et n’a aucun antécédent judiciaire ni fiche de conduite.

 

[12]      Les faits relatifs à la perpétration de l’infraction sont révélés par le sommaire des circonstances lu par la procureure de la poursuite et accepté comme étant véridiques par le caporal-chef Lamontagne. Ce sommaire révèle que le 9 avril 2018, le caporal-chef Lamontagne est réuni avec ses superviseurs, le sergent Bellaire et l’adjudant Harris, afin, entre autres, d’identifier des tâches qu’il pourrait effectuer au sein de l’unité en considération de ses limitations médicales. Au cours de la conversation, lorsque l’adjudant Harris soulève la question de l’emploi du caporal-chef Lamontagne à l’unité, ce dernier lui a dit qu’il ne travaillerait plus pour l’unité. Pour confirmer, l’adjudant Harris demande au caporal-chef Lamontagne s’il refusait de travailler pour l’unité. En réponse, le caporal-chef Lamontagne lui a dit « oui, j’en ai fini avec cette place », ou des mots à cet effet qui ont été entendus par le sergent Bellaire.

 

[13]      Le sommaire conjoint des faits révèle qu’au moment de l’infraction, le caporal-chef Lamontagne vivait de sérieuses difficultés de nature personnelle. En effet, il était en consultation avec les services de santé depuis février 2018 en raison de symptômes d’épuisement professionnel (burnout), de dépression et d’anxiété. Le 23 mars 2018, un docteur avait recommandé qu’on lui assigne un lieu de travail alternatif, considérant les tensions qu’il vivait dans son milieu de travail, une recommandation qualifiée de dernier recours. C’est dans ce contexte que la rencontre du 9 avril a eu lieu.

 

[14]      Subséquemment à l’infraction, le caporal-chef Lamontagne a été formellement diagnostiqué comme souffrant de trouble dépressif majeur associé à son service militaire. Il suit un traitement comportant la prise d’antidépresseurs depuis juin 2018. Sa condition s’améliore et son attitude est positive. Au cours des derniers mois, la performance du caporal-chef Lamontagne au travail a été exemplaire et il n’a pas eu de problèmes disciplinaires.

 

Facteurs aggravants

 

[15]      La Cour considère comme aggravant, dans les circonstances de cette affaire, le fait que le comportement du caporal-chef Lamontagne est une manifestation d’insubordination qui ne peut évidemment pas être tolérée au sein d’une organisation militaire disciplinée. Considérant son expérience à l’époque et son propre statut en tant que superviseur au grade de caporal-chef, on se serait attendu à mieux de sa part.

 

Facteurs atténuants

 

[16]      Ceci étant dit, la Cour considère que cette affaire révèle surtout des facteurs atténuants, surtout en lien avec le fait que le caporal-chef Lamontagne vivait une situation difficile à l’époque, en ce qui concerne sa santé mentale sérieusement affectée par une situation particulièrement stressante au travail. Bien que cette situation n’excuse pas son comportement, elle permet de comprendre comment des circonstances difficiles ont pu avoir raison de son jugement le 9 avril 2018. La Cour considère également les facteurs atténuants suivants :

 

a)         Le plaidoyer de culpabilité du contrevenant, que la Cour considère comme étant une indication de ses remords et la preuve qu’il accepte la responsabilité pour ses gestes;

 

b)         L’absence d’antécédents criminels ou disciplinaires;

 

c)         Le service antérieur du caporal-chef Lamontagne au sein des FAC, un parcours révélant une contribution significative de plus de 12 ans, incluant un déploiement à l’étranger;

 

d)         Les perspectives favorables de réhabilitation liées à l’attitude et aux performances satisfaisantes dont le caporal-chef Lamontagne a su faire preuve depuis l’infraction. En effet, il semble posséder une excellente capacité à contribuer de manière positive aux FAC et à la société canadienne dans le futur.

 

[17]      En l’absence de preuve relative aux circonstances ayant mené à cette cour martiale et à la présence de conséquences négatives pouvant y être associées au détriment du caporal-chef Lamontagne, je ne puis souscrire à l’invitation qui m’est faite par la défense de considérer la tenue même de ce procès comme étant un facteur atténuant.

 

Objectifs devant être privilégiés dans cette affaire

 

[18]      Je suis venu à conclure que, dans les circonstances de la présente affaire, l’imposition de la sentence devrait cibler des objectifs de dénonciation et de dissuasion. De plus, considérant la situation et le parcours du caporal-chef Lamontagne, l’imposition de la sentence ne doit pas compromettre la réhabilitation du contrevenant.

 

Évaluation de la recommandation conjointe

 

[19]      Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction qui, tel que prévu à l’article 129 de la LDN, est passible au maximum d’une peine de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

[20]      La procureure a soumis au cours de sa plaidoirie un tableau référant à des causes similaires antérieures. Celles-ci sont utiles dans mon évaluation de la recommandation conjointe des avocats et la détermination que je dois faire en ce qui concerne son caractère raisonnable. Tel que mentionné précédemment, je ne peux écarter la recommandation conjointe pour une amende de 200 $, à moins que je ne juge que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public.

 

[21]      En tant que juge militaire, la question que je dois déterminer n’est pas si j’aime la peine qui m’est conjointement recommandée ou si je peux arriver à quelque chose de mieux. En effet, le seuil que cette recommandation doit atteindre pour que je la rejette fait en sorte que toute opinion autre que je pourrais avoir sur ce qui constituerait une sentence adéquate n’est pas suffisante pour me permettre de rejeter la recommandation conjointe qui m’a été faite.

 

[22]      La Cour suprême du Canada a fixé un seuil aussi élevé pour écarter des recommandations conjointes de manière à ce que leurs indéniables avantages ne soient pas compromis. Les avocats de la poursuite et de la défense sont bien placés pour arriver à une recommandation conjointe qui reflète tant les intérêts du public que ceux de l’accusé. En principe, ils connaîtront très bien la situation du contrevenant et les circonstances de l’infraction, ainsi que les forces et les faiblesses de leurs positions respectives. Le procureur militaire est chargé de représenter les intérêts des autorités militaires et de la collectivité civile pour faire en sorte que justice soit rendue. On exige de l’avocat de la défense qu’il agisse dans l’intérêt supérieur de l’accusé, et il doit notamment s’assurer que le plaidoyer de celui-ci soit donné de façon volontaire et éclairée. Les avocats représentant les deux parties sont tenus, sur le plan professionnel et éthique, de ne pas induire la Cour en erreur. Bref, ils sont entièrement capables d’arriver à des règlements équitables et conformes à l’intérêt public.

 

[23]      Pour décider si une recommandation conjointe déconsidérerait l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public, je dois me demander si elle correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables et instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale.

 

[24]      Je suis d’avis qu’une personne raisonnable et renseignée sur les circonstances de ce dossier s’attendrait à ce qu’un contrevenant admettant sa culpabilité à une accusation de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline dans les circonstances atténuantes présentes dans ce dossier soit sanctionné par une peine clémente. L’imposition d’une amende de 200 $ est cohérente avec ces attentes.

 

[25]      En considérant la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, les principes d’imposition de la peine applicable, et les facteurs aggravants et atténuants mentionnés précédemment, je ne suis pas en mesure de conclure que la sentence recommandée conjointement par les procureurs est déraisonnable ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Je vais donc accepter de l’entériner.

 

[26]      Caporal-chef Lamontagne, vous avez reconnu que votre comportement du 9 avril 2018 envers vos supérieurs était inapproprié et votre plaidoyer de ce matin constitue une étape importante sur la voie de la réhabilitation. Il est fort possible que d’autres efforts soient requis de votre part pour regagner la confiance de votre chaine de commandement afin de pouvoir accéder à des responsabilités accrues dans votre futur au sein des FAC. J’espère que l’expérience vécue en lien avec cette cour martiale vous servira de leçon dans le futur.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[27]      VOUS CONDAMNE à une amende de 200 $, payable dès maintenant.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le lieutenant de vaisseau J.M. Besner

 

Major A. Gélinas-Proulx, service d’avocats de la défense, avocat du caporal-chef A.J.Y.P. Lamontagne

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