Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 5 July 2019

Location:

Asticou Centre, block 2600, room 2601, courtroom, 241 de la Cité-des-Jeunes Boulevard, Gatineau, QC

Language of the hearing: French

Charges:

Charge 1: S. 83 NDA, disobeyed to a lawful command of a superior officer.
Charge 2: S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.
Charge 3: S. 85 NDA, behaved with contempt toward a superior officer.

Decision Content

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AUDIENCE DEVANT UN JUGE MILITAIRE

 

Référence : R. c. Crépeau, 2019 CM 5001

 

Date : 20190719

Dossier : 201931

 

Procédures préliminaires

 

Salle d’audience Asticou

Gatineau (Québec) Canada

 

Entre :

 

Capitaine C.M.C. Crépeau, requérante

 

- et -

 

Sa Majesté la Reine, intimée

 

Requête entendue à Gatineau (Québec) le 5 juillet 2019.

Motifs écrits de la décision sortis à Gatineau (Québec) le 19 juillet 2019.

 

En présence du Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


NOTE:     Des données personnelles ont été supprimées en conformité avec « L’usage de renseignements personnels dans les jugements et protocole recommandé » du Conseil canadien de la magistrature.

 

DÉCISION CONCERNANT UNE DEMANDE EN VUE D’OBTENIR DES DÉTAILS COMPLÉMENTAIRES

 

Introduction

 

[1]                  Par l’entremise de son avocat, le capitaine Crépeau présente une demande en vertu de l’article 187 de la Loi sur la défense nationale (LDN) en vue d’obtenir des détails complémentaires concernant le troisième chef d’accusation qui pèse contre elle.

 

Contexte

 

[2]                  Une mise en accusation contenant trois chefs d’accusation et datée du 6 juin 2019, était prononcée contre l’accusée. Le troisième chef se lit comme suit :

 

« S’EST CONDUITE DE FAÇON MÉPRISANTE À L’ENDROIT D’UN SUPÉRIEUR

 

Détails : En ce que, entre le 20 octobre 2018 et le 4 novembre 2018, en Norvège, elle s’est conduite d’une façon méprisante envers le XXXX, le Lieutenant Dion-Marcil. »

 

[3]                  Le 18 juin 2019, la requérante signifiait à l’administratrice de la cour martiale un avis de demande de détails supplémentaires en vertu de l’article 187 de la LDN et de l’article 112.03 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC). L’objet de la demande porte sur le troisième chef d’accusation. Le 21 juin 2019, le juge militaire délégué me désignait comme juge militaire pour présider à l’audition de cette demande. À la suite de cette désignation, soit le 26 juin 2019, une copie de la réponse à l’avis de demande signée le 21 juin 2019 par la représentante de l’intimée était reçue par l’administratrice de la cour martiale. La cour martiale du capitaine Crépeau n’a pas encore été convoquée. L’audition de la demande a eu lieu le 5 juillet 2019.

 

La preuve déposée lors de l’audition

 

[4]                  Lors de l’audition, les parties ont déposé la preuve suivante :

 

a)                  l’avis de demande de détails supplémentaires daté du 18 juin 2019, Pièce PP1-1;

 

b)                  l’acte d’accusation signé par la procureure de la poursuite et datée du 6 juin 2019, (annexe A de l’avis de demande de détails supplémentaires daté du 18 juin 2019), Pièce PP1-2;

 

c)                  la copie de la réponse à l’avis de demande de détails supplémentaires en date du 21 juin 2019, Pièce PP1-3.

 

[5]                  À l’audition, les parties ont demandé que le juge militaire présidant l’audition prenne connaissance judiciaire de l’acte d’accusation. Puisque les parties ont consenti à ce que l’acte d’accusation soit déposé en preuve (pièce PP1-2), il n’était pas requis d’appliquer les dispositions des Règles militaires de la preuve concernant la connaissance judiciaire discrétionnaire dans ce contexte.

 

La position des parties

 

Position de la défense

 

[6]                  La défense soutient, au paragraphe 7 de la pièce PP1-1, que le troisième chef est « trop espacé dans le temps (il couvre une période de 15 jours soit du 20 octobre 2018 au 4 novembre 2018) et ne décrit aucunement les circonstances de la conduite méprisante alléguée à l’origine de l’accusation. » S’appuyant sur l’article 581 du Code criminel quant aux principes applicables à la préparation des accusations, la défense plaide que l’accusée requiert de connaître la ou les dates exacte(s) de la conduite méprisante reprochée, ainsi que les gestes, paroles, actions, actes ou omissions à l’origine de la conduite méprisante alléguée. Sans ces détails supplémentaires, l’accusée ne bénéficierait pas d’une défense pleine et entière.

 

[7]                  Au soutien de son argument, elle plaide que dans le cas d’une accusation sous l’article 129 de la LDN, les gestes, paroles ou acte supportant une conduite préjudiciable doivent faire partie des détails de l’accusation. Elle soulève que, dans le cas présent, la divulgation ne pallie pas à l’absence de détails contenue dans le troisième chef d’accusation. Elle explique que la déclaration de l’un des témoins, déclaration à laquelle elle réfère comme étant l’annexe U de la divulgation de la preuve, est datée du 2 novembre 2018, alors que l’accusation couvre la période du 20 octobre au 4 novembre 2018. La défense demande donc que soit ordonné que des détails supplémentaires soient fournis à l’égard du troisième chef d’accusation.

 

Position de la poursuite

 

[8]                  Dans sa réponse, la poursuite indique qu’il n’est généralement pas nécessaire de préciser le moment exact de la commission de l’infraction. Elle soutient aussi que le juge statuant sur ce type de requête doit considérer plusieurs facteurs, y compris les circonstances de l’affaire de même que la divulgation de la preuve. Elle affirme qu’un chef d’accusation sous l’article 85 de la LDN peut être libellé selon les termes généraux de l’infraction et qu’il n’est donc pas nécessaire de préciser en quoi la conduite était méprisante, ni de préciser les comportements à l’origine de la conduite, sans fournir de jurisprudence à l’appui de cet argument.  La poursuite invite la défense à se référer à l’annexe U de la divulgation, afin que la défense puisse prendre connaissance des détails entourant la perpétration de l’infraction reprochée au troisième chef d’accusation. À l’audition, la poursuite reconnait de plus que l’annexe U de la divulgation constitue le fondement du troisième chef d’accusation et que cette annexe est datée du 2 novembre 2018. La poursuite offre alors de modifier ultérieurement le troisième chef afin de limiter la commission de l’infraction dans le temps, soit en changeant dans l’acte d’accusation le 4 novembre 2018 pour le 1er novembre 2018. La poursuite affirme qu’en conséquence, le troisième chef d’accusation est clair et précis car la divulgation de la preuve est explicite. Elle plaide donc que la demande doit être rejetée.

 

Question en litige

 

[9]                  Il s’agit de déterminer si le troisième chef d’accusation tel que rédigé informe raisonnablement l’accusée de l’infraction qu’on lui reproche, afin qu’elle puisse bénéficier d’une défense pleine et entière.

 

Analyse

 

[10]              L’article 187 de la LDN me permet, en tant que juge militaire, d’entendre ce type de demande avant même que la cour martiale soit convoquée.

 

[11]              Quant au fond de la demande, l’alinéa 107.04 (3) des ORFC établit:

 

L'exposé des détails d'une infraction doit donner suffisamment de précisions à l'accusé pour lui permettre d'être raisonnablement informé de l'infraction dont on l'accuse et ainsi de se défendre adéquatement.

 

[12]              De toute évidence, cette disposition impose des exigences pour la préparation des accusations qui visent à fournir au justiciable du code de disciplinaire militaire, les garanties juridiques contenues dans la Charte canadienne des droits et libertés, particulièrement la garantie qui se trouve à l’alinéa 11a), soit le droit d’être informé sans délai anormal de l’infraction précise qu’on lui reproche. On trouve une disposition similaire à l’alinéa 107.04 (3) des ORFC, dans le Code criminel à l’article 581 quant aux exigences de préparation des accusations. Bien que l’alinéa 107.04 (3) des ORFC soit applicable en l’espèce, vu la terminologie semblable utilisée par son homologue du Code criminel, la jurisprudence établie sous l’article 581 peut fournir des principes servant à guider le juge miliaire appeler à statuer sur une requête visant à obtenir des détails complémentaires.

 

[13]              La défense s’appuie sur les principes dégagés par la Cour suprême du Canada dans R. c. G.R., 2005 CSC 45 pour l’application de l’article 581 du Code criminel. Dans cet arrêt, la question en litige était de savoir si le ministère public pouvait faire entrer l’infraction d’agression sexuelle ou celle de contacts sexuels, ou les deux à la fois, dans l’une ou l’autre des trois catégories d’infractions incluses à l’infraction d’inceste. La cour s’est concentrée sur cet aspect du droit criminel, limitant ses commentaires aux exigences qui se trouvent à l’article 581 du Code criminel, tout en confirmant au paragraphe 11 de son jugement qu’ « [u]ne fonction importante d’un acte d’accusation est de notifier formellement à l’accusé le risque qu’il court sur le plan juridique. » L’extrait suivant du jugement, au paragraphe 3, est particulièrement éclairant : « [l]e risque couru sur le plan juridique doit donc être facile à évaluer à la lecture de l’acte de procédure officiel. »  

 

[14]              Dans le contexte de l’application des principes dégagés par cet arrêt au cas en l’espèce, l’article 85 de la LDN crée l’infraction d’insubordination :

 

85 Quiconque menace ou insulte verbalement un supérieur, ou se conduit de façon méprisante à son endroit, commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

[mon emphase]

 

[15]              L’article 103.18 des ORFC reprend l’article 85 de la LDN et indique dans ses notes que lorsqu’il s’agit de menace ou d’insulte en parole, les détails doivent contenir les expressions ou leur substance. Puisque les expressions utilisées par l’accusé doivent faire partie des détails de l’accusation lorsque des menaces ou des insultes sont proférées, a fortiori, une accusation de conduite méprisante doit aussi fournir les détails de l’acte, comportement ou geste qui constitue la conduite reprochée. Cette exigence se veut être respectueuse des principes qui se trouvent à l’alinéa 11a) de la Charte, incorporée dans le code de discipline militaire à l’article 107.04 des ORFC. Je fais mien également l’argument par analogie que la défense a soumis dans le cas d’une accusation sous l’article 129 de la LDN. En effet, tant dans le cas d’une accusation de conduite méprisante que de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, un large éventail d’actes, de gestes et de comportements peuvent constituer une conduite méprisante ou une conduite préjudiciable. Référer généralement à une conduite méprisante (ou préjudiciable) n’informe pas l’accusé de l’acte ou l’incident qu’on lui reproche. À la lecture du troisième chef, la seule mention d’une conduite méprisante, sans spécifiée l’acte, le comportement ou le geste reproché, combinée avec l’absence d’une date précise, ne donne pas suffisamment de précisions à l'accusée pour lui permettre d'être raisonnablement informée de l'infraction dont on l'accuse et ainsi de pouvoir se défendre adéquatement.

 

[16]              De surcroit, bien que la preuve soumise par les parties à l’audition fût limitée, il a été démontré que la divulgation de la preuve effectuée par la poursuite ne pallie pas à l’absence de détails quant à la conduite reprochée et assiste peu l’accusée dans son droit à une défense pleine et entière. Non seulement l’accusation manque de détails au niveau de la conduite reprochée, la preuve soumise à l’audition indique qu’il y a une discordance de dates entre le troisième chef et la partie de la preuve divulguée qui constituait le fondement de ce chef d’accusation.

 

[17]              Considérant la preuve soumise, en particulier l’acte d’accusation qui, à sa face même, est lacunaire quant aux détails du troisième chef d’accusation qui porte sur la conduite méprisante, et les admissions des parties quant à la discordance de dates entre ce chef d’accusation et l’annexe U, j’en viens à la conclusion que la défense a démontré, par prépondérance de preuve, que l'exposé des détails ne donne pas suffisamment de précisions à l'accusée pour lui permettre d'être raisonnablement informé de l'infraction dont on l'accuse et ainsi de pouvoir se défendre adéquatement.

 

POUR CES RAISONS :

 

[18]              J’ACCUEILLE partiellement la demande.

 

[19]              J’ORDONNE que des détails complémentaires soient fournis par la poursuite relativement au troisième chef d’accusation, en indiquant l’acte, le geste ou le comportement reproché au soutien de la conduite méprisante.

 

[20]              J’ORDONNE que la date du troisième chef d’accusation soit modifiée, soit qu’elle change de « entre le 20 octobre 2018 et le 4 novembre 2018 » pour « entre le 20 octobre 2018 et le 1er novembre 2018 », en laissant à la discrétion de la poursuite, si elle le juge à propos, de réduire davantage la période visée de l’infraction reprochée.

 

[21]              L’ordonnance doit être exécutée d’ici le 30 août 2019.

 

« Capitaine de frégate C.J. Deschênes »

Juge militaire


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette É. Léveiller, Service d’avocats de la défense, avocat de la requérante, capitaine C.M.C. Crépeau

 

Capitaine É. Baby-Cormier pour le directeur des poursuites militaires, avocate de l’intimée

 

 

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