Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 14 January 2020

Location: 2nd Canadian Division Support Base Valcartier, building CC-119, room 123, Casgrain Street, Courcelette, QC

Charges:

Charge 1, 2: S. 85 NDA, behaved with contempt toward a superior officer.

Results:

FINDINGS: Charges 1, 2: Guilty.
SENTENCE: A severe reprimand and a fine in the amount of $2500.

Decision Content

Warning : this document is available in French only.

 

COUR MARTIALE

 

Citation:  R. c. Savard, 2020 CM 5001

 

Date:  20200114

Docket:  201963

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 2e division du Canada Valcartier

Garnison Valcartier (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef G.J.J.D. Savard, contrevenant

 

 

En présence du :  Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Le caporal-chef Savard a avoué sa culpabilité à deux chefs d’accusation relativement à des actes d’insubordination visés à l’article 85 de la Loi sur la Défense nationale (LDN), en particulier, de s’être conduit de façon méprisante envers un supérieur. La Cour doit maintenant imposer une peine juste et appropriée, proportionnée aux circonstances de l’affaire et à la situation du contrevenant, en conformité avec les principes de détermination de la peine, tels qu’établis dans la LDN. Dans ce contexte, la poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe.

 

[2]               Le contrevenant a formellement admis la véracité des faits contenus dans le Sommaire des circonstances lors de son plaidoyer de culpabilité. Ces faits entourant la commission des infractions sont détaillés dans ledit document, qui se lit comme suit  :

 

« SOMMAIRE DES CIRCONSTANCES

 

(Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 112.51(3))

 

1.         À l’époque pertinente à la présente cause, le Cplc Savard (le contrevenant) est membre de la force régulière des Forces armées canadiennes et appartient au 430e Escadron tactique d’hélicoptères de la 1re Escadre.

 

2.         Le 21 mai 2019, le contrevenant, conducteur de matériel mobile de soutien, travaille dans la tente de l’unité de transport au camp Castor à Gao, au Mali, avec le Cplc L’Écuyer-Lavoie.  Le Cplc Savard est responsable du ravitaillement en carburant aviation sur le camp. Ces derniers se rapportent au Sgt Fortin (maintenant Adj) qui est responsable du transport.

 

3.         Aux alentours de 15h55, les Cplc Savard et L’Écuyer-Lavoie sont avisés par le Sgt Fortin que la ligne de vidage à carburant d’un véhicule de ravitaillement pour aéronef a subi des changements de pièces durant une maintenance. Le Sgt Fortin est alors d’avis que le véhicule en question devra être mis hors service en raison de ces travaux, craignant pour l’intégrité de la ligne de vidage et la contamination du carburant.

 

4.         Le contrevenant exprime alors au Sgt Fortin qu’il est en désaccord avec cette décision. Le Cplc Savard propose que des vérifications rapides soient faites pour déterminer ce qui avait été changé sur la ligne de vidage. Ainsi que de consulter les références techniques afin de déterminer si la mise en quarantaine était requise suivant le changement de pièces.

 

5.         À ce moment, le véhicule de ravitaillement n’était pas en fonction et aucun aéronef n’était en procédure de départ.

 

6.         Le Sgt Fortin est contre cette proposition et quitte alors la tente pour aviser la chaîne de commandement de la situation.

 

7.         En son absence, le Cplc Savard crée le désordre sur le bureau du Sgt Fortin en poussant l’écran d’ordinateur et en manipulant d’autres items qui s’y trouvent.

 

8.         À son retour dans la tente, le Sgt Fortin remarque l’état de son bureau et demande ce qui s’est passé. Le Cplc Savard lui répond alors : « C’était mieux de fesser là-dedans que de fesser dans ta face ! ».

 

9.         Le ton monte et le Sgt Fortin demande au contrevenant à au moins deux reprises de se calmer, mais le Cplc Savard lui répond de fermer sa « gueule » et le menace en lui disant « m’a te frapper ».

 

10.       Le Cplc Savard saute alors par-dessus son bureau et fonce vers le Sgt Fortin.  Le Cplc L’Écuyer-Lavoie, témoin de la scène depuis le début, tente de retenir le contrevenant, mais n’y arrive pas.

 

11.       Le Sgt Fortin, voyant que le Cplc Savard vient vers lui avec l’intention de le frapper, tente de se protéger en se tournant de côté pour minimiser le coup qu’il s’attend à recevoir.

 

12.       Arrivé à moins d’un pied devant le Sgt Fortin, le Cplc Savard le pousse.  Cette poussée est assez forte pour que ce dernier tombe assis sur la machine d’air conditionné derrière lui, suite à quoi le Cplc Savard donne une claque sur une carte roulée que le Sgt Fortin tenait dans ses mains comme pour la faire tomber.

 

13.       Suite à cela, le Cplc Savard est allé à son bureau pour prendre ses cigarettes et est sorti de la tente en annonçant que « là, m’a aller fumer une avant d’y câlisser ça dans face».

 

14.       Un peu plus tard, le Sgt Fortin rapporte l’incident à l’Adj Létourneau, son supérieur.

 

15.       Peu après, l’Adj Létourneau retrouve le contrevenant et lui ordonne de quitter le lieu de travail et de se rendre à sa chambre.

 

16.       Avant de ce faire, le contrevenant retourne dans la tente de l’unité de transport, où se trouve le Sgt Fortin, pour prendre ses effets personnels.  Comprenant maintenant que le Sgt Fortin avait rapporté l’incident, le contrevenant le pointe alors du doigt en disant : « Toi, c’est fini à vie, plus cent ans, te cacher en arrière de tes grades de sergent changera rien. »

 

17.       Le Cplc Savard arrache ensuite ses grades de son habit, les lance sur le bureau du Sgt Fortin et dit « Ça, j’en veux plus ».

 

18.       Le contrevenant quitte ensuite la tente. »

 

[3]               La Cour doit maintenant décider si la recommandation conjointe concernant la peine, à savoir un blâme et une amende de 2 500 $, satisfait le critère de l’intérêt public tel qu’établi par la Cour suprême du Canada (CSC).

 

Positions des parties

 

Poursuite

 

[4]               Dans sa plaidoirie, la poursuite a énuméré les facteurs aggravants suivants :

 

a)                  que la conduite reprochée s’est déroulée devant d’autres membres des Forces armées canadiennes (FAC), ce qui aurait eu comme effet d’affecter le moral de ceux-ci;

 

b)                  la conduite a eu un impact sur la discipline de l’unité;

 

c)                  la conduite a eu lieu en théâtre opérationnel;

 

d)                 le grade et l’ancienneté du contrevenant.

 

[5]               La poursuite a reconnu les facteurs atténuants suivants :

 

a)                  l’absence d’antécédent criminel ou disciplinaire;

 

b)                  le plaidoyer de culpabilité du contrevenant;

 

c)                  la coopération de celui-ci avec les autorités à la suite de la commission des infractions.

 

[6]               A l’appui de la recommandation, la poursuite a référé à plusieurs décisions judiciaires qui portaient sur des infractions similaires et qui établissent une fourchette de peines pour ce type de cas, variant de la détention à une amende. En s’appuyant sur cette information, la poursuite affirme que la recommandation conjointe satisfait le critère de l’intérêt public.

 

Défense

 

[7]               Dans sa plaidoirie, l’avocat de défense traite brièvement des principes applicables à la détermination de la peine et accepte les facteurs énumérés par la poursuite, à l’exception de l’impact que la commission des infractions aurait eu sur la discipline et le moral des témoins. À son avis, la Cour ne devrait pas tenir compte de cet argument de la poursuite puisqu’il n’y a aucune preuve à cet effet. De plus, s’appuyant sur la preuve documentaire soumise de consentement, la défense plaide que le contrevenant est un soldat compétent qui a le sens des responsabilités et qui a le soutien de sa chaîne de commandement. En s’appuyant sur cette information, la défense affirme que la recommandation conjointe n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

La preuve

 

[8]               En conformité avec la procédure établie à l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), en plus du Sommaire des circonstances, la poursuite a déposé en preuve la documentation énumérée à l’article 111.17 des ORFC. Lors de l’audition, la poursuite a informé la Cour qu’elle avait offerte au supérieur visé par la conduite méprisante, la possibilité de faire une déclaration. Ce dernier a cependant informé la poursuite qu’il ne désirait pas faire de déclaration.

 

[9]               La défense a déposé en liasse le Sommaire conjoint des faits avec quatre annexes:

 

a)                  une lettre du lieutenant de vaisseau Bolduc, infirmière militaire en santé mentale de l’opération PRESENCE au Mali, datée du 3 juin 2019;

 

b)                  une lettre de référence du lieutenant-colonel Babin, commandant du contrevenant, datée du 8 janvier 2020;

 

c)                  un courriel du capitaine Kelland, officier de la logistique du bataillon d’aviation, Camp Castor, Gao, Mali, daté du 5 août 2019;

 

d)                 un courriel de l’adjudant Bell, superviseur du contrevenant au Mali, daté du 6 août 2019.

 

Analyse

 

[10]           Dans le cours de l’administration de la justice, les recommandations conjointes relatives à la peine sont chose courante et sont essentielles au bon fonctionnement tant du système de justice militaire que du système de justice en général. En effet, tel que l’a exprimé la CSC dans R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 au paragraphe 25 :

 

 [l]e fait, pour les avocats du ministère public et de la défense, de convenir d’une recommandation conjointe relative à la peine en échange d’un plaidoyer de culpabilité constitue une pratique acceptée et tout à fait souhaitable.

 

[11]           La Cour a aussi reconnu dans cet arrêt qu’il arrive, à l’occasion, qu’une recommandation conjointe semble trop clémente ou trop sévère. La CSC a dès lors établi le critère de l’intérêt public pour guider les juges de première instance dans l’évaluation de la recommandation de la peine proposée par les parties. Selon le critère de l’intérêt public, le juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public. En d’autres termes, les juges du procès doivent faire montre de retenue et ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice.

 

[12]           Si la Cour est d’avis que la peine semble disproportionnée et que, de son point de vue, l’accepter risque de déconsidérer l’administration de la justice, le juge du procès doit appliquer la procédure établie par la CSC avant de décider de rejeter ou non une recommandation conjointe.

 

[13]           Cela veut dire que la Cour doit considérer la recommandation conjointe soumise par les parties et décider si cette recommandation est contraire à l’intérêt public, à la lumière de la situation personnelle du contrevenant, ainsi que des circonstances entourant la commission des infractions, tout en étant guidée par les principes de détermination de la peine, notamment les principes de proportionnalité et de parité. Si la peine proposée par les parties n’est pas contraire à l’intérêt public, et si elle n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, la Cour doit l’accepter.

 

[14]           La décision de la CSC citée plus tôt explique les nombreux avantages que les recommandations conjointes apportent à l’accusé, qui bénéficie d’une peine plus clémente dans ce cas, puisqu’en admettant sa culpabilité, il accepte la responsabilité des gestes répréhensibles qu’il a posés. Les recommandations conjointes épargnent à la victime ainsi qu’aux témoins, le temps et le stress liés aux témoignages qu’ils auraient dû livrer en cour. Le système de justice et ses intervenants, incluant l’unité du contrevenant, en bénéficient également, en temps et en ressources.

 

[15]           Les juges du procès peuvent s’attendre à ce que les procureurs aient pris en compte tous les faits pertinents lorsqu’ils se sont entendus sur la peine appropriée à recommander. Le Sommaire des circonstances, lu et déposé comme pièce, fournit l’information nécessaire qui démontre les faits considérés par les parties lorsqu’elles en sont arrivées à leur entente, et guide la Cour dans l’appréciation de la recommandation conjointe.

 

[16]           Les avocats sont toutefois tenus de donner au tribunal un compte rendu complet de la situation du contrevenant, des circonstances entourant la commission de l’infraction ou des infractions, ainsi que de la recommandation conjointe sans attendre que le juge du procès en fasse la demande. Dans le contexte de cette affaire, la Cour se déclare satisfaite des explications et de l’information fournie par les parties.

 

[17]           La Cour accepte comme facteurs aggravants présentés par la poursuite le fait que :

 

a)                  les infractions se sont déroulées en théâtre opérationnel;

 

b)                  la conduite a eu lieu devant au moins un autre membre des FAC;

 

c)                  la conséquence naturelle d’une conduite méprisante risque de miner l’autorité du supérieur concerné et de la chaîne de commandement, affectant la discipline au sein de l’unité concernée.

 

[18]           La Cour remarque que, dans le cadre de la commission de la première infraction, il y a eu un certain degré de violence envers le supérieur visé, en le poussant. Ce fait est un facteur aggravant à ne pas négliger.

 

[19]           Les facteurs atténuants dans cette affaire sont toutefois très importants :

 

a)                  le contrevenant a joint les FAC en 2009 et a servi en Afghanistan de novembre 2010 à juin 2011 et au Mali de janvier à juin 2019;

 

b)                  au cours de sa carrière, il s’est vu décerné trois médailles et décorations, soit l’Étoile de campagne générale – Asie du Sud-Ouest, une barrette à l’Étoile de campagne générale – Asie du Sud-Ouest, et la Médaille canadienne du maintien de la paix;

 

c)                  sa conduite lors de la commission des infractions était non conforme à son comportement habituel – en effet, la preuve accablante est à l’effet que le contrevenant est un excellent soldat, dévoué et compétent, qui a la confiance, le respect et le soutien indéniable de sa chaîne de commandement;

 

d)                 il a reconnu sa culpabilité – ce facteur pèse lourd en faveur d’une peine plus clémente;

 

e)                  il a coopéré avec les autorités lors de l’enquête, et ce, quelques jours après la commission des infractions, et a très tôt dans le processus fait valoir sa décision d’admettre ses torts en plaidant coupable;

 

f)                   il n’a aucun antécédent disciplinaire ou criminel;

 

g)                  il a été proactif à prendre plusieurs démarches pour se réhabiliter. De son propre chef, il a consulté une professionnelle de la santé pour faire évaluer son risque de dangerosité à la suite de sa conduite – l’évaluation a démontré qu’il n’y avait pas de risque;

 

h)                  le contrevenant a aussi subi d’autres conséquences à la suite de sa conduite. En effet, la preuve démontre que la chaîne de commandement a pris au sérieux la situation en imposant des mesures administratives à son égard :

 

                                                                       i.                     il a été rapatrié,

 

                                                                     ii.                     une mise en garde et surveillance (MG & S) lui a été imposée pour une période de six mois. Dans le cadre de celle-ci, il a suivi des formations sur la résolution efficace des conflits et sur la gestion de la colère. Il a aussi eu, durant cette période, des rencontres mensuelles de mentorat avec un supérieur, rencontres où il démontrait une attitude positive.

 

[20]           Ces facteurs atténuants n’enlèvent rien à la gravité de la conduite méprisante et aux conséquences qui ont pu en découler; néanmoins, ces facteurs ont une influence sur la détermination de la peine. La Cour est convaincue que la conduite reprochée était un acte isolé, non conforme au comportement habituel du contrevenant qui a, pour un court moment, perdu le contrôle de ses moyens, mais qui s’est repris par la suite en prenant des démarches sérieuses pour assurer sa réhabilitation. Les actes posés en théâtre le 19 mai 2019, ainsi que les conséquences disciplinaires qui en ont découlés ne seront, je l’espère, qu’un incident de parcours dans le cours d’une carrière longue et prospère au sein des FAC.

 

[21]           En conséquence, un blâme et une amende de 2 500 $ lancent un message clair que même dans les cas où le contrevenant a eu une carrière jusque-là irréprochable, voire hautement méritoire, on ne peut adopter une conduite méprisante envers un supérieur sous peine de graves sanctions.

 

[22]           La suggestion commune, dans les circonstances, assure le maintien de la discipline, ne déconsidère pas l’administration de la justice et elle n’est pas contraire à l’intérêt public.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[23]           DÉCLARE le caporal-chef Savard coupable des deux chefs d’accusation relativement à des actes d’insubordination visés à l’article 85 de la LDN.

 

[24]           CONDAMNE le caporal-chef Savard à un blâme et une amende pour un montant de 2 500 $ payable en cinq versements mensuels de 500 $ à compter du 1er février 2020.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major M.L.P.P. Germain et le capitaine M. Islam

 

Major B.L.J. Tremblay, service d’avocats de la défense, avocat du caporal-chef G.J.J.D. Savard

 

 You are being directed to the most recent version of the statute which may not be the version considered at the time of the judgment.