Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 4 February 2020

Location: 4th Canadian Division Support Base Petawawa, building L-106, 48 Nicklin Parade Square, Petawawa, ON.

Charge:

Charge 1: S. 112 NDA, used a vehicle of the Canadian Forces for an unauthorized purpose.

Results:

FINDING: Charge 1: Guilty.
SENTENCE: A fine in the amount of $500.

Decision Content

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COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Dagenais, 2020 CM 5004

 

Date : 20200204

Dossier : 201967

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 4e Division canadienne Petawawa

Petawawa (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sergent Y.A. Dagenais, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


 

 

NOTE:     Les données personnelles ont été caviardées conformément à « L’usage de renseignements personnels dans les jugements et protocole recommandé », approuvé par le Conseil canadien de la magistrature.

 

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

 

[1]        Le sergent Dagenais a avoué sa culpabilité à un chef d’accusation relativement à l’usage non autorisé d’un véhicule des Forces armées canadiennes (FAC), infraction visée à l’article 112 de la Loi sur la défense nationale (LDN), en particulier qu’il s’est servi sans autorisation d’un véhicule de capacité de cinq tonnes, un véhicule des Forces canadiennes, pour déménager le caporal Vézina d’une résidence privée à une autre. La Cour doit maintenant imposer une peine juste et appropriée, proportionnée aux circonstances de l’affaire et à la situation du contrevenant, conformément aux principes de détermination de la peine tels qu’établis par la LDN. Dans ce contexte, la poursuite et la défense ont conjointement recommandé que la Cour inflige comme peine une amende de 500 $.

 

[2]        Le contrevenant a formellement admis la véracité des faits contenus dans le sommaire des circonstances qui se lit comme suit :

 

«SOMMAIRE CONJOINT DES CIRCONSTANCES

 

1.         À tout moment pertinent à cette affaire, le Sgt Dagenais était membre de la force régulière des Forces armées canadiennes.

 

2.         Au moment de l’incident, le Sgt Dagenais était un membre du 427e Escadron d’opérations spéciales d’aviation; une unité localisée à la Base des Forces canadiennes (BFC) Petawawa dans la province de l’Ontario.

 

3.         Le Sgt Dagenais occupait à la fois les postes de gestionnaire de la flotte de véhicules (en anglais, « Fleet Manager »), de contrôleur du transport (en anglais, « Transportation Controller »), et de sous-officier responsable du transport (en anglais, « NCO IC Transport ») de l’unité. À ce titre, les responsabilités du Sgt Dagenais incluaient, entre autres, la gestion des opérations de la flotte de véhicules de l’unité en respect des politiques, ordonnances et directives régissant les véhicules du ministère de la Défense nationale (MDN).

 

4.         l’A-LM-158-005/AG-002, Manuel du transport, est une publication qui prescrit les principes directeurs qui régissent l’utilisation des véhicules du MDN. Le Manuel du transport s’applique à tous les échelons et tous les milieux du MDN. Ce manuel régissait les responsabilités du Sgt Dagenais au moment de l’incident.

 

5.         Le Manuel du transport daté du 21 décembre 2017 et qui était en vigueur au moment de l’incident prévoit que :

 

a.         Au Chapitre 1, Section 3, paragraphe 5 :

 

Le gestionnaire de flotte de véhicules est le principal conseiller du contrôleur du transport et l’Autorité du transport en ce qui concerne l’utilisation des véhicules. Le grade du gestionnaire des véhicules ne doit pas être inférieur à celui de sergent et doit être à la mesure de ses responsabilités quant au volume des véhicules et du personnel qu’il supervise ainsi qu’à la complexité du rôle des véhicules au sein de l’unité.

 

b.         Au Chapitre 3, Section 1, paragraphe 2 :

 

Les Autorités du transport doit s'assurer que des mesures suffisantes sont prises pour éviter que les véhicules, de l'État et les véhicules loués ne servent à d'autres fins que celles dûment autorisées, en aucun cas, un véhicule du MDN ne doit être utilisé à des fins personnelles. L'utilisation personnelle, privé ou non autorisé d'un véhicule du MDN peut entraîner des mesures disciplinaires.

 

c.         Au Chapitre 3, Section 2, paragraphe 3 :

 

Pour opérer un véhicule du MDN, le ou les conducteurs doit être autorisé, l’ordre de mission généré par le système de gestion de la flotte (SGF) sert comme autorisation. L’ordre de mission doit être dans le véhicule et disponible au besoin pour vérification en tout temps.

 

6.         Vers la fin de l’année 2018, le Sgt Dagenais a été déployé en Iraq. Lors de ce déploiement, le Sgt Dagenais a fait la connaissance du Cpl Vézina, un membre du Régiment d’opérations spéciales du Canada.

 

7.         En cours de déploiement, le Cpl Vézina a fait part au Sgt Dagenais qu’à son retour au Canada, il devrait déménager de sa résidence. Le Sgt Dagenais lui a offert de l’aider à déménager et lui a mentionné qu’il aurait besoin « d’un gros camion », ou des mots à cet effet.

 

8.         Le 30 novembre 2018, de retour au Canada, le Cpl Vézina a déménagé de sa résidence localisée au XXXX, Petawawa, Ontario à une nouvelle résidence localisée au XXXX, Eganville, Ontario. Le déménagement du Cpl Vézina a été causé par une séparation.

 

9.         La distance entre ces deux résidences est d’approximativement 46 kilomètres.

 

10.       Dans l’après-midi du 30 novembre 2018, le Sgt Dagenais a sollicité l’aide du Cpl Lafleur, un membre de la section du transport sous sa supervision, pour aider « quelqu’un dans le besoin », ou des mots à cet effet. Le Cpl Lafleur a accepté de se joindre au Sgt Dagenais. Il ne connaissait pas le Cpl Vézina à ce moment.

 

11.       Le Sgt Dagenais a, de son propre chef et sans autorisation, utilisé un véhicule de capacité de cinq tonnes immatriculé XXXX et appartenant au 427e Escadron d’opérations spéciales d’aviation, afin de se diriger à la résidence du Cpl Vézina au XXXX, Petawawa, Ontario. Le Cpl Lafleur l’a accompagné dans le véhicule.

 

12.       Le 30 novembre 2018 entre 1600 et 1700 heures, le véhicule immatriculé XXXX a été stationné en face de la résidence du Cpl Vézina et les membres qui étaient présent pour aider à son déménagement ont commencé à placer ses meubles et effets personnels dans le véhicule.

 

13.       Le Cpl Vézina n’avait pas fait une demande à l’unité pour un véhicule du MDN et ne savait pas que le Sgt Dagenais utiliserait, sans autorisation, un véhicule du MDN pour le déménager.

 

14.       Lors du déménagement, le Capt Wasson, un officier de la compagnie de soutien du Régiment d’opérations spéciales du Canada, circulait dans le voisinage. Il a remarqué qu’un véhicule du MDN était utilisé pour déménager un membre de son unité et il a pris en photo la scène et le véhicule immatriculé XXXX. Il a par la suite confirmé que le véhicule appartenait à la flotte du 427e Escadron d’opérations spéciales d’aviation et a rapporté l’évènement à son unité.

 

15.       Le 3 décembre 2018, le Régiment d’opérations spéciales du Canada a contacté le Sergent-major du 427e Escadron d’opérations spéciales d’aviation pour rapporter l’incident du 30 novembre 2018.

 

16.       Le 3 décembre 2018, le 427e Escadron d’opérations spéciales d’aviation a initié une enquête disciplinaire d’unité concernant l’incident du 30 novembre 2018.

 

17.       Le Sgt Dagenais a utilisé le véhicule immatriculé XXXX sans autorisation pour déménager les meubles et effets personnels du Cpl Vézina d’une résidence privée à une autre. Le Sgt Dagenais et le Cpl Lafleur ont tous deux conduit le véhicule immatriculé XXXX.

 

18.       Aucun ordre de mission n’a été généré dans le système de gestion de la flotte (SGF) pour autoriser l’utilisation du véhicule immatriculé XXXX afin de déménager les meubles et effets personnels du Cpl Vézina; une utilisation personnelle d’un véhicule du MDN qui n’était pas, par ailleurs, autorisée par le Manuel du transport.

 

19.       De plus, le Sgt Dagenais n’a pas inscrit l’utilisation du véhicule immatriculé XXXX du 30 novembre 2018 dans la matrice des tâches de la section du transport de l’unité.

 

20.       Le Sgt Dagenais a payé avec son argent personnel l’essence utilisée pour déménager le Cpl Vézina le 30 novembre 2018. »

 

[3]        La Cour doit maintenant décider si la recommandation conjointe répond au critère de l’intérêt public tel qu’établi par la Cour suprême du Canada (CSC).

 

Positions des parties

 

Poursuite

 

[4]        Pour supporter la recommandation, la poursuite a expliqué les raisons qui démontrent que la recommandation conjointe ne tend pas à déconsidérer l’administration de la justice. En effet, la poursuite affirme avoir tenu compte des principes de détermination de la peine, des circonstances de la cause ainsi que de la situation personnelle du contrevenant. Elle suggère que l’accent devrait être mis sur les objectifs de dissuasion générale, de dénonciation et de réinsertion sociale. Dans l’exercice de sa discrétion, la poursuite affirme qu’elle a considéré les facteurs aggravants suivants lorsque les parties se sont entendues : le grade et l’ancienneté du contrevenant; sa position comme gestionnaire de la flotte de véhicules et de contrôleur du transport; que la conduite reprochée s’est déroulée devant d’autres membres des FAC, incluant un subordonné; que la commission de l’infraction a été vue et rapportée par le membre d’une autre unité. La poursuite a aussi reconnu comme facteurs atténuants : l’absence d’antécédent criminel ou disciplinaire; le plaidoyer de culpabilité; ainsi que la coopération du contrevenant avec les autorités à la suite de la commission de l’infraction. Elle a aussi mentionné que la conduite reprochée n'était pas conforme au comportement habituel du contrevenant, puisque la preuve démontre que celui-ci a un excellent rendement professionnel et a le soutien et la confiance de sa chaîne de commandement. La poursuite ajoute que la conduite du contrevenant avait un but honorable et qu’il n’en n’a tiré aucun bénéfice. À l’appui de la recommandation, la poursuite a référé à plusieurs décisions judiciaires qui portent sur les mêmes infractions dans certains cas, sur des infractions similaires dans d’autres cas, et qui établissent une fourchette de peines pour ce type d’infractions, variant d’une réprimande jumelée à une amende dans les cas plus sérieux, à une amende légère. En s’appuyant sur cette information, la poursuite affirme que la recommandation conjointe répond au critère de l’intérêt public.

 

Défense

 

[5]        Dans sa plaidoirie, l’avocat de la défense exprime son accord sur les points soulevés par la poursuite. Il souligne que le contrevenant a un rendement positif continuel et qu’il s’agit d’un écart de conduite. Traitant brièvement des principes applicables à la détermination de la peine, il accepte les facteurs aggravants et atténuants énumérés par la poursuite, insistant sur le fait que l’intention du contrevenant était honorable, et que ce dernier a même dû engager des frais personnels pour aider son collègue dans le besoin. Il mentionne aussi la coopération du contrevenant lors de l’enquête disciplinaire d’unité. S’appuyant sur la preuve documentaire soumise de consentement, la défense plaide que la preuve démontre que le sergent Dagenais est un soldat compétent qui a le soutien de sa chaîne de commandement. La peine devrait visée comme objectif la dissuasion générale plutôt que la dissuasion spécifique. En s’appuyant sur cette information, la défense affirme que la recommandation conjointe n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

La preuve

 

[6]        En plus du sommaire conjoint des circonstances lu en cour, la poursuite a déposé en preuve la documentation énumérée à l’article 111.17 des Ordres et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, soit les points pertinents des états de service de l’accusé, une copie certifiée de son sommaire des dossiers personnels des militaires et finalement une copie certifiée de son guide de solde. Les parties ont informé la Cour qu’elles étaient satisfaites et consentaient à ce que la déclaration faite par le commandant soit incorporée dans les points pertinents des états de service de l’accusé. La défense a déposé de consentement, quant à elle, un sommaire conjoint des faits.

 

Analyse

 

[7]        Dans le contexte d’une recommandation conjointe soumise par les parties, c’est le principe de l’intérêt public qui s’applique, tel qu’édicté par la CSC dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43. Dans cet arrêt, il a été reconnu que les recommandations conjointes relatives à la peine contribuent à rendre le système de justice pénale équitable et efficace. Elles permettent de régler des causes rapidement, de façon efficiente et pour le bénéfice tant de l’accusé que du système de justice. Cela est aussi vrai dans le contexte de la justice militaire.

 

[8]        Les recommandations conjointes ne sont toutefois pas automatiquement acceptées par les juges du procès. En effet, les parties doivent démontrer, preuve à l’appui, que la recommandation conjointe en question répond au critère juridique de l’intérêt public. Selon ce critère rigoureux, si la peine suggérée par les parties est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle est, par ailleurs, contraire à l’intérêt public, le juge devra suivre les étapes élaborées par la CSC afin de déterminer si la recommandation devrait être rejetée.

 

[9]        La Cour doit donc déterminer si la peine proposée, dans les circonstances de l’affaire, ferait perdre au public renseigné et raisonnable, sa confiance dans l’institution des tribunaux. Même si du point de vue de la Cour, une peine différente serait plus appropriée, la Cour doit accepter la peine proposée si celle-ci répond au critère juridique de l’intérêt public. La discrétion laissée à la Cour à l’égard de la détermination de la peine est donc fort limitée.

 

[10]      Dans le cadre de cette analyse, la Cour doit décider si la recommandation conjointe est contraire à l’intérêt public à la lumière de la situation du contrevenant, ainsi que des circonstances entourant la commission de l’infraction, tout en étant guidée par les principes de détermination de la peine, tels que le principe de proportionnalité et le principe de l’harmonisation des peines. Si la peine proposée par les parties n’est pas contraire à l’intérêt public, et si elle n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, la Cour doit l’accepter.

 

[11]      Les juges du procès peuvent s’attendre à ce que les procureurs aient pris en compte tous les faits pertinents lorsqu’ils se sont entendus sur la peine appropriée à recommander. La preuve documentaire soumise au soutien des prétentions des parties, tel que le sommaire conjoint des circonstances lu et déposé comme pièce, ainsi que le sommaire conjoint des faits, fournie l’information nécessaire qui démontrent les faits considérés par les parties lorsqu’elles en sont arrivées à leur entente, et guide la Cour dans l’appréciation de la recommandation conjointe. Dans le contexte de cette affaire, la Cour se déclare satisfaite des explications et de l’information fournie par les parties.

 

[12]      La Cour accepte la liste de facteurs aggravants présentés par la poursuite, notamment:

 

a)                  le grade et ancienneté du contrevenant. En effet, les FAC ont des attentes plus élevées envers les membres du grade de sergent, car ils occupent habituellement un rôle de supervision et de leadership;

 

b)                  la position de confiance qu’occupait le contrevenant lors de la commission de l’infraction. Comme gestionnaire de la flotte de véhicules et de contrôleur du transport, il avait accès aux véhicules et il a utilisé sa position pour utiliser un véhicule des FAC à des fins non autorisées ;

 

c)                  la conduite reprochée s’est déroulée en présence d’autres membres des FAC, incluant un subordonné.

 

[13]      J’accepte aussi les facteurs atténuants énumérés par les deux parties :

 

a)                  l’absence d’antécédent criminel ou disciplinaire ;

 

b)                  le plaidoyer de culpabilité ainsi que la coopération du contrevenant avec les autorités à la suite de la commission de l’infraction ;

 

c)                  il s’agissait d’un écart de conduite qui ne ressemblait pas au contrevenant ;

 

d)                 le contrevenant a pris des mesures pour mitiger l’impact que la commission de l’infraction a eu sur son unité, en défrayant personnellement les coûts pour l’essence et en utilisant le véhicule lors des heures creuses;

 

e)                  le but poursuivi par le contrevenant était honorable puisqu’il a utilisé le véhicule des FAC afin d’aider un collègue dans le besoin. Il n’en a retiré aucun bénéfice personnel.

 

[14]      Quant à la situation personnelle du contrevenant, la preuve démontre qu’il a joint les FAC en 2005. Son sommaire des dossiers personnels démontre une progression de carrière soutenue et un excellent rendement. Il a la confiance et le soutien de sa chaîne de commandement. D’ailleurs, son commandant le décrit comme étant un pilier important au sein de son unité. En mai 2019, le commandant du 427e Escadron d’opérations spéciales de l’aviation recommandait d’ailleurs sa promotion immédiate suivant l’évaluation de son potentiel.

 

[15]      La Cour n’a aucun doute qu’il s’agit d’un obstacle surmontable dans la carrière du membre. En acceptant la responsabilité de ses actes, le contrevenant démontre qu’il éprouve du remords. De toute évidence, le sergent Dagenais est prêt à tourner la page afin de pouvoir continuer à progresser dans sa carrière. La Cour est convaincue que la conduite reprochée était un acte isolé, qui ne ressemble pas au contrevenant, et que celui-ci continuera d’avoir une carrière réussie au sein des FAC.

 

[16]      La recommandation conjointe, dans les circonstances, assure le maintien de la discipline, ne déconsidère pas l’administration de la justice et elle n’est pas contraire à l’intérêt public.

 

Pour ces motifs, LA COUR :

 

[17]      DÉCLARE le sergent Dagenais coupable d’un chef d’accusation relativement à l’usage non autorisé d’un véhicule des FAC, visé à l’article 112 de la Loi sur la défense nationale.

 

[18]      LE CONDAMNE à une amende pour un montant de 500 $, payable d’ici le 15 février 2020.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major L. Langlois

 

Major B.L.J. Tremblay, Service d’avocats de la défense, avocat du sergent Y.A. Dagenais

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