Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 3 February 2021

Location: The Henri-Julien Armoury, 3721 Henri-Julien Avenue, Montréal, QC

Language of the trial: French

Charges:

Charge 1 (alternate to charges 2, 3): – S 114 NDA, stealing, when entrusted by reason of his employment, with the custody, control or distribution of the thing stolen.
Charge 2 (alternate to charges 1, 3): – S. 115 NDA , received property obtained by the commission of a service offence, knowing the property to have been so obtained.
Charge 3 (alternate to charges 1, 3): – S. 129 NDA an act to the prejudice of good order and discipline.
Charge 4: – S. 124 NDA, negligently performed a military duty imposed on him.

Results:

FINDINGS: Charge 1: Guilty. Charges 2, 4: Withdrawn. Charge 3: A stay of proceedings.
SENTENCE: A reprimand and a fine in the amount of $300.

Decision Content

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AUDITION DEVANT UN JUGE MILITAIRE

 

Citation: R. c. Pépin, 2021 CM 3005

Date: 20210125

Dossier: 202030

 

Procédure préliminaire

 

Centre Asticou

Gatineau (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sergent C. Pépin, requérant

 

- et -

 

Sa Majesté la Reine, intimée

 

 

En présence du : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.C.A.


MOTIFS DE LA DÉCISION CONCERNANT UNE DEMANDE D’ARRÊT DES PROCÉDURES EN VERTU DU PARAGRAPHE 24(1) DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS EN RAISON D’UNE VIOLATION ALLÉGUÉE DU DROIT DE L’ACCUSÉ PRÉVU À L’ALINÉA 11d) DE LA CHARTE

(Oralement)

 

[1]              Le sergent Pépin fait l’objet de quatre chefs d’accusation tels qui apparaissent à l’acte d’accusation. Ce sont tous des infractions d’ordre militaire soit, vol, recel, conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline et l’exécution négligente d’une tâche, concernant des évènements qui se sont produits entre juin et octobre 2019 au camp Taji en Irak.

[2]              Dans cette affaire, un acte d’accusation a été signé par le directeur des poursuites militaires ou un de ses représentants le 8 juillet 2020. La mise en accusation a eu lieu le 9 juillet 2020. L’ordre de convocation pour cette cour martiale générale a été signé le 22 octobre 2020 par l’administratrice de la cour martiale et il prévoit qu’elle doit commencer le 1er février 2021.

[3]              La présente requête a été reçue au Cabinet du juge miliaire en chef le 22 janvier 2021. Même si c’est une requête qui est présentée seulement une douzaine de jours avant le début du procès, la semaine qui a été consacrée à son audition était déjà prévue, car ce temps d’audition était déjà consacré à l’audition de toute autre requête à être présentée par les parties. Donc cet avis de requête qui a été produit vendredi dernier découlait d’une conversation qui avait déjà eu lieu deux jours auparavant, soit le 20 janvier 2021, entre les procureurs et moi-même. Nous avions le temps et l’endroit pour en débattre sans problèmes.

[4]              La preuve dans cette affaire est strictement documentaire. Les différents documents ont été déposés de consentement, soit de PP1-1 à PP1-18. Ceux-ci comprennent l’acte d’accusation, différents ordres du Chef d'état-major de la Défense (CEMD), des arrêtés ministériels d’organisation (AMO) et des ordonnances d’organisation des Forces canadiennes (OOFC).

[5]              Concernant le contexte de la question portant sur l’indépendance judiciaire des juges militaires, celle-ci a vu initialement le jour en octobre 2019 dans l’affaire R. c. Pett, 2020 CM 4002. Depuis ce temps, les cours martiales ont été amenées à rendre différentes décisions sur la même question, comme je l’ai décrit sommairement dans ma décision de R. c. Jacques, 2020 CM 3010, aux paragraphes 18 à 32, que j’ai rendu récemment en décembre 2020.

[6]              Peu après ma décision dans Jacques, une décision a été rendue par le juge Pelletier le 9 décembre 2020 dans R. c. Cloutier, 2020 CM 4013 portant sur le même sujet et se basant sur le même contexte. Cependant, la décision dans Cloutier est arrivée à une conclusion différente de la mienne dans Jacques.

[7]              Tel que je l’ai mentionné dans mes discussions avec les avocats, ces deux décisions ont eu des conséquences différentes. Dans l’affaire Jacques, j’ai rejeté la requête qui est de la même nature que celle pour laquelle je rends la décision aujourd’hui. Contrairement à ma décision dans Jacques, le juge Pelletier a accueilli la requête du caporal-chef Cloutier portant sur la même question et il a, à titre de remède à la violation qu’il a constaté quant aux droits de l’accusé, prononcé un arrêt des procédures, remède d’ailleurs qui est aussi recherché par le sergent Pépin.

[8]              Dans la présente affaire, le sergent Pépin soulève la question de la violation de son droit d’avoir un procès par un tribunal indépendant et impartial, comme prévu à l’alinéa 11d) de la Charte. À titre de remède, il croit que le seul possible est un arrêt des procédures prononcé en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. Dans les affaires Jacques et Cloutier, la question qui était en jeu portait sur l’acceptation par l’exécutif, aux yeux d’une personne raisonnable et bien informée, du droit tel qu’énoncé dans l’affaire Pett et précisé par la suite dans différentes autres affaires par la cour martiale.

[9]              Le contexte qui a servi de décision à ces deux décisions se base sur l’ordre du CEMD daté du 2 octobre 2019 nommant un commandant pour toute affaire disciplinaire concernant spécifiquement les juges militaires. Cet ordre a été jugé problématique dans certaines décisions par la cour martiale quant à l’indépendance judiciaire dont les juges militaires devraient bénéficier à titre de juge présidant une cour martiale, concernant le droit constitutionnel d’un militaire faisant l’objet d’une accusation d’avoir un procès par un tribunal indépendant et impartial, et un arrêt des procédures a été ordonné conséquemment dans plusieurs causes. Le CEMD a suspendu cet ordre le 15 septembre 2020.

[10]          Par la suite, il a été allégué que le paragraphe 9 de l’OOFC 3763, qui concerne le Cabinet du juge militaire en chef auxquels les juges militaires appartiennent, avait pour effet de faire des juges militaires des personnes ayant un commandant pour des fins disciplinaires. Suite à une décision de la cour martiale qui a reconnu ce fait comme étant problématique, au point de constituer une violation du droit de l’accusé d’avoir un procès par un tribunal indépendant et impartial, tel que prévu à l’alinéa 11d) de la Charte, un arrêt des procédures a été prononcé par la cour. Suite à cette décision, l’OOFC 3763 a été modifié en conséquence.

[11]          C’est donc en considérant que l’ordre du CEMD avait été suspendu et que l’OOFC en question avait été modifié que j’ai rejeté la requête du capitaine Jacques voulant que je déclare qu’il y avait une violation de son droit constitutionnel à un procès par un tribunal indépendant et impartial et de prononcer un arrêt des procédures. Basé sur ce même contexte, le juge Pelletier est arrivé à une conclusion différente dans Cloutier.

[12]          Évidemment le sergent Pépin est d’avis que le raisonnement du juge Pelletier dans l’affaire Cloutier doit prévaloir et que sa requête devrait être accueillie pour les mêmes motifs, et le remède appliqué devrait être le même, soit l’arrêt des procédures. Quant à la partie intimée, elle est plutôt d’avis que le raisonnement que j’ai développé dans l’affaire Jacques devrait être appliqué et que la requête du sergent Pépin devrait être rejetée.

[13]          Je n’ai pas l’intention de revenir en détail sur l’ensemble des décisions antérieures. La seule chose que j’aimerais faire est de vous faire part de mes motifs sur deux points plus précis avant de vous donner ma conclusion sur la requête. Il y a deux points sur lesquels le juge Pelletier a identifié dans son analyse dans Cloutier, et qui, à son avis, sont les points de friction ou de désaccord entre son raisonnement et le mien.

[14]          Le premier point porte sur l’établissement d’une chaine hiérarchique à l’aide de dispositions générales. Quant à moi, l’établissement d’une chaine hiérarchique, ce qui inclut les dispositions dont le juge Pelletier discute dans sa décision de Cloutier et les dispositions qui existent actuellement ne visent pas expressément les juges militaires. Les parties qui pourraient penser se servir de ces dispositions générales pour procéder à une accusation à l’égard d’un juge militaire en raison de l’exercice de sa fonction de juge militaire ne pourraient pas s’en servir compte tenu de l’interprétation du droit qui doit être appliqué et qui découle de l’affaire Pett et des autres affaires qui ont suivi.

[15]          En d’autres mots, en donnant effet aux dispositions de la Loi sur la Défense nationale portant sur le comité d’enquête sur les juges militaires, l’exécutif ne peut entreprendre aucun recours disciplinaire pour l’application du régime du Code de discipline militaire (CDM) traitant d'une infraction d'ordre militaire à l’égard des juges militaires. Faire autrement aurait pour effet d’agir à l’encontre du droit applicable actuellement.

[16]          De plus, considérant la suspension de l’ordre du 2 octobre 2019 effectué par le CEMD et la modification de l’OOFC 3763 qui sont des textes qui visaient spécifiquement à nommer un commandant pour l’application du régime du CDM traitant d'une infraction d'ordre militaire à l’égard des juges militaires, il est clair pour moi que ces gestes de l’exécutif sont un énoncé suffisant indiquant son intention de respecter le droit établi dans Pett.

[17]          Deuxièmement, le juge Pelletier est d’opinion dans l’affaire Cloutier que sans chaine hiérarchique, les juges militaires peuvent quand même faire l’objet de l’application du régime du CDM traitant d'une infraction d'ordre militaire. Encore une fois, je suis toujours d’avis que rien ne vise les juges militaires spécifiquement et que l’interprétation du droit actuel doit prévaloir. Donc, toutes personnes qui iraient à l’encontre de ce qui s’applique actuellement iraient aussi à l’encontre de la loi et de l’interprétation de la loi faite par la cour martiale. Donc je réitère spécifiquement, comme dans l’affaire Jacques que la suspension de l’ordre et la modification de l’OOFC 3763, plus particulièrement du paragraphe 9, sont à mon avis, des gestes suffisants pour conclure que l’intention de l’exécutif est de voir au respect du droit et de faire prévaloir le droit tel qu’interprété actuellement par la cour martiale.

[18]          Comme dans l’affaire Pett, je suis d’avis qu’il n’y a plus de dispositions visant spécifiquement les juges militaires, permettant ainsi à une personne raisonnable et bien informée de conclure que les juges militaires sont indépendants et impartiaux lorsqu’ils président la cour martiale.

[19]          Conséquemment, le sergent Pépin a donc droit à un procès par un tribunal indépendant et impartial.

POUR TOUTES CES RAISONS, JE :

[20]          REJETTE la requête présentée par le sergent Pépin.

[20]

Avocats :

Lieutenant de vaisseau J.-M. Tremblay, Service d’avocats de la défense, avocat du sergent C. Pépin, le requérant

Lieutenant-colonel D.G.J. Martin, major É. Baby-Cormier, major L. Langlois et capitaine B. Richard, représentants du directeur des poursuites militaires, avocats de l’intimée

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