Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 21 May 2021

Location: Royal Military College St-Jean, building Vieux Mess, 15 Jacques-Cartier Street North, St-Jean-sur-Richelieu, QC

Language of the trial: French

Charge:

Charge 1: S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.

Results:

FINDING: Charge 1: Guilty.
SENTENCE: Confined to barracks for a period of 14 days.

Decision Content

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COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Bobu, 2021 CM 5007

 

Date : 20210521

Dossier : 202123

 

Cour martiale permanente

 

Collège militaire royale St-Jean

St-Jean-sur-Richelieu (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Élève officier S. Bobu, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Élève-officier Bobu a plaidé coupable à une accusation portée au terme de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN), soit d’avoir omis, entre le 1er septembre et le 11 novembre 2019, à St-Jean-sur-Richelieu, de se conformer aux règlements officiels du water-polo et de prendre des précautions suffisantes pour ne pas importuner les joueuses adverses de sexe féminin. La Cour a accepté et enregistré le plaidoyer de culpabilité. Dans le cadre de la procédure de la détermination de la peine, les parties ont présenté à la Cour une recommandation conjointe qui suggère l’imposition d’une peine mineure de consignation au quartier pour une période de quatorze jours. La Cour doit maintenant examiner la peine suggérée par les parties afin de déterminer si celle-ci satisfait au critère applicable.

 

Circonstances entourant la commission de l’infraction

 

[2]               Lorsqu’elle détermine le bien-fondé de la recommandation conjointe, la Cour doit tenir compte des circonstances qui entourent la commission de l’infraction. Dans le cas d’un plaidoyer de culpabilité, un sommaire des circonstances est déposé en pièce par la poursuite afin de fournir à la Cour toute l’information dont celle-ci a besoin.  Le document déposé dans le cadre de ce procès se lit comme suit :

 

« SOMMAIRE CONJOINT DES CIRCONSTANCES

 

(Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes 112.51(3))

 

1.   Pendant toute la période pertinente au présent dossier, l’Élof Bobu était membre de la Force régulière des Forces armées canadiennes (FAC) et étudiait au Collège Militaire Royal de Saint-Jean.

 

2.   À l’automne 2019, l’Élof Bobu faisait partie de l’équipe de water polo de l’Escadron Iberville et a pris part à des parties mixtes inter-escadrons, opposant son équipe aux équipes des autres escadrons du Collège.

 

3.   Pendant des parties contre l’Escadron Richelieu et l’Escadron Jolliet ayant eu lieu entre le 1er septembre et le 11 novembre, l’Élof Bobu a omis de respecter les règlements officiels sanctionnés par Water Polo Canada en poussant ses adversaires, en les gênant et en entravant leur libre mouvement alors qu’en certaines occasions, ces derniers ne tenaient pas le ballon. Ce faisant, il a ainsi embarrassé et importuné quatre joueuses adverses de sexe féminin.

 

4.   Notamment, lors d’une partie jouée à l’automne 2019, l’Élof Bobu a touché la poitrine de l’Aspm Bryan une fois avec sa main alors qu’elle nageait près de lui. Celle-ci l’a alors agressivement repoussé avec son coude et il n’a pas récidivé à son endroit. L’Aspm Bryan n’est pas convaincue que le geste de l’Élof Bobu était intentionnel, mais a choisi de rapporter l’incident à sa chaîne de commandement après avoir constaté que d’autres joueuses de son équipe avaient connu des expériences similaires.

 

5.  Lors d’une autre partie le 31 octobre 2019, alors que l’Élof Bilodeau manœuvrait pour défendre le ballon, elle a senti que l’Élof Bobu a touché sa poitrine avec la main ouverte. Par la suite, alors qu’elle nageait vers la zone offensive près de l’Élof Bobu et que ni elle ni lui n’était en possession du ballon, l’Élof Bilodeau a senti la main de l’Élof Bobu toucher à sa poitrine ou près de sa poitrine à quatre autres reprises.

 

6.  Vers le milieu de la saison, alors que l’Élof Lafond-Mercier et l’Élof Bobu nageaient vers le ballon pour en prendre la possession, l’Élof Lafond-Mercier a senti que l’Élof Bobu, voulant agripper le ballon, est entré en contact avec sa poitrine avec l’intérieure de sa main. La force utilisée par l’Élof Bobu était un peu plus intense qu’à la normale lorsqu’on accroche quelqu’un en nageant, ce qui l’a rendue mal-à-l’aise. Sur le coup, elle n’était pas certaine que le geste de l’Élof Bobu était volontaire. Toutefois, ce dernier s’est présenté à elle quelques jours plus tard pour s’excuser et affirmer qu’il n’avait pas l’intention de la rendre mal-à-l’aise.

 

7.   À trois reprises, lors de trois différentes parties en septembre et octobre 2019, l’Élof Bobu a agrippé l’avant du maillot de bain de l’Élof Émond au niveau du sternum, ce qui a eu pour effet de dénuder sa poitrine. Ces incidents se sont produits alors que l’Élof Bobu nageait près d’elle pour atteindre le ballon. Selon elle, l’Elof Bobu n’avait pas l’intention de la dénuder, mais la force avec laquelle elle a été agrippée était intense au point où les bretelles et le tissu de son haut de maillot, pourtant bien ajusté, ont été tirés vers le bas.

 

8.   Les quatre victimes été embarrassées et importunées par le comportement de l’Élof Bobu et ont choisi de le dénoncer à leur chaîne de commandant dans l’espoir que cela cesse. Suite à l’intervention du capitaine de leur équipe et de leur chaîne de commandement, l’Élof Bobu s’est amendé et aucun autre incident de la sorte ne s’est reproduit. »

 

Question en litige

 

[3]               La Cour doit maintenant déterminer si la peine proposée, soit une peine mineure de consignation au quartier pour une période de quatorze jours, serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait par ailleurs contraire à l’intérêt public.

 

Position des parties

 

Poursuite

 

[4]               Le procureur soumet que la suggestion commune satisfait au critère de l’intérêt public puisque le comportement décrit à l’acte d’accusation constitue une erreur de parcours, une erreur de jugement d’un jeune élève-officier. Il explique que les objectifs de dissuasion, de dénonciation et de favoriser la réinsertion du contrevenant dans la vie militaire sont les objectifs les plus importants dans le cas en l’espèce.

 

[5]               Faisant référence aux quatre élève-officiers ciblés par le comportement du contrevenant, la poursuite explique qu’en tant qu’élève-officier, il faut faire preuve de courage pour rapporter ce type d’incident à l’égard d’un autre membre, même si les incidents en question pouvaient paraître mineurs.

 

[6]               Il soumet que la tenue d’un procès par cour martiale a, à elle seule, un effet dissuasif pour le contrevenant et pour les autres élève-officiers du Collège; la peine à imposer n’a donc pas à être des plus sévère. De plus, l’élève-officier Bobu n’a aucun antécédent, il s’agit d’une erreur de parcours lié à un manque de jugement. Le contrevenant a d’ailleurs amendé sa conduite par la suite, et depuis novembre 2019, il a fait preuve d’une conduite exemplaire.

 

[7]               La poursuite a considéré comme facteurs aggravants, le fait qu’il y avait plus d’une victime visée par la conduite, qu’elle a eu lieu sur les lieux du travail, que le comportement était répétitif, et qu’il a entrainé des conséquences pour les victimes qui se sont senties embarrassées. Ces jeunes victimes sont en début de carrière, et leur perception des Forces armées canadiennes (FAC) en a été affectée. À titre de facteurs atténuants, il rappelle l’absence de fiche de conduite et le plaidoyer de culpabilité qui dénote un certain degré de remords.

 

[8]               Quant au principe de l’harmonisation des peines, le procureur soumet que l’élève-officier Bobu aurait pu être jugé par procès sommaire, car l’infraction à laquelle il plaide coupable pouvait relever de la compétence du commandant ou d’un officier délégué. Il conclut que la peine proposée est la peine la moins sévère qui permette d’assurer l’efficacité des FAC. Une peine de consignation au quartier pour une période de quatorze jours favoriserait la réinsertion du contrevenant dans la vie militaire; la chaine de commandement a d’ailleurs été consultée et supporte la recommandation conjointe. L’imposition de cette peine préviendrait également l’impact plus sérieux qu’une peine plus sévère aurait, en particulier quant à la création d’antécédents judiciaires. En plus des objectifs de dénonciation, de dissuasion générale et de réinsertion qui doivent avoir préséance dans le cas présent, l’objectif lié à la promotion de l’efficacité opérationnelle des FAC doit aussi être considéré. En conséquence, la peine proposée est, dans les circonstances, conforme aux principes énoncés par la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 

Défense

 

[9]               La défense supporte généralement la position de la poursuite, reconnaissant les mêmes objectifs à favoriser pour cette peine. Elle précise que les incidents sont survenus alors que l’élève-officier Bobu n’avait que dix-neuf ans. Le contrevenant a, de plus, un avenir brillant devant lui. Le plaidoyer de culpabilité représente une économie des ressources, et il a permis d’épargner aux victimes le stress causé par le témoignage qu’elles auraient dû rendre en cour. 

 

[10]           La défense a aussi précisé le cadre contextuel de la commission de l’infraction, qui a été commise lors de compétitions inter-escadrons. Il y avait une forte volonté de performer afin de remporter la coupe du Commandant, et l’équipe de l’élève-officier Bobu ne performait pas très bien. Le côté compétitif de celui-ci aurait pris le dessus. Après les évènements, l’élève-officier Bobu a adopté un bon comportement.

 

[11]           Selon les prétentions de la défense, les victimes ne croyaient pas que les actes étaient intentionnels. Qui plus est, l’élève-officier Bobu s’est excusé, et l’élève-officier Lafond-Mercier n’a subi aucun dommage, elle n’a développé aucune crainte à l’égard du contrevenant en lien avec sa conduite.

 

[12]           La défense soumet de plus que les vacances scolaires des élèves du Collège militaire royal (CMR) sont sur le point de débuter. L’imposition de la peine de consignation au quartier pour une période de quatorze jours signifie que le contrevenant sera privé de deux semaines de vacances, période pendant laquelle il comptait passer du temps avec sa famille. Cette période coïncide également avec l’assouplissement graduel des restrictions provinciales liées à la pandémie de la COVID-19. Sa punition aura donc un impact plus sérieux, puisqu’il ne pourra pas bénéficier de cet assouplissement à court terme pour socialiser.

 

[13]           Il s’agit d’une infraction dont la gravité subjective est mineure. Cette expérience a toutefois permis au contrevenant de réfléchir à ses actions. Elle lui a aussi permis de mieux comprendre la structure organisationnelle de la chaine de commandement ainsi que le système de justice militaire. De plus, les excuses publiques constituent une indication de remords de sa part.

 

[14]           En conséquence, une peine mineure permet de satisfaire aux objectifs de dénonciation et dissuasion tout en permettant la réinsertion de l’élève-officier Bobu dans la vie militaire. La peine satisfait au critère de l’intérêt public et la Cour devrait l’accepter.

 

La preuve

 

[15]           La poursuite a déposé en preuve la documentation énumérée à l’article 111.17 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), soit les points pertinents des états de service de l’accusé daté du 11 mai 2021, une copie certifiée du sommaire de dossiers personnels du membre datée du 10 mai 2021, ainsi qu’une copie certifiée du guide de solde en date du 11 mai 2021. Elle a aussi déposé une déclaration de victime signée par l’élève-officier Bryan et une autre signée par l’élève-officier Lafond-Mercier. La poursuite a confirmé avoir offert aux élève-officiers Bilodeau et Émond de remplir une déclaration; celles-ci ont choisi de ne pas en fournir. De son côté, la défense a déposé de consentement, un sommaire conjoint des faits ainsi qu’une lettre de recommandation datée du 13 mai 2021 et signée par le lieutenant de vaisseau Robert, Commandant de l’escadron Iberville, le tout de consentement.

 

[16]           La Cour a soulevé des préoccupations quant à l’absence de preuve concernant les exigences des ORFC liées à la mise à exécution d’une peine mineure au CMR. En conséquence, deux documents ont été déposés en preuve par la défense, de consentement. Le premier, « Rules And Regulations For Defaulters », a été mis en vigueur le 20 mai 2021 sous l’autorité du commandant du CMR. Ce document a été préparé par l’adjudant-chef Duguas, Sergent-major du CMR, de concert avec sa chaine de commandement. Le document contient les règles sur la tenue, la routine et les attentes à l’égard des contrevenants qui doivent purger une peine mineure. Le deuxième document, « Declaration of Understanding » est un document à être signé par un membre astreint à purger une peine mineure où il atteste avoir pris connaissance et avoir compris les règles et conditions de la peine imposée, tel que décrit dans les ordres en question à la pièce 11, Rules And Regulatins For Defaulters.

 

[17]           L’adjudant-chef Duguas a été appelé à témoigner pour la défense. Il a expliqué l’origine du document « Rules And Regulations For Defaulters » mis en vigueur le 20 mai 2021, ainsi que le plan à mettre en œuvre pour la gestion de la peine. Il a précisé que ce sont les sous-officiers qui sont responsables de la mise à exécution de cette peine. Il a confirmé qu’advenant le cas où la Cour imposait la peine mineure recommandée, l’élève-officier Bobu devra signer le document « Declaration of Understanding », attestant avoir reçu et compris les ordres du commandant qui s’appliquent. 

 

[18]           Finalement, l’élève-officier Bobu a présenté des excuses publiques tant de façon générale que spécifiquement aux quatre élève-officiers visés par sa conduite. Il a aussi expliqué que son esprit compétitif était à l’origine du comportement reproché dans l’acte d’accusation.

 

L’analyse

 

[19]           Une sanction juste doit viser un ou plusieurs objectifs énumérés dans la LDN, notamment la dénonciation des comportements illégaux, la dissuasion tant générale que spécifique et la réinsertion sociale des contrevenants. Dans le cadre de la détermination de la peine visant ces objectifs, le juge doit appliquer les principes que l’on retrouve dans la LDN, en particulier le principe fondamental qui établit que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.  La peine doit donc être adaptée aux circonstances aggravantes et atténuantes liées à la perpétration de l’infraction, ainsi qu’à la situation du contrevenant. Elle doit aussi être semblable à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Elle se doit d’être la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, l’efficacité et le moral des FAC. Finalement, les conséquences indirectes du verdict de culpabilité ou de la sentence doivent être prises en considération.

 

[20]           Dans un système adversaire tel que le nôtre, les avocats de la poursuite et de la défense protègent et défendent les intérêts de la partie qu’ils représentent. Lorsqu’ils conviennent de recommander au juge une peine en particulier, il est présumé qu’ils ont considéré les principes applicables à la détermination de la peine tout en veillant aux intérêts de leur client. Ils ont de surcroit une connaissance approfondie des faits pertinents de la cause, et des forces et des faiblesses de la preuve. La preuve ainsi que les représentations des parties, doivent faire état des éléments qu’ils ont considérés afin de justifier leur position en fonction des faits de la cause, car le critère que le juge doit appliquer lors de l’appréciation de la recommandation conjointe a pour effet de limiter grandement sa discrétion dans ce contexte.

 

[21]           Selon ce critère appelé critère de l’« intérêt public », la Cour ne devrait rejeter la recommandation conjointe que si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle n’est pas, par ailleurs, dans l’intérêt public. Tel que l’a établie la CSC dans sa décision Anthony-Cook,  au paragraphe 34:

 

Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé …

 

[22]           Afin de déterminer si la peine satisfait au critère de l’intérêt public, la Cour doit examiner la recommandation conjointe à la lumière des circonstances entourant la commission de l’infraction, la situation du contrevenant, ce qui inclut la considération des facteurs aggravants et atténuants, et ce, en considération des principes de la détermination de la peine que j’ai expliqué plus tôt. Dans le cas de l’élève-officier Bobu, les parties recommandent conjointement l’imposition d’une peine mineure. 

 

[23]           Sous l’autorité de l’article 146 de la LDN, les peines mineures sont prescrites à l’article 104.13 des ORFC et comprennent la consignation au navire ou au quartier, les travaux et exercices supplémentaires et la suppression de congé. C’est le commandant de la base, de l’unité ou de l’élément qui doit s'assurer que des ordres sont émis pour régir les personnes astreint à ces peines. Ces ordres doivent être portés à la connaissance de toute personne devant purger une peine mineure. Seul un officier peut appliquer et superviser les peines mineures infligées aux élèves-officiers.

 

[24]           Lorsqu’elle est imposée par une cour martiale, le paragraphe 104.13(5) des ORFC stipule que la peine mineure est assujettie aux conditions prévues au tableau ajouté à l'article 108.24 (Pouvoirs de punition attribués au commandant). Puisqu’il constitue traditionnellement un outil disciplinaire important pour le commandant, ce type de peine est rarement imposé en cour martiale.

 

[25]           Tel que le faisait remarquer le juge militaire Dutil dans la décision R c Balint, 2011 CM 1012 au paragraphe 13, en référant au paragraphe 104.13(5) des ORFC:

 

Cette disposition a été adoptée en 1998 afin de permettre à un juge militaire présidant un procès tenu devant une cour martiale d’infliger une peine mineure, mesure que seuls les officiers présidant les procès sommaires pouvaient prendre auparavant. Même si cette modification a eu pour effet d’étendre la portée des peines pouvant être infligées aux contrevenants déclarés coupables d’infractions par la cour martiale, il convient de souligner que les peines mineures sont destinées principalement à permettre à la chaîne de commandement de traiter les infractions très mineures de manière à promouvoir la réadaptation des militaires qui sont considérés par ailleurs comme des membres productifs de leur unité.

 

[26]           Il ajoutait plus loin, au paragraphe 14 :

 

Il n’est pas surprenant que les peines mineures soient rarement infligées lors des procès tenus devant la cour martiale. Ces peines ont été créées à l’origine pour aider les commandants à traiter les infractions de nature mineure commises par des membres se trouvant sous leur propre commandement. En qualité de commandants, ils bénéficient, directement ou par l’entremise de leurs subalternes, d’une connaissance approfondie et directe du contrevenant concerné, notamment en ce qui a trait à son rendement actuel et passé, à ses forces et ses faiblesses, à son potentiel, à sa situation financière et familiale et à toutes les caractéristiques militaires et personnelles constamment évaluées dans le milieu militaire. Cette connaissance revêt une importance primordiale pour tout tribunal militaire appelé à déterminer la peine qu’il convient d’infliger à une personne déclarée coupable d’une infraction de nature très mineure, surtout lorsque la réadaptation représente l’un des principaux objectifs visés.

 

[27]           Dans cette affaire, la cour avait conclu initialement qu’elle ne possédait pas suffisamment d’éléments pour déterminer la façon dont la peine proposée permettrait d’atteindre les buts et objectifs mis en relief par les avocats, en particulier quant aux objectifs de dissuasion, de dénonciation et de réadaptation. Elle a demandé aux avocats de lui fournir des éléments de preuve supplémentaires au soutien de leurs observations afin de l’aider à mieux comprendre la conduite et le rendement récents de l’élève-officier Balint, tant sur les plans académique que militaire. Bien que cet arrêt ait été rendu avant la décision de la CSC Anthony-Cook, les principes qui s’y dégagent sont toujours pertinents, notamment puisque le régime gouvernant les peines mineures n’a pas ou peu changé, et puisque la cour martiale dans Balint avait appliqué le critère de l’intérêt public, confirmé subséquemment par la CSC. 

 

[28]           Dans le cas présent, contrairement à la décision Balint, la preuve fournie par la défense, par le biais de la lettre du lieutenant de vaisseau Robert, du sommaire conjoint des faits, ainsi que les représentations des parties, est satisfaisante et démontre que l’élève-officier Bobu a eu, tant avant qu’après la commission de l’infraction, et continue d’avoir, un comportement irréprochable et un très bon rendement. Ses exploits académiques et son comportement lui ont d’ailleurs mérités un prix d’excellence et une position de leadership, tels que le démontre sa situation personnelle.

 

Situation du contrevenant

 

[29]           L’élève-officier Bobu a 21 ans. Il s’est enrôlé dans les FAC comme officier de systèmes de combat aérien le 28 juin 2019. Bien que ces états de service soient très succincts vu son enrôlement récent, il a été un élément actif au sein de la société avant même d’avoir atteint l’âge de la majorité et s’est démarqué à un très jeune âge. Il a remporté divers prix tant au niveau de son implication sociale que de ses exploits intellectuels et de condition physique. Il a aussi démontré très tôt un intérêt pour les FAC. En effet, de 2013 à 2016, l’élève-officier Bobu a fait partie des Cadets royaux de l’Armée canadienne au sein du Corps de cadets à Côte-des-Neiges où il a obtenu le grade d’adjudant (cadets). En 2015, il a été nominé pour le Prix du Colonel Robert Perron pour sa condition physique. En 2017, il était membre du Comité Action Jeunes Citoyens pour le bénévolat et la promotion des droits de la personne à travers le monde.

 

[30]           En 2019, il a reçu une mention pour son excellente moyenne académique, où il était d’ailleurs classé dans les cinq meilleurs élèves-officiers francophones de son programme. En 2020, il a reçu le trophée honorifique du Club des Anciens pour avoir contribué à la vie étudiante au Collège militaire royal de Saint-Jean pour altruisme. En 2021, l’élève-officier Bobu occupait la position de commandant adjoint de section au sein de l’Escadron Iberville et a reçu une cote AAA (Excellent) au niveau du pilier militaire et du leadership.

 

[31]           Quant à la lettre de recommandation de son commandant d’escadron de l’année dernière, le lieutenant de vaisseau Robert affirme que l’élève-officier Bobu suit normalement les directives, participe avec enthousiasme aux activités du curriculum et n’a pas l’habitude de faire de faux pas dans ses interactions avec les autres. L’élève-officier Bobu est dédié à son développement professionnel et à son perfectionnement, comme en témoigne son excellente réussite académique. Mises à part les allégations faites en lien avec le présent cas, et les mesures disciplinaires qui en ont découlées, le contrevenant n’a aucun problème administratif ou disciplinaire. Il a d’ailleurs été confirmé par les parties qu’aucune mesure administrative n’a été imposée à  son égard en conséquence de sa conduite. Le lieutenant de vaisseau Robert prédit que si l’apprentissage du contrevenant se poursuit conformément aux valeurs des FAC telles qu’inculquées par le CMR, l’élève-officier Bobu deviendra un excellent officier.

 

[32]           Conséquemment, en considération de la preuve et des plaidoiries des avocats, la Cour se déclare satisfaite que les parties aient fourni suffisamment d’information pour que la Cour puisse considérer l’imposition d’une peine mineure. Elle se déclare également satisfaite que la preuve déposée par la défense démontre que le commandant de la base a émis des ordres pour régir les personnes assujetties à une peine mineure, et que ces ordres seront portés à la connaissance de l’élève-officier Bobu si la Cour acceptait la recommandation conjointe. Néanmoins, puisque seul un officier peut mettre à exécution les peines mineures infligées aux élèves-officiers, la poursuite devra confirmer cet aspect avec le CMR si la Cour accepte d’imposer la peine mineure proposée.

 

Facteurs aggravants

 

[33]           En considération de la recommandation conjointe, la Cour a examiné les facteurs aggravants suivants :

 

a)                  L’élève-officier Bobu est aspirant à la commission d’officier des FAC. Il représente la relève du corps d’officier. Les FAC et la société en général exigent un standard de conduite plus élevé de la part des officiers;

 

b)                  Le comportement visé s’est produit une dizaine de fois sur une période d’environ deux mois et demi et impliquait quatre élève-officiers;

 

c)                  La conduite s’est produite sur les lieux de services, dans un contexte relié au service;

 

d)                  L’élève-officier Bobu s’en est pris à des collègues féminins et a violé leur intégrité physique, en touchant les parties féminines de leur corps; par ces gestes, il a aussi exposé la poitrine de l’une d’elles, et ce, à plus d’une reprise;

 

e)                  Son comportement a non seulement importuné ses sœurs d’armes, il les a embarrassé;

 

f)                   La Cour a considéré les déclarations des élève-officiers Lafond-Mercier et Bryan. Cette dernière fait état, en particulier, de l’impact émotif que les évènements ont eu sur elle. Elle parle aussi de ses préoccupations quant à la culture actuelle des FAC qui permet la continuation de tels comportements.

 

Facteurs atténuants

 

[34]           La Cour a également considéré les facteurs atténuants suivants :  

 

a)                  L’aveu de culpabilité est un facteur atténuant pesant très lourd au niveau de la mitigation de la peine. Le plaidoyer de culpabilité constitue une indication de remords. Il permet de plus d’épargner aux victimes le stress causé par le témoignage qu’elles auraient dû livrer en cour.  Il entraine aussi une économie importante des ressources nécessaires à la tenue d’un procès contesté;

 

b)                  Lors du procès, l’élève-officier Bobu a présenté des excuses publiques, excuses qui m’ont paru sincères et qui confirment l’existence de remords. D’ailleurs, l’élève-officier Bobu s’était excusé auprès de l’élève-officier Lafond-Mercier à la suite de ses gestes impliquant cette dernière, ce qui démontre qu’il avait déjà accepté à l’époque la responsabilité de ses gestes à son égard;

 

c)                  Le contrevenant est jeune; il est en période de développement;

 

d)                  Son comportement semble plutôt indiquer un esprit de compétition insouciant, d’un jeune élève-officier désirant voir son équipe gagner à tout prix, en ignorant les conséquences possibles de son comportement téméraire. D’ailleurs, trois des quatre élèves-officiers ne croyaient pas que le comportement était intentionnel, la quatrième élève-officier n’ayant fourni aucun commentaire à cet égard;

 

e)                  Il n’a aucun antécédent;

 

f)                   Il a le support de sa chaîne de commandement.

 

Harmonisation des peines

 

[35]           Lors de l’examen de la suggestion commune, la Cour s’est aussi penchée sur le principe de l’harmonisation des peines et a considéré le seul arrêt discuté, l’arrêt Balint. L’élève-officier Balint s’était fait imposer une peine mineure de consignation au quartier pour une période de douze jours pour s’être absentée sans permission. Je note les distinctions circonstancielles entre les deux affaires. Ceci dit, Balint constitue un point de départ qui guide cette Cour en appliquant le principe de l’harmonisation des peines, en particulier en lien avec les objectifs visés par la peine et le type de peine recommandée, le grade des contrevenants ainsi que la gravité objective des accusations concernées. À la lumière de ces critères, la Cour se déclare satisfaite que la recommandation conjointe est conforme au principe de l’harmonisation des peines.

 

Conclusion

 

[36]           Eu égard aux considérations particulières qui s’appliquent lors de l’appréciation du caractère acceptable d’une recommandation conjointe, la Cour conclut que la peine conjointement recommandée en l’espèce est conforme au critère de l’intérêt public. Une peine mineure de consignation au quartier pour une période de quatorze jours permet de satisfaire aux objectifs de dénonciation et de dissuasion particulièrement, comme l’a suggéré la défense, lorsque cette peine est imposée au moment même où les vacances de l’élève-officier Bobu, tout comme celles des autres élèves du CMR, débutaient. Dans son cas, celles-ci débuteront deux semaines plus tard et seront écourtées, dans un contexte où les restrictions sociales liées à la pandémie de la COVID-19 seront assouplies et graduellement levées dans la province. Finalement, la peine proposée permettra aussi la réinsertion du contrevenant dans la vie miliaire.

 

[37]           Le contrevenant a déjà démontré qu’il pouvait corriger son comportement, ayant adopté une conduite irréprochable depuis les évènements. Il a reconnu ses torts, une marque d’intégrité et de leadership. La Cour est d’avis que le contrevenant a un avenir comme officier dans les FAC.

 

POUR CES RAISONS, LA COUR :

 

[38]           DÉCLARE l’élève-officier Bobu coupable d’une infraction au terme de l’article 129 de la LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[39]           LE CONDAMNE à une peine mineure de consignation au quartier pour une période de quatorze jours.

 

[40]           ORDONNE que le Collège militaire royale soit avisé par la poursuite des exigences au paragraphe 3 de l’article 104.13 des ORFC en ce que « [s]eul un officier peut appliquer et superviser les peines mineures infligées aux élèves-officiers ».


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaire, tel que représenté par le major J.D.H. Bernatchez

 

Major M. Melbourne, service d’avocats de la défense, avocat de l’élève-officier S. Bobu

 

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