Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 25 January 2022

Location: Asticou Centre, block 2600, room 2601, courtroom, 241 de la Cité-des-Jeunes Boulevard, Gatineau, QC

Language of the trial: French

Charge:

Charge 1: S. 129 NDA, neglect to the prejudice of good order and discipline.

Results:

FINDING: Charge 1: Guilty.
SENTENCE: A severe reprimand and a fine in the amount of $3600.

Decision Content

Warning : this document is available in French only.

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Chami, 2022 CM 5002

 

Date :  20220125

Dossier :  202153

 

Cour martiale générale

 

Salle de cour Asticou

Gatineau (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Lieutenant de vaisseau S. Chami, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Lieutenant de vaisseau Chami a plaidé coupable à une accusation portée au terme de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN), soit d’avoir, le ou vers le 5 octobre 2020, à ou près de la ville d’Ottawa, négligé de s’isoler pendant la période où il était en attente du résultat d’un test de dépistage de la COVID-19. La Cour a accepté et enregistré le plaidoyer de culpabilité. Dans le cadre de la procédure de la détermination de la peine, les parties ont proposé conjointement à la Cour d’imposer comme peine un blâme assorti d’une amende de 3 600 $. La Cour doit maintenant examiner la peine suggérée par les parties afin de déterminer si celle-ci satisfait au critère applicable.

 

Circonstances entourant la commission de l’infraction

 

[2]               Lorsqu’elle détermine le bien-fondé de la recommandation conjointe, la Cour doit tenir compte des circonstances qui entourent la commission de l’infraction. Dans le cas d’un plaidoyer de culpabilité, un sommaire des circonstances est déposé en pièce par la poursuite afin de fournir à la Cour toute l’information dont celle-ci a besoin. Le document déposé en pièce dans le cadre de ce procès se lit comme suit:

 

« SOMMAIRE CONJOINT DES CIRCONSTANCES

 

1.                  En tout temps pertinent, le Ltv Chami était membre de la Force régulière, affecté au Directeur général - Gestion du programme d'équipement maritime (Sous-ministre adjoint (Matériel)), au Quartier Général de la Défense Nationale à Ottawa.

 

2.                  Le 2 octobre 2020, le Ltv Chami a passé un test de dépistage pour la COVID-19 dans le système de santé publique à Gatineau. Il a décidé de passer ce test, suivant une information voulant qu’il eût possiblement été exposé à la COVID-19, pendant une partie de hockey la semaine précédente. Il avait également quelques symptômes, notamment le nez qui coulait.

 

3.                  Le Ltv Chami n’a pas informé sa chaine de commandement de ses symptômes ni du fait qu’il venait de passer un test de dépistage. Le Ltv Chami savait qu’il aurait dû s’isoler, car il avait des symptômes et parce qu’il était en attente des résultats dudit dépistage. Des instructions claires, à ce sujet, avaient été communiquées par les Forces armées canadiennes (FAC) et par sa chaîne de commandement.

 

4.                  Le 5 octobre 2020, en avant-midi, le Ltv Chami s’est présenté à l’école Elizabeth Park dans le district Uplands à Ottawa pour participer au comité de sélection annuel pour le métier de cuisinier. Il n’avait toujours pas reçu le résultat de son test de dépistage et il éprouvait toujours des symptômes.

 

5.                  Conséquemment, le Ltv Chami a été dans la même salle que quatre autres participants membres des FAC pendant deux journées de travail. Au moins l'un des participants a remarqué que le Ltv Chami toussait périodiquement.

 

6.                  Le 6 octobre 2020, en soirée, Le Ltv Chami a reçu le résultat de son test de dépistage par téléphone. Son test de dépistage était positif à la COVID-19. Il a communiqué ce résultat positif au Capc Bussières qui était le point de contact pour le comité de sélection pour les questions reliées à la COVID-19.

 

7.                  Le 7 octobre 2020, soit le lendemain matin, il a également informé sa chaîne de commandement, par un courriel destiné au Capc Korets, qu’il était infecté par la COVID-19. Dans son courriel, le Ltv Chami a mentionné qu’il se sentait bien, mais qu’il toussait encore.

 

8.                  Étant donné les actions du Ltv Chami, le comité de sélection a été annulé et les quatre participants tous membres des FAC ont dû s’isoler pendant une période de 14 jours. Deux des participants ont dû passer cette période d’isolement confiné dans une chambre d’hôtel à Ottawa à l’extérieur de leur domicile.

 

9.            Les actions du Ltv Chami ont eu des effets secondaires sur les familles des participants. Par exemple, deux enfants ont été retirés de leurs écoles respectives le temps d’effectuer une période d’isolement. De plus, la possibilité d’avoir été exposé à la COVID-19 a augmenté le niveau de stress des membres des familles, incluant un membre ainé à risque d’une des familles. »

 

Question en litige

 

[3]               La Cour doit maintenant déterminer si la peine proposée, soit un blâme avec une amende de 3 600 $, serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait par ailleurs contraire à l’intérêt public.

 

Position des parties

 

Poursuite

 

[4]               La poursuite soumet que la soumission conjointe vise l’objectif de dénonciation afin de démontrer la réprobation vis-à-vis la négligence reprochée, ainsi que l’objectif de renforcer le devoir d’obéissance aux ordres légitimes. Elle vise également l’objectif de dissuasion tant générale que spécifique, tout en reconnaissant la responsabilité du contrevenant dans cette affaire. La peine proposée est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du lieutenant de vaisseau Chami.

 

[5]               La poursuite a considéré comme facteurs aggravants la gravité objective de l’infraction, étant donnée la peine maximale prévue par la Loi, ainsi que la gravité subjective de l’infraction. À cet égard, la poursuite soumet que le manque de jugement dont le contrevenant a fait montre quant à son omission de respecter les règles mises en place pour protéger les membres des Forces armées canadiennes (FAC), est répréhensible. Son omission de s’isoler dans l’attente du résultat d’un test de dépistage a eu des conséquences regrettables sur les autres participants du comité de sélection et sur leur famille. Le comité de sélection a d’ailleurs été annulé en conséquence du résultat positif du lieutenant de vaisseau Chami. La poursuite allègue que l’omission de s’isoler dans les circonstances, et le fait de ne pas avoir mentionné à sa chaîne de commandement qu’il était en attente d’un résultat de test de dépistage de la COVID-19, font foi d’un manque d’intégrité de sa part. La poursuite considère cet aspect du dossier comme étant particulièrement problématique pour un membre des FAC qui possède plusieurs années d’expérience militaire. La poursuite affirme que les conséquences de l’omission de s’isoler étaient prévisibles et évitables.

 

[6]               À titre de facteur atténuant, la poursuite dit avoir considéré le plaidoyer de culpabilité et l’absence de fiche de conduite. Elle précise qu’aucune jurisprudence pertinente en cour martiale n’a pu être identifiée pour la guider quant à l’application du principe de l’harmonisation des peines. Elle plaide néanmoins que les affaires R. c. Steward, 2013 CM 3035 et R. c. Caporal-chef P.P. Billard, 2007 CM 4019 peuvent guider la Cour lors de l’application du principe. La poursuite a toutefois repéré une trentaine de résultats de procès sommaires dont les peines varient grandement. Elle souligne notamment un cas où une amende de 1 800 $ a été imposée à un capitaine. La poursuite affirme que cette peine constitue une peine lourde dans l’échelle des peines imposées à un procès sommaire. Elle conclut que la peine proposée devrait être acceptée par la Cour puisque tous les critères applicables ont été considérés lors de l’élaboration de la soumission conjointe.

 

Défense

 

[7]               La défense confirme n’avoir pu identifier de cas semblable en cour martiale dans sa considération de la peine dans le cadre du principe de l’harmonisation des peines. Elle soumet que la jurisprudence soumise par la poursuite a peu de poids, ayant peu de similarité avec le cas en l’espèce. La défense soumet que des amendes imposables par le gouvernement ontarien pour des manquements semblables à celui dont le lieutenant de vaisseau Chami a fait preuve, varient entre 700 $ à 1 000 $. Dans certains cas, une peine allant jusqu’à 12 mois d’emprisonnement peut être imposée. La défense demande à la Cour de ne pas conclure que l’omission du lieutenant de vaisseau Chami était délibérée puisqu’aucune preuve n’a été présentée démontrant une intention de dissimuler sa situation. De surcroît, la défense prétend que le lieutenant de vaisseau Chami a omis de s’isoler car il était guidé par son sens du devoir, ce qui constitue un facteur atténuant. En effet, pendant la période où il aurait dû s’isoler, il s’est présenté pour participer aux travaux du comité. De plus, lorsqu’il a appris que le résultat de son test était positif, le lieutenant de vaisseau Chami a pris les mesures nécessaires en s’isolant et en informant sa chaîne de commandement de son résultat positif, contredisant toute affirmation d’omission intentionnelle de sa part.

 

[8]               L’avocat de la défense soumet de plus qu’il s’agit d’un cas isolé, d’une conduite qui n’est pas conforme à la conduite habituelle de son client. Sa carrière au sein des FAC témoigne d’un réel potentiel d’avancement professionnel. Son service à bord d’un navire canadien de Sa Majesté (NCSM) à plusieurs reprises, et la reconnaissance de son dévouement par les autorités militaires supérieures, lui ont mérité un certificat de réussite. De plus, personne n’a été infecté par son omission de s’isoler. Finalement, la défense soumet que le plaidoyer de culpabilité représente une économie des ressources, et a permis d’épargner aux témoins le stress de venir témoigner en cour. En conséquence, la peine proposée satisfait au critère de l’intérêt public et la Cour devrait l’accepter.

 

La preuve

 

[9]               La poursuite a déposé en preuve la documentation énumérée à l’article 111.17 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), soit les points pertinents des états de service de l’accusé, une copie certifiée du sommaire de dossiers personnels du membre ainsi qu’une copie certifiée du guide de solde. Les trois documents sont datés 18 janvier 2022. De son côté, la défense a déposé de consentement, un sommaire conjoint des faits ainsi qu’un certificat de réussite Bravo Zulu signée du Commandant des Forces maritimes du Pacifique.

 

[10]           La Cour a pris connaissance judiciaire de certains faits et questions au terme des règles 15 et 16 des Règles militaires de la preuve, notamment de la situation concernant la crise sanitaire en lien avec la COVID-19, des mesures et restrictions imposées et des peines imposables par le gouvernement ontarien à cet égard, ainsi que des mesures prises par les FAC afin de limiter la propagation du virus. À ce titre, la Cour a pris connaissance judiciaire de la teneur des ordres et instructions donnés par écrit par le Chef d’état-major de la défense (CEMD) sous le régime de l’article 1.23 des ORFC à l’époque de la commission de l’infraction, en particulier la Directive conjointe du SM/CEMD - Mesures de santé publique et de protection individuelle du MDN/des FAC contre la COVID-19, datée du 1er mai 2020.

 

L’analyse

 

Principes applicables à l’imposition d’une peine

 

[11]           Une sanction juste doit viser un ou plusieurs objectifs énumérés dans la LDN, notamment la dénonciation des comportements illégaux, la dissuasion tant générale que spécifique et la réinsertion sociale des contrevenants. Dans le cadre de la détermination de la peine visant ces objectifs, le juge doit appliquer les principes que l’on retrouve dans la LDN, en particulier le principe fondamental qui établit que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. La peine doit donc être adaptée aux circonstances aggravantes et atténuantes liées à la perpétration de l’infraction, ainsi qu’à la situation du contrevenant. Elle doit aussi être semblable à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Elle se doit d’être la peine la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, l’efficacité et le moral des FAC. Finalement, les conséquences indirectes du verdict de culpabilité ou de la sentence doivent être prises en considération.

 

[12]           Dans un système adversaire tel que le nôtre, les avocats de la poursuite et de la défense protègent et défendent les intérêts de la partie qu’ils représentent. Lorsqu’ils conviennent de recommander au juge une peine en particulier, il est présumé qu’ils ont considéré les principes applicables à la détermination de la peine tout en veillant aux intérêts de leur client. Ils ont de surcroît une connaissance approfondie des faits pertinents de la cause, ainsi que des forces et des faiblesses de la preuve. La preuve tout comme les représentations des parties, doivent faire état des éléments qu’ils ont considérés afin de justifier leur position en fonction des faits de la cause, car le critère que le juge doit appliquer lors de l’appréciation de la recommandation conjointe a pour effet de limiter grandement sa discrétion dans ce contexte.

 

[13]           Selon ce critère appelé critère de l’« intérêt public », la Cour ne devrait rejeter la recommandation conjointe que si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle n’est pas, par ailleurs, dans l’intérêt public. Tel que l’a établie la Cour suprême du Canada (CSC) dans sa décision R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 au paragraphe 34:

 

Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé [. . .]

 

[14]           Afin de déterminer si la peine satisfait au critère de l’intérêt public, la Cour a pris en compte les circonstances entourant la commission de l'infraction telles que révélées par le sommaire des circonstances dont le contrevenant a accepté la véracité. La Cour a également considéré la preuve documentaire et la jurisprudence qui ont été déposées, ainsi que les plaidoiries des avocats, et a analysé ces divers éléments à la lumière des objectifs et des principes applicables en matière de détermination de la peine. La Cour a considéré les circonstances aggravantes et atténuantes liées aux circonstances de l'affaire ainsi que la situation personnelle du contrevenant et le contexte dans lequel l’infraction a été commise.

 

Crise sanitaire

 

[15]           C’est le 11 mars 2020 que l’Organisation mondiale de la santé détermine que la COVID-19 peut être qualifiée de pandémie étant donné les niveaux alarmants de propagation et de sévérité de la maladie. C’est donc dans ce contexte exceptionnel qu’au Canada comme dans la plupart des autres pays, les autorités des différents paliers gouvernementaux ont imposé aux citoyens dès le début de 2020, des mesures visant à limiter la propagation de ce virus hautement transmissible, entre autre afin de ne pas surcharger le système de santé des provinces.

 

[16]           Le devoir de s’isoler de ceux qui suspectent être infectés par le virus fait partie intégrante des restrictions imposées par les autorités.  Il s’agit d’un devoir légal, civique et moral. Cette obligation vise notamment à protéger les plus vulnérables dans la communauté et dans les lieux de travail. En effet, les risques de décès et de complications en lien avec le virus sont plus élevés pour une partie de la population plus vulnérable, notamment pour les personnes immunosupprimées.

 

Implications des FAC

 

[17]           Dès le début de la pandémie, les FAC ont contribué de multiples façons à l’effort national pour combattre la propagation du virus, par exemple, en fournissant du personnel en soutien à l’Agence de la santé publique du Canada dès 2020 afin d’assurer la distribution du vaccin aux provinces et territoires. Les FAC ont aussi dispensé, et continue de dispenser, des soins de santé à la population canadienne dans le cadre de l’opération Laser.

 

Mesures prises par les FAC afin de limiter la propagation

 

[18]           Tant dans ce contexte particulier que par la nature même du service militaire, le public est en droit de s’attendre à ce que les membres des FAC se conforment en tout temps aux mesures mises en œuvre par les autorités gouvernementales. Par l’entremise de ses ordres, d’ailleurs, le CEMD a émis des directives spécifiques aux membres des FAC dès le début de la pandémie, directives visant à adapter les mesures imposées par les différents paliers gouvernementaux à la réalité opérationnelle de la force. Le devoir de s’isoler dans l’attente du résultat d’un test de dépistage fait évidemment partie intégrante de ces mesures; il est d’autant plus critique afin d’assurer la protection de la force et du public.

 

Objectifs visés

 

[19]           Dans cette optique, en plus de ne pas avoir satisfait aux attentes légitimes des FAC et du public eu égard à sa conduite, le lieutenant de vaisseau Chami a mis à risque la santé et la sécurité d’autres membres de l’équipe de la défense, de leurs proches et du public en général. En considération de ces facettes du dossier, la Cour conclut que la peine à imposer doit viser comme objectifs de renforcer le devoir d’obéissance aux ordres légitimes et de maintenir la confiance du public dans les FAC en tant que force armée disciplinée tel que prévu aux alinéas 203.1 (2) a) et b) de la LDN. La Cour accepte aussi que la dissuasion générale doit être un objectif visé par cette peine.

 

Facteurs aggravants

 

[20]           En considération de la recommandation conjointe, la Cour a examiné les facteurs aggravants suivants :

 

a)                  la négligence du contrevenant a eu des conséquences fâcheuses et néfastes sur le déroulement du comité de sélection et sur les membres présents. En effet, le comité de sélection a été annulé et les quatre participants, tous membres des FAC, ont dû s’isoler pendant une période de quatorze jours. Deux des participants ont dû passer cette période d’isolement confiné dans une chambre d’hôtel à Ottawa, car ils étaient à l’extérieur de leur région domiciliaire. Deux enfants de participants au comité ont été retirés de leur école respective le temps d’effectuer une période d’isolement. De plus, la possibilité d’avoir été exposé à la COVID-19 a augmenté le niveau de stress des membres des familles, incluant un membre à risque d’une des familles.

 

b)                  le grade et l’expérience du contrevenant dans les FAC. Les FAC et la société en général exigent un standard de conduite plus élevé de la part des officiers, surtout ceux qui ont servi déjà depuis plusieurs années;

 

c)                  la conduite s’est produite dans un contexte relié au service.

 

Facteurs atténuants

 

[21]           La Cour a également considéré les facteurs atténuants suivants : 

 

a)                  L’aveu de culpabilité est un facteur significatif au niveau de la mitigation de la peine. Le plaidoyer de culpabilité constitue une indication de remords et une économie importante de ressources.

 

b)                  le contrevenant n'a pas de fiche de conduite et la négligence reprochée n’est pas conforme à son comportement habituel. En effet, la Cour tire cette conclusion suivant les faits relatés dans le sommaire des circonstances. Celui-ci révèle que le lieutenant de vaisseau Chami a décidé de passer un test de dépistage suivant un signalement reçu voulant qu’il ait possiblement été exposé à la COVID-19 pendant une partie de hockey la semaine précédente. Il avait également quelques symptômes qui semblaient non-alarmants, notamment le nez qui coulait. Bien que les indices de contamination à la disposition du contrevenant ne tendaient pas à indiquer une probabilité de contamination, il s’est tout de même soumis à un test de dépistage. Pendant la période où il a omis de s’isoler, il a respecté les règles de distanciation et de port du masque lors de sa participation aux travaux du comité. Personne n’a d’ailleurs été infecté par cette participation. Lorsqu’il a reçu son résultat positif en soirée, le lieutenant de vaisseau Chami a, sans attendre, communiqué ce résultat à l’officier qui était le point de contact pour le comité de sélection pour les questions reliées à la COVID-19. Le lendemain matin, il a informé sa chaîne de commandement de son infection à la COVID-19. Le tout s’étant déroulé un peu plus de six mois suivant l’annonce de l’Organisation mondiale de la santé face à la COVID-19.

 

c)                  La Cour ne vise pas à minimiser la gravité de son omission de s’isoler et les conséquences qui en ont découlées, affectant plusieurs membres des FAC, leurs familles ainsi que l’achèvement des travaux du comité de sélection. Néanmoins, la preuve révèle que la conduite habituelle du lieutenant de vaisseau Chami est respectueuse et conforme aux mesures visant à éviter la propagation du virus. Sa situation personnelle, qui sera traitée sous peu, en fait également foi. La Cour conclut que l’insouciance dont le contrevenant a fait preuve en lien avec son omission de s’isoler, n’est pas représentative de son comportement habituel.

 

Situation du contrevenant

 

[22]           Le lieutenant de vaisseau Chami a 36 ans. Il s’est enrôlé dans les FAC le 7 octobre 2011. Il est détenteur d’un Baccalauréat en génie informatique de l’Université de Sherbrooke qu’il a obtenu avant de joindre les FAC. Il a de plus complété une Maîtrise en génie informatique / cyber sécurité qui a été parrainé par les FAC au Collège militaire royal du Canada de 2017 à 2019.

 

[23]           Le lieutenant de vaisseau Chami a été déployé en 2014 pendant cinq mois à bord du NCSM Regina en tant que stagiaire dans le cadre de l’Opération REASSURANCE sous l’égide de L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Il a aussi participé à l’exercice international RIM OF THE PACIFIC (RIMPAC) en 2016 pour une durée de deux mois en tant qu’assistant du directeur d’un département. Plus récemment, il a participé à l’exercice CYBER FLAG. Il s’agit d’un entraînement organisé par le Department of Defence (DoD) des États-Unis impliquant un engagement intensif d’une durée de trois semaines auquel participent des équipes de la Grande-Bretagne, du Canada, et des États-Unis. Le lieutenant de vaisseau Chami était le chef d’équipe de l’une des trois équipes représentant le Canada; il remplissait un rôle de leadership primordial au succès de l’équipe. Son équipe a terminé en première position devant une quinzaine d’équipes, démontrant le calibre remarquable de la Marine royale canadienne et des FAC en général.

 

[24]           En 2016, le lieutenant de vaisseau Chami a reçu un certificat de réussite signé du Commandant des Forces maritimes du Pacifique pour sa conduite et son rendement exceptionnels dans le rôle délicat d’accompagnateur désigné auprès de la famille immédiate d’un membre de son unité qui est soudainement décédé. Il a aussi reçu la médaille de l’OTAN Article 5 pour l’Opération ACTIVE ENDEAVOUR.

 

Harmonisation des peines

 

[25]           Lors de l’examen de la suggestion commune, la Cour s’est penchée sur le principe de l’harmonisation des peines, concluant qu’il n’existe présentement pas de jugement en cour martiale relié à l’imposition d’une peine pour une affaire similaire à la présente cause. Quant à la jurisprudence soumise par la poursuite, celle-ci doit être considérée avec les limites qui s’imposent puisque les faits sont évidemment distinguables. En effet, dans Steward, le contrevenant, un sergent, avait omis de ranger convenablement une arme à feu, contrairement aux ordres applicables. Il a été condamné à une réprimande et à une amende de 1 000 $. Dans Billard, le contrevenant avait refusé de suivre les ordres qui lui avaient été donnés lorsque son unité était en alerte, en restant au lit, en refusant d’enfiler son casque et gilet pare-balles et en omettant de se présenter à son lieu de service assigné lors du branle-bas de combat, lequel avait été déclenché parce que le camp faisait l’objet d’une attaque par deux insurgés. Le contrevenant était condamné à une période de détention de vingt-et-un jours. La Cour a donc considéré les peines imposées dans ces deux causes avec circonspection, tout en reconnaissant le défi que présente l’absence actuelle de jugement de cas similaire.

 

[26]           Toutefois, les sentences imposées pour une infraction au terme de l’article 129 de la LDN qui excluent les cas d’inconduites à caractère sexuel, de harcèlement, de consommation de drogue, d’alcool et de cas reliés aux armes, ont guidé la Cour dans son application du principe en question. Dans R. c. Heisler, 2015 CM 4009, le contrevenant était accusé d’avoir menti afin de s’absenter de son unité. Acceptant le plaidoyer de culpabilité du bombardier Heisler, et considérant que la commission de ce type d’infraction a généralement une incidence sur les unités en raison de la distraction qu’elle cause et des ressources qu’elle nécessite, le juge militaire imposait au contrevenant qui avait une fiche de conduite, un blâme et une amende de 1 200 $. De même dans R. c. Winters, 2011 CM 4002, à la suite de la décision de la Cour d'appel de la cour martiale du Canada rétablissant le plaidoyer de culpabilité du capitaine Winters pour avoir contrevenu aux Règlements de sécurité des systèmes d'information du Secteur Québec de la force terrestre en branchant un périphérique non autorisé au réseau intranet de la défense, la soumission conjointe, soit une amende de 500 $, était acceptée et imposée par la Cour. Dans R. c. Babcock, 2010 CM 1001, le plaidoyer de culpabilité d’un adjudant-maître était accepté, et ce, pour avoir payé une personne afin que cette dernière prépare des travaux académiques à sa place. Le contrevenant était condamné à une réprimande et une amende de 2 000 $. Dans R. c. Laflamme, 2015 CM 3014, une réprimande et une amende au montant de 600 $ étaient imposées à la suite d’un plaidoyer de culpabilité d’un caporal-chef qui avait refusé d’obtempéré aux consignes de deux policiers miliaires qui effectuaient des contrôles près de la sortie de la base. Finalement, dans R. c. Deveaux, 2020 CM 5002, la soumission conjointe d’un blâme et une amende de 2 500 $ était acceptée à la suite d’un plaidoyer de culpabilité d’un adjudant qui avait fait défaut d’informer son commandant d’un changement dans sa situation familiale, entraînant un bénéfice financier pour le contrevenant.

 

[27]           Les peines imposées au procès sommaire pour des cas similaires, bien que ne liant pas cette Cour, peuvent aussi servir de guide, avec les limites qui s’imposent quant à la valeur de cette information (voir R. c. Lundy, 2019 CM 5005 aux paragraphes 12 à 18). Pour cette raison, les résultats de procès sommaire soumis par la poursuite ont également été pris en compte.

 

[28]           De plus, puisque l’infraction a été commise à Ottawa, les peines imposables pour toute personne présente dans la Ville d’Ottawa qui a des signes et symptômes de la COVID-19, mais qui fait défaut de s’isoler en attendant le résultat de son test (voir l’Ordre d’isolement fait en vertu du paragraphe 22(5.0.1) de la Loi sur la protection et la promotion de la santé en vigueur le 22 septembre 2020), ont assisté la Cour lors de son analyse. En conséquence, considérant l’information qui a été soumise à la Cour tant en lien avec les amendes imposables pour les personnes présentes à Ottawa pour ce type d’infraction que les résultats aux procès sommaires ainsi que les décisions de la cour martiale pour des infractions au terme de l’article 129 de la LDN, il appert que l’imposition d’une amende relativement sévère est généralement infligée. En conséquence, un blâme avec une amende de 3 600 $, bien que se situant dans le haut de la fourchette des peines en raison des conséquences que son omission a entrainées, constitue tout de même une peine que la Cour considère conforme au principe de l’harmonisation des peines.

 

Conclusion

 

[29]           Eu égard aux considérations particulières qui s’appliquent lors de l’appréciation du caractère acceptable d’une recommandation conjointe, la Cour conclut que la peine conjointement recommandée en l’espèce satisfait au critère de l’intérêt public. Une peine d’un blâme jumelé à une amende de 3 600 $ permet de satisfaire aux objectifs de renforcer le devoir d’obéissance aux ordres légitimes et de maintenir la confiance du public dans les FAC en tant que force armée disciplinée tel que prévu aux alinéas 203.1 (2) a) et b) de la LDN. J’accepte aussi que la dissuasion générale doit être un objectif visé pour la peine. La peine suggérée est conforme au critère de l’intérêt public.

 

[30]           Par le biais de son plaidoyer de culpabilité, le lieutenant de vaisseau Chami a reconnu ses torts, une marque d’intégrité et de leadership. La Cour est d’avis qu’il a un avenir comme officier dans les FAC et que sa carrière pourrait progresser malgré cette embûche.

 

POUR CES RAISONS, LA COUR :

 

[31]           DÉCLARE le lieutenant de vaisseau Chami coupable d’une infraction au terme de l’article 129 de la LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[32]           Le CONDAMNE à un blâme et une amende de 3 600 $. L’amende est payable mensuellement à raison de 600 $ par mois, le premier versement étant dû le 15 février 2022.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par la capitaine de corvette J.M. Besner

 

Major M. Melbourne, service d’avocats de la défense, avocat du lieutenant de vaisseau S. Chami

 

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