Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 13 September 2021

Location: 3 Air Maintenance Squadron Bagotville, building 87, Stratford Street West, Alouette, QC

Language of the trial: French

Charges:

Charges 1, 2: S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.

Decision Content

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AUDIENCE DEVANT UN JUGE MILITAIRE

 

Citation : R. c. Beaulieu, 2021 CM 5027

 

Date : 20210408

Dossier : 202014

 

Procédure préliminaire

Salle d’audience du Centre Asticou
Gatineau (Québec), Canada

Entre :

 

Caporal J.F.J. Beaulieu, requérant

 

- et -

 

Sa Majesté la Reine, intimée

 

 

En présence du : Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


 

DÉCISION RELATIVE À UNE Requête en irrecevabilité en vertu de l’article 187 de la loi sur la défense nationale d’une demande en déclaration d’inconstituTIONnalité de l’article 129 de la loi sur la défense nationale

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Le requérant, le caporal Beaulieu, fait face à deux accusations portées en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN) alléguant des comportements préjudiciables au bon ordre et à la discipline. Par ordre de convocation signé le 22 février 2021, le requérant doit comparaître le 13 septembre 2021 devant une cour martiale générale présidée par la soussignée. Le 1er février 2021, le requérant a signifié un avis de requête en vertu des articles 187 de la LDN et 112.03 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), demandant la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 129 de la LDN, alléguant que cet article contrevient aux articles 2b), 7, et 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. En réponse, la poursuite a soumis une requête en irrecevabilité demandant que la requête du requérant soit rejetée sommairement.

 

Position des parties

 

[2]        Les arguments au soutien de la requête du requérant peuvent être résumés ainsi:

(a)               l’article 129 de la LDN porte atteinte à la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression protégée par l’alinéa 2b) de la Charte, puisque des discours et gestes qui sont préjudiciables au bon ordre et à la discipline tel l’expression d’opinion impopulaire, plaisanteries intempestives, invitations importunes, ainsi que les critiques à l’égard de la chaîne de commandement sont couverts par la large portée du terme « expression » de cet article. La violation ne peut être justifiée en vertu de l’article 1 de la Charte puisque l’assujettissement à des sanctions pénales aux termes de l’article 129 est si large que ne constitue pas une limite raisonnable à la liberté d’expression;

(b)               le requérant allègue que l’article 129 est formulé de façon générale et vague, avec ses termes subjectifs « bon », « ordre » et « discipline », couvrant essentiellement toute la portée du code de discipline militaire, allant même au-delà de celui-ci;

(c)                le requérant prétend, sans expliquer pourquoi, que la soussignée n’est pas liée par la décision R. c. Tuckett, 2019 CM 3005, décision où une requête basée sur les mêmes arguments avait été rejetée;

(d)               le requérant allègue que l’arrêt R. c. Golzari, 2017 CACM 3 a « rendu l’article 129 de la LDN encore plus imprécis, général et vague », tandis que « le raisonnement de l’affaire Lunn est malheureusement fondamentalement erroné »;

(e)               selon le requérant, la violation au droit à la vie, à la liberté, et à la sécurité de la personne, protégé par l’article 7 de la Charte, ne peut être justifiée en vertu de l’article 1 puisque l’imprécision de l’article 129 ne constitue pas un moyen proportionnel d’atteindre son objectif législatif. Son interprétation judiciaire fondée sur l’expérience et connaissances militaires générales porte atteinte à la Charte;

(f)                la constatation de la violation de l’article 7 et de l’alinéa 11e) de la Charte entraînera automatiquement la constatation de la violation de la présomption d’innocence;

 

(g)               le requérant prétend que son droit d’appel conféré par la loi ne pourra lui accorder un appel juste et équitable si la question posée en appel porte sur l’erreur du juge militaire dans l’application de ses connaissances militaires quant à la détermination du préjudice au bon ordre et à la discipline.

[3]        L’intimée quant à elle, allègue dans sa requête en irrecevabilité que la requête du requérant ne démontre pas qu’elle a des chances raisonnables de succès. En effet, même en tenant pour avérés les faits allégués dans la requête du requérant, la question de la violation de la liberté d’expression a déjà été tranchée par la cour martiale, tandis que celle concernant l’imprécision a fait l’objet de décision de la Cour d'appel de la cour martiale (CACM). Selon l’intimée, la requête du requérant ne présente aucun fondement juridique, nouvelle preuve ou nouveaux arguments. L’intimée demande donc que la requête du requérant soit rejetée sommairement.

 

Analyse

[4]        La prétention voulant que l’article 129 soit imprécis au point d’être inconstitutionnel a déjà été soulevée, et a été jugée non fondée par un banc unanime de la CACM dans la décision de R. c. Lunn, 5 CACM 157. Cet arrêt n’a pas été renversé et continue d’ailleurs de faire autorité auprès de la CACM sur cette question particulière (voir l’arrêt R. c. Jones, 2002 CACM 11, au paragraphe 12).

 

[5]        De plus, l’arrêt Golzari de la CACM est venu clarifier le fardeau de preuve afin de démontrer la commission de l’infraction aux termes de l’article 129 de la LDN. En effet, la CACM a confirmé les divers moyens de preuve offerts à la poursuite pour prouver le préjudice.

[6]        Le requérant demande non seulement à la soussignée de ne pas suivre ces principes établis par une cour d’instance supérieure, mais bien de renverser lesdits principes. Hors, suivant le principe de stare decisis, la cour martiale est liée par les décisions de tribunaux d’instance supérieurs et ne peut évidemment pas agir comme instance d’appel des décisions de la CACM.

[7]        De surcroît, l’argument de l’inconstitutionnalité de l’article 129 est une question qui a déjà été tranchée par les juges militaires. Ceux-ci ont rejeté des requêtes basées sur les mêmes arguments dans un cas, et sur des arguments similaires dans un autre, respectivement dans les décisions de Tuckett et de R. c. Purnelle, dossier C199704, 18 février 1997. Concluant que l’article 129 contrevenait à l’alinéa 2b) de la Charte, les juges militaires décidaient que les limites imposées à la liberté d’expression étaient jugées raisonnables et justifiées dans une société libre et démocratique. De plus, dans Tuckett, bénéficiant de l’arrêt de la CACM Golzari, le juge militaire concluait que l’article 129 de la LDN n’était pas imprécis. Suivant la règle de stare decisis horizontal ou courtoisie judiciaire applicable entre juges militaires, la soussignée ne devrait pas aller à l’encontre de décisions rendues par cour martiale, à moins d’être en présence de raisons impérieuses exigeant un nouvel examen des questions concernées, notamment lorsque des décisions subséquentes ont remis en question la validité des décisions Tuckett et Purnelle, qu’une disposition pertinente ou un précédent ayant force exécutoire a été ignoré dans lesdites décisions (per incuriam), ou qu’elles ont été rendues sans délibéré.

[8]        Puisque les décisions Tuckett et Purnelle portent sur les mêmes prétentions que celles soulevées par le requérant dans sa requête, qu’en l’espèce aucun fait nouveau supportant la reconsidération de la question n’y est allégué et qu’à l’examen de ces décisions, il appert qu’il n’existe aucune raison impérieuse qui exige un nouvel examen de la question, il n’y a pas lieu de considérer aller à l’encontre de ces décisions.

[9]        En outre, l’interprétation du droit tel que représenté par le requérant dans sa requête dénature le principe établi par la CACM concernant l’application des connaissances générales militaires par les juges militaires afin de déterminer si l’élément de préjudice est prouvé. D’ailleurs, je fais miens les propos de la juge militaire quant aux principes dégagés dans l’arrêt Golzari sur ce point particulier dans la décision R. c. Banting, 2019 CM 2009 (appel rejeté par un banc unanime, R. c. Banting, 2019 CACM 5) au paragraphe 33, où elle établit que l’utilisation des connaissances générales militaires par les juges militaires pour déterminer l’existence d’un préjudice doit se faire en conformité avec le droit sur la preuve.

[10]      À sa face même donc, même en tenant pour avérés les faits allégués par le requérant au soutien de sa requête, la demande du requérant n’a aucune chance raisonnable de succès.

 

Conclusion

[11]      En conséquence, suivant les principes de l’arrêt R. c. Cody, 2017 CSC 31, où la Cour suprême rappelait aux juges de première instance que ceux-ci devraient utiliser leur pouvoir de gestion des instances pour réduire les délais au minimum, notamment de rejeter sommairement toute demande dès qu’il apparaît évident qu’elle n’a aucune chance raisonnable de succès avant même de permettre qu’elle soit entendue, la requête du requérant doit être rejetée sommairement.

POUR TOUTES CES RAISONS :

 

[12]      J’ACCUEILLE la requête de l’intimée en irrecevabilité soumise le 25 février 2021.

 

[13]      JE REJETTE SOMMAIREMENT la requête demandant la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 129 de la LDN conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, puisqu’en violation des articles 2b), 7, et 11d) de la Charte, datée du 10 février 2021.


Avocats :

 

Capitaine de corvette É. Léveillé, Service d’avocats de la défense, avocat du requérant, caporal Beaulieu

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le lieutenant-colonel D. Martin, avocat de l’intimée

 

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