Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 28 March 2023

Location: 2 Canadian Division Support Base Valcartier, the Academy, building 534, room 227, Courcelette, QC

Language of the trial: French

Charges:

Charge 1: S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.

Results:

FINDING: Charge 1: Guilty.
SENTENCE: A fine in the amount of $4000 and confined to quarters for a period of seven days.

Decision Content

Warning : this document is available in French only.

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Siconnelly, 2023 CM 4006

 

Date : 20230328

Dossier : 202310

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier

Garnison Valcartier (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté le Roi

 

- et -

 

Capitaine P.J.R. Siconnelly, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Capitaine (capt) Siconnelly, la Cour a accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité sur le premier et seul chef à l’acte d’accusation et je vous déclare donc coupable de ce chef en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN), pour comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

Une recommandation conjointe est présentée à la Cour

 

[2]               Il est maintenant de mon devoir d’imposer la sentence. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe à la Cour en ce qui concerne la peine à être imposée. Les avocats recommandent que cette Cour impose une sentence composée d’une amende de 4 000 $ accompagnée de sept jours de consigne aux quartiers.

 

[3]               Le juge militaire à qui on propose une recommandation conjointe sur la peine à imposer est sévèrement limité dans l’exercice de sa discrétion sur sentence. Comme tout autre juge, je ne peux écarter une recommandation conjointe à moins que je ne juge que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public. Il s’agit du test promulgué par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 

[4]               De multiples considérations d’intérêt public appuient l’imposition de toute peine conjointement recommandée. En effet, dans ces cas, la poursuite est d’accord pour recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, minimisant ainsi le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour ceux qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion de commencer à reconnaître leurs torts. Le plus important avantage est la certitude qu’offrent les ententes menant à des recommandations conjointes, autant pour l’accusé que pour la poursuite.

 

[5]               Ceci étant dit, même si la certitude quant au résultat est importante pour les parties, ce n’est pas l’objectif ultime du processus de détermination de la peine. Je dois également garder à l’esprit les objectifs disciplinaires du code de discipline militaire en m’acquittant de mes responsabilités. Tel que reconnu par la Cour suprême du Canada, la raison d’être d’un tribunal militaire est entre autres de permettre aux Forces armées canadiennes (FAC) de s’occuper des questions qui touchent directement le maintien de la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. La sentence est le point culminant du processus disciplinaire suite à un procès ou un plaidoyer. C’est la seule occasion pour la Cour de traiter des besoins disciplinaires générés par la conduite du contrevenant, et ce, sur un établissement militaire, devant public incluant des membres de la communauté militaire.

 

[6]               La détermination de la peine dans le cadre d’un procès en cour martiale comporte donc un aspect disciplinaire important, ce qui n’est pas le cas pour le même exercice dans une cour civile de juridiction criminelle. Même lorsqu’une recommandation conjointe est soumise à la Cour, le juge militaire doit s’assurer, au minimum, que les faits pertinents à la situation du contrevenant et à la perpétration de l’infraction soient non seulement considérés, mais également expliqués adéquatement dans ses motifs relatifs à la sentence, et ce, dans une mesure qui peut ne pas être toujours nécessaires dans d’autres cours.

 

[7]               Le principe fondamental applicable à la détermination de la peine précisé à l’article 203.2 de la LDN est à l’effet que le juge militaire doit imposer une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

Faits considérés

 

[8]               Lors de l’audience, le procureur a lu à voix haute un sommaire conjoint des circonstances en plus de déposer les documents prévus à l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC).

 

[9]               J’ai reçu en preuve la déclaration de cinq personnes considérées comme étant victimes des agissements du capt Siconnelly.

 

[10]           Un sommaire conjoint des faits a été produit par la défense de manière à informer la Cour sur les circonstances personnelles du contrevenant. Dans le contexte du présent dossier, ce sommaire complémente le paragraphe 5 du document fourni par l’unité du contrevenant pour souligner les points pertinents de ses états de service. On y trouve certains détails sur les tâches et le comportement du capt Siconnelly depuis les événements.

 

[11]           En plus de la preuve, la Cour a également considéré les plaidoiries des avocats au soutien de leur recommandation conjointe sur la peine ainsi que de précédents en semblable matière devant des cours martiales. Je suis d’avis que dans le contexte d’une soumission conjointe des procureurs, ces représentations, ainsi que la preuve, me permettent d’être suffisamment informé pour prendre en considération et appliquer les objectifs et les principes de la détermination de la peine appropriés à l’infraction et au contrevenant, principalement en ce qui a trait au principe d’harmonisation des peines.

 

Les circonstances du contrevenant

 

[12]           Le capt Siconnelly est un officier d’infanterie au 3e Bataillon du Royal 22e Régiment (R22eR). Il s’est joint aux FAC à Québec en 2013 et a fréquenté le Collège militaire royal à St-Jean sur Richelieu et à Kingston entre 2013 et 2017. Après l’obtention de son baccalauréat en histoire et son cours d’officier d’infanterie, il est affecté au bataillon en 2018. Il est déployé au Koweït, où les infractions ont été commises, en juillet 2021 mais est rapatrié au Canada hâtivement en septembre 2021 à la suite des plaintes formulées contre lui. Depuis, il a occupé diverses fonctions au sein de son unité et de la brigade ici à Valcartier.

 

[13]           Le sommaire conjoint des faits révèle que le capt Siconnelly a subi certains inconvénients suite aux plaintes et à son rapatriement, notamment la perte d’allocations financières et de reconnaissance (médaille) en lien avec le déploiement ainsi que d’évaluations de rendement négatives qui ont compromis pour un temps ses souhaits pour une progression de carrière comportant certaines affectations et défis. Ces conséquences sont attendues de toute personne qui subit un rapatriement forcé pour causes similaires, incluant une certaine ostracisation dans la communauté militaire en lien avec le comportement ayant causé le rapatriement. Dans le présent cas, le capt Siconnelly a dû également limiter la présence de son image en ligne considérant que la publication d’une photo le montrant dans le journal de la base eut causé un certain émoi auprès de personnes informées de ses agissements.

 

[14]            Malgré ces conséquences négatives, il appert que le capt Siconnelly a complété avec succès une période de mise en garde et surveillance suite aux événements. Son comportement et son travail auprès de la brigade et de son unité ont été irréprochables, ses supérieurs notant que le capt Siconnelly a adopté quotidiennement une bonne attitude empreinte de respect pour ses collègues de travail et ont mentionné qu’il semble comprendre l’impact négatif de ses gestes.

 

Les circonstances de l’infraction

 

[15]           Les faits relatifs à la perpétration de l’infraction sont révélés par le sommaire des circonstances lu par le procureur de la poursuite. Ce sommaire révèle généralement qu’entre le 15 juillet 2021 et le 15 septembre 2021 le capt Siconnelly a tenu des propos déplacés envers cinq personnes déployées avec lui sur l’opération IMPACT à la base aérienne Ali Al Salem au Koweït. Spécifiquement :

 

a)                  L’une de celles-ci travaillait au grade de caporale dans la salle des rapports. Le capt Siconnelly était l’officier de service principal et devait se rendre régulièrement dans la salle des rapports pour affaire. Après s’être blessé aux parties génitales, le capt Siconnelly a discuté de sa blessure avec cette caporale et a envoyé des photos de ses parties génitales avec l’application Snapchat de son téléphone cellulaire. Lors de conversations Snapchat ou en personne, les parties discutent de tout et de rien mais à certains moments, la conversation dévie sur des sujets de nature sexuelle de part et d’autre. À titre d’exemple, le capt Siconnelly lui a mentionné avoir fait des « ménages à trois » avec sa conjointe. À un autre moment, il lui a demandé si elle pouvait lui envoyer des photos d’elle nue. Par la suite, le capt Siconnelly la complimente sur son apparence physique d’une manière inappropriée.

 

b)                  Une autre militaire du même grade que le capt Siconnelly s’est plainte que celui-ci a abordé le sujet de la plateforme numérique OnlyFans avec elle, une plateforme où des gens créent et partagent des photos osées et d’autre matériel sexuellement explicite dans le but de gagner de l’argent. Le capt Siconnelly mentionne des façons afin de se créer un compte et de rester anonyme sur la plateforme et offre d’ouvrir et gérer un compte OnlyFans pour elle et qu’elle n’avait qu’à prendre des photos.

 

c)                  La commis chef à la salle des rapports a aussi fait l’objet de commentaires déplacés de la part du capt Siconnelly en ce qu’il a amorcé avec elle une discussion sur le port du bikini au « Beach Resort » et a demandé quel type de maillot elle portait pour la sortie à la plage, insinuant qu’elle pouvait lui envoyer des photos.

 

d)                  Le capt Siconnelly a aussi engagé une collègue du grade de lieutenante avec qui il travaillait dans le même bureau. Il s’est engagé à plusieurs reprises dans des discussions sur la poitrine de cette dernière. Ces discussions ont rendu cette militaire inconfortable.

 

e)                  Finalement, le capt Siconnelly a fait la rencontre d’une militaire du grade de caporale lors d’un suivi médical à la ville de Koweït. Il s’est engagé dans une conversation avec elle sur le fait qu’il pourrait la présenter à des amis célibataires. Il lui a demandé des photos d’elle afin de pouvoir la présenter à ses amis. Le capt Siconnelly admet que le ton de ces conversations était inapproprié.

 

[16]           Suivant ces événements, les cinq plaignantes ont parlé ensemble et ont réalisé qu’elles avaient vécu des situations similaires et en ont saisi un officier supérieur, initiant un processus de plainte qui a mené à une enquête formelle de la police militaire dans les jours suivants. Le capt Siconnelly a été arrêté et libéré sous conditions après plusieurs heures de détention le 16 septembre 2021. Il a été rapatrié au Canada de l’opération IMPACT au Koweït le 18 septembre 2021.

 

[17]           À l’audience, le procureur de la poursuite a lu cinq déclarations rédigées conformément à l’article 203.6 de la LDN qui ont été admises en preuve. Je crois qu’il est essentiel de donner une voix aux victimes des agissements répréhensibles dans le cadre des présentes procédures et j’espère leur rendre justice en résumant les impacts de l’infraction comme suit :

 

a)                  Tout ce que voulaient les personnes victimisées par le capt Siconnelly était de faire leur travail dans un milieu sain. Elles étaient fières d’être déployées à l’étranger et d’avoir une opportunité de contribuer à une mission opérationnelle des FAC.

 

b)                  Malheureusement, les agissements du capt Siconnelly ont eu des répercussions négatives sur leur environnement de travail, créant un inconfort significatif et des craintes. Les victimes sont unanimes à condamner le comportement harcelant et déplacé du capt Siconnelly comme étant incompatible avec les valeurs des FAC.

 

c)                  Certaines des victimes semblent en partie s’en vouloir pour lui avoir fait confiance en interagissant avec lui sur une base plus personnelle à divers niveaux et d’avoir tardé à dénoncer ses agissements dans certains cas. Plus d’une victime déplore spécifiquement l’impact négatif que les agissements tels que ceux reprochés au capt Siconnelly ont eu sur la réputation de certaines unités et celles des FAC en général : les personnes comme lui qui adoptent une conduite préjudiciable obtiennent plus d’attention que la majorité qui se comporte de manière respectueuse et cela nuit grandement à l’organisation. Il est difficile dans les circonstances de recommander à des personnes de s’engager à servir lors d’opérations internationales. C’est en raison de comportements similaires que certaines victimes voient leur confiance envers les FAC ébranlée.

 

d)                  Les victimes sont unanimes à vouloir que les agissements du capt Siconnelly ne passent pas sous silence et soient punis. En effet, ces agissements ont eu des conséquences pour elles depuis un an et demi : des craintes de le croiser sur la base, une boule dans l’estomac à lire ou entendre son nom ou voir son image; un dégout pour toute tâche qui pourrait l’impliquer en tant que superviseur ou officier responsable, directement ou indirectement; une méfiance face aux gens gentils ou apparaissant bien intentionnés, surtout ceux en autorité et finalement, une crainte par rapport à d’autres femmes qui pourraient être affectées par des agissements similaires de la part du capt Siconnelly.

 

[18]           J’espère de tout cœur que ce bref résumé des cinq déclarations de victimes reçues par la Cour sera suffisant pour que les victimes sentent que leurs paroles ont été entendues. J’ai lu et considéré chaque déclaration individuellement et celles-ci font la description de sentiments légitimes et importants qui révèlent à quel point le harcèlement et autres comportements déplacés sont néfastes au sein d’un environnement de travail comme celui des FAC. Je respecte le désir de certaines des victimes de ne pas voir leur nom associé à ma décision aujourd’hui et c’est pourquoi j’ai décidé de faire un récit de leur expérience de manière collective. Je comprends que la majorité des victimes sont présentes à l’audience et je salue leur courage et leur souhaite de se remettre des malheureux événements vécus le plus rapidement possible. Il est évident pour moi que la place de ces femmes fortes est au sein de notre organisation et non à l’extérieur. De cette manière, elles pourront continuer à aider à instaurer une culture plus saine, au bénéfice de toute notre organisation.

 

Facteurs aggravants

 

[19]           La Cour considère comme aggravant, dans les circonstances de cette affaire, les circonstances suivantes :

 

a)                  le fait que le comportement du capt Siconnelly visait cinq personnes dans un relativement court laps de temps;

 

b)                  le grade et les fonctions de responsabilité qu’occupait le contrevenant au moment des faits;

 

c)                  le fait que le comportement s’est manifesté pendant un déploiement militaire à l’étranger. Bien qu’aucune preuve n’ait été présentée à l’effet que le comportement a eu un effet nuisible important sur la conduite d’une opération militaire, il demeure que les victimes potentielles d’un tel comportement sont plus vulnérables en opération considérant la proximité avec l’auteur des gestes et la nécessité d’interagir avec celui-ci dans l’exécution de la mission, ce qui limite nécessairement les possibilités d’évitement. Je suis donc d’avis que le risque d’impact préjudiciable pour les victimes est plus grand en opérations qu’en garnison;

 

d)                  d’ailleurs, et ceci est le dernier mais non le moindre des facteurs aggravants, l’impact sur les victimes fut non négligeable dans le présent dossier.

 

[20]           En effet, le comportement harcelant du capt Siconnelly est inexcusable dans le contexte de relations professionnelles entre collègues déployés en opérations. Les politiques des FAC sur le harcèlement sont connues. Le capt Siconnelly est un militaire d’expérience. Pourtant, il s’est engagé dans un comportement contraire aux valeurs de l’organisation et contraire à l’obligation faite à tous ses membres d’agir avec respect. Un tel manque de respect est intolérable au sein d’une organisation militaire disciplinée et soucieuse de la dignité de toute personne. De plus, les gestes du contrevenant ont eu un impact non négligeable sur cinq autres membres des FAC et donc un impact sur l’organisation qui compte sur ces personnes pour accomplir leurs tâches militaires au service du Canada. On se serait attendu à beaucoup mieux de la part du capt Siconnelly et j’espère qu’il est conscient de cela.

 

Facteurs atténuants

 

[21]           Ceci étant mentionné, la Cour a considéré les facteurs atténuants suivants :

 

a)                  le plaidoyer de culpabilité du contrevenant, un signal clair qu’il accepte la responsabilité pour ses gestes à la première opportunité devant des membres de la communauté militaire présents pour ces procédures;

 

b)                  le fait que le capt Siconnelly n’a aucune infraction disciplinaire à sa fiche de conduite;

 

c)                  les perspectives favorables de réhabilitation du capt Siconnelly considérant les observations transmises par sa chaîne de commandement en ce qui concerna la compréhension de l’impact négatif de ses gestes et le respect dont il fait désormais preuve envers ses collègues de travail.

 

Objectifs devant être privilégiés dans cette affaire

 

[22]           Je suis venu à conclure que, dans les circonstances de la présente affaire, l’imposition de la sentence devrait cibler des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale et spécifique. La sentence imposée ne devrait pas compromettre l’objectif de réhabilitation du contrevenant, qui est selon moi bien entamée considérant son aveu de culpabilité. Par contre, cette réhabilitation devra se continuer auprès de ses supérieurs et des membres de son unité dans les mois et les années à venir.

 

Évaluation de la recommandation conjointe

 

[23]           Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction qui, tel que prévu à l’article 129 de la LDN, est passible au maximum d’une peine de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

[24]           Les avocats ont fait référence au cours de leurs plaidoiries, à plusieurs dossiers comportant certaines similarités avec les faits du présent dossier. Bien que les faits de chaque dossier soient différents, ces décisions jurisprudentielles ont une certaine utilité pour la détermination du caractère raisonnable de la recommandation conjointe des avocats. Il appert que les infractions similaires à celle que j’ai devant moi aujourd’hui sont généralement sanctionnées par une sentence composée d’un blâme ou d’une réprimande, souvent combinés avec une amende entre 700 $ et 5 000 $. Les avocats expliquent que la peine mineure de consigne aux quartiers est recommandée de manière à rencontrer les besoins de la discipline au sein de l’unité, spécifiquement en rencontrant les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale et spécifique. En combinaison avec une amende de 4 000 $, une somme non négligeable, on me soumet que la combinaison des peines proposées correspond, en termes de sévérité, aux sentences imposées pour des comportements similaires dans le passé. Je suis d’accord.

 

[25]           On mentionne également que l’imposition d’une peine de consignation aux quartiers est une première pour un officier au grade de capitaine.

 

[26]           Tel que j’ai mentionné dans la décision R. c. MacDonald, 2021 CM 4002, aux paragraphes 19 à 21 ainsi que plus récemment ici à Valcartier dans le dossier du bombardier Corbin-Ratté en janvier, il a été dit dans le passé que les peines mineures, spécifiquement la consigne aux quartiers, étaient rarement imposées par des cours martiales. Même si cela était statistiquement vrai, la consigne au navire ou aux quartiers ne devrait pas pour cette raison être considérée comme étant inappropriée ou autrement suspecte. Il s’agit d’une peine qui est entièrement acceptable qui, tel qu’il était jadis mentionné la Note B de l’ORFC 104.13, vise à corriger le comportement des militaires qui ont commis des infractions d’ordre militaire relativement mineures tout en leur permettant de demeurer productifs au sein de leur unité. Il s’agit à mon avis d’une peine qui un impact dissuasif significatif, autant sur le contrevenant que sur ses collègues. En effet, cette peine a un impact direct sur le contrevenant qui subit la restriction causée par la consigne, qui comprend la peine de travaux et exercices supplémentaires pour la même période, de manière beaucoup plus personnelle qu’une amende par exemple. De plus, la peine de consigne est habituellement visible pour les autres membres de l’unité qui peuvent se mettre à la place du contrevenant et penser aux conséquences d’inconduites potentielles.

 

[27]           Bien sûr, les circonstances dans lesquelles il est proposé que le capt Siconnelly subisse sa peine de consignation aux quartiers en l’espèce sont différentes des circonstances habituelles applicables à des militaires de grades inférieurs, surtout en entraînement. En effet, en plus de l’amende, le contrevenant se voit essentiellement imposer une série de sept devoirs consécutifs en tant qu’officier de service à la base. Ces devoirs ne sont pas des punitions : en règle générale, les officiers qui sont en devoir n’ont rien fait de mal. Par contre, depuis toujours l’imposition de devoirs consécutifs a constitué une méthode informelle pour sanctionner des comportements inappropriés ou non bienvenus selon l’humeur de supérieurs, surtout à l’endroit d’officiers. Le fait que ce genre de sanction sorte de l’ombre et soit imposées plus formellement est une bonne chose, même si je dois assimiler le lieu du devoir de l’officier de service à un quartier pour les fins de la peine. Je constate que le capt Siconnelly sera astreint en plus à ses devoirs normaux au sein de son unité et à des inspections et travaux supplémentaires selon les instructions de ses supérieurs considérant que la peine de consigne aux quartiers comprend celle de travaux et exercices supplémentaires pour la même période. Concrètement, le capt Siconnelly est confiné à la base jusqu’à 08 h 00 le 4 avril 2023. Ceci est une sanction significative susceptible de rencontrer les principes d’imposition de la sentence pertinents au présent dossier.

 

[28]           Il est important de garder à l’esprit qu’en tant que juge militaire, la question que je dois déterminer n’est pas si j’aime la sentence qui m’est conjointement recommandée ou si je peux arriver à quelque chose de mieux. Je ne peux écarter la recommandation conjointe pour une amende de 4 000 $ et sept jours de consigne aux quartiers que si je juge que la sentence proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle est contraire à l’intérêt public. Toute opinion négative que je pourrais avoir sur ce qui m’est proposé, que ce soit parce que je trouve la sentence trop sévère ou trop clémente, n’est pas suffisante pour me permettre de rejeter la recommandation conjointe qui m’a été faite.

 

[29]           Ceci étant mentionné, je désire féliciter les avocats qui ont été en mesure d’arriver à une soumission conjointe qui soit tout à fait adaptée et le 3 R22eR qui devra investir les ressources nécessaires pour superviser l’administration de la peine.

 

[30]           Le seuil que la Cour suprême du Canada a fixé pour écarter des recommandations conjointes est élevé de manière à ce que leurs indéniables avantages ne soient pas compromis. Les avocats de la poursuite et de la défense sont bien placés pour arriver à des recommandations qui reflètent tant les intérêts du public que ceux de l’accusé. En principe, ils connaissent très bien la situation du contrevenant et les circonstances de l’infraction, ainsi que les forces et les faiblesses de leurs positions respectives. Le procureur militaire est chargé de représenter les intérêts des autorités militaires et de la collectivité civile pour faire en sorte que justice soit rendue. On exige de l’avocat de la défense qu’il agisse dans l’intérêt supérieur de l’accusé, et il doit notamment s’assurer que le plaidoyer de celui-ci soit donné de façon volontaire et éclairée. Les avocats représentant les deux parties sont tenus, sur le plan professionnel et éthique, de ne pas induire la Cour en erreur. Bref, ils sont entièrement capables d’arriver à des règlements équitables et conformes à l’intérêt public.

 

[31]           Pour décider si une recommandation conjointe déconsidérerait l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public, je dois me demander si elle correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables et instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale.

 

[32]           Je suis d’avis qu’une personne raisonnable et renseignée sur les circonstances de ce dossier s’attendrait à ce qu’un contrevenant admettant sa culpabilité à une accusation de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline soit sanctionné par une sentence qui possède une force symbolique et a un impact réel proportionnel à l’écart de comportement sanctionné. L’imposition d’une amende et d’une consigne aux quartiers est cohérente avec ces attentes, surtout considérant que le contrevenant a démontré être bien engagé sur la route de la réhabilitation.

 

[33]           En considérant la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, les principes d’imposition de la peine applicable, et les facteurs aggravants et atténuants mentionnés précédemment, je ne suis pas en mesure de conclure que la sentence recommandée conjointement par les procureurs est déraisonnable ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Je dois donc accepter de l’entériner.

 

[34]           Capt Siconnelly, je conclus que votre décision de plaider coupable confirme votre intention de vous réhabiliter maintenant que vous avez reconnu que votre comportement était inacceptable. Comme vous le savez, ce comportement a entraîné des conséquences significatives pour certaines personnes dont plusieurs doutent de votre capacité à vous réformer, comme vous l’avez entendu à l’audience.

 

[35]           Il devrait être clair pour vous aujourd’hui ainsi que pour tous les militaires présents à cette audience qu’un comportement irrespectueux envers des collègues est incompatible avec l’efficacité militaire en ce qu’il nuit à la confiance mutuelle et au respect nécessaires pour l’accomplissement de la mission des FAC. Les mesures prises par les autorités militaires en lien avec cet incident devraient constituer un signal clair que de tels comportements ne peuvent être et ne seront pas tolérés. J’espère que l’expérience vécue en lien avec cet incident et cette cour martiale vous servira de leçon dans le futur et qu’on ne vous reverra pas devant un juge.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[36]           VOUS CONDAMNE à une amende de 4 000 $, payable en quatre versements mensuels égaux de mille (1 000 $) dollars dus le 15 avril 2023, le 15 mai 2023, le 15 juin 2023, et le 15 juillet 2023. Dans l’éventualité où vous seriez libéré des FAC pour quelque raison que ce soit avant le paiement complet de votre amende, toute somme encore due devient exigible au moment de votre libération.

 

[37]           VOUS CONDAMNE à 7 jours de CONSIGNE AUX QUARTIERS, c’est-à-dire qu’à partir de maintenant, vous devrez passer les sept prochains jours soit jusqu’à 08 h 00 le 4 avril 2023, à l’édifice 539 de la Base des Forces canadiennes Valcartier, qu’on m’a demandé de considérer comme étant vos « quartiers » pour les fins de la peine qui vous est imposée. Il est entendu que l’édifice 539 est l’endroit à partir duquel vous devrez exécuter le devoir d’officier de service de la base de Valcartier, devoir qui doit commencer dès 15 h 30 cet après-midi et se terminer à 08 h 00 le mardi 4 avril 2023. Vous passerez l’essentiel des sept prochaines nuits à cet endroit. Lors des jours de travail en semaine, lorsque vous n’êtes plus tenus au devoir actif d’officier de service soit après 08 h 00 et avant 15 h 30 du lundi au vendredi, vous devrez vous trouver sur les lieux de votre travail à l’édifice 366 ou tout autre lieu à partir duquel vous pourriez être appelé à exercer vos fonctions. Vous pourrez également fréquenter l’édifice 505 pour vos repas ainsi que tout autre édifice sur la base de Valcartier tel que requis par vos fonctions d’officier de service. Vos supérieurs peuvent vous imposer des travaux et exercices supplémentaires pendant l’exécution de votre peine. Vous pourrez accéder aux services de santé au besoin, après avoir avisé votre superviseur immédiat.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major D. Moffat

 

Me Kamy Pelletier-Khamphinith, Labrecque Doyon Avocats, 400, boulevard Jean Lesage, Québec, QC, avocat du capitaine P.J.R. Siconnelly

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