Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 24 April 2023

Location: Canadian Forces Base Halifax, courtroom, room 505, 6080 Young Street, Halifax, NS

Language of the trial: French

Charges:

Charge 1: S. 129 NDA, conduct to the prejudice of good order and discipline.
Charge 2: S. 90 NDA, absented himself without leave.

Results:

FINDINGS: Charge 1: Withdrawn. Charge 2: Guilty.
SENTENCE: A severe reprimand and a fine in the amount of $2000.

Decision Content

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COUR MARTIALE GÉNÉRALE

 

Référence: R. c. Lavoie, 2023 CM 4008

 

Date : 20230427

Dossier : 202243

 

Cour martiale générale

 

Salle d’audience de Halifax, bureau 505

Halifax (Nouvelle-Écosse), Canada

 

Entre :

 

Caporal J. Lavoie, partie requérante

 

- et -

 

Sa Majesté le Roi, partie intimée

 

Requête entendue et décision rendue à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 24 avril 2023.

Motifs écrits ajoutés au procès-verbal à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 27 avril 2023.

 

 


En présence du : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


 

DÉCISION SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DE L’ARTICLE 112.25 DES ORDONNANCES ET RÈGLEMENTS ROYAUX

APPLICABLES AUX FORCES CANADIENNES (ORFC)

 

Introduction

 

[1]        Conformément à un avis de requête amendé daté du 13 avril 2023, l’accusé, caporal (cpl) Lavoie demande que la Cour déclare que l’article 112.25 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) viole ses droits protégés par l’article 7 de la Charte dans la mesure où cet article serait interprété comme exigeant que la poursuite approuve tout aveu de culpabilité par un accusé avant que le juge militaire ne puisse accepter et enregistrer cet aveu. Le cpl Lavoie demande que la procédure prévue à l’article 112.25 des ORFC soit déclarée invalide et inopérante.

 

[2]        La poursuite, partie intimée, plaide que la situation dénoncée par le cpl Lavoie dans sa requête est purement théorique considérant que celui-ci n’a présenté aucune preuve à l’effet qu’il entend plaider coupable. Conséquemment, la poursuite demande le rejet sommaire de la requête.

 

[3]        Il y a donc deux requêtes devant la Cour et les parties se sont entendues pour que celles-ci soient traitées en une seule audition, avec la défense qui présente sa preuve en premier. J’ai acquiescé à cette demande à condition de procéder en deux étapes, d’abord pour déterminer si la disposition en litige viole l’article 7 de la Charte, ensuite pour déterminer si cette violation se justifie en application de l’article 1 de la Charte, une détermination qui sera faite uniquement après que la poursuite eut l’occasion de présenter une preuve à cet effet.

 

[4]        Bien que je sois d’accord avec la poursuite à l’effet que le préjudice potentiel allégué par la défense est théorique avant que l’accusé n’ait plaidé coupable, il demeure que la possibilité que la poursuite possède ce qui a été qualifié de « véto » dans tous les cas où un accusé formule un aveu de culpabilité est potentiellement problématique de la perspective d’une personne accusée. Cette possibilité repose sur une simple lecture de l’alinéa 112.25(3) des ORFC qui, tel qu’il se lit depuis le 20 juin 2022, énonce de manière claire et sans nuance que l’approbation de l’acceptation d’un aveu de culpabilité par le procureur de la poursuite est nécessaire avant que la Cour puisse accepter et enregistrer cet aveu.

 

[5]        Considérant qu’il s’agit d’une question potentiellement importante pour l’administration de la justice militaire, j’ai accepté d’analyser et de me prononcer sur la requête. J’ai donc rejeté la requête pour rejet sommaire.

 

Analyse

 

[6]        Après avoir indiqué qu’elle acceptait d’entendre la requête, la Cour a sollicité les soumissions du procureur de la poursuite. Rapidement, j’ai demandé à la poursuite quelle était sa position sur l’existence d’un « véto » tel qu’allégué par le requérant/défense, qui à ce stade avait concédé que s’il n’y avait pas un tel « véto » sa requête devait être rejetée. Après consultations, le procureur a confirmé que, malgré le texte de l’alinéa 112.25(3) des ORFC depuis le 20 juin 2022, la poursuite ne considère pas qu’un juge militaire doit s’enquérir à savoir si le procureur approuve l’acceptation d’un aveu de culpabilité dans tous les cas où un accusé plaide coupable, mais bien seulement dans les situations prévues au paragraphe 189.1(7) de la Loi sur la défense nationale (LDN), soit lorsqu’un accusé nie sa culpabilité à l’égard de l’infraction d’ordre militaire dont il est accusé, mais s’avoue coupable d’une autre infraction se rapportant à la même affaire. Donc, la position de la poursuite est qu’elle n’a pas à approuver un plaidoyer de culpabilité sur toute infraction tel que portée à l’acte d’accusation.

 

[7]        Cette mise au point dispose du débat : il n’y a pas de « véto » et le procureur de l’accusé admet que dans les circonstances il n’a rien à redire sur la constitutionnalité de l’article 112.25 des ORFC. Il y a quand même lieu d’admettre que l’article 112.25 des ORFC comme il se lit depuis le 20 juin 2022 porte à confusion et je crois qu’il pourrait être utile d’expliquer comment cet article devrait être interprété, du moins dans sa forme actuelle. 

 

[8]        Il est approprié tout d’abord de comprendre que ce qui nourrit la confusion avec l’article 112.25 est que le droit militaire canadien a toujours reconnu que les ORFC constituent le code de pratique à suivre en ce qui a trait aux procédures en cour martiale. Les articles de la LDN applicables aux cours martiales ont toujours été cités dans les ORFC avec les amplifications et les notes requises. Donc, l’article. 112.25 des ORFC, intitulé, « Acceptation d’un aveu de culpabilité », renfermait traditionnellement tout ce qu’il y avait à savoir et à faire lorsqu’un accusé plaidait coupable devant une cour martiale.

 

[9]        Depuis le 20 juin 2022 cependant, il semble que les ORFC ont cessé d’être ce qu’ils ont toujours été. Certaines portions du Projet de loi C-77, Loi modifiant la LDN et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois (L.C. 2019, chapitre 15), ayant reçu la sanction royale le 21 juin 2019, ont reçu une mise en application règlementaire complète dans les ORFC, comme le veut la pratique usuelle, la plupart par les amendements aux ORFC du 20 juin 2022. C’est le cas entre autres du nouvel article 183.6 de la LDN sur les ordonnances limitant la publication pour protéger l’identité de victimes et témoins qui a été mis en application par les articles112.34 et 112.35 des ORFC. En revanche, d’autres articles ajoutés à LDN par le Projet de loi C-77 et entrés en vigueur le 20 juin 2022 sont inconnus des ORFC. C’est entre autres le cas des articles 183.1 à 183.7 de la LDN sur la communication de certains dossiers et les mesures pour faciliter les témoignages, l’anonymat et la protection de victimes et témoins, pour certaines infractions, dont les infractions de nature sexuelle au Code criminel, qui, malgré leur entrée en vigueur le 20 juin 2022, n’ont pas encore fait l’objet d’une mise en application dans les ORFC. Dans les ORFC, on passe de l’article 112.68 qui traite de l’article 181 de la LDN à l’article 112.69 qui traite de l’article 182 de la LDN. Il n’y a rien sur les nouveaux articles maintenant à la LDN entre ces deux articles des ORFC, ce qui est inédit.

 

[10]      La raison de ce qui semble être des omissions n’est pas établie. Est-ce intentionnel, un oubli ou un manque de temps pour faire une mise en œuvre complète des modifications apportées par le Projet de loi C-77 dont la lenteur de l’entrée en vigueur a été critiquée, entre autres dans le rapport de l’autorité du troisième examen indépendant rédigé par l’honorable Morris J. Fish? Je note tout de même que des modifications aux ORFC en vigueur le 20 juin 2022 révèlent des erreurs évidentes qui suggèrent une mise en œuvre possiblement précipitée, entre autres l’abrogation du premier alinéa de l’article 112.04, manifestement par erreur considérant le texte de l’alinéa 2 qui suit ainsi que l’abrogation complète de l’article 101.05 alors que les notes A, B et C ajoutées à ce même article sont demeurées en vigueur.

 

[11]      Cette situation fait en sorte que le contenu et la valeur des ORFC est devenue incertaine, ce qui n’est évidemment pas désirable pour les plaideurs et les cours martiales. Dans le cas de l’article 112.25 des ORFC, il semblerait que l’abrogation de l’alinéa 2 ait pu être source de confusion, considérant que l’alinéa suivant qui traite de l’approbation par le procureur était naturellement associé aux situations illustrées par l’alinéa précédent.

 

[11]      Cela étant, il est important de mentionner que l’attribution de l’autorité pour procéder lorsque l’accusé avoue sa culpabilité se trouve principalement dans l’article des ORFC sur la procédure à suivre en cour martiale, soit l’article 112.05.

 

[12]      À l’alinéa 112.05(7), on lit :

 

(7) Si l’accusé a avoué sa culpabilité à l’égard de tout chef d’accusation, le juge veille à ce que les procédures prévues à l’article 189.1 de la Loi sur la défense nationale et à l’article 112.25 (Acceptation d’un aveu de culpabilité) soient suivies avant d’accepter cet aveu.

 

[13]      La référence à l’article 189.1 de la LDN à l’alinéa 112.05(7) des ORFC est nouvelle depuis le 20 juin 2022. Auparavant, l’alinéa 112.05(7) référait uniquement à l'article 112.25. Il appert donc que nous ne sommes plus dans une situation entièrement couverte par l’article applicable des ORFC, mais dans une situation où deux dispositions s’appliquent, l’une dans la LDN et l’autre dans les ORFC. Je suis donc d’avis que ces deux dispositions doivent être lues ensemble et interprétées comme un tout cohérent en priorisant lorsque nécessaire la disposition de la LDN.

 

[14]      La seule façon d’interpréter l’article 112.25 des ORFC de manière qu’il soit en harmonie avec l’article 189.1 de la LDN est de considérer que le juge militaire peut accepter un plaidoyer de culpabilité dès qu’il est convaincu que les conditions énumérées au paragraphe 189.1(3) de la LDN sont présentes, après avoir donné les explications prévues à l’alinéa 112.25(1) des ORFC.

 

[15]      Donc, si l’accusé plaide à une ou des infractions dont il est accusé, le consentement du procureur de la poursuite n’est pas requis. En effet, le paragraphe 189.1(7) de la LDN ne s’applique alors pas. L’alinéa 112.25(3) des ORFC, qui réfère à l’approbation préalable nécessaire du procureur de la poursuite, doit être lu comme s’appliquant uniquement à l’éventualité envisagée au paragraphe 189.1(7) de la LDN soit lorsque l’accusé nie sa culpabilité à l’égard de l’infraction dont il est accusé, mais s’avoue coupable d’une autre infraction se rapportant à la même affaire.

 

Disposition

 

[16]      Il est compréhensible que certains puissent avoir été pris dans une vieille habitude de limiter l’examen des dispositions à appliquer à ce qui est prévu aux ORFC. Je m’inclus dans ce groupe. Cependant, dans les circonstances actuelles, l’interprétation qui privilégie l’harmonie entre l’article 112.25 des ORFC et l’article 189.1 de la LDN doit être adoptée, malgré les mots de l’alinéa 112.25(3). Toute autre interprétation est erronée.

 

 

 

 

POUR CES MOTIFS LA COUR :

 

[17]      REJETTE la requête.

 

 

 

 

 

 

« Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier »

Juge militaire


 

Avocats :

 

Major É Carrier, Service d’avocats de la défense, avocat du caporal J. Lavoie, avocat de la partie requérante

 

Le Directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major B. Richard, avocat de la partie l’intimée

 

 

 

 

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