Cour martiale
Informations sur la décision
Résumé :
Date de l’ouverture du procès : 12 décembre 2006.
Endroit : BFC Borden, édifice P-153, 633 chemin Dieppe, Borden (ON).
Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 60 jours.
Contenu de la décision
Page 1 of 5 Référence : R. c. ex-Soldat A.F. Legresley, 2006 CM 39 Dossier : S200639 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA ONTARIO BASE DES FORCES CANADIENNES BORDEN Date : 14 décembre 2006 SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M SA MAJESTÉ LA REINE c. EX-SOLDAT A.F. LEGRESLEY (Accusé) DÉCISION RELATIVEMENT À UNE DEMANDE POUR ARRÊT DES PROCÉDURES AU MOTIF D'UNE VIOLATION DE SES DROITS GARANTIS PAR L'ARTICLE 7 ET L'ALINÉA 11b) DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS. (Prononcée de vive voix) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] À l’ouverture de son procès devant la cour martiale permanente pour deux accusations de trafic de cocaïne, et avant de soumettre son plaidoyer, l’accusé, l’ex-Soldat Legresley, a demandé l’arrêt des procédures au motif d’une violation de ses droits garantis par l’article 7 et l’alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés, faisant valoir qu’il avait été porté atteinte à son droit d’être jugé dans un délai raisonnable. [2] La preuve déposée relativement à cette demande a consisté en un exposé conjoint des faits, pièce VD1-15, plusieurs pièces documentaires et les témoignages de l’accusé, l’ex-Soldat Legresley, que j’appellerai le demandeur, et du Sergent Currier. Les témoins à charge sont le Sergent Turner, l’enquêteur, et le Capitaine Janes, le commandant de compagnie du demandeur.
Page 2 de 5 [3] Dans une décision rendue dans l’affaire du Bombardier Wolfe, à Gagetown, le 24 août 2005, la cour a déclaré ce qui suit : [10] L’alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit ce qui suit : 11. Tout inculpé a le droit : [...] b) d’être jugé dans un délai raisonnable; L’alinéa 11b) protège les intérêts des inculpés en garantissant leur droit à la liberté et à la sécurité de leur personne, ainsi que leur droit à une défense pleine et entière. L’ensemble de la société canadienne a elle aussi fortement intérêt à ce que les poursuites criminelles se fassent dans un délai raisonnable et justifié. [11] Dans l’arrêt R. c. MacDougall, [1998] 3 R.C.S. 45, la juge McLachlin, qui n’était pas encore juge en chef, a prononcé le jugement de la Cour suprême du Canada et a précisé au paragraphe 29 : L’alinéa 11b) protège le droit à la sécurité de la personne en tentant de diminuer l’anxiété, la préoccupation et la stigmatisation qu’entraîne la participation à des procédures criminelles. Il protège le droit à la liberté parce qu’il cherche à réduire l’exposition aux restrictions de la liberté qui résulte de l’emprisonnement préalable au procès et des conditions restrictives de liberté sous caution. Pour ce qui est du droit à un procès équitable il est protégé par la tentative de faire en sorte que les procédures aient lieu pendant que la preuve est disponible et récente. Elle ajoute ceci, au paragraphe 30, et je cite : L’intérêt sociétal protégé par l’al. 11b) comporte deux aspects [...] Premièrement, le public a intérêt à faire en sorte que le procès ait lieu promptement, de façon que les criminels soient traduits en justice et que l’on décide de leur sort dès que possible, peut-être par leur mise à l’écart de la société. Deuxièmement, le public a intérêt à faire en sorte que les personnes appelées à subir leur procès soient traitées avec justice et équité. Cet intérêt sociétal correspond au « droit de l’accusé à un procès équitable ». [12] Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable prend naissance au moment du dépôt d’une accusation, mais il est évident qu’aucun procès ne peut avoir lieu immédiatement à ce moment-là. Les deux parties auront besoin de temps pour rassembler les preuves qu’elles déposeront devant la cour, pour établir leurs positions respectives et pour prendre les procédures antérieures à l’instruction
Page 3 de 5 qu’elles jugent nécessaires. De plus, bien entendu, le système judiciaire doit être en mesure d’instruire le procès, avec les installations et le personnel nécessaires, notamment un juge. Toutes ces questions prennent du temps et, par conséquent, entraînent un délai. La Charte n’oblige pas à ce qu’il n’y ait pas de délai entre le moment où les accusations sont portées et le procès. Il faut seulement que ce délai soit « raisonnable ». [13] Qu’entendons-nous par « délai raisonnable » dans ce contexte? La Cour suprême du Canada a fixé un cadre d’analyse. Le tribunal doit examiner et prendre en considération quatre principaux facteurs pour établir si, dans un cas donné, le délai avant qu’une affaire soit entendue est raisonnable. [...] ces facteurs qui sont : 1. la longueur du délai entre le moment où les accusations sont portées et la fin du procès; 2. la renonciation à invoquer certaines périodes dans le calcul; 3. les raisons du délai; 4. le préjudice subi par l’accusé. En examinant les raisons du délai, le tribunal doit tenir compte des éléments suivants : 1. les délais inhérents à la nature de l’affaire; 2. les actes de l’accusé et du poursuivant; 3. les limites des ressources institutionnelles; 4. les autres raisons du délai. [14] Ces facteurs guident le tribunal dans sa décision, mais ils ne sont pas appliqués de façon mécanique et ne devraient pas non plus être considérés comme immuables ou inflexibles; sinon, cette disposition de la Charte deviendrait simplement une loi sur la prescription des poursuites imposée par le pouvoir judiciaire. [15] Ce ne sont pas seulement les délais qui préoccupent le tribunal, mais plutôt leur effet sur les intérêts que l’alinéa 11b) est censé protéger. Dans l’évaluation des incidences du délai, il est important de se souvenir que la question à trancher en fin de compte est celle du caractère raisonnable du délai global qui s’est écoulé entre le dépôt de l’accusation et la conclusion du procès. [16] Ce sont là des principes [...] élaborés par les tribunaux civils canadiens, mais ils s’appliquent aussi bien aux affaires militaires engagées en vertu du code de discipline militaire intégré à la Loi sur la Défense nationale. [4] Le délai applicable en l’espèce commence au moment du dépôt des accusations, le 21 septembre 2005. Le demandeur prétend que le délai devrait
Page 4 de 5 commencer à la date de l’arrestation de l’accusé le 19 avril de cette même année, parce que le poursuivant a été en possession de tous les éléments de preuve requis pour intenter une poursuite dans les quelques jours qui ont suivi cette date. [5] Selon la cour, il est clairement établi en droit que le délai à examiner commence avec le dépôt des accusations, puisque ce n’est qu’à partir de ce moment-là que l’accusé devient susceptible d’être déclaré coupable. La cour ne connaît aucun précédent qui exigerait du poursuivant qu’il dépose des accusations dès qu’il est possible de prétendre qu’il existe un dossier de poursuite. Donc, le délai en cause est de presque 15 mois, soit du 21 septembre 2005 à la mi-décembre 2006, moment fixé pour le procès. [6] Le poursuivant admet que le délai en question est suffisamment long pour justifier l’examen des autres facteurs énoncés dans l’arrêt R. c. Morin de la Cour suprême du Canada. La cour partage cet avis. [7] Le poursuivant n’a pas fait valoir que la défense aurait renoncé à invoquer certaines période dans le calcul. Les principales raisons pour lesquelles le procès de la présente affaire a été retardé semblent être l’absence de ressources judiciaires disponibles au moment de l’inculpation devant la cour martiale en février 2006 jusqu’au début d’octobre 2006, lorsque l’administrateur adjoint de la cour martiale a demandé aux avocats de préciser quand ils pouvaient se libérer pour le procès; un changement du procureur désigné en septembre 2006 et un changement d’avocat de la défense à peu près à la même époque. [8] Dans les circonstances de l’espèce, la cour n’attache guère d’importance à la non-disponibilité de ressources judiciaires puisqu’il semble que, pour diverses raisons, les parties elles-mêmes n’étaient pas prêtes à se présenter en justice avant octobre 2006. Ensuite, la date du procès a été fixée assez rapidement et prévue pour décembre. [9] Une bonne partie des preuves et des plaidoiries ont porté sur la question du préjudice que le demandeur prétend avoir subi. La cour conclut qu’il ressort de l’ensemble de la preuve que le demandeur ne s’est pas vu attribuer du travail digne de ce nom depuis peu après le moment de son arrestation relativement à ces accusations, le 19 avril 2005, jusqu’à ce qu’il se plaigne officiellement de la situation par écrit en janvier 2006 et qu’on lui confie du travail utile quelques semaines plus tard. La cour conclut également que, pendant cette période d’environ huit mois, le demandeur a dû se présenter tous les jours et s’asseoir sur une chaise à l’extérieur du bureau de la compagnie pendant toute la journée. Toutefois, la cour n’est pas convaincue que l’absence d’attribution de tâches ou l’obligation de rester assis ont été une punition administrative imposée par suite des allégations de trafic de drogue. Au cours du voir-dire, aucune partie n’a présenté le témoignage de qui que ce soit qui aurait ordonné que le demandeur reste assis pendant des mois. En l’absence d’une telle preuve, la cour ne
Page 5 de 5 peut conclure qu’il s’agissait d’une punition ou que tout retard connu dans l’instruction de cette affaire ait eu pour effet d’exacerber ce traitement. [10] La pièce VD1-9 énonce les motifs pour lesquels l’unité a recommandé que le demandeur soit libéré des Forces canadiennes en mars 2006. Il ne fait aucun doute que bien des éléments justifiaient de proposer cette libération, y compris les allégations qui forment l’essentiel des accusations soumises à la cour. La cour estime que le fait qu’il se soit exposé à une libération ne constitue pas une forme de préjudice faisant intervenir le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Elle n’accepte pas non plus la prétention selon laquelle, si l’instruction avait eu lieu plus tôt, elle aurait permis de corriger plusieurs renseignements factuels inexacts contenus dans la recommandation de libération. Même si le demandeur aurait dû être libéré pour des motifs médicaux, sa libération pour d’autres motifs ne constitue pas un préjudice attribuable au moment où s’est tenu le procès. Cette question est simplement sans rapport avec la question du préjudice à examiner dans le cadre d’une analyse de l’alinéa 11b). [11] Pour résumer, la cour conclut qu’en l’espèce, le demandeur n’a subi aucun préjudice autre que les tensions et les angoisses ordinaires associées au fait d’avoir à faire face à de graves accusations criminelles. Rien ne prouve que le demandeur ait souffert indûment en raison du délai qui s’est écoulé avant l’instruction de la présente affaire. L’ensemble de la preuve ne permet pas à la cour de conclure à la violation des droits garantis par la Charte au demandeur. Par conséquent, elle rejette la demande. CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M. Avocats : Major J. Caron, Procureur militaire régional, région de l’Est Procureur de Sa Majesté la Reine Lieutenant-Colonel J.E.D. Couture, Direction du service d’avocats de la défense Avocat de l’ex-Soldat Legresley
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