Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 12 décembre 2006.
Endroit : BFC Borden, édifice P-153, 633 chemin Dieppe, Borden (ON).
Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 60 jours.

Contenu de la décision

Page 1 de 5 Référence : R. c. ex-Soldat A.F. Legresley, 2006 CM 39 Dossier : S200639 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA ONTARIO BASE DES FORCES CANADIENNES BORDEN Date : 15 décembre 2006 SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M SA MAJESTÉ LA REINE c. EX-SOLDAT A.F. LEGRESLEY (Accusé) VERDICT (Prononcé de vive voix) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] Veuillez-vous lever, M. Legresley. La cour vous déclare coupable des premier et deuxième chefs daccusation. Vous pouvez vous asseoir. [2] En ce qui concerne ce verdict, lex-Soldat Alain Francis Legresley est accusé de deux infractions de trafic de cocaïne. Ces infractions sont prévues au paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et elles constituent également des infractions dordre militaire aux termes de larticle 130 de la Loi sur la défense nationale. Lors du procès tenu devant la cour martiale permanente, lavocat de laccusé a reconnu que lactus reus des infractions avait été établi par le témoignage du Sergent MacLeod. Ce dernier a raconté que, pendant quil agissait comme agent banalisé, en avril 2005, il a acheté à deux reprises de petites quantités de cocaïne de laccusé. La défense soutient, cependant, que les actes de laccusé ont consisté seulement à aider lagent banalisé à obtenir les stupéfiants quil voulait avoir et que, bien que ses gestes puissent être assimilables au fait daider un acheteur à se procurer des stupéfiants, ils ne constituent pas du trafic.
Page 2 de 5 [3] Dans une poursuite devant une cour martiale comme dans toute autre poursuite en matière criminelle, il incombe au poursuivant de prouver la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable. En droit, cette expression a un sens précis. Si la preuve ne permet pas détablir la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable, laccusé doit être déclaré non coupable de linfraction dont il est accusé. En tout temps, le fardeau de la preuve repose sur les épaules du poursuivant. Laccusé na pas à démontrer son innocence. Laccusé jouit en fait dune présomption dinnocence à toutes les étapes de la poursuite jusquà ce que celle-ci ait établi, à laide dune preuve que la cour accepte, la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable. [4] Doute raisonnable nest pas certitude absolue, mais il ne suffit pas seulement que la preuve établisse une probabilité de culpabilité. Si la cour est seulement convaincue que laccusé est plus vraisemblablement coupable que non coupable, il y a place au doute raisonnable et laccusé doit être déclaré non coupable. En fait, la norme de preuve « hors de tout doute raisonnable » se rapproche bien plus de la certitude absolue que de la norme de la « culpabilité probable ». [5] Cependant, le doute raisonnable nest pas un doute futile ou imaginaire. Il ne se fonde pas sur la sympathie ou les préjugés. Cest un doute fondé sur la raison et le bon sens, qui découle de la preuve présentée ou de labsence de preuve. La preuve hors de tout doute raisonnable sapplique à chacun des éléments de linfraction reprochée. En dautres termes, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de linfraction hors de tout doute raisonnable, laccusé doit être acquitté. [6] Jaccepte le témoignage de lagent banalisé, le Sergent MacLeod, au sujet de ses transactions avec laccusé en avril 2005. Le Sergent MacLeod est un agent de la police militaire recruté pour participer à une enquête sur les activités liées aux drogues qui se déroulent sur la Base des Forces canadiennes Borden. Il sest fait passer pour un nouveau membre de lunité de laccusé, le centre de formation consécutive au recrutement. En tant quagent banalisé, il a rencontré laccusé par lintermédiaire dun dénommé Taylor, qui était la cible de lenquête. Le 8 avril 2005, le Sergent MacLeod a demandé à laccusé sil pouvait lui obtenir de la drogue. Laccusé lui a demandé ce quil voulait et le Sergent MacLeod a répondu quil voulait une dose de cocaïne. Laccusé a répondu quil devait sortir pour aller en chercher. Le Sergent MacLeod a alors conduit laccusé à Angus, une petite ville près de la base. Durant le trajet, laccusé a fait un appel téléphonique et a dit quelque chose qui signifiait que le marché allait se faire et que le prix serait de 200 $. Laccusé a rappelé et a demandé des directives à une personne inconnue, puis ils se sont dirigés vers un immeuble dhabitation. Laccusé est descendu du véhicule. À son retour il a dit au Sergent MacLeod que le prix était maintenant de 220 $ et quil sagissait apparemment de la dernière dose qui restait à la personne en question. Le Sergent MacLeod a donné un autre 20 $ à laccusé. Laccusé est
Page 3 de 5 reparti et est revenu quelques minutes plus tard. Il a donné un sac au Sergent MacLeod. Personne na contesté le fait que le sac contenait environ trois grammes de cocaïne. [7] Le 11 avril 2005, le Sergent MacLeod a encore pris contact avec laccusé et lui a dit quil cherchait à obtenir de la cocaïne et des pilules decstasy. Laccusé lui a répondu quil pourrait faire des démarches. Le lendemain, après le travail, le Sergent MacLeod a conduit laccusé à Angus. Encore une fois, ils sont allés chercher Taylor et se sont rendus au même appartement que celui ils étaient allés quatre jours auparavant. Laccusé est entré dans limmeuble quelques minutes, est revenu et a donné au Sergent MacLeod deux morceaux de papier pliés contenant au total environ une gramme de cocaïne. Le Sergent MacLeod a remis 80 $ à laccusé pour la cocaïne. [8] Daprès ces faits et sappuyant sur la décisions rendue par la Cour suprême du Canada dans laffaire R. c. Greyeyes (1997), 116 C.C.C. (3d) 334, laccusé prétend quil sest contenté daider le Sergent MacLeod à obtenir de la cocaïne et quil a simplement servi dintermédiaire de lacheteur de cocaïne, donc quil nest pas coupable de sêtre livré à du trafic. [9] Comme la juge LHeureux-Dubé la indiqué en se prononçant pour la majorité dans larrêt Greyeyes (paragraphe 8) : Je suis daccord que, malgré lassistance cruciale quil apporte pour aider à conclure la vente de stupéfiants, lacheteur ne peut pas, de ce seul fait, être déclaré coupable de linfraction daide ou dencouragement à commettre linfraction de trafic. Franchement, je ne vois pas pourquoi ce raisonnement ne pourrait pas être également appliqué aux tiers. Dans les situations il ressort des faits que laide fournie à lacheteur na été rien de plus quune aide accessoire à la vente, le bon sens exige que ces personnes soient traitées comme des acheteurs et non comme des trafiquants. Laccusation qui devrait être portée dans ces circonstances serait davoir aidé ou encouragé la possession dun stupéfiant, et non de sêtre livré au trafic. [10] Néanmoins, la juge LHeureux-Dubé avait poursuivi en confirmant le jugement de la Cour dappel de la Saskatchewan, lequel avait infirmé lacquittement que la cour avait prononcé au procès de Greyeyes et lavait remplacé par une déclaration de culpabilité, et a conclu que daprès les faits de lespèce, Greyeyes avait fait bien plus quagir comme acheteur, mais (paragraphe 13) : [...] quil y a eu [...] un effort concerté de réaliser le transfert de stupéfiants.
Page 4 de 5 [11] Jen arrive à la même conclusion dans laffaire qui nous occupe. En lespèce, cest laccusé qui a trouvé la source dapprovisionnement en cocaïne; il a convenu dun certain arrangement avec le fournisseur de la cocaïne, il a indiqué à laccusé quel prix il faudrait payer, il a augmenté ce prix pour le motif quil a donné au Sergent MacLeod à ce moment-là, il a pris largent que lui a donné le Sergent MacLeod pour acheter la drogue, il a obtenu la cocaïne quelque part dans limmeuble dhabitation et il la transféré au Sergent MacLeod. Ensuite, il a refait pratiquement la même transaction pour une plus petite quantité de cocaïne quatre jours plus tard. [12] Ce que prétend la défense, cest que laccusé sest contenté daider lacheteur, le Sergent MacLeod, à obtenir de la cocaïne dune autre personne que laccusé connaissait semble-t-il et qui demeurait dans cet immeuble dhabitation. Cette théorie sappuie sur les déclarations faites par laccusé qui a demandé des directives à une personne inconnue au téléphone et qui a parlé de la drogue de cette personne. Mais il est possible, bien sûr, que la cocaïne ait été tout simplement entreposée par laccusé quelque part dans limmeuble dhabitation et quil nait fait que prétendre obtenir la drogue de quelquun dautre au cours des transactions conclues avec le Sergent MacLeod. [13] Il est difficile détablir la force probante quil faut attribuer aux déclarations faites au cours dune transaction en matière de drogues illicites ou aux déclarations faites pour faciliter une telle transaction, mais même selon la théorie de la défense selon laquelle le fournisseur de cocaïne était une personne inconnue vivant dans limmeuble dhabitation, les actes de laccusé ont eu pour effet de maintenir lanonymat de cette personne par rapport à lacheteur final, le Sergent MacLeod. [14] Le bon sens nous dit, et la présente affaire le démontre, quun vendeur de drogues illicites a intérêt à prendre des précautions à légard de la personne avec laquelle il ou elle fait affaire. En aidant effectivement le fournisseur à demeurer anonyme, laccusé a aidé le vendeur à réaliser des ventes en réduisant le risque dêtre identifié par les autorités en tant que trafiquant; il a donc participé à linfraction de trafic commis par un vendeur inconnu comme le prévoit lalinéa 21(1)b) du Code criminel. Laccusé est coupable des deux infractions. CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M. Avocats : Major J. Caron, Procureur militaire régional, région de lEst Procureur de Sa Majesté la Reine
Page 5 de 5 Lieutenant-Colonel J.E.D. Couture, Direction du service davocats de la défense Avocat de lex-Soldat Legresley
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.