Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 21 août 2007.

Endroit : BFC Petawawa, édifice S-111, Petawawa (ON).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Non coupable.

Contenu de la décision

Page 1 de 7 Citation : R. c. Bombardier T.P. Forrest, 2007 CM 3015 Dossier : 200721 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA ONTARIO BASE DES FORCES CANADIENNES PETAWAWA Date : 22 août 2007 SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. d'AUTEUIL, J.M. SA MAJESTÉ LA REINE c. BOMBARDIER T.P. FORREST (Accusé) DÉCISION RELATIVE À UNE DEMANDE D=ACQUITTEMENT POUR ABSENCE DE PREUVE PRIMA FACIE (Oralement) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] Le 21 août 2007, lorsque le procureur eut terminé la présentation de sa preuve, la défense, conformément au paragraphe 112.05(13) des ORFC, a présenté une demande d=acquittement pour absence de preuve prima facie à l=égard de la première et unique accusation apparaissant à l=acte d=accusation, au motif que le procureur n=avait présenté aucune preuve relativement à un élément essentiel de l=infraction reprochée au demandeur en vertu du paragraphe 129(2) de la Loi sur la défense nationale, soit avoir commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline. [2] Comme il est dit dans les ORFC, la défense, ou l=accusé, peut présenter une demande d=acquittement si la poursuite n=a pas présenté de preuve prima facie, c=est-à-dire une preuve relative à tous les éléments essentiels d=une accusation, qui, s=ils sont crus par le juge des faits et demeurent incontestés, justifient une déclaration de culpabilité. [3] Le Bombardier Forrest est accusé, aux termes du paragraphe 129(2) de la Loi sur la défense nationale, d=avoir commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline, parce que, entre le 27 mai et le 4 juin 2006, il aurait quitté le Canada sans
Page 2 de 7 autorisation alors qu=il était en permission, en contravention de l=article 16.04 des ORFC. [4] Les éléments de preuve produits par le procureur devant la cour martiale sont essentiellement les suivants : a. Les témoignages entendus, soit, dans l=ordre, celui de l=Adjudant-maître Lawless, celui de M me Joella Chamberland, celui de l=Adju­dant Rigby, celui du Caporal-chef Sherret, ceux des Capitaines Hicks et Brassard, et celui du Major Sullivan. b. La pièce 4, l=ordre courant numéro 16/06 du 2 e régiment du Royal Canadian Horse Artillery daté du 5 mai 2006. Ce document a été produit de consentement. c. La pièce 5, un formulaire de demande de congé des FC présenté par l=Artilleur T. P. Forrest daté du 26 mai 2006. Ce document a été produit de consentement. d. La pièce 6, un formulaire d=avertissement pour l=entrevue de l=Artil­leur Forrest pour les mises en garde qui lui ont été faites par le Lieutenant Hicks. Ce document a été produit de consentement. e. La connaissance judiciaire prise par la Cour des éléments visés par l=article 15 des Règles militaires de la preuve. [5] Ce type de requête, formulée après la présentation de la preuve par la poursuite, est différent d=une demande d=acquittement fondée sur l=existence d=un doute raisonnable. Dans le deuxième cas, il se peut qu=il y ait des preuves qui permettraient à un jury ayant reçu des directives appropriés de déclarer l=accusé coupable, mais des preuves insuffisantes pour établir la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Comme le concept de doute raisonnable entre en jeu seulement après que toute la preuve a été présentée, il ne peut être invoqué que si l=accusé a choisi de ne pas présenter de preuve, ou a terminé de le faire. [6] La Cour ne peut pas tenir compte de la qualité de la preuve pour décider si la poursuite a présenté, pour chaque élément essentiel de l=infraction, une preuve quelconque qui ferait en sorte qu=un jury équitable, ayant reçu les directives appro­priées, pourrait condamner l=accusé. Je dis bien * pourrait +, et non * devrait +. [7] Le critère qui s=applique pour un verdict imposé a été énoncé par le juge Ritchie dans États-Unis d=Amérique c. Shephard, [1977] 2 R.C.S. 1067 à la page 1080, de la façon suivante :
Page 3 de 7 [...] selon qu=il existe ou non des éléments de preuve au vu desquels un jury équitable, ayant reçu des directives appropriées, pourrait conclure à la culpabilité. [8] Aussi, il incombe à l=accusé d=établir, selon la prépondérance des probabilités, que le critère est rempli. [9] Le critère est le même qu=il s=agisse de preuves directes ou de preuves circonstancielles, mais son application varie selon le type de preuves présentées par la poursuite. Si la thèse de la poursuite s=appuie entièrement sur des preuves directes, l=application du critère est simple. Si le juge décide que la poursuite a présenté des preuves directes relativement à chacun des éléments de l=infraction, il doit rejeter la demande. La seule question sera de déterminer si la preuve est vraie, et cette tâche revient au juge des faits. Lorsque l=établissement d=un élément essentiel de l=infraction dépend d=une preuve circonstancielle, la question à trancher au procès ne sera pas seulement de déterminer si elle est vraie. Il faudra plutôt, si lon accepte qu=elle est vraie, se demander si les conclusions qu=en tire la poursuite sont les bonnes. Le juge doit examiner la preuve et se demander si celle-ci peut raisonnablement appuyer les conclusions de la poursuite. Le juge ne se demande pas s=il tirerait les mêmes conclu­sions et ne juge pas de la crédibilité. La question se limite à savoir si la preuve, dans la mesure on lui prête foi, peut raisonnablement appuyer une conclusion de culpabilité. [10] Les éléments essentiels de l=infraction visée par le paragraphe 129(2) de la Loi sur la défense nationale sont : premièrement, l=identité de l=accusé; deuxièmement, la date et le lieu; troisièmement, si l=acte allégué a réellement été commis; quatrièmement, le préjudice causé au bon ordre et à la discipline. [11] Pour établir l=existence d=un préjudice causé au bon ordre et à la disci­pline aux termes du paragraphe 129(2) de la Loi sur la défense nationale, la poursuite doit produire des éléments de preuve établissant : premièrement, l=existence du règlement et sa nature; deuxièmement, que l=accusé savait ou aurait savoir quel comporte­ment on attendait de lui; troisièmement, que l=acte de l=accusé constituait une contravention du règlement.
Page 4 de 7 [12] L=avocat de la défense a reconnu que certains éléments de preuve avaient effectivement été présentés à la cour martiale relativement aux éléments essentiels de l=infraction, comme l=identité de l=accusé, la date et le lieu et le fait que l=acte allégué aurait réellement été commis. Toutefois, il a souligné que la poursuite n=avait produit aucune preuve établissant le préjudice au bon ordre et à la discipline, et plus particuliè­rement aucune preuve en ce qui a trait à la publication et au caractère suffisant de la notification de l=article 16.04 des ORFC. [13] L=avocat de la défense a convenu avec la Cour qu=il y avait certains éléments de preuve quant à l=existence du règlement et à sa nature. En fait, la connais­sance judiciaire prise par la cour des éléments visés par l=article 15 des Règles militaires de la preuve en tient lieu. Aussi, comme il a été mentionné ci-dessus, l=avocat de la défense a admis que la Cour était saisie d=une certaine preuve concernant l=acte que l=accusé aurait commis et établissant que le règlement avait été enfreint. La déclaration de l=accusé, rapportée par le Capitaine Hicks dans son témoignage, selon laquelle le Bombardier Forrest a inscrit l=adresse de son domicile sur son titre de permission tout en sachant qu=il quittait le pays, et le fait qu=il l=ait effectivement quitté, appuie cette conclusion. [14] Alors, la Cour martiale doit décider si la poursuite a présenté une preuve quelconque relativement à la publication et à la notification du règlement à l=accusé. [15] Le principal objet du paragraphe 129(2) de la Loi sur la défense natio­nale est de donner effet aux règlements pris par les autorités civiles concernant * l=orga­nisation, l=instruction, la discipline, l=efficacité et la bonne administration des Forces canadiennes +, comme il est dit à l=article 12 de la Loi sur la défense nationale. [16] Les règlements pris aux termes de l=article 12 de la Loi sur la défense nationale sont soustraits à la publication dans la Gazette du Canada, comme il est stipulé à l=alinéa 7a) du Règlement concernant l=examen, la publication et la vérification des règlements et autres textes réglementaires. Ainsi, tous les règlements sont soustraits du domaine public et demeurent inconnus des membres des Forces canadiennes à moins de leur être dûment notifiés. [17] Cela explique l=existence de l=article 150 de la Loi sur la défense nationale formulé ainsi : 150. Le fait d=ignorer les dispositions de la présente loi, de ses règle­ments ou des ordonnances ou directives dûment notifiées sous son régime ne constitue pas une excuse pour la perpétration d=une infrac­tion.
Page 5 de 7 [18] L=un des moyens à la disposition de la poursuite pour établir que l=accusé avait connaissance du règlement applicable au moment de l=infraction est de produire la preuve devant la cour martiale que le Bombardier Forrest en avait une connaissance personnelle. En l=espèce, la poursuite n=a produit aucune preuve de la sorte. [19] Un autre moyen d=établir que l=accusé avait connaissance du règlement applicable au moment de l=infraction est de se conformer aux exigences des articles 1.21 ou 1.22 des ORFC, pris par le gouverneur en conseil conformément à l=article 12 de la Loi sur la défense nationale. Les deux articles créent une présomption légale de la connaissance par l=accusé du règlement applicable si toutes les conditions sont respec­tées. [20] En l=espèce, la poursuite invoque l=article 1.22 des ORFC, en vigueur depuis le 1 er janvier 2006, pour établir sa thèse. Il est formulé ainsi : 1.22 B PUBLICATION ÉLECTRONIQUE ET NOTI-FICATION DES ORFC (1) Les définitions qui suivent s=appliquent au présent article : * site web de la défense + s=entend d=un site web sur le réseau électronique interne du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, également connu comme le * réseau d=information de la défense + ou * RID +, ou un site web du ministère de la Défense nationale ou des Forces canadiennes sur Internet. * PDF + signifie format de document portable. (2) Les ORFC sont censés avoir été publiés et régulière­ment notifiés à toute personne intéressée lorsque : a) d=une part, ils sont publiés électroniquement, sous l=autorité du chef d=état-major de la défense, en PDF sur un site web de la défense; b) d=autre part, le commandant de la base, de l=unité ou de l=élément la personne est en service notifie la personne de la publication et prend les mesures qui lui paraissent réalisables pour assurer que le site web de la défense est rendu raisonnablement accessible à cette personne.
Page 6 de 7 3) Lorsqu=un commandant estime qu=il ne peut prendre de mesures aux termes du sous-alinéa (2)b), il doit s=assurer que : a) toutes les modifications apportées aux ORFC à compter du 1er janvier 2006 sont imprimées sur papier à partir de la version PDF publiée en vertu du sous-alinéa (2)a); b) les modifications sont publiées et notifiées conformément à l=article 1.21 (Notification par réception des règlements, ordres et directives). [21] Afin d=établir que l=article 16.04 des ORFC était censé avoir été publié au moment de l=incident, ou à un moment quelconque entre le 1 er janvier 2006 et le moment de l=incident, la poursuite devait prouver que cet article avait été publié : a. électroniquement; b. sous l=autorité du chef d=état-major de la défense; c. en format PDF, tel que défini au paragraphe 1; d. sur un site web de la défense, également défini au paragraphe 1. [22] La preuve produite par la poursuite établit bel et bien que les ORFC ont été publiés électroniquement, selon le témoignage de l=Adjudant-maître Lawless. Elle a mentionné, en parlant du site web du 2 RCHA, que les ORFC s=y trouvaient. [23] Toutefois, il n=y a aucune preuve que ce soit indiquant que la version électronique des ORFC a été publiée sous l=autorité du chef d=état-major de la défense en format PDF sur un site web de la défense. L=accusé a alors établi, selon la prépondérance des probabilités, qu=il n=y a aucune preuve concernant la publication de l=article 16.04 des ORFC. [24] De plus, la Cour aurait conclu que le commandant du 2 RCHA n=aurait pas pris les mesures utiles pour s=assurer que le site web de la défense soit raisonnablement accessible à l=accusé, puisque la preuve a révélé que celui-ci ne se trouvait pas dans l=unité lorsque l=ordre courant (pièce 4) a été publié sur le site web. En réponse à une question de la cour visant à préciser la durée de l=exercice MAPLE GUARDIAN auquel participait l=accusé, l=Adjudant Rigby lui a expliqué que de quatre à six semaines avant le 27 mai 2006, date à laquelle l=accusé a commencé sa permission, le Bombardier Forrest se trouvait à Wainwright, en Alberta. Puisque l=accusé ne se trouvait pas dans l=unité avant que l=ordre permanent ne soit publié jusqu=au moment
il a pris son congé, comment aurait-il été possible pour la Cour de considérer quil avait été régulièrement notifié des ORFC et qu=il avait un accès raisonnable au site web approprié? La Cour ne peut répondre à cette question parce qu=aucune preuve à cet effet n=a été produite. [25] On ne peut invoquer l=article 1.22(3) des ORFC dans les circonstances parce qu=aucune preuve n=a été présentée à la Cour par la poursuite en vue de remplir le critère énoncé. Il est très important de se rappeler qu=aux termes de l=article 15 des Règles militaires de la preuve, la Cour prend connaissance judiciaire du contenu des ORFC, mais non de leur publication ou du caractère suffisant de leur notification. Il faut que leur publication et notification soit prouvées devant la Cour. [26] Je conclus donc que l=accusé a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu=il n=y aucune preuve qui permettrait à un jury équitable, ayant reçu les directives appropriés, de le déclarer coupable de la première et unique accusation apparaissant à l=acte d=accusation, notamment en ce qui a trait à la publication électronique et notification à l=accusé de l=article 16.04 des ORFC. [27] Bombardier Forrest, veuillez vous lever. Je conclus qu=aucune preuve prima facie n=a été établie contre vous relativement à la première et unique accusation apparaissant à l=acte d=accusation, et la Cour martiale vous déclare non coupable de cette accusation. LIEUTENANT-COLONEL L.V. D'AUTEUIL, JM Avocats : Le Major V. Ohanessian, Direction des poursuites militaires Procureur de Sa Majesté la Reine Le Major C. E. Thomas, Direction du service des avocats de la défense (Ottawa) Avocat du Bombardier T. P. Forrest
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