Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 20 mai 2015.

Endroit : BFC Kingston, édifice B-38, 2 avenue Atlantic, Kingston (ON).

Chefs d'accusation :

● Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
● Chefs d'accusation 2, 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable de l’infraction moindre et incluse de voies de fait (art. 266 C. cr.). Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable.
SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c. Scott, 2015 CM 1005

 

                                                                                                                  Date : 20150520

                                                                                                                 Dossier : 201405

 

                                                                                                    Cour martiale permanente

 

                                                                               Base des Forces canadiennes Kingston

                                                                                                 Kingston (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Élève-officier J.C. Scott, contrevenant

 

 

Devant : Colonel M. Dutil J.M.C.

 


 

Restrictions concernant la publication : Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l’article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser, de quelque façon que ce soit, tout renseignement permettant d’établir l’identité de la personne décrite dans le présent jugement comme étant la plaignante.

 

[traduction française officielle]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        L’élève‑officier Scott a plaidé coupable à un chef d’accusation pour voies de fait, une infraction visée à l’article 266 du Code criminel et punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, et à deux chefs de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, une infraction visée à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale. Les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une recommandation conjointe quant à la sentence. Ils recommandent que l’élève‑officier Scott soit sentencé à un blâme ainsi qu’à une amende de 2 000 $, payable en versements mensuels égaux de 200 $. Bien que la Cour ne soit pas liée par la recommandation conjointe, elle ne devrait y déroger que si le fait d’y donner suite était contraire à l’intérêt public ou déconsidérerait l’administration de la justice.

 

[2]        Les faits entourant la perpétration de l’infraction, exposés dans le sommaire des circonstances, sont clairs. Le sommaire a été produit sous la pièce 6. J’en lirai les éléments clés pour consignation au dossier :

 

[traduction]

 

            À l’époque en cause, l’élève‑officier Scott était membre de la Force régulière des Forces canadiennes et affecté comme étudiant au Collège militaire royal du Canada (CMRC) à Kingston.

 

            La plaignante était également membre de la Force régulière et affectée comme étudiante au CMRC.

 

            Le 14 mars 2013, l’élève‑officier Scott est allé au mess des élèves‑officiers de l’édifice Yeo où l’on peut consommer des boissons alcoolisées. La plaignante s’y trouvait également, en compagnie d’une amie. Toutes deux ont tenté d’éviter l’élève‑officier Scott et de s’en tenir éloignées.

 

            Malgré leurs efforts à toutes deux, l’élève‑officier Scott a réussi à s’asseoir près de la plaignante; cela la rendait manifestement mal à l’aise. L’élève‑officier Scott a tenté de mettre un bras autour de la plaignante et il lui a touché les cheveux et le dos.

 

            Lorsque la plaignante est allée acheter une consommation au bar, l’élève‑officier Scott a mis de la monnaie papier dans sa chemise. La plaignante a enlevé les billets et elle les a jetés en direction de l’élève‑officier Scott, à qui elle a dit d’aller [traduction] « se faire foutre ». L’élève‑officier Scott a répété le même geste avec ses billets, ce qui a suscité la même réaction de la part de la plaignante. En l’une des deux occasions, l’élève‑officier Scott a effleuré un sein de la plaignante.

 

            Le 15 mars 2013, l’élève‑officier Scott s’est rendu sans y être invité à la chambre de la plaignante dans les quartiers du CMRC. Seule dans sa chambre, la plaignante y jouait à un jeu vidéo sur son ordinateur portable. L’élève‑officier Scott s’est allongé sur le lit de la plaignante, et il a fait à celle‑ci des commentaires suggestifs. Il lui a notamment demandé :

 

a)         si elle voulait participer à des [traduction] « jeux à trois » avec une autre personne, non identifiée;

 

b)         s’il pouvait [traduction] « venir » sous elle;

 

c)         si elle voulait avoir une aventure d’un soir avec lui;

 

d)         si elle voulait avoir une [traduction] « petite vite » avec lui.

 

            À cette occasion, l’élève‑officier Scott a touché diverses parties du haut du corps de la plaignante, notamment ses cheveux et ses bras, sans qu’elle n’y ait consenti.

 

            Effrayée par ces actes, la plaignante s’est dirigée vers la porte de sa chambre pour pouvoir en sortir. L’élève‑officier Scott s’est rendu lui aussi à la porte, pour tenter de convaincre la plaignante de rester. La plaignante a repoussé l’élève‑officier Scott pour l’écarter de la porte et elle s’est enfuie vers la chambre d’une autre élève‑officier.

 

[3]        La Cour martiale doit tenir compte des principes et objectifs de détermination de la sentence appropriés, y compris ceux énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. L’objectif fondamental de l’imposition d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire en infligeant des sentences qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         la protection du public, y compris des Forces canadiennes et de ses membres;

 

b)         la réprobation de la conduite illicite;

 

c)         l’effet dissuasif de la sentence, non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur d’autres personnes qui pourraient être tentées de commettre des infractions semblables;

 

d)         la réinsertion et la réadaptation du contrevenant.

 

[4]        La sentence prononcée par la Cour doit également tenir compte des principes suivants :

 

a)         la sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction; elle tient compte des antécédents du contrevenant et de son degré de responsabilité;

 

b)         la sentence infligée devrait être semblable à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

c)         la Cour doit aussi respecter le principe selon lequel un contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si des sanctions moins contraignantes peuvent être justifiées dans les circonstances;

 

d)         la sentence devrait être ou elle sera adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant. Cependant, la Cour doit toujours faire preuve de retenue au moment de déterminer la sentence, de façon à ce que la ou les sanctions imposées correspondent au minimum requis pour le maintien de la discipline.

 

[5]        La Cour estime être un facteur aggravant le fait que les infractions se soient produites au Collège militaire royal, où des élèves‑officiers des deux sexes passent une grande partie de leurs premières années d’âge adulte et apprennent les normes d’éthique et les valeurs des Forces canadiennes, notamment l’importance de la confiance et du respect. Les élèves‑officiers qui résident au Collège militaire royal à Kingston doivent en tout temps se sentir en sécurité et respectés dans leur lieu de résidence, plus encore que dans tout autre campus au pays. Il ne faut jamais oublier que le Collège militaire royal joue un rôle essentiel dans la formation des futurs dirigeants au sein des Forces armées canadiennes.

 

[6]        Passons maintenant aux circonstances atténuantes :

 

a)         Le contrevenant a reconnu sa culpabilité à la première occasion. J’estime que cela dénote dans le cas présent une manifestation de remords authentique et une pleine acceptation de responsabilité.

 

b)         Autre circonstance atténuante, selon moi, il a fallu un certain temps avant que l’affaire soit instruite en raison de problèmes d’ordre systémique. Il y a notamment eu changement d’avocat tant pour la poursuite que pour la défense, et un juge remplaçant a dû être nommé.

 

c)         J’estime que le comportement du contrevenant après la perpétration de l’infraction constitue une troisième circonstance atténuante. Au cours des18 derniers mois, l’élève‑officier Scott a passé sans problème la période de probation et suivi les séances de counselling nécessitées par les incidents. Assurément, il a fait montre d’un bon comportement pendant la période écoulée et la cour en tient fortement compte.


 

d)         J’ai aussi pris en considération les répercussions de la présente procédure sur la santé du contrevenant. On a convenu que la procédure disciplinaire a entraîné une dépression chez le contrevenant. Cela ne diminue en rien la responsabilité du contrevenant, mais fait ressortir la sincérité des remords exprimés en plaidant coupable aujourd’hui.

 

e)         La Cour considère également comme circonstance atténuante l’absence de dossier disciplinaire et de casier judiciaire antérieurs, ainsi que le jeune âge du contrevenant, qui a 21 ans.

 

f)         La Cour tient finalement compte la situation financière du contrevenant à titre de circonstance atténuante, en ce qui concerne la capacité de paiement d’une amende importante.

 

[7]        La Cour convient avec les avocats que la sentence proposée constitue la sentence minimale dans les circonstances, et qu’elle n’est pas inappropriée au point que son adoption serait contraire à l’intérêt public ou jetterait le discrédit sur l’administration de la justice militaire. La sentence proposée suffit à remplir les objectifs recherchés, à savoir la dissuasion générale et spécifique, le châtiment ainsi que la dénonciation de la conduite. J’estime également que la sentence proposée ne porterait pas atteinte à l’important principe de la réadaptation, en regard d’un jeune adulte qui n’avait pas avant les incidents de dossier disciplinaire ou de casier judiciaire.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[8]        PRONONCE un verdict de culpabilité à l’égard du premier chef d’accusation, pour l’infraction incluse de voies de fait visée à l’article 266 du Code criminel et punissable selon l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, et à l’égard des second et troisième chefs d’accusation de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, une infraction visée à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale.

 

[9] VOUS CONDAMNE à un blâme et à une amende de 2 000 $ payable en 10 versements mensuels égaux de 200 $, à compter du 31 mai 2015.

 

Le Directeur – Poursuites militaires, représenté par le major E. Carrier

Capitaine de corvette P.D. Desbiens, Service d'avocats de la défense, avocat de l’élève‑officier Scott

 

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