Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 28 avril 2014.
Ajournée au : 20 octobre 2014.

Endroit : BFC Bagotville, édifice 81, rue Windsor, Alouette (QC).

Chefs d’accusation

• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, possession non autorisée d’un dispositif prohibé (art. 92(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 130 LDN, possession non autorisée d’un dispositif prohibé (art. 91(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 3 : Art. 130 LDN, avoir entreposé négligemment des munitions (art. 86(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 5) : Art. 130 LDN, avoir en sa possession une arme à feu à autorisation restreinte avec des munitions (art. 95 C. cr.).
• Chef d’accusation 5 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, avoir contrevenu à un règlement pris en application de l’alinéa 117f) de la Loi sur les armes à feu (art. 86(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 6 (subsidiaire au chef d’accusation 7) : Art. 130 LDN, avoir en sa possession une arme à feu à autorisation restreinte avec des munitions (art. 95 C. cr.).
• Chef d’accusation 7 (subsidiaire au chef d’accusation 6) : Art. 130 LDN, avoir contrevenu à un règlement pris en application de l’alinéa 117h) de la Loi sur les armes à feu (art. 86(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 8 (subsidiaire au chef d’accusation 9) : Art. 130 LDN, avoir contrevenu à un règlement pris en application de l’alinéa 117h) de la Loi sur les armes à feu (art. 86(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 9 (subsidiaire au chef d’accusation 8) : Art. 130 LDN, avoir entreposé négligemment une arme à feu (art. 86(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 10 : Art. 130 LDN, avoir en sa possession non autorisée des armes prohibées (art. 91(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 11 (subsidiaire au chef d’accusation 12) : Art. 130 LDN, avoir porté et dissimulé une arme (art. 90(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 12 (subsidiaire au chef d’accusation 11) : Art. 130 LDN, avoir contrevenu à un règlement pris en application de l’alinéa 117h) de la Loi sur les armes à feu (art. 86(2) C. cr.).
• Chef d’accusation 13 (subsidiaire au chef d’accusation 14) : Art. 130 LDN, avoir en sa possession une arme à feu à autorisation restreinte dans un véhicule automobile (art. 94(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 14 (subsidiaire au chef d’accusation 13) : Art. 130 LDN, avoir porté et dissimulé une arme (art. 90(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 15 (subsidiaire au chef d’accusation 16) : Art. 130 LDN, avoir en sa possession une arme à feu à autorisation restreinte avec des munitions (art. 95 C. cr.).
• Chef d’accusation 16 (subsidiaire au chef d’accusation 15) : Art. 130 LDN, avoir en sa possession une arme à feu à autorisation restreinte avec des munitions (art. 93(1) C. cr.).

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 4, 6, 9, 15 : Une suspension d'instance. Chefs d'accusation 2, 3, 5, 7, 8, 16 : Coupable. Chefs d'accusation 10, 11, 12, 13, 14 : Retirés.

• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de quatre mois et une amende au montant de 1000$. L'exécution de la peine d'emprisonnement a été suspendue.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

 

Référence : R. c. Paradis, 2015 CM 1002

 

Date : 20150219

Dossier : 201346

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces Canadiennes Bagotville

Ville Saguenay (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-caporal Paradis, H. S., contrevenant

 

Devant : Colonel M. Dutil, J.M.C.

 


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

[1]        Le caporal, à la retraite, Paradis a reconnu sa culpabilité à six chefs d’accusation en violation de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale (LDN) pour les infractions suivantes punissables sous le régime du Code criminel, soit : un chef d’accusation de possession non autorisée d’un dispositif prohibé contrairement à article 91(2) du Code criminel; un chef d’accusation d’entreposage négligent de munitions contrairement à l’article 86(1) du Code criminel; trois chefs d’accusation d’avoir contrevenu à un règlement pris en application de l’alinéa 117h) de la Loi sur les armes à feu régissant l'entreposage, la manipulation, le transport, l'expédition, l'exposition, la publicité et la vente postale d'armes à feu et d'armes à autorisation restreinte contrairement à l’article 86(2) du Code criminel; et finalement, un chef d’accusation lui reprochant, étant titulaire d’une autorisation ou d’un permis de possession d’une arme à autorisation restreinte, la possession d’une arme de poing semi-automatique dans un lieu autre que celui, soit où l’autorisation ou le permis l’y autorise, soit où la Loi sur les armes à feu l’y autorise, et ce en vertu de l’article 93(1) du Code criminel.

 

[2]        Les procureurs, de la poursuite et de la défense, ont présenté une suggestion commune relativement à la sentence que la cour devrait imposer dans les circonstances de cette affaire, soit l’emprisonnement pour un terme de quatre mois et une amende de 1,000 dollars, payable en 10 versements égaux, et ils demandent également à cette cour de suspendre l’exécution de la peine d’emprisonnement. Finalement, ils invitent la cour à émettre l’ordonnance prévue à l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale pour une durée de cinq ans, dix ans et à perpétuité, selon le type d’arme, dispositifs ou autres objets visés par ladite ordonnance.

 

[3]        Un sommaire des circonstances a été déposé devant la cour. Je reproduis ici son contenu. [Le sommaire conjoint de faits est reproduit tel que présenté à la pièce 7.] :

 

 

SOMMAIRE DES CIRCONSTANCES

 

 

1.      Le 16 mars 1995, l’Ex-Cpl Paradis a joint les Forces armées canadiennes (FAC) à titre de membre de la Force régulière.

 

2.      Au moment des événements de la présente affaire, l’Ex-Cpl Paradis était employé aux patrouilles de contrôle des champs de tir (Range control patrols), sur la Base des Forces canadiennes (BFC) de Gagetown.  Il était sujet à un programme de retour progressif au travail, pour des raisons médicales.  Il était seulement en mesure de travailler entre 15h00 et 23h00.

 

3.      Vers le 27 février 2012, le Sgt McNeil, policier militaire sur la BFC Gagetown a été informé, par membres seniors du poste de contrôle des champs de tir, de certaines allégations de la part de collègues de travail de l’Ex-Cpl Paradis qui ont éveillées des craintes pour sa sécurité et celles de ses collègues militaires, en raison de son comportement et des propos tenus par l’Ex-Cpl Paradis, en lien avec des armes personnelles. 

 

4.      Suite à certaines vérifications et une enquête quant aux allégations qui lui furent rapportées, le Sgt McNeil a appris que l’Ex-Cpl Paradis avait acquis en 2006 un permis de possession et d’acquisition d’arme sans restriction.  L’Ex-Cpl Paradis aurait par la suite acquis un permis pour les armes à autorisation restreinte, soit en mars 2010. Le Sgt McNeil a été informé également que l’Ex-Cpl Paradis avait neuf (9) armes de différent calibre qui étaient enregistrées.

 

5.      Le 12 mars 2012, le Sgt McNeil a appris d’un autre collègue de l’Ex-Cpl Paradis que celui-ci s’était exercé à tirer dans un secteur identifié comme le « Lauvina Wood ».  Le « Lauvina Wood » faisait partie d’un secteur d’entraînement de la BFC Gagetown, utilisé par les ingénieurs, afin d’exercer leurs manœuvres de déminage. À la suite d’une visite de ce secteur, le Sgt McNeil a été en mesure de récupérer des balles et des douilles qui avaient été abandonnées sur place par l’Ex-Cpl Paradis.  Après une expertise en laboratoire, il a été découvert que les balles et les douilles recueillies provenaient effectivement d’une arme appartenant à l’Ex-Cpl Paradis, soit un Berretta PX4 Storm SD. 

 

6.      Il a été découvert que l’Ex-Cpl Paradis était autorisé à transporter et utiliser ses armes à autorisation restreinte au club de tir du « Fredericton Recreational Shooting Association », soit plus spécifiquement au « Springfield Gun Club. »  Toutefois, entre le 1er octobre 2011 et le 14 avril 2012, l’Ex-Cpl Paradis a utilisé son arme à feu de poing semi-automatique à autorisation restreinte, le Beretta PX4 Storm SD, dans un secteur du « Lauvina Wood».   Le « Lauvina Wood » se trouve à plus de cinquante-huit (58) kilomètres du club de tir autorisé.  L’Ex-Cpl Paradis utilisait alors son arme dans un lieu autre que celui ou l’autorisation ou le permis ou la Loi sur les armes à feu, l’y autorise.

 

7.      Vers 20h20, le 13 avril 2012, l’Ex-Cpl Paradis a été arrêté sans mandat, alors qu’il était en devoir, à bord d’un véhicule de contrôle des champs de tir.  Au moment de l’arrestation, l’Ex-Cpl Paradis a collaboré avec les autorités policières.  Il était bien mis et est demeuré poli.  Aucun incident n’est survenu lors de son arrestation.  Aucune arme à feu n’a été trouvée dans le véhicule.  Des armes blanches furent trouvées, soit : une machette, une scie d’émondage et de multiples couteaux ayant des lames de diverses dimensions. 

 

8.      Par la suite, l’Ex-Cpl Paradis a eu l’opportunité de parler à un avocat et fut placé en cellule.  Avant l’exécution de la perquisition de son véhicule et de sa résidence, le Sgt McNeil a rencontré l’Ex-Cpl Paradis pour l’aviser des actions qui seraient prises par eux.  L’Ex-Cpl Paradis a fourni certains détails sur l’état des armes et leur localisation.  Il l’a avisé qu’il y avait des armes chargées dans sa résidence.  Il a fait un croquis des lieux et fourni des informations pertinentes pour faciliter la perquisition.  L’Ex-Cpl Paradis semblait très préoccupé par l’état de désordre dans lequel les policiers militaires trouveraient les lieux.

 

9.      Le 14 avril 2012, à la suite de l’ensemble des informations obtenues et de l’obtention d’un mandat de perquisition dûment autorisé, en vertu des dispositions de l’article 117.04 du Code criminel,  le Sgt McNeil accompagné de quelques policiers militaires effectuèrent une perquisition à la résidence de l’Ex-Cpl Paradis, situé au 45 Inchby Drive, Oromocto, province du Nouveau-Brunswick.   Lors de cette perquisition, les policiers trouvèrent :

 

a)      une douzaine (12) de chargeurs de cartouches prohibées;

 

b)      deux mille cent soixante-quatorze (2174) balles de différents calibres (décrit à l’annexe A de l’acte d’accusation);

 

c)      une (1) arme à feu de poing semi-automatique à autorisation restreinte chargée, Berreta PX4 Storm SD;

 

d)     une (1) arme à feu semi-automatique à autorisation restreinte chargée, Sabre Defense Industries XR 15;

 

e)      une (1) arme à feu chargée, un fusil tactique Benelli Super Nova; et

 

f)       de nombreuses autres armes de différents types.

 

10.  L’Ex-Cpl Paradis n’était pas titulaire d’un permis l’autorisant à avoir en sa possession les douze (12) chargeurs trouvés à sa résidence. 

 

11.  Les munitions, qui furent saisies lors de cette opération, étaient sans excuse légitime entreposées et rangées de manière négligente.  L’Ex-Cpl Paradis n’avait pas pris également de précaution suffisante pour la sécurité d’autrui à l’égard de celles-ci.  Les munitions retrouvées à la résidence du Cpl Paradis étaient réparties dans différentes pièces de la maison (Chambres, cuisine, garde-robe, portique de l’entrée, garde-manger et au sous-sol).  Ces munitions étaient disposées de diverses manières, soit dans des boîtes ouvertes ou des boîtes fermées, dans des boîtes de souliers, à l’intérieur de certains meubles, dans des sacs, sur des tablettes à l’intérieur d’armoires, libres sur le sol ou sur des tables.  Les munitions étaient à la vue et accessible facilement.  Les munitions n’avaient pas été entreposées dans un endroit sécuritaire verrouillé.  Les munitions étaient à proximité de plusieurs armes qui n’étaient pas entreposées de manière sécuritaire.  Un total de deux mille cent soixante-quatorze (2174) balles furent saisies.

 

12.  Les deux armes semi-automatiques à autorisation restreinte n’avaient pas été entreposées en conformité avec l’article 6 du Règlement sur l’entreposage, l’exposition, le transport et le maniement des armes à feu par des particuliers.  Les armes n’avaient pas été rendues inopérantes par un dispositif de verrouillage sécuritaire et n’avaient pas été entreposées dans un contenant, un compartiment ou une pièce qui sont gardés bien verrouillés et qui sont construits de façon qu’on ne puisse les forcer facilement.

 

13.  Le Berretta PX4 Storm SD était chargé d’un chargeur qui était garni de balles, et une balle était logée dans la chambre de l’arme.  L’arme était à proximité d’un chargeur supplémentaire garni de balles.  Elle se trouvait également à proximité de munitions non entreposées conformément au règlement. L’arme a été trouvée dans une chambre à coucher, sur un lit sous un oreiller. 

 

14.  Le Sabre Defence Industries XR 15 était chargé d’un chargeur qui était garni de vingt (20) balles, et aucune balle n’était logée dans la chambre de l’arme.  Elle se trouvait également à proximité de munitions non entreposées conformément au règlement. L’arme a été trouvée dans une chambre à coucher, sur un lit à l’intérieur d’un sac de couchage. 

 

15.  Finalement, le fusil tactique Benelli Super Nova n’avait pas été entreposé en conformité avec l’article 5(1) du  Règlement sur l’entreposage, l’exposition, le transport et le maniement des armes à feu par des particuliers.  L’arme était chargée d’un chargeur qui était garni de quatre (4) balles, et une balle était logée dans la chambre de l’arme.  L’arme n’avait pas été rendue inopérante par un dispositif de verrouillage sécuritaire, par l’enlèvement de son verrou ou de sa glissière et n’avait pas été entreposée dans un contenant, un compartiment ou une pièce qui sont gardés bien verrouillés et qui sont construits de façon qu’on ne puisse les forcer facilement.   Elle se trouvait également à proximité de munitions non entreposées conformément au règlement.  L’arme a été trouvée sur un lit dans une chambre à coucher sous un sac de couchage.

 

16.  Vers 22h50, le 14 avril 2012, après l’exécution des perquisitions de la résidence et du véhicule de l’Ex-Cpl Paradis, il a été libéré par un officier réviseur sous certaines conditions, dont celles de demeurer sous l’autorité militaire et de ne pas avoir en sa possession tout type d’arme à feu, de munition ou d’arme blanche.

 

[4]        Les accusations ont été prononcées par le Directeur des poursuites militaires le 24 mai 2013, et les procédures de cette cour martiale ont débuté le 28 avril 2014. Le début du procès a été retardé pour permettre d’obtenir des rapports d’expertise. Suite à l’obtention de ces rapports relatifs à l’état de santé mentale de l’accusé au moment de la commission des infractions, et depuis cette période, l’ex-caporal Paradis reconnaissait sa culpabilité aux accusations précitées, le 20 octobre 2014 et la cour acceptait que son avocat puisse se retirer du dossier pour des motifs professionnels n’ayant aucun lien avec la présente affaire. L’audition fut ajournée jusqu’au 16 février 2015 en raison des disponibilités du nouvel avocat de l’accusé avec l’accord de la poursuite. D’entrée de jeu, il est important de préciser que cette cause est très particulière. Les procureurs en présence ont donc profité des délais encourus pour présenter une preuve considérable et particulièrement pertinente pour étayer leur suggestion commune. Je tiens à souligner l’excellence de leur travail. Il a permis à cette cour de bien comprendre et apprécier la justesse de leur recommandation.

 

[5]        Lors de l’audition sur la détermination de la sentence, les parties ont déposé un vaste éventail de documents, notamment : des documents relatifs à la carrière de l’ex- caporal Paradis au sein des Forces canadiennes; les dénonciations qui ont servi à l’obtention des mandats de perquisition pour comprendre les motifs des agents de la paix et le but poursuivi par la perquisition; la transcription d’entrevues accordées par l’accusé dans les heures qui ont précédé la perquisition, et qui démontrent l’état d’esprit de l’accusé et la coopération de celui-ci; les curriculums des programmes d’études suivis par l’ex-caporal Paradis depuis la commission des infractions et son adaptation à la vie civile depuis sa libération en septembre 2012 . De nombreux témoins ont aussi comparu devant le tribunal pour aider la cour à bien comprendre les circonstances qui ont entouré la commission des infractions, mais aussi le cheminement de l’ex-caporal Paradis depuis trois ans. La cour a entendu deux témoins qui ont expliqué le parcours académique du contrevenant depuis son retour à la vie civile, de son adaptation et de l’excellence de son degré de motivation et les efforts déployés pour que ses objectifs se réalisent. Deux témoins experts, les docteurs Bérard et Rochette, psychiatres de grande expérience, ont témoigné relativement aux causes probables du trouble mental qui affligeait le contrevenant au moment de la commission des infractions et comment son rapatriement, près des siens, a contribué à sa guérison depuis les évènements, ainsi que leur opinion à l’effet que l’ex-caporal Paradis ne représente pas un danger pour la société, même s’il était en possession d’armes. Finalement, l’ex-caporal Paradis et sa conjointe ont témoigné. Leur témoignage corrobore d’une certaine manière ceux entendus avant eux parce qu’ils ont confirmé que le contrevenant jouit d’un soutien familial et social solide. Il ressort également que leur relation de couple est respectueuse et harmonieuse.

 

[6]        Il demeure que le prononcé de la sentence, lors d'une cour martiale, a pour objectif essentiel de contribuer au maintien de la discipline militaire et au respect de la loi, et ce, par l'infliction de peines justes visant entre autres un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

            a)         dénoncer le comportement illégal;

 

            b)         dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

            c)         isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

            d)         favoriser la réinsertion du contrevenant dans son environnement au sein des Forces canadiennes ou dans la vie civile; et

 

            f)         susciter la conscience de leurs responsabilités chez les contrevenants militaires.

 

[7]        La sentence doit également prendre en compte les principes suivants : elle doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction; les antécédents du contrevenant; ainsi que son degré de responsabilité. La sentence doit prendre également en compte le principe de l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peines semblables à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. La cour a l'obligation, avant d'envisager la privation de liberté, d'examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient. Finalement, la sentence devra être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du contrevenant et prendre en compte toute conséquence indirecte du verdict et de la sentence sur le contrevenant. Ainsi, la sentence imposée sera la résultante d’un exercice de pondération qui se traduira par la sentence minimale que la cour considère adéquate pour rencontrer celle qui sera composée de la peine ou d’une combinaison de peines que la Cour martiale considère minimale tout en contribuant au maintien de la discipline militaire et au respect de la loi.

 

[8]        La suggestion commune des procureurs doit permettre l’atteinte des objectifs et des principes qui sont applicables en l’espèce, à moins qu’elle ne se situe pas dans le spectre des sentences applicables en pareilles circonstances ou qu’elle déconsidère l’administration de la justice, la cour ne devrait pas la rejeter. La sentence proposée permet d’atteindre les objectifs essentiels de dénonciation et de dissuasion requis en matière d’infraction visant les armes à feu, mais elle permet au contrevenant de poursuivre sa réhabilitation et sa contribution à la vie civile.

 

[9]        L’opinion des experts psychiatres diffère sur les raisons qui pourraient expliquer l’état mental de l’accusé au moment de la commission des infractions et l’insalubrité et le désordre de sa demeure au moment de la perquisition. Le Docteur Bérard est d’avis que la principale source des problèmes de santé mentale de l’ex-caporal Paradis serait liée à un désordre cognitif majeur à la suite d’un traumatisme crânien subi en 1991, alors que le Docteur Rochette est d’avis que les évènements reprochés au contrevenant sont survenus dans un contexte d’isolement et d’un contexte de réactivation d’un stress post-traumatique vécu en Bosnie en 1993. Les experts s’entendent toutefois sur le fait qu’il souffrait d’un trouble mental au moment des infractions et que cette situation n’existe plus maintenant. Ils s’entendent également à l’effet que l’envoi du contrevenant dans un centre de détention n’est pas souhaitable parce qu’elle replongerait le contrevenant dans un état d’isolement qui pourrait causer sa désorganisation à nouveau.

 

[10]      Avant d’accepter la suggestion commune, la cour a pris en compte la gravité objective des infractions ayant comme peines maximales entre 2 ans et 5 ans d’emprisonnement lorsque poursuivies par mise en accusation. Je souligne également les circonstances aggravantes et atténuantes pertinentes à cette affaire. La cour considère aggravant le fait que les conditions d’entreposage des diverses armes et munitions au domicile de l’accusé n’étaient pas le fruit d’un oubli passager. L’état des lieux indique que la situation durait depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant que la perquisition n’ait eu lieu. Une telle situation est tout à fait incompatible avec le degré d’expérience et de connaissance que possédait l’ex-caporal Paradis dans le maniement et l’entreposage des objets visés et elle démontre un degré de négligence important dans les circonstances. La nature des armes, des munitions et l’état dans lesquelles elles ont été trouvées sont également des éléments aggravants dans cette affaire. L’ex-caporal Paradis a d’ailleurs reconnu que les militaires savent mieux que quiconque l’importance qu’il faut accorder à l’utilisation et l’entreposage sécuritaires des armes et des munitions, ainsi que les règles qui s’appliquent.

 

[11]      Les circonstances atténuantes sont toutefois très importantes.

 

a)      Outre les aveux de culpabilité qui ont permis d’éviter un long procès, l’ex-caporal Paradis a coopéré avec les policiers militaires dès son arrestation. N’eut été des délais inhérents mais nécessaires relativement à la nécessité d’obtenir des rapports d’expertise sur l’état mental de l’accusé, cette affaire aurait été réglée depuis longtemps. Force est de constater que le délai encouru a permis à l’accusé de démontrer par des gestes concrets et sur la foi d’opinion d’experts en psychiatrie que sa réinsertion sociale dans la vie civile est un succès et qu’il ne représente pas un risque pour la sécurité du public;

 

b)      Au cours de la dernière année, le contrevenant a complété deux programmes d’étude. Il a obtenu une Attestation d’études collégiales pour le programme en « Sûreté industrielle et commerciale » d’une durée de 780 heures et il a également complété avec succès une formation continue de 135 heures intitulée « Initiation aux techniques d’enquête et d’investigation ». Deux témoins responsables de ces programmes offerts au Collège d’Alma sont venus confirmer que l’ex-caporal Paradis était un étudiant sérieux, motivé, respectueux et discipliné. Selon eux, il s’est très bien adapté à l’environnement académique;

 

c)      Le contrevenant ne s’est pas arrêté à ses récents succès académiques. Il a amorcé depuis peu un programme régulier d’études collégiales pré-universitaires en sciences humaines, et ce dans le but d’entreprendre des études universitaires dès que possible. Il ne fait aucun doute qu’il est très motivé et qu’il jouit du soutien indéfectible de sa famille et de sa conjointe;

 

d)     Il est âgé de 40 ans et il a servi au sein des Forces armées canadiennes de 1991 à 2012. Il a joint la Force régulière en 1995 à titre de sapeur de combat. L’ex-caporal Paradis a été déployé en Bosnie durant près de neuf mois en 1993 alors qu’il était réserviste. Il a également servi à Kaboul en Afghanistan de janvier à septembre 2004. Suite aux évènements qui ont eu lieu en avril 2012, et qui sont à l’origine de cette cour martiale, l’ex-caporal Paradis a été libéré des Forces armées canadiennes pour des raisons de santé et non pour des motifs de nature disciplinaire, tel qu’en fait foi la pièce 3. Il s’agit des premiers démêlés du contrevenant avec le système de justice. Il n’a aucun antécédent disciplinaire militaire ou casier judiciaire. Les actes pour lesquels il a reconnu sa culpabilité ont eu lieu alors qu’il souffrait de problèmes de santé mentale sérieux attribuables, en tout ou en partie, à un état d’isolement qui ont fait ressurgir chez-lui des traumatismes causés lorsqu’il était en Bosnie en 1993 ou à des troubles cognitifs reliés à un important traumatisme crânien subi en 1991; et

 

e)      Finalement, rien n’indique que l’ex-caporal Paradis possédait le matériel saisi dans un dessein criminel. Il est un passionné de chasse et d’armes, y compris le tir de précision. En ce qui a trait à la situation financière du contrevenant, il reçoit environ 21,000 dollars par an de diverses sources, notamment sa pension au terme du régime de prestations auquel il a droit en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, ainsi qu’une prestation d’assurance invalidité. Il paie une pension alimentaire de 700 dollars par mois pour sa fille de 21 ans. Sa conjointe occupe un nouvel emploi à plein temps. Leur train de vie est modeste et leur revenu familial suffit à payer les diverses dépenses du ménage.

 

[12]      En ce qui a trait à la demande conjointe des procureurs de suspendre l’exécution de la peine d’emprisonnement, elle m’apparaît justifiée. Les deux experts psychiatres s’entendent pour dire qu’une peine privative de liberté pourrait entraîner des conséquences néfastes en replongeant le contrevenant dans un état d’isolement. Considérant le fait qu’il a été libéré des Forces armées canadiennes depuis septembre 2012 et que son cheminement est exemplaire et couronné de succès depuis la commission des infractions, il serait impérieux et inutile de mettre l’ex-caporal Paradis dans une situation qui aurait pour effet d’anéantir ses efforts depuis plus de deux ans, ainsi que celui de ses thérapeutes et autres intervenants. Son incarcération n’est pas nécessaire pour assurer la protection du public ou des Forces canadiennes et la suspension de la peine d’emprisonnement ne déconsidérerait pas l’administration de la justice. La cour accepte donc la suggestion commune des procureurs.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[13]      PRONONCE un verdict de culpabilité à l'égard du 2e, 3e, 5e, 7e, 8e et 16e chef d’accusation et elle ordonne une suspension d’instance à l’égard du 1er, 4e, 6e, 9e et 15chef d’accusation. La poursuite avait retiré le 10e, 11e, 12e, 13e et 14e chef d’accusation.

 

[14]      CONDAMNE le contrevenant, l’ex-caporal Paradis, à l’emprisonnement pour un terme de quatre mois et à l’amende au montant de 1,000 dollars payable en dix versements égaux consécutifs débutant au moment du prononcé de la sentence.

 

[15]      SUSPEND l’exécution de la peine d’emprisonnement.

 

[16]      INTERDIT au contrevenant, l’ex-caporal Paradis, d’avoir en sa possession une arme à feu, une arbalète et des munitions pour une période de cinq ans; d'avoir en sa possession une arme à autorisation restreinte pour une période de 10 ans; et d'avoir en sa possession une arme prohibée, un dispositif prohibé, des munitions prohibées ou des substances explosives à perpétuité, selon l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale.

 

 

 

 

[17]      ORDONNE la confiscation au profit de Sa Majesté des seuls objets suivants:

 

a)      Une arme de poing semi-automatique Beretta PX4 Storm SD, numéro de série : PK12808, visée par les 5e et 16e chefs d’accusations;

 

b)      Une arme semi-automatique Sabre Defence Industries XR15, numéro de série : C05259, visée par le 7e chef d’accusation;

 

c)      Un fusil tactique Benelli SuperNova, numéro de série : Z543245, visé par le 8e chef d’accusation;

 

d)     Les 12 chargeurs de cartouches prohibés, visés par le 2e chef d’accusation; et

 

e)      Les munitions qui ont été saisies, visées par le 3e chef d’accusation et décrites à l’Annexe A de l’acte d’accusation, pièce 2, selon l’article 147.3 de la Loi sur la défense nationale.

 


Avocats :

 

Major G. Roy, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de la poursuivante

 

Me D. Dionne, Maltais & Maltais, Avocats S.E.N.C.R.L.

Avocat pour l’ex-caporal H.S. Paradis

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