Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 21 juillet 2014.

Endroit : 14e Escadre Greenwood, Centre d’entraînement Birchall, édifice 221, promenade Administration, Greenwood (NÉ).

Chefs d’accusation

• Chefs d’accusation 1, 4 : Art. 130 LDN, possession de pornographie juvénile (art. 163.1(4) C. cr.).
• Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, accès à la pornographie juvénile (art. 163.1 (4.1) C. cr.).
• Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats

• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable. Chef d’accusation 4 : Non coupable.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 21 jours.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

Référence : R. c. Paquette, 2014 CM 2014

Date : 20140723 Dossier : 201374

Cour martiale permanente

Base des Forces canadiennes Greenwood Greenwood (Nouvelle‑Écosse), Canada

Entre :

Ex-caporal M. Paquette, contrevenant

- et -

Sa Majesté la Reine

En présence du colonel M.R. Gibson, J.M.

 

Interdit de publication : Suivant l’ordonnance rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et des articles 486.3 et 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité d’une personne faisant l’objet d’une représentation, d’un écrit ou d’un enregistrement qui constitue de la pornographie juvénile au sens de l’article 163.1 du Code criminel ou toute image qui constitue de la pornographie juvénile au sens de cette même disposition.

Il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit l’identité des témoins âgés de moins de 18 ans.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

[1]                  Caporal Paquette, la cour, ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement aux deuxième et troisième chefs mentionnés à l’acte d’accusation, vous déclare coupable d’avoir accédé à de la pornographie juvénile, infraction visée au paragraphe 163.1(4.1) du Code criminel et punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, et d’avoir eu une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Il incombe maintenant à la cour de déterminer une sentence juste et appropriée en l’espèce.

[2]                  Pour ce faire, la cour a pris en considération les principes de détermination de la sentence appliqués dans le système de justice militaire, les faits de l’affaire qui ont été exposés dans la preuve soumise pour examen par la cour, y compris le sommaire des circonstances portant la pièce 5 et le rapport sommaire produit à l’issue du traitement, qui porte la pièce 4, ainsi que les observations des avocats de la poursuite et de la défense.

[3]                  Les faits de la présente affaire, qui sont exposés dans le sommaire des circonstances, se résument de la façon suivante : au moment de la commission de ces deux infractions, le caporal Paquette faisait partie de la force régulière et était affecté au 413e Escadron, à la Base des Forces canadiennes Greenwood, comme technicien en systèmes aéronautiques. Dans le cadre de son travail, le caporal Paquette avait été informé de la façon d’accéder aux systèmes informatiques et des mécanismes de contrôle s’y rapportant; notamment du contenu de la DOAD 6002-2 (Utilisation légitime d’Internet, de l’intranet de la défense, d’ordinateurs et d’autres systèmes d’information) et des interdictions qu’elle comporte. Il a signé un formulaire d’autorisation et de contrôle d’accès aux systèmes informatiques, dans lequel il reconnaissait être au courant de ces renseignements et bien comprendre que sa vie privée ne saurait être protégée lorsqu’il utiliserait les technologies de l’information (TI) du ministère de la Défense nationale (MDN), puisque le personnel de la sécurité des TI procédait souvent à des vérifications des fichiers et des courriels.

[4]                  Le 5 avril 2011, le système de sécurité automatisé du Centre d’opérations des réseaux des Forces canadiennes (CORFC) a émis une alerte par mot‑clé en raison de la saisie du mot anglais « preteen » (préadolescente) sur un système informatique des FC. Ce système a été repéré dans un bureau du hangar 14, à la Base des Forces canadiennes Greenwood. M. Engelberts, officier de la sécurité des systèmes d’information de l’escadre, a immédiatement avisé la police militaire de la 14e Escadre qu’un ordinateur situé au hangar 14 était susceptible de contenir de la pornographie juvénile, et le nécessaire a été fait pour trouver et saisir le système informatique ainsi que pour identifier l’utilisateur.

[5]                  Le caporal‑chef MacEachern de la police militaire a accompagné M. Engelberts à la salle 279 du hangar 14, où le système informatique à l’origine de l’alerte par mot‑clé devait se trouver. Il a été établi que le système en question avait été assigné au caporal Paquette, qui était alors branché au réseau. M. Engelberts a saisi l’ordinateur du MDN assigné au caporal Paquette et l’a remis au caporal‑chef MacEachern.

[6]                  Un rapport du CORFC généré par suite de la recherche par mot-clé a révélé que, le 31 mars 2011, le caporal Paquette avait cherché sur Internet des images de pornographie juvénile et visité des sites Web associés à de la pornographie juvénile. Au cours de sa navigation sur Internet, le caporal Paquette a intentionnellement regardé six images de pornographie juvénile, à savoir des images de préadolescentes exhibant leur poitrine et leurs organes génitaux.

[7]                  Le 21 juin 2011, le caporal‑chef MacEachern a envoyé l’ordinateur en question au Groupe intégré de la criminalité technologique (GICT) pour obtenir une analyse en informatique judiciaire. Par suite de cette analyse, qui s’est terminée le 26 juillet 2011, il a été confirmé que le caporal Paquette avait accédé à de la pornographie juvénile, et l’avait regardée, en utilisant son compte d’utilisateur du MDN.

[8]                  Le 28 juillet 2011, le caporal Paquette a été arrêté. Il a passé 15 heures en détention avant d’être libéré sous conditions.

[9]                  Des accusations ont été portées contre lui le 25 avril 2013. Le caporal Paquette a été libéré des Forces canadiennes le 10 février 2014.

[10]              Dans le système de justice militaire, la détermination de la sentence par les tribunaux militaires, dont font partie les cours martiales, a pour objectifs essentiels de favoriser l’efficacité opérationnelle des Forces canadiennes en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral, et de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.

[11]              L’atteinte de ces objectifs essentiels se fait par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants : renforcer le devoir d’obéissance aux ordres légitimes; maintenir la confiance du public dans les Forces canadiennes en tant que force armée disciplinée; dénoncer les comportements illégaux; dissuader les contrevenants et les autres personnes de commettre des infractions; favoriser la réinsertion sociale des contrevenants; favoriser la réinsertion des contrevenants dans la vie militaire; isoler, au besoin, les contrevenants des autres officiers et militaires du rang ou de la société en général; assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; susciter le sens des responsabilités chez les contrevenants, notamment par la reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité.

[12]              Le principe fondamental de la détermination de la sentence veut que celle-ci soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

[13]              Parmi les autres principes de détermination de la sentence, mentionnons les suivants : l’adaptation de la sentence aux circonstances aggravantes et atténuantes; l’harmonisation des sentences, c’est-à-dire l’infliction de sentences semblables à celles infligées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables; l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté par l’emprisonnement ou la détention, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient; l’infliction de la sentence la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral; la prise en compte des conséquences indirectes du verdict de culpabilité ou de la sentence.

[14]              Dans l’affaire dont la cour est saisie aujourd’hui, je dois déterminer si les buts et objectifs de la détermination de la sentence seraient mieux servis par la dissuasion, la dénonciation, la réinsertion sociale ou une combinaison de ces facteurs.

[15]              La cour doit infliger la sentence la moins sévère possible qui permette de maintenir la discipline, la bonne organisation et le moral. La discipline est la qualité que chaque membre des Forces canadiennes doit posséder pour lui permettre de placer les intérêts du Canada et ceux des Forces canadiennes devant ses intérêts personnels. Elle lui est nécessaire parce qu’il doit obéir promptement et volontiers, sous réserve qu’ils soient légitimes, à des ordres qui peuvent avoir pour lui des conséquences très graves telles que des blessures ou même la mort. La discipline est définie comme une qualité, car, au bout du compte, bien qu’elle représente une conduite que les Forces canadiennes développent et encouragent par l’instruction, l’entraînement et la pratique, c’est une qualité intérieure et l’une des conditions fondamentales de l’efficacité opérationnelle de toute force armée. Un des éléments les plus importants de la discipline dans le contexte militaire, c’est l’autodiscipline, notamment celle nécessaire pour résister à la tentation d’utiliser les systèmes informatiques du MDN à des fins illégales ou non autorisées. Le comportement du caporal Paquette démontre que c’est un domaine dans lequel il a eu des faiblesses.

[16]       La cour est d’avis que les facteurs aggravants en l’espèce sont les suivants :

 

a)               La gravité objective des infractions à l’égard desquelles le caporal Paquette a plaidé coupable. L’infraction d’accès à la pornographie juvénile visée au paragraphe 163.1(4.1) du Code criminel est punissable d’une sentence d’emprisonnement maximale de cinq ans si elle est considérée comme un acte criminel et d’une sentence d’emprisonnement maximale de 18 mois si elle est considérée comme une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. De plus, il s’agit de l’une des infractions pour lesquelles le Parlement a prévu une sentence minimale, dont il a récemment augmenté la durée. J’en dirai davantage au sujet de la sentence minimale applicable un peu plus loin. L’infraction de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline prévue à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale rend son auteur passible d’une sentence maximale de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté, compte tenu de l’échelle des sentences établie à l’article 139 de la Loi sur la défense nationale.

b)               La nature des infractions commises par le caporal Paquette. Comme il l’a lui‑même reconnu lors de son témoignage à l’étape de la détermination de la sentence, il ne s’agit pas d’un crime sans victime. L’exploitation des enfants inhérente à la production de la pornographie juvénile est réelle parce qu’il existe un marché pour ces images. En regardant ce matériel pornographique, le caporal Paquette a indirectement contribué à cette exploitation.

c)               Le fait que le caporal Paquette a utilisé un système informatique du MDN pour commettre l’infraction et qu’il l’a fait durant ses heures de travail dans un établissement militaire.

[17]       Les facteurs atténuants en l’espèce sont les suivants :

a)               D’abord et avant tout, le caporal Paquette a plaidé coupable à ces infractions. Ce facteur atténuant revêt toujours beaucoup d’importance, car il montre que le contrevenant accepte la responsabilité de ses actes.

b)               Le fait que le caporal Paquette a présenté ses excuses lorsqu’il a témoigné à l’étape de la détermination de la peine et le fait que la cour a été frappée par l’authenticité des regrets qu’il a exprimés quant à la commission de ces infractions.

c)               L’absence de fiche de conduite ou de toute autre indication de condamnations antérieures.

d)              Le fait que le caporal Paquette a entrepris une thérapie pour l’aider à ne plus consommer de matériel de pornographie juvénile.

e)               Le rapport sommaire produit à l’issue du traitement dans le cadre du programme judiciaire Kentville visant les comportements sexuels, daté du 7 juin 2012 et versé en preuve sous la pièce 4, qui concluait que le risque de récidive dans le cas du caporal Paquette était considéré comme faible.

f)                La longue période qui s’est écoulée depuis la commission des infractions (trois ans). Le caporal Paquette a été arrêté le 28 juillet 2011; les accusations n’ont pas été portées avant le 25 avril 2013. Le poursuivant a expliqué que ce retard était en partie attribuable à un manque de personnel et à la charge de travail du GICT. Le procès a eu lieu en juillet 2014. Aucune requête en retard déraisonnable fondée sur l’alinéa 11b) de la Charte n’a été présentée en l’espèce. La cour n’est pas vraiment au courant de toutes les raisons qui expliquent ce retard, mais il faut souligner qu’une période de trois ans se concilie difficilement avec l’obligation d’agir avec célérité établie à l’article 162 de la Loi sur la défense nationale, qui prévoit que les accusations portées en vertu du code de discipline militaire sont traitées avec toute la célérité que les circonstances permettent. Le caporal Paquette a enduré cette situation pendant tout ce temps; il s’agit d’un facteur atténuant à prendre en considération.

[18]              Les principes de détermination de la sentence qui, selon la cour, doivent être mis en évidence en l’espèce sont la dénonciation et la dissuasion générale et individuelle.

[19]              Les membres des Forces canadiennes sont à juste titre tenus de respecter des normes très élevées. Le comportement du caporal Paquette constitue une dérogation importante à ces normes. Il doit être plus particulièrement dissuadé de commettre de nouveau ces actes, et les autres membres des Forces canadiennes doivent eux aussi comprendre que de tels actes ne sont tout simplement pas acceptables et être dissuadés de les commettre. Accéder à de la pornographie juvénile est odieux, car cela revient à encourager l’exploitation des enfants. L’utilisation des systèmes informatiques du MDN à cette fin doit être vigoureusement dissuadée.

[20]              Dans l’arrêt R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, la Cour suprême du Canada a exprimé le principal objectif des dispositions pénales en matière de pornographie juvénile. La juge en chef McLachlin, s’exprimant au nom de la majorité, a affirmé ce qui suit, au paragraphe 28 :

[…] Tout comme personne ne nie l’importance de la liberté d’expression, personne ne conteste non plus que la pornographie juvénile implique l’exploitation d’enfants. On peut dire que les liens entre la possession de pornographie juvénile et le préjudice causé aux enfants sont plus ténus que ceux qui existent entre la production et la distribution de pornographie juvénile et le préjudice causé aux enfants. Toutefois, la possession de pornographie juvénile contribue au marché de cette forme de pornographie, lequel marché stimule à son tour la production qui implique l’exploitation d’enfants. La possession de pornographie juvénile peut faciliter la séduction et l’initiation des victimes, vaincre leurs inhibitions et inciter à la perpétration éventuelle d’infractions.

J’ajouterais que cette même logique s’applique à l’infraction d’accès à de la pornographie juvénile, tout comme à celle de possession.

[21]              Il ne fait aucun doute que ces infractions sont considérées objectivement comme graves au Canada. Dans l’arrêt R. c. Labaye, [2005] 3 R.C.S. 728, 2005 CSC 80, la juge en chef a formulé les observations suivantes au paragraphe 109 :

En effet, la moralité sociale contemporaine du Canada rejette notamment la pornographie infantile, l’inceste, la polygamie et la bestialité indépendamment de la question de savoir si ces actes causent un préjudice social ou non. La société juge que ces actes sont, en eux-mêmes, préjudiciables. Le législateur permet la mise en œuvre de cette moralité sociale par l’adoption de normes législatives dans les lois comme le Code criminel.

[22]              Au cours des dernières années, le Parlement a sans cesse martelé le message que ces infractions méritent d’être dénoncées de façon non équivoque. En est une preuve, la récente augmentation des sentences minimales obligatoires infligées à ceux qui sont déclarés coupables de possession de pornographie juvénile et d’accès à celle-ci.

[23]              Même si, comme la défense le soutient, les images numériques particulières qui font l’objet de la deuxième accusation ne sont peut-être pas les plus monstrueuses du genre parmi toutes celles qui sont malheureusement offertes sur Internet, elles constituent nettement de la pornographie juvénile.

[24]              Dans les circonstances de l’espèce, la cour est d’avis qu’une sentence privative de liberté est justifiée et constituerait la sentence minimale nécessaire pour assurer le maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral et pour se conformer au principe de parité des sentences pour ces types d’infractions.

[25]              Qui plus est, tel que nous l’avons vu précédemment, l’infraction d’accès à de la pornographie juvénile visée au paragraphe 163.1(4.1) du Code criminel est une infraction pour laquelle le Parlement a prescrit une sentence minimale. La deuxième accusation a été portée et la poursuite a été intentée en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale. L’alinéa 130(2)a) de la Loi sur la défense nationale est rédigé en ces termes :

Sous réserve du paragraphe (3), la peine infligée à quiconque est déclaré coupable aux termes du paragraphe (1) est :

a) la peine minimale prescrite par la disposition législative correspondante, dans le cas d’une infraction :

(i) commise au Canada en violation de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale et pour laquelle une peine minimale est prescrite, […]

[26]              La disposition législative qui prescrit la sentence minimale pour l’infraction, en l’occurrence le paragraphe 163.1(4.1) du Code criminel, prévoit une sentence d’emprisonnement minimale de six mois si l’infraction est considérée comme un acte criminel et une peine d’emprisonnement minimale de 90 jours si elle est considérée comme une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

[27]              Toutefois, l’alinéa 11i) de la Charte canadienne des droits et libertés dispose que tout inculpé a le droit de bénéficier de la sentence la moins sévère, lorsque la sentence qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence.

[28]              Les infractions ont été commises en 2011. Dans l’intervalle, le Parlement a modifié les dispositions concernant les sentences minimales applicables à l’infraction d’accès à la pornographie juvénile en les augmentant aux valeurs mentionnées précédemment; ces modifications sont entrées en vigueur en août 2012. Les sentences minimales antérieures applicables au moment de la commission de l’infraction visée au paragraphe 163.1(4.1) étaient de 45 jours d’emprisonnement si l’infraction était considérée comme un acte criminel et de 14 jours d’emprisonnement si elle était considérée comme une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Compte tenu des dispositions de l’alinéa 11i) de la Charte, le caporal Paquette a le droit de bénéficier de la sentence la moins sévère. Ce sont donc ces valeurs-ci, prescrites par le Parlement comme sentences minimales, qui s’appliquent en l’espèce.

[29]              S’ensuit la question du lien entre le sous‑alinéa 130(2)a)(i) de la Loi sur la défense nationale et les dispositions relatives aux sentences minimales du paragraphe 163.1(4.1) du Code criminel, compte tenu du fait que, bien entendu, la Loi sur la défense nationale ne fait pas de distinction entre l’acte criminel, l’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et l’infraction mixte, comme le fait le Code criminel. Dans la Loi sur la défense nationale, le Parlement a plutôt choisi de qualifier toutes les infractions à l’égard desquelles les tribunaux militaires ont compétence d’« infractions d’ordre militaire », lesquelles sont définies à l’article 2 de la Loi sur la défense nationale comme une infraction à la Loi sur la défense nationale, au Code criminel ou à une autre loi fédérale qui est passible de la discipline militaire. Quelle sentence minimale devrait donc s’appliquer en l’espèce : celle prescrite dans le Code criminel pour les infractions punissables par voie de mise en accusation ou celle pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire?

[30]              En faisant mienne la démarche adoptée par le juge militaire en chef, le colonel Dutil, dans l’affaire intéressant le matelot de 3e classe Cawthorne, 2014 CM 1014, instruite devant la cour martiale générale, je conclus qu’il est loisible à la cour d’examiner la question de savoir si, compte tenu de la preuve, il est probable que, dans l’éventualité où elles avaient fait l’objet d’une poursuite dans le système de justice pénale civil, où les dispositions du Code criminel sont entièrement applicables, ces accusations auraient vraisemblablement été traitées comme des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou comme des actes criminels. Dans la présente affaire, le poursuivant s’est dit d’avis que, si les accusations avaient fait l’objet d’une poursuite intentée dans le système de justice pénale civil, elles auraient été très vraisemblablement traitées comme des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Compte tenu des faits, j’accepte cette opinion. Je considère donc que la sentence minimale applicable en l’espèce serait de 14 jours d’emprisonnement.

[31]              La poursuite et la défense ont formulé une recommandation conjointe concernant une sentence d’emprisonnement de 21 jours.

[32]              Lorsqu’il y a une recommandation conjointe, comme l’a réitéré la Cour d’appel de la cour martiale dans l’affaire R. c. Le soldat Chadwick Taylor, 2008 CACM 1, la question que la cour doit se poser n’est pas de savoir si la sentence proposée est celle que la cour aurait infligée si elle n’avait pas reçu de recommandation conjointe; la cour doit plutôt se demander s’il y a des raisons valables d’aller à l’encontre de cette recommandation conjointe; c’est-à-dire si la sentence est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

[33]              J’ai soigneusement passé en revue toutes les décisions soumises par les avocats comme précédents en matière de détermination de la sentence. Les observations des avocats en l’espèce s’inscrivent dans la suite logique de ces précédents.

[34]              La cour estime que la sentence proposée n’est pas inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public. Par conséquent, la cour acceptera la recommandation conjointe des avocats de la poursuite et de la défense en ce qui a trait à la sentence.

[35]              Étant donné que l’infraction d’accès à de la pornographie juvénile, prévue à l’article 163.1 du Code criminel, constitue une infraction primaire au sens du sous‑alinéa 487.04a)(i.8) du Code criminel et au sens de l’article 196.11 de la Loi sur la défense nationale, l’article 196.14 exige que la cour martiale rende une ordonnance, rédigée selon le formulaire réglementaire, autorisant le prélèvement sur l’intéressé du nombre d’échantillons de substances corporelles jugé nécessaire pour une analyse génétique.

[36]              De plus, étant donné que l’infraction d’accès à de la pornographie juvénile constitue une infraction désignée au sens du sous‑alinéa 490.011(1)a)(viii) du Code criminel et au sens de l’article 227 de la Loi sur la défense nationale, l’article 227.01 de la Loi sur la défense nationale exige que la cour martiale rende une ordonnance, rédigée selon le formulaire réglementaire, enjoignant au caporal Paquette de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels pendant la période applicable selon l’alinéa 227.02(2)a), à savoir, en l’espèce, 10 ans.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[37]              VOUS DÉCLARE coupable des deuxième et troisième chefs mentionnés à l’acte d’accusation.

[38]              VOUS CONDAMNE à une sentence d’emprisonnement de 21 jours.

[39]              REND l’ordonnance prévue à l’article 196.14 de la Loi sur la défense nationale en vue du prélèvement sur le contrevenant d’échantillons de substances corporelles à des fins d’analyse génétique.

[40]              REND l’ordonnance prévue à l’article 227.01 de la Loi sur la défense nationale enjoignant au contrevenant se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels pendant 10 ans.

 

 

Avocats :

Capitaine de corvette, D.T. Reeves, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette, P.D. Desbiens, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’ex-caporal M. Paquette

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