Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 20 octobre 2014.

Endroit : BFC Trenton, édifice 22, 3e étage, 74 avenue Polaris, Astra (ON).

Chefs d’accusation

• Chef d’accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
• Chef d’accusation 2 : Art. 85 LDN, s’est conduit d’une façon méprisante à l’endroit d’un supérieur.

Verdicts

• Chef d’accusation 1 : Coupable.
• Chef d’accusation 2 : Non coupable.

Sentence

• Une réprimande et une amende au montant de 400$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

Référence : R. c. Garner-Garballa, 2014 CM 3019

Date : 20141022

Dossier : 201378

Cour martiale générale

Base des Forces canadiennes Trenton

Ontario (Canada)

Entre :

Sa Majesté la Reine

- et -

Caporal C.E. Garner-Garballa, contrevenant

En présence du Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Prononcés de vive voix)

[1]               Caporal Garner-Garballa, la Cour martiale générale vous a déclaré coupable aujourd’hui d’un chef d’accusation, soit d’avoir désobéi à un ordre légitime d’un supérieur. À titre de juge militaire présidant la présente Cour martiale générale, il m’incombe maintenant de déterminer la sentence.

[2]               Le prononcé des sentences a pour objectif essentiel de garantir le respect de la loi et le maintien de la discipline. Le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’imposer une sentence qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d’autres mots, toute sentence infligée par un tribunal doit être individualisée et représenter l’intervention minimale requise, étant donné que la modération est le principe fondamental des théories modernes de la détermination de la sentence au Canada.

[3]               Lorsqu’il inflige une sentence, un tribunal militaire doit également tenir compte de certains principes et objectifs. En ce qui concerne les objectifs, la Cour doit tenir compte de ce qui suit :

a)                  la protection du public, y compris des Forces canadiennes;

b)                  la dénonciation du comportement illégal;

c)                  la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

d)                 l’isolation, au besoin, des contrevenants du reste de la société;

e)                  la réinsertion et la réadaptation du contrevenant.

[4]       De plus, la Cour doit aussi tenir compte des principes suivants :

a)                  la sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

b)                  la sentence doit être proportionnelle à la responsabilité du contrevenant et aux antécédents de celui-ci;

c)                  la sentence infligée doit être semblable à celle infligée à un contrevenant pour une infraction semblable commise dans des circonstances semblables;

d)                 le contrevenant ne doit pas être privé de sa liberté s’il est possible, dans les circonstances, d’infliger une sentence moins contraignante. En bref, la Cour ne doit infliger une sentence d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

e)                  enfin, toute sentence doit être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du contrevenant.

[5]       Le matin du 20 mai 2013, le caporal Garner-Garballa faisait partie de l’unité de protection de la force à un poste de contrôle d’accès et terminait, à 7 h 30, un poste de nuit de 12 h dans le contexte de l’exercice Maple Resolve 2013, un exercice qui se tenait au terrain d’aviation 21, au Camp Wainwright, en Alberta. Alors qu’il se tenait avec d’autres personnes, qu’il était sur le point de se diriger vers sa tente afin de se reposer, à la suite d’un changement de poste, et qu’il portait son attirail de combat complet (ACC), une alerte a retenti. Le caporal Garner‑Garballa n’était pas surpris qu’une telle chose se produise, car il avait été auparavant avisé qu’un exercice aurait lieu ce matin‑là.

[6]       L’exercice portait sur la réaction en cas de présence d’un engin explosif improvisé (EEI) censément situé près de la tente de transport du camp. À titre de responsable du poste de jour de l’unité de protection de la force, le sergent Bastien, soit le sergent de la force de sécurité des Forces aériennes qui venait juste de commencer son poste, s’est dirigé vers la tente de transport. En chemin, il a vu son adjoint, le caporal‑chef Dumont, au poste de contrôle d’accès en compagnie de certains membres de la police militaire qui avaient effectué le poste de nuit précédent et d’autres qui effectuaient le poste de jour actuel.

[7]               Le sergent Bastien avait besoin qu’un messager vienne avec lui parce qu’il voulait tout d’abord se rendre à l’endroit où l’EEI était censément situé pour avoir une idée de ce qui se passait, puis envoyer quelqu’un chercher les choses ou les personnes dont il aurait besoin pour accomplir la tâche.

[8]               Il est passé par le poste de contrôle d’accès et a dit au caporal Garner‑Garballa, qui était là, de venir avec lui. Le sergent Bastien a poursuivi son chemin et s’est rendu compte que le caporal Garner-Garballa ne le suivait pas. Il s’est alors retourné, est revenu sur ses pas et s’est rapproché du caporal Garner-Garballa. Il lui a dit de venir avec lui tout en lui faisant un signe de la main en ce sens. Peu après, voyant que le caporal Garner‑Garballa ne l’écoutait pas, il a dit à son adjoint que les deux caporaux‑chefs qui se trouvaient aussi là devaient venir avec lui. Ces deux personnes l’ont suivi jusqu’à la tente de transport où l’EEI était censément situé, mais pas le caporal Garner-Garballa.

[9]               Comme je l’ai mentionné dans les directives que j’ai données aux membres du comité, l’obéissance aux ordres est fondamentale dans tous les aspects de la vie militaire. L’efficacité des tâches militaires et le succès des missions reposent sur ce principe.

[10]           Le tribunal est d’avis que l’infliction de la sentence en l’espèce devrait mettre l’accent sur les objectifs de la dénonciation et de la dissuasion générale. Il importe de rappeler que le principe de la dissuasion générale sous-entend que la sentence infligée devrait non seulement avoir un effet dissuasif sur le contrevenant, mais également dissuader toute personne se trouvant dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites.

[11]           J’ai tenu compte des facteurs aggravants suivants :

a)                  Il y a la gravité objective de l’infraction, soit la désobéissance à un ordre légitime d’un supérieur. La sentence maximale pour une telle infraction est l’emprisonnement à perpétuité.

b)                  Il y a aussi la gravité subjective de l’infraction, qui comporte deux aspects :

(1)               Premièrement, par votre comportement à ce moment‑là, vous avez fait preuve d’un certain manque de respect. De plus, en ne suivant pas l’ordre qui vous avait été donné, vous avez miné l’autorité du sergent Bastien.

(2)               Deuxièmement, vous avez fait passer vos intérêts avant ceux de votre unité. Vous avez profité d’un genre de mauvaise communication ou de ce qui semblait être une sorte de malentendu pour faire ce vous vouliez, au fond. C’est ce qui est ressorti des circonstances.

[12]           J’ai aussi tenu compte des facteurs atténuants suivants :

a)                  Il ressort des circonstances de l’infraction qu’il a été considéré qu’elle se situe dans la partie inférieure de la fourchette de gravité des infractions.

b)                  Votre fiche de conduite ne contient aucune mention d’une infraction semblable.

c)                  Votre âge, 29 ans, doit être pris en considération. Vous êtes très jeune, et vous êtes encore un atout pour les Forces canadiennes et la société canadienne. Je suis donc persuadé que vous serez un bon élément pour les Forces canadiennes.

d)                 Vous avez aussi eu à comparaître devant la cour martiale, dans le cadre d’une audience annoncée et ouverte au public qui s’est déroulée en présence de certains de vos pairs. Cela a sans aucun doute eu un effet dissuasif considérable sur vous et sur eux. Une telle situation laisse savoir que la conduite que vous avez affichée en ce qui a trait à l’obéissance à un ordre ne sera tolérée d’aucune façon et sera traitée en conséquence.

e)                  Aussi, votre comportement n’a pas eu de répercussions et n’a représenté aucun danger, et il n’y a pas eu de conséquences réelles, à ce moment‑là, sur ce qui se passait.

f)                   De plus, il convient de souligner que, quelle que soit la sentence infligée, elle restera sur votre fiche de conduite tant que vous n’aurez pas obtenu un pardon pour le casier judiciaire que vous obtenez aujourd’hui. La réalité est que votre déclaration de culpabilité aujourd’hui entraînera une conséquence qu’on oublie souvent, à savoir que vous aurez désormais un casier judiciaire, ce qui n’est pas sans importance.

[13]           À mon avis, la gamme appropriée de sentences pour des infractions de cette nature et dans un tel contexte va généralement d’un blâme à une réprimande assortie d’une amende. Elle peut aussi prendre la forme d’une amende seulement dans certains cas. La Cour tient à rappeler qu’une réprimande constitue une sentence sérieuse dans un contexte militaire. Elle est supérieure dans l’échelle des sentences à une amende, quel que soit le montant. Elle reflète le doute que l’on a eu quant à l’engagement du militaire au moment de la commission de l’infraction. Elle reflète aussi le sérieux accordé à l’infraction qui a été commise, mais aussi l’espoir réel de réhabilitation qui existe chez le contrevenant.

[14]           Compte tenu de la nature de l’infraction, des principes applicables en matière de détermination de la sentence, y compris les sentences infligées par des tribunaux militaires à des contrevenants semblables pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, des principes de parité des sentences, et des facteurs aggravants et atténuants susmentionnés, j’estime qu’une réprimande assortie d’une amende semble constituer la sanction minimale nécessaire et appropriée en l’espèce.

[15]           Pour ce qui est du montant de l’amende, la Cour ne pense pas que le montant que propose le procureur de la poursuite reflèterait réellement une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant, particulièrement dans un contexte où une amende est combinée à une réprimande. La Cour conclut qu’une amende de 400 $ représenterait davantage la portée réelle de ce principe.

[16]           Une sentence juste et équitable devrait tenir compte de la gravité de l’infraction et de la responsabilité du contrevenant dans le contexte précis de l’espèce. De l’avis de la Cour, une réprimande combinée à une amende de 400 $ constitue une sentence minimale appropriée et une sentence adaptée à l’infraction.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[17]           Vous CONDAMNE à une réprimande et à une amende de 400 $. L’amende sera payée en deux versements mensuels de 200 $ chacun, à compter du 1er novembre 2014, pour les deux mois suivants. Si, pour quelque raison que ce soit, vous être libéré des Forces canadiennes avant le paiement intégral de l’amende en question, cette dernière sera payable immédiatement le jour précédent votre libération.

 

Avocats :

 

Major E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S. Collins, Direction du Service d’avocats de la défense

Avocat du caporal Garner-Garballa

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