Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 1 décembre 2014.

Endroit : 17e Escadre Winnipeg, Centre d’éducation et d’entraînement, édifice 135, 715 chemin Whiri, Winnipeg (MB).

Chefs d’accusation

• Chef d’accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
• Chef d’accusation 2 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats

• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Non coupable.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Maze, 2014 CM 4015

 

Date : 20141205

Dossier : 201415

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Winnipeg

Winnipeg (Manitoba), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

‑ et –

 

Caporal M.F. Maze, accusé

 

 

En présence du : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

INTRODUCTION

 

[1]               Le caporal Maze est accusé de deux chefs en vertu du code de discipline militaire relativement à deux incidents survenus à l’époque où il avait le grade de soldat, soit le 8 octobre 2013, jour où il avait laissé un message téléphonique pour déclarer qu’il était malade et ne s’était pas présenté au lieu du service à l’atelier mécanique, génie construction, de la 17e Escadre de la Base des Forces canadiennes (BFC) Winnipeg; par la suite, il ne s’était pas présenté à la salle d’examen médical (SEM) malgré un ordre en ce sens de son supérieur immédiat.

 

[2]               Deux accusations ont été déposées par suite de l’incident, la première en vertu de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale pour désobéissance à un ordre légitime et la seconde, en vertu de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, pour absence sans permission (ASP).

 

PREUVE

 

[3]               La poursuite a convoqué trois témoins : le caporal‑chef Hall, supérieur immédiat du caporal Maze et de tous les autres techniciens en réfrigération de l’atelier mécanique; l’adjudant Delamere qui, en octobre 2013, était le commandant adjoint de l’atelier mécanique et le superviseur du caporal‑chef Hall et du caporal‑chef Dewald et, enfin, M. Paul Robins qui, aussi en octobre 2013, était le superviseur intérimaire de l’atelier et le superviseur civil de l’adjudant Delamere. La défense a convoqué le caporal‑chef Dewald, superviseur des techniciens en plomberie de l’atelier mécanique; M. Steven Hartwig et le caporal Maxwell qui, en 2013, étaient des collègues du caporal Maze en tant que techniciens en réfrigération qui travaillaient pour le caporal‑chef Hall. La défense a aussi convoqué le capitaine Mockford afin qu’il explique les procédures s’appliquant à la visite à la salle d’examen médical de la BFC Winnipeg. Enfin, la défense a aussi convoqué le caporal Maze qui a témoigné pour son propre compte.

 

[4]               En plus de ces témoins, la Cour a incorporé au dossier de l’instance un certain nombre de pièces et a pris connaissance judiciaire des éléments visés à l’article 15 des Règles militaires de la preuve.

 

FAITS

 

[5]               La plupart des faits pertinents en l’espèce ne sont pas contestés et le contexte factuel lui‑même n’est pas très complexe. Il peut être résumé brièvement comme suit :

 

Le 8 octobre 2013, le service du caporal Maze débutait à 7 h 30 à l’atelier mécanique. À 6 h 24, le caporal Maze laissait un message téléphonique au poste utilisé par l’ensemble des superviseurs de son lieu de travail. Dans ce message, il précisait qu’il ne pourrait pas se rendre au travail ce jour‑là parce qu’il était malade. Le caporal‑chef Hall a communiqué au téléphone avec le caporal Maze à 8 h 00 et lui a dit, à peu près en ces termes, [traduction] « Vous vous présentez à la SEM et vous revenez à l’unité avec un formulaire de congé de maladie ». Au cours de cette brève conversation, le caporal‑chef Hall a aussi offert au caporal Maze le transport de son domicile jusqu’à la SEM, une offre que le caporal Maze a rejetée. Pendant plus de trois heures, le caporal Maze est demeuré chez lui. Il a déclaré qu’il était malade et incapable d’accomplir ses tâches, une allégation qui a été contestée par la poursuite en contre‑interrogatoire. Quoi qu’il en soit, les parties reconnaissent que, vers 11 h 20, le caporal Maze a envoyé un message texte au caporal‑chef Hall dans lequel il précisait que, finalement, il aurait besoin d’un service de transport pour se rendre à la SEM. Cependant, à ce moment‑là, il n’était pas possible de lui offrir ce service. Le caporal‑chef Hall a répondu dans un message texte que le caporal Maze devait demeurer à la maison et se présenter devant lui et l’adjudant Delamere au cours de l’après‑midi du jour suivant, le 9 octobre 2013, à leur retour d’une séance de tir. Le caporal Maze est resté chez lui le reste de la journée du 8 octobre et s’est présenté comme prévu l’après‑midi du 9 octobre.

 

PREMIÈRE ACCUSATION : DÉSOBÉISSANCE À UN ORDRE LÉGITIME

 

[6]               Passons maintenant à la première accusation déposée en vertu de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale, soit désobéissance à un ordre légitime.

 

Questions en litige

 

[7]               La plupart des éléments relatifs à cette infraction étaient reconnus par les parties et ne faisaient l’objet d’aucun litige. L’identité du caporal Maze en tant que contrevenant de même que la date et le lieu de ladite infraction, le 8 octobre 2013, au domicile du caporal Maze à St‑Adolphe, au Manitoba, ne sont pas contestés. De plus, le fait que l’ordre reçu par l’accusé de [traduction] « [se présenter] à la salle d’examen médical » de la façon décrite dans l’accusation a été donné par un officier supérieur, reconnu comme tel par l’accusé, n’est pas contesté. De plus, la défense a reconnu, ce avec quoi la Cour est d’accord, que l’ordre était légitime.

 

[8]               C’est le non‑respect de l’ordre en question par l’accusé qui est en jeu en l’espèce, c.‑à‑d. la désobéissance, ce qui touche aussi l’éventuel état d’esprit blâmable de l’accusé.

 

Positions des parties

 

[9]               Voici les positions des parties sur cette question :

 

a)                  La poursuite soutient qu’en refusant l’offre de transport à la SEM au cours de sa conversation téléphonique avec le caporal‑chef Hall à 8 h 00 le 8 octobre, le caporal Maze a manifesté son intention de ne pas respecter l’ordre qui lui était donné, une intention qui s’est confirmée au fur et à mesure que la journée avançait parce qu’il ne s’était finalement pas rendu à la SEM.

 

b)                  En réponse, la défense soutient que l’ordre donné au caporal Maze ne précisait pas de délai d’exécution et qu’il aurait pu être exécuté aussi tard qu’à 16 h 00, heure à laquelle la SEM cessait d’admettre des patients. La défense soutient que le caporal Maze avait l’intention de respecter l’ordre de se présenter à la SEM, une intention qu’il a manifestée en envoyant de sa propre initiative un message texte au caporal‑chef Hall vers 11 h 20 pour demander un service de transport à la SEM. Cependant, vu le message texte envoyé en réponse par le caporal-chef Hall, cette intention n’était plus pertinente étant donné que l’ordre avait été annulé et remplacé par l’ordre de demeurer à la maison. Par conséquent, la défense soutient que le caporal Maze n’a pas eu l’occasion suffisante de respecter l’ordre initial de se présenter à la SEM.

 

Analyse


Pour analyser les exigences liées au non‑respect de l’ordre en cause en l’espèce, la Cour juge utile de tenir compte des notes annexées à l’article 103.16 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) qui, même si elles n’ont pas un caractère contraignant, doivent être respectées parce qu’elles contiennent des principes de doctrine fondés sur la jurisprudence et les principes élaborés avec le temps par des experts en droit militaire. Ces notes relatives à l’infraction de désobéissance à un ordre légitime ont une portée très large. La note D concerne directement la question du respect d’un ordre et il convient de la citer :

 

Pour établir une infraction aux termes du présent article, il faut prouver le refus d’exécuter un ordre, par exemple, la désobéissance. La désobéissance doit se rattacher au moment où le commandement doit être exécuté, et peut découler de la négligence à se conformer à un ordre devant être exécuté sur‑le‑champ et promptement, ou de la négligence à saisir une occasion propice de se conformer à un ordre devant être exécuté à quelque moment ultérieur. Pour se rendre coupable d’une infraction en vertu du présent article, une personne doit donc négliger de profiter d’une occasion qui s’offre de se conformer à l’ordre donné. Une personne qui ne fait que dire « Je ne le ferai pas » ne désobéit pas à un ordre si, de fait, elle se repent et l’exécute au moment voulu, bien qu’elle soit punissable en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale.

 

[10]           La Cour a demandé et obtenu l’opinion des avocats en ce qui concerne la question de savoir si l’ordre de se présenter à la SEM était un commandement qui devait être exécuté sur‑le‑champ et promptement ou un commandement qui pouvait l’être à un moment ultérieur. Après avoir pris connaissance des observations des avocats, la Cour conclut que, vu la nature des actions à exécuter pour obéir à l’ordre et l’absence de directives précises quant au moment de se présenter à la SEM, il s’agissait d’un commandement qui devait être exécuté à un moment ultérieur. Cela ne signifie toutefois pas que l’ordre pouvait être exécuté n’importe quand. La preuve non contestée selon laquelle le caporal Maze devait revenir à l’unité avec un formulaire de congé de maladie le même jour démontre que la période pendant laquelle l’ordre pouvait être exécuté allait jusqu’à la période de l’après‑midi où le caporal Maze aurait pu se présenter à la SEM, être examiné et être libéré à temps pour effectuer le trajet de deux minutes en voiture jusqu’à son lieu de travail à l’immeuble 77 et y arriver au plus tard à 16 h, heure de fermeture de l’atelier mécanique.

 

[11]           La poursuite soutient qu’en refusant le service de transport à la SEM qui lui était offert, le caporal Maze a négligé de profiter de l’occasion de se conformer à l’ordre. Cependant, à mon avis, même si en acceptant l’offre d’un service de transport à la SEM le caporal Maze aurait pu saisir une occasion de se conformer à l’ordre de [traduction] « [se présenter] à la SEM », étant donné que l’ordre ne comprenait pas une mention précise de temps, il existait plus d’une occasion de s’y conformer. En fait, l’offre de transport par véhicule était plus l’offre d’un moyen d’exécuter l’ordre qu’une occasion de le faire. En raccrochant le téléphone juste après 8 h le 8 octobre, le caporal‑chef Hall a reconnu implicitement la possibilité que le caporal Maze se rende lui‑même en voiture à la SEM plutôt que d’y être conduit par quelqu’un d’autre. Le caporal‑chef Hall doit donc avoir accepté le fait que son ordre puisse être exécuté par des moyens différents. Sinon, il aurait simplement ordonné au caporal Maze d’attendre que le service de transport lui soit offert.

 

[12]           Il est précisé à la note annexée à l’article 103.16 des ORFC citée précédemment que le refus d’obéir à un ordre n’équivaut pas à lui seul à la désobéissance s’il est suivi d’un repentir et d’une exécution de l’ordre au moment voulu. À plus forte raison, l’acceptation de l’ordre à exécuter, jointe à la mesure positive prise par le caporal Maze qui a demandé à 11 h 20 un moyen d’exécuter l’ordre, bien en deçà du délai auquel il avait droit pour procéder, ne peut être considérée comme un défaut de se conformer.

 

[13]           Des arguments ont été formulés au sujet de la crédibilité du caporal Maze et de la question de savoir s’il fallait le croire lorsqu’il a déclaré qu’il était malade et incapable d’exécuter ses tâches à cause de nausées, de diarrhées et de vomissements le matin du 8 octobre 2013. Après avoir analysé le témoignage de l’accusé, la Cour n’a trouvé aucun motif de conclure que la crédibilité du témoignage du caporal Maze relativement à son état de santé à l’époque en cause est entachée. Cependant, il n’est pas nécessaire que la Cour ajoute foi au témoignage du caporal Maze sur ce point pour être en mesure d’analyser le défaut de se conformer, le cas échéant. En effet, les parties reconnaissent que, vers 11 h 20, le caporal Maze a pris l’initiative de mentionner son intention de se conformer à l’ordre en demandant qu’un véhicule l’accompagne à la SEM. À ce moment‑là, le caporal Maze avait encore tout à fait le temps de se rendre à la SEM pour y être examiné, puis de se rendre à l’immeuble 77 avant 16 h, même s’il avait appris qu’il n’y avait plus de moyen de transport à sa disposition. En effet, le caporal Maze aurait pu demander à une autre personne de le conduire ou conduire lui‑même son véhicule. Finalement, personne ne lui a dit à ce moment‑là de se rendre à tout pris à la SEM; en effet, il lui a été demandé de rester à la maison.

 

Conclusion

 

[14]           La Cour conclut que vu l’ordre précis de [traduction] « [se présenter] à la SEM » et le fait que l’ordre en question ne s’accompagnait d’aucun délai, le caporal Maze avait véritablement la possibilité de se conformer à l’ordre au cours de l’après‑midi du 8 octobre, une occasion dont il n’avait pas pu profiter étant donné que l’ordre avait été annulé vers 11 h 20.

 

[15]           La Cour doit donc conclure que la poursuite n’a pas réussi à prouver hors de tout doute raisonnable l’élément essentiel de refus de se conformer à l’ordre donné par le caporal‑chef Hall. Vu ladite conclusion, la Cour n’a pas à se prononcer sur l’existence d’un état d’esprit blâmable de l’accusé afin de conclure que ce dernier n’est pas coupable de l’accusation de désobéissance à un ordre légitime.

 

SECONDE ACCUSATION : ABSENCE SANS PERMISSION

 

[16]           Passons maintenant à la seconde accusation, soit absence sans permission, en violation de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale.

 

Lieu du service

 

[17]           La Cour estime essentiel d’entamer son analyse en commentant le libellé de l’accusation d’absence sans permission qui est très particulier parce qu’il ne précise pas le lieu du service. En fait, le caporal Maze est accusé de s’être absenté sans permission [traduction] « En ce que, à 7 h 30 le 8 octobre 2013, à la BFC Winnipeg, Winnipeg (Manitoba), ou dans les environs, il s’est absenté sans autorisation de son lieu de service et est demeuré absent jusqu’à 11 h 40 le 8 octobre 2013 ».

 

[18]           S’appuyant principalement sur le témoignage du caporal‑chef Hall, la poursuite soutient que le [traduction] « lieu du service » décrit dans l’accusation a changé tout au cours de l’avant‑midi du 8 octobre 2013. En effet, il s’agissait d’abord de la BFC Winnipeg à 7 h30, lorsque le caporal Maze était censé être au travail à l’atelier mécanique dans l’immeuble 77. À 8 h, après que le caporal‑chef Hall eut transmis par téléphone au caporal Maze l’ordre de se présenter à la SEM, le lieu du service serait devenu la SEM jusque vers 11 h 20, lorsque le caporal‑chef Hall a annulé son ordre et a demandé au caporal Maze de demeurer à la maison, endroit où le caporal Maze, pour la première fois ce jour‑là, se trouvait à l’endroit où un ordre lui intimait de se trouver.

 

[19]           Cette allégation ne peut pas être acceptée pour deux raisons. Premièrement, afin de démontrer la validité d’une accusation d’ASP le même jour, comme c’est le cas en l’espèce, la poursuite doit prouver les éléments de temps et de lieu qui concernent le service ou mentionner une visite précise à la SEM. Il est évident que la poursuite est incapable de le faire en ce qui a trait à la SEM comme lieu du service le 8 octobre 2013 étant donné que la preuve qui a été soumise, comme il a été souligné précédemment relativement à l’infraction de désobéissance, révèle que le caporal‑chef Hall n’a pas mentionné au caporal Maze l’heure précise à laquelle ce dernier devait se présenter à la SEM. Deuxièmement, un supérieur ne peut pas, lorsqu’il donne à quelqu’un l’ordre de se rendre à un endroit précis, déclarer sur‑le‑champ qu’un subordonné est ASP parce que ce dernier ne se trouve pas à l’endroit en question au moment où l’ordre est donné. Je ne laisse pas entendre que le caporal‑chef Hall a manœuvré pour faire en sorte que le caporal Maze devienne ASP à cause de son ordre; en effet, il a sûrement compris que le Caporal Maze aurait besoin d’un certain temps pour s’habiller et se rendre en voiture de son domicile de St‑Adolphe jusqu’à la SEM. Je reconnais la validité de son témoignage selon lequel il s’attendait à ce que le caporal Maze se rende immédiatement à la SEM. Or, il ne s’agit pas d’une accusation de défaut de satisfaire aux attentes, mais plutôt d’une accusation d’ASP et, dans ce cas‑là, l’heure où la personne visée doit être en service constitue un élément essentiel d’une telle accusation dans les circonstances de l’espèce. L’accusation d’absence de la SEM sans cet élément de temps, qui fait défaut en l’espèce, ne peut pas être valide.

 

Possibilité de verdict annoté

 

[20]           Cependant, il y a un élément de date, d’heure et de lieu du service qui a été démontré relativement à l’obligation du caporal Maze de se trouver à l’atelier mécanique de la BFC Winnipeg à 7 h 30 le 8 octobre 2013. L’élément relatif à l’absence est aussi présent. J’estime que la Cour pourrait, en vertu de l’article 138 de la Loi sur la défense nationale, rendre un verdict annoté selon lequel le caporal Maze s’était absenté de la BFC entre 7 h 30 et 8 h parce que la différence entre les faits prouvés relativement à l’absence de 7 h 30 à 8 h et ceux qui sont allégués dans l’accusation, soit entre 7 h 30 et 11 h 40, n’a pas porté préjudice à l’accusé dans sa défense qui a repoussé de façon très efficace l’accusation d’ASP, période par période, y compris la portion entre 7 h 30 et 8 h.

 

Éléments à prouver

 

[21]           Il reste à la poursuite deux éléments à prouver hors de tout doute raisonnable pour obtenir un verdict de culpabilité pour défaut de se présenter à l’atelier mécanique à 7 h 30 le 8 octobre 2013 : premièrement, l’accusé connaissait ou aurait dû connaître le moment et le lieu du service et, deuxièmement, il savait ou aurait dû savoir que l’absence n’était pas autorisée.

 

[22]           En ce qui concerne l’élément de connaissance, il a été reconnu que le caporal Maze connaissait l’heure et le lieu habituels du service, ce qui, de l’avis de la poursuite, est suffisant. Par contre, la défense soutient qu’il ne s’agissait pas d’une journée normale; en effet, le caporal Maze avait informé ses supérieurs qu’il était malade et qu’il ne se présenterait pas au travail. Pour cette raison, soutient la défense, il ne pouvait pas savoir qu’il était tenu de se présenter à 7 h 30 à l’atelier mécanique.

 

[23]           En ce qui concerne l’élément d’absence d’autorisation, les témoignages des témoins de la poursuite comme de la défense établissent sans aucun doute que, selon la pratique établie à l’atelier mécanique, les membres du personnel militaire qui étaient malades pouvaient téléphoner avant 7 h 30 afin d’obtenir l’autorisation de rester à la maison pour la journée. Ce genre de pratique qui tolère le fait que des employés malades ne se présentent pas au travail n’est pas inhabituel dans les lieux de travail en général.

 

[24]           Les deux parties divergent cependant d’opinion quant à la procédure exacte qui devait être suivie pour que cette autorisation soit valide. Pour sa part, la poursuite soutient que le caporal Maze avait reçu la directive précise de communiquer avec son supérieur immédiat, en joignant ce dernier à son cellulaire ou à son téléphone à domicile avant 7 h 30, pour obtenir l’autorisation de ne pas se présenter au travail pour raison de maladie. Les parties reconnaissent que l’accusé ne l’a pas fait. Par conséquent, la poursuite soutient que l’autorisation n’avait pas été donnée et que l’accusé, en omettant de se présenter au travail à 7 h 30, était ASP. En fait, la poursuite a reconnu que si le caporal Maze avait respecté cette directive, il n’aurait pas été ASP. La défense, de son côté, soutient que la procédure que devait suivre le caporal Maze et tout employé de l’atelier mécanique afin d’obtenir un congé de maladie d’un jour consistait, pour un membre du personnel militaire, à téléphoner au poste téléphonique du superviseur de l’atelier avant 7 h 30 pour y laisser un message vocal informant le superviseur qu’il était malade, ce qui autorisait l’employé en question à ne pas se rendre au travail à moins de directives à l’effet contraire. Or, de l’avis de la défense, étant donné que le caporal Maze avait suivi ladite procédure, il ne pouvait pas être considéré comme ASP.

 

[25]           La défense a fait bien des efforts pour démontrer que le caporal Maze a agi conformément à la procédure en vigueur à l’atelier mécanique, mais il est bon de se rappeler qu’il ne revient pas à la défense de démontrer que le caporal Maze était autorisé à s’absenter à 7 h 30 le 8 octobre 2013; en effet, c’est à la poursuite qu’il incombe de démontrer hors de tout doute raisonnable l’absence d’une telle autorisation.

 

[26]           De plus, afin de prouver l’élément de connaissance de l’obligation dans une situation comme celle de l’espèce, lorsque ledit élément est lié directement à l’existence d’une autorisation de s’absenter, la poursuite doit démontrer que l’accusé savait qu’il n’avait pas l’autorisation de s’absenter. Si le caporal Maze savait ou aurait dû savoir qu’il n’avait pas l’autorisation de s’absenter, alors il aurait dû savoir qu’il était tenu de se présenter à l’atelier mécanique à 7 h 30 le 8 octobre 2013.

 

Question en litige

 

[27]           La question à trancher est donc de savoir, d’une part, si la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable que la procédure qui s’appliquait au caporal Maze l’obligeait à joindre directement son superviseur et à lui parler afin d’obtenir l’autorisation d’être exempté de l’obligation de se présenter au lieu du service et, d’autre part, si le caporal Maze connaissait ou aurait dû connaître cette procédure. Sinon, le caporal Maze doit être jugé non coupable.

 

Preuve

 

[28]           En ce qui a trait aux témoignages relatifs à la procédure applicable pour informer l’atelier mécanique en cas de maladie, chacun des trois témoins de la poursuite a décrit une procédure différente qui s’applique aux membres du personnel militaire qui doivent téléphoner pour avertir leur supérieur qu’ils sont malades.

 

[29]           Le caporal‑chef Hall, superviseur du caporal Maze et de tous les autres techniciens en réfrigération à l’atelier mécanique, a déclaré que ses subordonnés étaient tenus de téléphoner, avant 7 h 30, au poste du superviseur de l’atelier mécanique (poste 2006) ET à lui‑même directement, en tant que superviseur militaire, ou en cas d’impossibilité, de téléphoner à un autre collègue militaire qui pourrait lui transmettre le renseignement.

 

[30]           De son côté, l’adjudant Delamere a déclaré que la procédure qui s’appliquait aux membres du personnel militaire qui ne pouvaient pas se présenter au travail était de téléphoner à leur superviseur militaire avant 7 h 30 ou à lui‑même s’il était impossible de joindre le superviseur. Il a affirmé que les membres du personnel militaire n’avaient pas à téléphoner au poste du superviseur de l’atelier étant donné qu’il reconnaissait l’incongruité du fait que le superviseur civil d’un atelier joue un rôle relativement à l’octroi d’un congé à des membres du personnel militaire.

 

[31]           M. Paul Robins, superviseur de l’atelier mécanique en octobre 2013, a déclaré au cours de son témoignage que les membres du personnel militaire qui devaient avertir leur supérieur qu’ils étaient malades devaient téléphoner au poste du superviseur de l’entretien OU envoyer un message texte à leur patron. Il a expliqué que tout superviseur peut répondre au téléphone du bureau du superviseur de l’atelier où se trouvaient, en 2013, lui‑même, l’adjudant Delamere, le caporal‑chef Hall et le caporal‑chef Dewald. En écoutant dès son arrivée le matin les messages laissés dans la boîte vocale, il savait si un membre du personnel militaire avait téléphoné pour dire qu’il était malade et lui‑même transmettait alors l’information à un des superviseurs militaires. Cependant, le 8 octobre 2013, M. Robins a dit qu’il n’avait pas écouté les messages dans la boîte vocale dès son arrivée vers 7 h 15 étant donné qu’il avait alors une tâche urgente à accomplir. Il a pris connaissance des messages uniquement après que des superviseurs militaires lui eurent demandé si le caporal Maze avait téléphoné à l’atelier. Il a écouté le message laissé par le caporal Maze et a déclaré que ce dernier ne semblait pas être en très bon état. Il a dit avoir transmis le renseignement aux superviseurs militaires.

 

[32]           Trois témoins de la défense, en plus de l’accusé lui‑même, ont décrit une procédure différente s’appliquant aux employés qui téléphonent à l’atelier pour déclarer qu’ils sont malades.

 

[33]           Le caporal‑chef Dewald, un superviseur qui assume les mêmes responsabilités que le caporal‑chef Hall et qui compte les plus longs états de service à l’atelier mécanique parmi le personnel militaire, avec plus de huit ans d’expérience depuis 2002, a déclaré que la procédure à suivre par un membre du personnel militaire, la première journée où il est malade, consistait à téléphoner au poste du superviseur de l’atelier avant 7 h 30 et à laisser un message dans la boîte vocale ou à parler à la personne qui répond au téléphone afin d’expliquer son absence. Il a précisé que tous les occupants du bureau du superviseur de l’atelier avaient accès au téléphone et à la messagerie vocale, soit lui‑même, M. Robins, l’adjudant Delamere et le caporal‑chef Hall. Il a dit ne pas être au Courant d’une exigence selon laquelle il fallait avertir quelqu’un d’autre. Il a ajouté que même si le caporal‑chef Hall avait adopté une procédure différente pour son personnel, lui‑même l’aurait su si cela avait été le cas.

 

[34]           M. Steven Hartwig était technicien en réfrigération à l’atelier mécanique en octobre 2013, sous la supervision du caporal‑chef Hall. Il a expliqué que si un technicien en réfrigération ne se sentait pas suffisamment bien pour se présenter au travail un matin donné, il devait composer le numéro de téléphone du superviseur de l’atelier avant 7 h 30 et laisser dans la boîte vocale un message exposant les motifs de son absence. Il n’était pas obligé de communiquer avec qui que ce soit d’autre. Il a ajouté qu’il avait lui‑même laissé une dizaine de messages dans la boîte vocale du superviseur de l’atelier pendant la période de 10 ans où il avait travaillé à l’atelier mécanique pour informer les intéressés qu’il était malade.

 

[35]           Le caporal Maxwell a déclaré travailler comme technicien en réfrigération dans l’atelier mécanique avec le caporal Maze sous la supervision du caporal‑chef Hall depuis quelque six ans. Il a expliqué qu’en octobre 2013 la procédure en cas de maladie consistait à téléphoner à l’atelier et à laisser un message avant l’heure d’arrivée. Il a dit qu’il n’était pas nécessaire d’appeler qui que ce soit d’autre en plus du superviseur de l’atelier. Il a ajouté que les superviseurs qui prenaient les messages pouvaient rappeler l’employé pour l’obliger à se rendre à la SEM, ce qui lui était arrivé à une occasion.

 

[36]           Enfin, le caporal Maze a déclaré au cours de son interrogatoire principal qu’il n’avait pas été invité à téléphoner directement au caporal‑chef Hall; en effet, à son arrivée à Winnipeg en 2012, le superviseur de l’atelier lui avait expliqué qu’il devait composer le numéro du poste du superviseur de l’atelier. En ce qui concerne le 8 octobre 2013, il a dit avoir téléphoné à 6 h 24 pour laisser un message afin de garantir que ce dernier serait bien reçu et enregistré, de façon à ce que les mesures pertinentes soient prises. Il a précisé qu’il n’avait pas téléphoné directement au caporal‑chef Hall étant donné que ce n’était pas nécessaire parce que ce dernier allait de toute façon prendre connaissance de son message à son arrivée à l’atelier le matin. En ce qui a trait à sa connaissance d’une procédure particulière s’appliquant à lui, il a dit que les discussions en marge de la Revue du développement du personnel (RDP) qu’il avait eues avec l’adjudant Delamere s’étaient limitées au contenu des documents de RDP, à savoir qu’il devait informer son superviseur de ses allées et venues.

 

Analyse

 

[37]           Pour trancher la question de savoir si la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable que la procédure qui s’appliquait au caporal Maze obligeait ce dernier à composer le numéro de téléphone de son superviseur et à lui parler pour obtenir l’autorisation de s’absenter du service, la Cour doit démêler un écheveau de témoignages contradictoires. La poursuite a suggéré à la Cour de ne pas accorder de valeur à la procédure générale parce que la procédure qui importe est celle qui avait été communiquée expressément au caporal Maze. Malgré cela, les trois témoins de la poursuite ont décrit des procédures qui s’appliquaient de façon générale à l’atelier mécanique, y compris au caporal Maze. Le caporal‑chef Hall a déclaré que tous ses subordonnés, y compris le caporal Maze, étaient tenus de l’appeler ET de laisser un message dans la boîte vocale du superviseur de l’atelier. Quant à l’adjudant Delamere, il a précisé que les membres du personnel, y compris le caporal Maze, devaient UNIQUEMENT communiquer avec leur superviseur et non composer le numéro du poste téléphonique du superviseur de l’atelier. M. Robins, de son côté, a affirmé que les membres du personnel militaire pouvaient composer le numéro du poste téléphonique du superviseur de l’atelier OU envoyer un message texte à leur patron militaire. De plus, les témoins de la défense ont tous proposé une quatrième option : il suffisait de laisser un message dans la boîte vocale du superviseur de l’atelier.

 

Conclusion

 

[38]           La preuve est simplement trop contradictoire pour constituer le fondement qui permettrait de conclure hors de tout doute raisonnable que le caporal Maze devait parler à son superviseur avant 7 h 30 pour être autorisé à demeurer chez lui le 8 octobre 2013, à moins d’un ordre à l’effet contraire. En d’autres termes, il n’a pas été prouvé que le caporal Maze n’avait pas été autorisé à se trouver à l’extérieur de son lieu habituel de service à 7 h 30 le 8 octobre 2013.

 

[39]           Cette conclusion permet de disposer de l’affaire et il n’est pas nécessaire d’aborder la question de l’obligation pour le caporal Maze de connaître la procédure qui l’obligeait à communiquer directement avec son supérieur. Contentons‑nous de dire que les quatre versions différentes données par les témoins relativement à la procédure exacte à suivre jettent des doutes sur l’affirmation selon laquelle la procédure qui obligeait le caporal Maze à parler à ses superviseurs militaires était bien connue et comprise. Cependant, en fin de compte, la preuve démontre que l’exigence que devait respecter le caporal Maze consistait à tenir ses supérieurs informés de ses allées et venues. Il a choisi de le faire en laissant un message dans une boîte vocale à laquelle ses quatre superviseurs, militaires et civils, avaient un accès direct et exclusif. Il l’a fait suffisamment tôt pour que ces derniers prennent connaissance de ses allées et venues dès leur arrivée au travail le matin. La preuve révèle que si M. Robins avait vérifié les messages dans la boîte vocale dès son arrivée à 7 h 15, comme il le faisait d’habitude, le caporal‑chef Hall aurait été informé de l’absence du caporal Maze avant 7 h 30. Même si, exceptionnellement, le caporal‑chef Hall a dû s’enquérir des allées et venues du caporal Maze ce matin‑là, il a vite été informé du message que le caporal Maze avait laissé et il a parlé à ce dernier dès 8 h. Je n’ai vu dans les actions du caporal Maze aucune tentative de maintenir ses supérieurs dans l’ignorance ou d’échapper à la chaîne de commandement, comme la thèse de la poursuite le laisse entendre. En termes simples, les faits de l’espèce ne permettent pas de soutenir une conclusion d’acte répréhensible à caractère criminel ou pénal commis dans un état d’esprit blâmable.

 

[40]           Cela ne signifie pas que le caporal Maze n’a pas à s’améliorer dans certains domaines pour satisfaire pleinement aux attentes de ses supérieurs et apporter une contribution optimale aux Forces canadiennes. Cependant, il ne m’incombe pas d’aborder ces questions. En effet, une Cour martiale est convoquée pour aborder les accusations qui lui sont soumises, point à la ligne; en ce qui concerne les deux accusations dont la Cour était saisie aujourd’hui, la Cour a jugé qu’elles ne pouvaient pas déboucher sur une conclusion de culpabilité.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR

 

[41]           Conclut que l’accusé, le caporal Maze, n’est pas coupable des deux chefs de désobéissance à un ordre légitime et d’absence sans permission qui figurent dans l’acte d’accusation.


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani, Service canadien des poursuites militaires, Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine A. Watson, stagiaire en droit, Procureur adjoint de Sa Majesté la Reine

 

Major S. Collins, Service d’avocats de la défense, Procureur du caporal Maze

 

Capitaine S. O’Blenes, juge‑avocat adjoint Gagetown, Procureur adjoint du caporal Maze

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.