Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 2 février 2015.

Endroit : BFC Edmonton, édifice 179, chemin Rhine, pièce 3062, Edmonton (AB).

Chefs d'accusation :

• Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, possession (art. 4(1) LRCDAS).
• Chef d'accusation 3 : Art. 130 LDN, possession d'une arme prohibée (art. 91(2) C. cr.).

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 3 : Coupable. Chef d'accusation 2 : Retiré.
• SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 1000$.

Cour martiale générale (CMG) (est composée d'un juge militaire et d'un comité)

Contenu de la décision

 

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Leblond, 2015 CM 4002

 

Date : 20150202

Dossier : 201414

 

Cour martiale générale

 

Base des Forces canadiennes Edmonton

Edmonton (Alberta), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal M.J. Leblond, contrevenant

 

 

En présence du Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Le caporal Leblond a plaidé coupable à deux chefs d’accusation en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale (LDN), pour possession de substances, contrairement au paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et pour possession d’une arme prohibée, contrairement au paragraphe 91(2) du Code criminel du Canada.

 

[2]               Comme les avocats l’ont demandé, j’ai accepté le plaidoyer de culpabilité du caporal Leblond et comme aucun autre chef d’accusation ne figure à l’acte d’accusation, il m’incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la présente Cour martiale générale, de déterminer la sentence.

 

[3]               Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de la détermination de la sentence qu’appliquent les cours ordinaires du Canada ayant compétence en matière criminelle et les cours martiales. J’ai également examiné le sommaire des circonstances, les pièces et la jurisprudence présentés par la poursuite, ainsi que le témoignage de l’adjudant‑chef Harrison présenté pour le compte de la poursuite et celui du caporal Leblond présenté lors de l’examen des circonstances atténuantes. J’ai également examiné les plaidoiries de la poursuite et de la défense.

 

Objectifs et principes de la détermination de la sentence

 

[4]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour assurer le respect de la discipline, composante essentielle du service militaire, dans les Forces canadiennes (FC). Ce système vise à promouvoir le bon comportement par la sanction adéquate de l’inconduite. C’est grâce à la discipline que les Forces canadiennes s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité. Le système de justice militaire fait ainsi en sorte que les sanctions infligées aux personnes assujetties au code de discipline militaire servent l’intérêt public concernant la promotion du respect des lois du Canada.

 

[5]               Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système distinct de justice ou de tribunaux militaires est de permettre aux forces armées de s’occuper des questions qui touchent le respect du code de discipline militaire et le maintien de l’efficacité et du moral au sein des Forces canadiennes. Comme l’a reconnu la Cour suprême du Canada dans R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, à la page 293 :

 

Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace.

 

[6]               Elle souligne à la même page que dans le contexte particulier de la justice militaire :

 

Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil.

 

[7]               Cela dit, la peine imposée par tout tribunal, militaire ou civil, devrait constituer l’intervention minimale nécessaire qui est adéquate, compte tenu des circonstances. Le juge qui détermine la sentence est responsable de prononcer « une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant », comme l’indiquent les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC). Autrement dit, toute sentence infligée doit être adaptée au contrevenant et à l’infraction qu’il a commise.

 

[8]               L’objectif fondamental de la détermination de la sentence par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en infligeant des peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b)         dénoncer le comportement illégal;

 

c)         dissuader le contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d)         isoler au besoin les contrevenants du reste de la société;

 

e)         réadapter et réformer les contrevenants.

 

[9]               Lorsqu’il inflige une sentence, le juge doit également tenir compte des principes suivants :

 

a)         la sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b)         la sentence doit être proportionnelle à la responsabilité du contrevenant et aux antécédents de celui‑ci;

 

c)         l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants dans des circonstances semblables;

 

d)         l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, si applicable en l’espèce, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes;

 

e)         enfin, toutes sentences devraient être adaptées aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du contrevenant.

 

[10]           Comme il est précisé ci‑dessus, la sentence doit être semblable à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.

 

Le contrevenant

 

[11]           Comparaît devant la Cour un ancien caporal de 27 ans, libéré des FC le 9 mai 2013, après avoir servi au sein du 1er Bataillon des services à Edmonton depuis 2007. Il s’était enrôlé dans les FC en 2004 en tant que réserviste du 34e Régiment du génie de combat à Rouyn-Noranda, avant d’être transféré à la Force régulière en 2006 pour suivre une formation à la BFC Borden. Une fiche de conduite a été établie pour le caporal Leblond, puisqu’il a déjà été condamné lors d’un procès par voie sommaire à payer une amende de 150 $ pour s’être servi sans autorisation d’un véhicule des FC en 2011.

 

[12]           Au moment de la détermination de la sentence, le caporal Leblond a déclaré que les autorités de la santé des FC lui ont prescrit des antidouleurs à la suite d’un grave accident de motocyclette survenu il y a environ deux ans et demi. Il dit avoir développé une dépendance à ces médicaments et que lorsque la prescription a expiré, il a commencé à avoir recours à l’automédication à l’aide de diverses substances, notamment les comprimés d’hydromorphone qui ont été trouvés en sa possession à son domicile lors de l’exécution d’un mandat de perquisition du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) le 19 avril 2013. L’été dernier, le 31 juillet 2014, il a été atteint par une balle près de son domicile à Edmonton, incident qui lui a presque coûté la vie. Il affirme qu’en raison de cet incident, il a perdu contact avec sa famille, particulièrement sa mère et son père qui étaient venus du nord du Québec pour sa convalescence à l’hôpital et qui ont été très déçus de constater quel type de personnes leur fils fréquentait. Dans son témoignage, il a dit qu’à la suite de cet incident, il a développé un trouble de stress post-traumatique (TSPT) et il a subi une dépression, ce qui l’a amené à consommer de l’alcool et des drogues de manière excessive. Il affirme ne pas avoir consommé d’alcool ou de drogues depuis deux mois et avoir trouvé un emploi il y a une semaine à titre de commis d’entrepôt.

 

Les infractions

 

[13]           Pour évaluer ce qui constituerait la peine juste et appropriée, la Cour a considéré la gravité objective des infractions, lesquelles, comme le prévoient le paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et le paragraphe 91(3) du Code criminel, tous deux incorporés par l’article 130 de la LDN, sont punissables d’une peine d’emprisonnement maximale de sept ou cinq ans respectivement.

 

[14]           Les circonstances dans lesquelles le caporal Leblond a plaidé coupable sont les suivantes :

 

a)         Le 11 avril 2013, l’équipe nationale de lutte antidrogue du SNEFC d’Edmonton a reçu des renseignements qui l’ont amenée à lancer une enquête, dont une surveillance visuelle du domicile du caporal Leblond.

 

b)         À la suite de cette enquête, un mandat de perquisition a été obtenu puis exécuté le 19 avril 2013. La police a saisi des accessoires facilitant la consommation de drogues, des quantités résiduelles de cocaïne et 32 comprimés d’hydromorphone, ainsi qu’un coup‑de‑poing américain.

 

c)         Le caporal Leblond a déclaré qu’il prenait des comprimés d’hydromorphone pour s’auto-soigner. Quant au coup‑de‑poing américain, le caporal Leblond a déclaré qu’il faisait partie de la poignée d’une tasse qu’il a achetée comme souvenir lors d’un voyage en Asie du Sud‑Ouest et il a affirmé ne pas savoir qu’il s’agissait d’une arme prohibée.

 

[15]           À l’audience de la détermination de la sentence, la poursuite a appelé l’adjudant‑chef Harrison qui a témoigné au sujet des conséquences des drogues au sein du 1er Bataillon des services et a affirmé qu’elles sont source de grandes préoccupations sur le plan des opérations, compte tenu du danger que peut constituer la présence d’un militaire sous l’influence de la drogue aux commandes de machinerie lourde ou au volant d’un véhicule de l’unité, particulièrement dans le cadre d’opérations nationales. Il dit avoir collaboré avec le SNEFC pour favoriser la prévention de la consommation de drogues chez les membres des FC. En effet, la drogue plombe la carrière et l’avenir des jeunes soldats.

 

Les observations des parties

 

[16]           En ce qui concerne la détermination de la peine appropriée, la poursuite a mis l’accent sur les objectifs de dénonciation et de dissuasion et a demandé à la Cour d’infliger une amende de 1 500 $, ce qui correspond aux sentences infligées dans les affaires relatives à l’ex‑soldat Humphrey, 2011 CM 1009, et au soldat Johnstone, 2007 CM 4007. La poursuite a également demandé à la Cour de rendre une ordonnance d’interdiction d’avoir en sa possession des armes d’une durée de cinq ans en vertu de l’article 147.1 de la LDN. Selon la poursuite, bien que le caporal Leblond semble être en voie de surmonter ses problèmes de toxicomanie, la brièveté de son abstinence conjuguée à l’absence d’un plan de rétablissement officiel ne justifie pas que la réadaptation soit placée au centre du processus décisionnel de la Cour en l’espèce.

 

[17]           En réponse aux plaidoiries de la poursuite, l’avocat de la défense a soutenu que la réadaptation constituait le plus important objectif. Le fait que le caporal Leblond a plaidé coupable doit entrer en ligne de compte. Il a dit vouloir surmonter ses problèmes de toxicomanie et bien que son plan à cet égard puisse sembler simple, il ne doit pas être évalué en fonction des nombreuses options offertes aux personnes servant toujours dans les FC. La défense a affirmé que les problèmes du caporal Leblond ont débuté par une dépendance à des médicaments d’ordonnance et que cela est moins grave que si son problème était lié à un usage récréatif de drogues. En ce qui a trait à la possession d’une arme prohibée, la défense a soutenu que même si le contrevenant était coupable en dépit de son ignorance de la nature prohibée de l’arme, la preuve indique que l’arme faisait partie d’un souvenir et que le contrevenant ne la possédait pas en vue de s’en servir comme arme. Comme aucun acte de violence n’est associé au cas en l’espèce, la défense était d’avis qu’il serait inapproprié de rendre une ordonnance d’interdiction de posséder des armes. L’avocat de la défense a proposé comme sentence appropriée une amende de 1 000 $.

 

Les objectifs à favoriser

 

[18]           Je suis arrivé à la conclusion que, eu égard aux circonstances de la présente affaire, la sentence devrait mettre l’accent sur les objectifs de dénonciation, de dissuasion générale et de réadaptation.

 

[19]           La Cour considère les facteurs suivants comme des circonstances aggravantes dans la présente affaire :

 

a)         La gravité de l’infraction qu’est la possession d’hydromorphone, car il s’agit d’un antidouleur puissant dont la possession est interdite avec raison et qui aurait pu être consommé par le caporal Leblond dans une période où ce dernier aurait pu se voir confier un véhicule des FC à titre de membre de la Force régulière. La Cour d’appel de la cour martiale (CACM) et de nombreuses cours martiales ont constamment conclu que la consommation de stupéfiants est plus grave dans le milieu militaire, en raison de la nature même des fonctions et responsabilités des membres des FC qui doivent assurer la sécurité et la défense de notre pays et de nos concitoyens. Le milieu militaire ne saurait tolérer de manquements à sa politique stricte et bien connue qui interdit la consommation de drogues illicites.

 

b)         La décision du caporal Leblond de recourir à l’automédication au cours d’une période où d’autres options s’offraient à lui en tant que membre des FC qui pouvait obtenir de l’aide pour régler ses problèmes de gestion de la douleur ou de dépendance à l’égard des antidouleurs. La Cour ne peut tolérer une telle décision, étant donné les conséquences graves pour la santé et l’efficacité opérationnelle qu’entraînerait si l’automédication existait chez un grand nombre de militaires.

 

[20]           La Cour ne considère pas la fiche de conduite du caporal Leblond comme un facteur aggravant, puisqu’elle n’est aucunement liée aux infractions pour lesquelles il a plaidé coupable et s’est vu imposer une amende minime il y a presque quatre ans. D’ailleurs, la poursuite n’a nullement mentionné la fiche de conduite au cours des plaidoiries sur la sentence.

 

[21]           La Cour a également tenu compte des circonstances atténuantes suivantes, telles qu’attestées par les plaidoiries des avocats et la preuve :

 

a)         Le fait que le caporal Leblond a plaidé coupable ce matin, ce qui, aux yeux de la Cour, démontre qu’il a de véritables remords et qu’il assume entièrement la responsabilité de ce qu’il a fait. Ce plaidoyer de culpabilité permettra d’éviter les coûts d’un procès.

 

b)         Le fait que les substances illégalement en sa possession ont été consommées dans le contexte d’une dépendance : bien que le caporal Leblond ait eu tort de recourir à l’automédication, il reste qu’il n’était pas entièrement responsable des circonstances qui ont donné lieu à sa dépendance initiale à l’égard des antidouleurs.

 

c)         Quant à l’infraction relative à l’arme prohibée, soit le coup‑de‑poing américain, la Cour est d’avis que vu les circonstances entourant cette infraction qui ont été décrites par l’accusé et non contestées, il s’agit d’un des cas le plus mineur que l’on puisse concevoir. Le fait que le coup‑de‑poing américain faisait partie de la poignée d’une tasse achetée comme souvenir quelque part en Asie du Sud‑Ouest, conjugué à l’ignorance de la nature prohibée du coup‑de‑poing américain dans le droit canadien, rend cette infraction pratiquement insignifiante quant à la détermination de la sentence appropriée.

 

d)         Le fait que le caporal Leblond a trouvé un emploi et qu’il semble déterminé à poursuivre ses efforts à demeurer abstinent après deux mois sans drogues constitue un facteur qui amène la Cour à penser que la sentence infligée ne doit pas nuire à ces efforts. En effet, je crois que la réadaptation des personnes souffrant de problèmes de toxicomanie est une démarche continue.

 

La détermination de la sentence appropriée

 

[22]           Les propositions de peine adéquate soumises par les avocats sont très similaires. Les avocats conviennent qu’il faut infliger une amende, le montant de laquelle ne diffère que de 500 $ selon les parties; la poursuite propose une amende de 1 500 $ alors que la défense soutient qu’une amende de 1 000 $ est suffisante.

 

[23]           Comme il a été mentionné ci-dessus, il faut concilier trois objectifs de la détermination de la sentence : la dénonciation, la dissuasion générale et la réadaptation. Les deux premiers objectifs sur lesquels la poursuite a mis l’accent appellent une sentence plus lourde. Le dernier objectif sur lequel la défense a mis l’accent favorise la clémence afin qu’on ne nuise pas aux efforts de réadaptation du contrevenant. La Cour doit prendre soin de ne pas accorder trop d’importance à un ensemble d’objectifs en particulier, car cela peut influer sur les autres objectifs. En effet, accorder trop d’importance à la réadaptation peut compromettre la dénonciation et la dissuasion générale et vice‑versa.

 

[24]           Après avoir examiné soigneusement la situation, je suis parvenu à la conclusion que je suis d’accord avec la défense pour dire que l’imposition d’une amende de 1 000 $ est la sentence maximale pouvant être infligée qui n’entravera pas la réadaptation du contrevenant dans les circonstances de la présente affaire. Cela dit, j’ai conclu qu’une amende de cette ampleur ne serait pas suffisante pour répondre aux objectifs de dénonciation et de dissuasion générale qui sont en cause. J’ai également conclu que l’amende de 1 500 $ proposée par la poursuite ne serait pas non plus adéquate pour répondre à ces objectifs et qu’elle nuirait à l’objectif de réadaptation. Par conséquent, la Cour doit recourir à un niveau plus élevé de l’échelle des peines figurant à l’article 139 de la LDN.

 

[25]           Dans l’échelle des peines, la réprimande et le blâme constituent les deux prochains niveaux supérieurs à l’amende. La poursuite soutient que ces peines ne sont pas adéquates, puisque la plupart des militaires ne savent pas ce qu’elles impliquent. Si tel est le cas, il s’agit d’un problème d’instruction, dont la responsabilité incombe principalement aux conseillers juridiques et aux responsables de la discipline des unités. De l’avis de la Cour, ces peines expriment une désapprobation qui est particulièrement adéquate pour l’atteinte des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. Le fait que le caporal Leblond ne sert plus n’exclut pas l’imposition de ces peines, car elles ont une incidence sur les dossiers militaires permanents du contrevenant. Des peines de ce type ont déjà été infligées à des militaires libérés ou en voie d’être libérés, ainsi que des peines comme la rétrogradation, même si un contrevenant n’a plus de grade. La sentence de rétrogradation imposée dans le cadre de l’affaire très publicisée visant le général Ménard, 2011 CM 3007, en est un exemple : bien que le contrevenant ne portera plus le grade réduit de colonel, l’incidence sur la dissuasion générale et la dénonciation demeure puissante, d’autant plus que la sentence était accompagnée d’une amende proportionnelle aux moyens du contrevenant.

 

[26]           La Cour a étudié la possibilité d’imposer une rétrogradation et même une détention. En effet, une peine de détention a été infligée à l’ex‑soldat Campion‑Wright, 2010 CM 1015, comme l’a souligné la poursuite, et ce, même après sa libération. Cela dit, un principe important veut que la Cour inflige la peine la moins sévère permettant de maintenir la discipline. Comme l’a fait remarquer l’avocat de la défense, aucun acte de violence n’a été associé à la possession de l’arme prohibée en l’espèce, contrairement à la situation dans Campion‑Wright. Par surcroît, les substances se trouvant en la possession du contrevenant ont été consommées par ce dernier dans le contexte d’une dépendance aux antidouleurs qu’il a développée à la suite d’un accident. Ces circonstances atténuantes importantes sont propres au présent cas. Je suis d’avis que vu l’ensemble des circonstances il n’est pas nécessaire de recourir à une sentence plus sévère que le blâme ni d’infliger une rétrogradation ou une détention.

 

[27]           La Cour estime qu’un blâme accompagné d’une amende de 1 000 $ constituerait une peine appropriée en l’espèce. Un blâme ne constitue pas une peine sans importance, car il permet d’exprimer adéquatement la réprobation des actes inacceptables qu’a commis le contrevenant. La Cour assortira cette peine d’une amende, car il importe qu’elle entraîne des répercussions personnelles pour le contrevenant et qu’elle soit perçue comme telle. La Cour estime que le montant de 1 000 $ est le minimum requis pour assurer le maintien de la discipline, compte tenu des circonstances de l’affaire.

 

Ordonnance accessoire

 

[28]           Comme le caporal Leblond a plaidé coupable à une infraction relative à une arme prohibée, je déterminerai, conformément à l’article 147.1 de la LDN, s’il est souhaitable de rendre une ordonnance d’interdiction. La poursuite soutient qu’une ordonnance d’interdiction d’une durée de cinq ans est requise, alors que la défense est d’avis qu’aucune ordonnance d’interdiction n’est nécessaire. La Cour souhaite souligner les circonstances très particulières du présent cas à la lumière de leurs liens avec l’infraction de possession d’une arme prohibée. Selon la version des faits du contrevenant qui n’a pas été contestée, le coup‑de‑poing américain faisait partie de la poignée d’une tasse achetée comme souvenir en Asie du Sud‑Ouest et il ne savait pas que le coup‑de‑poing américain était prohibé dans la loi canadienne. Rien n’indique que le coup‑de‑poing américain se trouvait dans un endroit où il aurait pu être utilisé pour faire violence à qui que ce soit et aucune circonstance n’a été présentée à la Cour pour démontrer que le contrevenant pouvait avoir recours à la violence relativement à la possession de substances ou qu’il s’était montré violent dans le passé. Si de pareilles circonstances avaient été présentées à la Cour, je rendrais une ordonnance d’interdiction sans hésiter. Comme ce n’est pas le cas, la Cour n’estime pas dans les présentes circonstances qu’il soit souhaitable pour la sécurité du public de rendre une ordonnance d’interdiction en vertu de l’article 147.1 de la LDN.

 

Imposition de la sentence

 

[29]           Caporal Leblond, vous avez eu tort de recourir à l’automédication et de ne pas avoir cherché de l’aide pour traiter votre dépendance aux antidouleurs. Vous avez commis cette erreur alors que vous serviez dans la Force régulière au sein du 1er Bataillon des services dans des circonstances qui ont amené vos collègues et vos supérieurs à perdre confiance en vous, comme ils l’auraient fait pour toute personne consommant des drogues illicites. Après votre libération, votre situation semble aller de mal en pire, au point où vous avez reçu un coup de feu presque mortel et avez perdu la confiance de votre famille qui a dû être bouleversée de ce qui vous arrivait. Je suis l’une des dernières personnes en position d’autorité qui traitera de votre cas à titre de membre des FC. J’ai été impressionné par la volonté d’améliorer votre sort que vous avez manifestée. J’espère sincèrement que vous réussirez à revenir sur la bonne voie. Sans vouloir minimiser la gravité des actes que vous avez commis, la Cour a décidé d’infliger une sentence qui ne devrait compromettre ni votre réadaptation ni votre capacité à contribuer de manière positive à la société canadienne maintenant et à l’avenir.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[30]           VOUS DÉCLARE coupable des deux chefs d’accusation en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, soit pour possession de substances, contrairement au paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et pour possession d’une arme prohibée, contrairement au paragraphe 91(2) du Code criminel du Canada.

 

[31]           VOUS CONDAMNE à un blâme et à une amende au montant de 1 000 dollars, payable en cinq versements égaux de 200 dollars chacun. Le premier paiement devra être versé au plus tard le 6 février 2015, le deuxième au plus tard le 6 mars 2015, le troisième au plus tard le 6 avril 2015, le quatrième au plus tard le 8 mai 2015 et le cinquième et dernier paiement au plus tard le 5 juin 2015. Ces paiements doivent être versés au caissier du quartier-général de la Base de soutien de la 3e Division du Canada à Edmonton (Alberta).

 

Les avocats :

 

Le Directeur des poursuites militaires, représenté par le major R.J. Rooney

 

Le lieutenant-colonel D. Berntsen, Direction du service d’avocats de la défense, avocat de l’ex‑caporal M.J. Leblond

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