Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 8 décembre 2014.

Endroit : BFC Borden, édifice T-127, 15 chemin Cyprus, Borden (ON).

Chefs d’accusation :

• Chef d’accusation 1 : Art. 86 LDN, s’est battu avec une personne justiciable du code de discipline militaire.
• Chef d’accusation 2 : Art. 97 LDN, ivresse.
• Chef d’accusation 3 : Art. 101.1 LDN, a omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3.

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2 : Non coupable. Chef d'accusation 3 : Coupable.
• SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 700$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Woolvett, 2014 CM 1028

 

Date : 20141211

Dossier : 201428

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes

Borden (Ontario), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef J.G. Woolvett, accusé

 

 

En présence du : Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Le caporal-chef Woolvett est accusé de trois infractions, à savoir de s’être battu avec une autre personne justiciable du code de discipline militaire, contrairement à l’alinéa 86b) de la Loi sur la défense nationale, d’ivresse, contrairement à l’article 97 de la Loi, et d’avoir omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3, contrairement à l’article 101.1 de la Loi.

 

LA PREUVE

 

[2]               Voici en quoi consiste la preuve présentée à la Cour :

 

a)         dans l’ordre de leur comparution, les témoignages du caporal Robert McKay, de la capitaine Julie Umpherson, du caporal Steven McDonald, du caporal-chef Jonathan Woolvett et du soldat Andrew Scarr;

 

b)        la pièce 3, une série d’aveux de la défense, par lesquels la défense a admis les éléments essentiels du premier et du troisième chefs d’accusation;

 

c)         les pièces 4 à 10 inclusivement. Ces éléments de preuve documentaire concernent les éléments suivants : la gravité des blessures subies par la victime, le caporal McKay, lors de la querelle qu’il a eue avec le caporal‑chef Woolvett (pièces 4 et 6); les fiches de conduite établies par les Forces canadiennes au sujet du caporal McKay et du caporal-chef Woolvett (pièces 7 et 9); les messages textes échangés entre le caporal-chef Woolvett et le caporal McKay peu de temps avant leur querelle du 20 septembre 2013 (pièce 5); le sommaire des dossiers du personnel militaire (SDPM) du caporal-chef Woolvett (pièce 8) et un courriel en date du 8 décembre 2014 envoyé par le Dr D. Ewing au major Hodson, l’avocat de la défense, confirmant que le caporal‑chef Woolvett fait l’objet d’un diagnostic de TSPT pour blessures de stress opérationnel et qu’il reçoit des soins psychiatriques aux Services de santé mentale (pièce 10). Le courriel en question précise que le caporal‑chef Woolvett observe parfaitement son traitement;

 

d)         les faits et les questions dont la Cour a pris connaissance judiciaire en vertu de l’article 15 des Règles militaires de la preuve.

 

LES FAITS

 

[3]               Les faits à l’origine des accusations dont la Cour est saisie se sont produits le 20 septembre 2013, en ce qui concerne le premier chef d’accusation, et le 2 mars 2014, en ce qui concerne les deuxième et troisième chefs d’accusation. Au cours de l’après‑midi du 20 septembre 2013, vers 16 h, l’accusé bavardait avec d’autres personnes dans la cour arrière de son bon ami, le caporal Robert McKay, qui venait tout juste de rentrer du travail. Étaient également présents la fiancée du caporal McKay, le fils du caporal McKay et le frère cadet du caporal McKay, qui habitait avec lui et qui fréquentait l’école secondaire. Le caporal-chef Woolvett était en train de boire de la bière. Le caporal McKay a dû retourner au travail peu de temps après pour environ une heure et est rentré à la maison entre 19 h 30 et 20 h. À son retour, le caporal McKay a remis ses vêtements civils et est allé rejoindre ces personnes dans la cour. Dans les moments qui ont suivi, une discussion a eu lieu entre les adultes au sujet de l’avenir du frère cadet du caporal McKay et notamment au sujet de son désir de s’enrôler dans le militaire.

 

[4]               Suivant la preuve, le caporal McKay a bu deux canettes de bière et le caporal-chef Woolvett a, pour sa part, consommé environ quatre bières, bien que sur une période de temps prolongée. Selon les témoignages du caporal-chef Woolvett et du caporal McKay, au cours de cette discussion, le caporal McKay ne semblait pas apprécier les commentaires formulés et le ton employé par le caporal-chef Woolvett, alors que ce dernier avait le sentiment que le caporal McKay manquait de respect envers son jeune frère en ce qui concerne ses perspectives de carrière au sein des Forces canadiennes. Le caporal McKay a expliqué que son meilleur ami, Woolvett, semblait plus agressif et en colère envers lui qu’à l’accoutumée. Il a affirmé que le caporal-chef Woolvett avait toujours une conduite irréprochable envers lui et qu’il le consultait toujours pour avoir des conseils. McKay a expliqué qu’il était contrarié et qu’il avait quitté les lieux avec sa fiancée et son fils et qu’il était rentré dans la maison en laissant l’accusé et son frère cadet derrière lui.

 

[5]               Son frère cadet serait rentré dans la maison vers 21 h 15 pour jouer à des jeux vidéos dans le salon. C’est au cours de cette période que l’échange de messages textes aurait eu lieu entre Woolvett et McKay. Le caporal McKay serait allé au lit avec sa fiancée dans la chambre située au premier étage de son logement familial. Suivant la version des faits du caporal McKay, le caporal-chef Woolvett aurait alors pénétré dans la maison et serait monté à l’étage jusque dans sa chambre. Le caporal-chef Woolvett, marmonnant quelque chose, l’aurait agrippé par son tee‑shirt alors qu’il était au lit. Le caporal McKay s’est levé et a également agrippé l’accusé et l’a poussé dans l’escalier, puis dans le salon et la cuisine jusqu’à ce que tous les deux se retrouvent à l’extérieur, après être sortis par la porte arrière. Le caporal McKay a raconté que le caporal-chef Woolvett, qui est plus grand et plus lourd que lui, a fini par le maîtriser à l’extérieur dans la cour sur le béton et le gazon jusqu’à ce que sa fiancée dévale l’escalier et crie au caporal-chef Woolvett de le lâcher.

 

[6]               Le caporal McKay a affirmé que l’accusé l’a alors jeté au sol où il l’a immobilisé en lui retenant les deux bras derrière la tête. Le caporal McKay a expliqué qu’alors qu’il tentait de se dégager, l’accusé avait commencé à lui donner des coups et à lui crier qu’il allait le tuer. Le caporal McKay a expliqué que c’est à ce moment‑là que le caporal‑chef Woolvett lui a donné un coup avec la tête et que quelqu’un l'a dégagé de son emprise alors que sa fiancée criait encore après lui. Il s’est alors relevé, est rentré dans la maison et s’est effondré sur le plancher de la cuisine où il est entré en convulsions. Il s’est réveillé peu de temps après et a été hospitalisé où il a été soigné pour ses blessures. Par suite de ce coup de tête, le caporal McKay a subi une coupure de 25 cm au‑dessus de son sourcil gauche et a dû recevoir six points de suture.

 

[7]               Il est également utile de signaler que, comme ils étaient de très bons amis, le caporal McKay savait que le caporal-chef Woolvett souffrait de TSPD à la suite de son service en Afghanistan. Il savait également que l’état de son ami était très grave et qu’il souffrait notamment d’atroces cauchemars récurrents et d’anxiété grave et qu’il avait de longs antécédents de toxicomanie. Le caporal McKay a nié avoir provoqué le caporal-chef Woolvett à quelque moment que ce soit au cours de l’altercation, expliquant qu’il voulait simplement se dégager de sa position alors qu’il était neutralisé par le caporal-chef Woolvett dans la cour arrière. Bien qu’il ait admis avoir été reconnu coupable, à la suite d’un procès par voie sommaire, de s’être querellé avec le caporal-chef Woolvett à cette occasion, il a nié avoir été condamné pour d’autres actes, jusqu’à ce qu'il soit confronté à sa fiche de conduite, qui démontrait qu’il avait également été reconnu coupable, le 31 janvier 2014, d’avoir adressé des propos provocateurs au caporal-chef Woolvett lors de cet incident au cours duquel il avait déclaré : [traduction] « Si tu me laisses faire, tu vas le regretter » ou quelque chose du genre.

 

[8]               J’ai trouvé le témoignage du caporal McKay problématique à plusieurs égards. Il a tenté de se dépeindre sous le jour le plus favorable. Il a minimisé son propre rôle dans l’altercation et il a fallu le pousser dans ses derniers retranchements pour qu’il finisse par admettre qu’il avait été reconnu coupable non seulement de s’être querellé avec le caporal-chef Woolvett à cette occasion, mais également d’avoir employé des propos provocateurs envers son ami Woolvett au cours de la même altercation. Par ailleurs, interrogé par l’avocat de la défense au sujet de son comportement agressif, il a convenu qu’il avait été expulsé de sa ligue de hockey, en affirmant toutefois que sa suspension lui avait été imposée uniquement parce qu’il s’était disputé avec l’arbitre. J’ai constaté que le témoin avait une attitude exagérément défensive et qu’il manquait de franchise sur les questions qui risquaient de ne pas le présenter sous le meilleur jour. La Cour a également conclu que le caporal McKay s'est montré évasif à de nombreuses reprises au cours de son contre-interrogatoire. Enfin, le caporal McKay a reconnu qu’il avait de la difficulté à se rappeler une grande partie des faits survenus ce jour‑là. Pour ces raisons, j’estime que la crédibilité de ce témoin et la fiabilité de son témoignage posent problème. Tous les autres témoins entendus au procès ne soulevaient pas de problème de crédibilité, y compris le caporal-chef Woolvett.

 

[9]               Le caporal-chef Woolvett a expliqué qu’au cours de la conversation échangée dans la cour arrière de la maison du caporal McKay au sujet des perspectives d’avenir de son frère cadet au sein des forces canadiennes, il avait expliqué qu’il n’était pas d’accord avec les commentaires que son ami, McKay, avait formulés à propos de son frère cadet relativement à la profession qu’il devait choisir. Il avait le sentiment que son ami aurait dû démontrer plus de respect envers son frère au cours de cette conversation. Toutefois, il estimait que la situation avait dégénéré au point où le caporal-chef Woolvett voulait présenter ses excuses au caporal McKay. Suivant son témoignage, peu de temps après avoir envoyé des messages textes à son ami pour tenter d’en parler, alors qu’il se trouvait encore avec le frère de son ami dans la cour, le caporal-chef Woolvett s’est dirigé vers la porte de la maison de son ami pour désamorcer la situation. Lorsqu’il est arrivé à la porte, le caporal McKay l’a poussé et s'est précipité sur lui pour lui asséner deux coups. En réponse à cette agression du caporal McKay, le caporal-chef Woolvett a agrippé son ami par le collet et l’a repoussé dans la cour. En quelques secondes à peine, le caporal-chef Woolvett s’est retrouvé sur son ami et l’a immobilisé parce que McKay l'avait menacé de mort à quelques reprises. Le caporal-chef Woolvett a expliqué qu’il avait pris cette menace très au sérieux et qu’il refusait de laisser McKay se relever parce qu’il craignait ses réactions. Woolvett retenait McKay au sol, assis sur son ventre. Cette position a duré entre 45 secondes et trois minutes.

 

[10]           Le caporal-chef Woolvett a expliqué qu’il avait essayé en vain de calmer McKay à plusieurs reprises. Le caporal McKay était enragé et continuait de le menacer de mort. Le caporal-chef Woolvett a dit à son ami que, s’il n’arrêtait pas, il aurait à lui donner un coup de tête. Comme il commençait à se fatiguer et après avoir évité deux tentatives de McKay de lui donner un coup de tête, le caporal-chef Woolvett a donné un coup de tête au caporal McKay, étant donné que ce dernier tentait d’en faire autant. Suivant sa version des faits, leurs deux têtes sont entrées en collision. Le caporal-chef Woolvett a expliqué qu’il croyait vraiment qu’il n’avait pas d’autre choix, étant donné que son ami était fou furieux et qu’il craignait pour sa propre sécurité. Il avait le sentiment qu’il ne pouvait laisser le caporal McKay prendre le dessus sur lui. Suivant sa propre version des faits, la fiancée et le frère du caporal McKay les observaient au cours de l’altercation, et sa fiancée criait à son petit ami de « laisser tomber ».

 

[11]           Entretemps, le soldat Scarr était arrivé dans la cour et avait été témoin d’une partie de l’incident. Bien qu’il n’ait pas entendu le caporal McKay proférer des menaces de mort à l'endroit du caporal-chef Woolvett, il corrobore son témoignage, en particulier en ce qui concerne le fait que le caporal McKay était très contrarié et qu’il tentait de se dégager. Le soldat Scarr a entendu la petite amie du caporal McKay crier : [traduction] « Arrête Robert, arrête Robert » et « arrête ça Robert, laisse tomber! ». Le soldat Scarr a expliqué que le caporal-chef Woolvett lui avait demandé de l’aider à calmer le caporal McKay et qu’il avait également dit au soldat Scarr qu’il avait l’impression que, s’il le laissait se relever, McKay s’en prendrait à lui. Le soldat Scarr a tenté d’attirer son attention verbalement, sans succès, étant donné que le caporal McKay était furieux. Il a expliqué que le caporal McKay hurlait en direction de Woolvett et que son visage était rouge et complètement concentré sur le caporal-chef Woolvett alors qu’il tentait de se dégager. Il a expliqué qu’il avait entendu le caporal-chef Woolvett dire à son ami que, s’il n’arrêtait pas, il serait obligé de lui donner un coup de tête. Le soldat Scarr a alors vu le caporal McKay tenter de donner un coup de tête au caporal-chef Woolvett à deux reprises immédiatement après la mise en garde de Woolvett. Il a ensuite vu le caporal-chef Woolvett esquiver les coups en question pour ensuite donner un coup de tête au caporal McKay. De la position qu’il occupait, il n’a pas été en mesure de voir si les deux têtes étaient entrées en collision ou non. Il est intervenu et a pu dégager facilement le caporal-chef Woolvett de sa position. Le caporal McKay s’est relevé et est entré à l'intérieur de la maison en courant. Il a entendu le caporal McKay s’effondrer et il est entré pour lui porter secours. Le soldat Scarr a expliqué que le caporal-chef Woolvett n’était pas agressif envers son ami McKay au cours de l’altercation ou après. Au contraire, il a observé que le caporal-chef Woolvett semblait attristé par la situation. Le soldat Scarr a expliqué qu’après avoir observé le caporal McKay, il aurait également été effrayé et qu’il ne l’aurait pas laissé se relever de lui-même. Il a ajouté que, malgré sa carrure, il n’aimait pas se battre et qu’il ne serait pas intervenu entre les deux hommes parce qu’il ne voulait pas se retrouver entre les deux et se faire blesser.

 

[12]           Le caporal McDonald, qui est un policier militaire, a expliqué que, lorsqu’il était arrivé sur les lieux, il avait rencontré le caporal-chef Woolvett, qui lui avait déjà dit que c'était lui qui avait frappé le caporal McKay, ajoutant que Woolvett s’était montré très coopératif. Il a découvert la victime gisant sur le plancher de la cuisine, inconscient et saignant de la tête. Le caporal-chef Woolvett ne semblait pas intoxiqué à ce moment‑là. Il a également expliqué qu’il avait mené l’enquête sur l’affaire et avait conclu que le caporal McKay était le principal agresseur. Il n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles il était arrivé à cette conclusion.

 

[13]           En ce qui concerne les événements qui sont à l’origine du deuxième et du troisième chefs d’accusation et qui se sont produits le 2 mars 2014, le caporal-chef Woolvett a expliqué qu’aux premières heures de ce jour‑là, il avait eu un autre de ces terribles cauchemars récurrents dans lesquels il se voyait lui et ses compagnons soldats pris en embuscade en Afghanistan. Il a décrit les images horribles qu’il voyait au cours de ce cauchemar et notamment des images de sa femme et de son enfant en train d’être exécutés. Le caporal-chef Woolvett a expliqué qu’il n’avait pas pris de médicament ce soir‑là pour se calmer après ce cauchemar. Il a décrit son état physique et psychologique à la suite de ce cauchemar et notamment le fait qu'il tremblait de tous ses membres et qu’il suait. Le caporal-chef Woolvett a expliqué qu’il avait besoin de quelque chose pour se calmer. Il a expliqué que, selon son expérience, appeler des amis ou une ligne d’aide téléphonique psychologique ne lui serait d’aucune utilité. Il a déclaré qu’il s’était dirigé vers le réfrigérateur et qu’il avait instinctivement pris une bouteille de vin blanc qu’il avait bue en regardant la télévision. Il savait qu’il devait se présenter à l’agent de service de la Base plus tard ce jour‑là et qu’il venait de manquer à l’une des conditions qui lui étaient imposées, à savoir de s’abstenir de consommer de l’alcool.

 

ANALYSE JURIDIQUE ET DÉCISION

 

[14]           Avant que la Cour n’expose son analyse juridique, il convient d’aborder la question de la présomption d’innocence et de la norme relative à la preuve hors de tout doute raisonnable. Deux règles découlent de la présomption d’innocence. D’abord, il incombe à la poursuite d’établir la culpabilité de l’accusé. En second lieu, la culpabilité doit être établie hors de tout doute raisonnable. Ces règles sont liées à la présomption d’innocence et visent à éviter que des personnes innocentes soient condamnées.

 

[15]           Le fardeau de la preuve revient à la poursuite et ne passe jamais à l’accusé. Il n’incombe nullement au caporal-chef Woolvett de prouver qu’il est innocent. Il n’a rien à prouver. Un doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole. Il ne procède ni de la sympathie ni des préjugés envers les individus concernés par les procédures. Ce doute est plutôt fondé sur la raison et le sens commun. Il procède logiquement de la preuve ou de l’absence de preuve. Il est pour ainsi dire impossible de prouver quelque chose avec une certitude absolue et la poursuite n’est pas tenue de le faire. Une telle norme de preuve serait trop élevée. Cependant, la norme de preuve au‑delà de tout doute raisonnable est bien plus proche de la certitude absolue que de la culpabilité probable.

 

Premier chef d'accusation : Alinéa 86b) de la Loi sur la défense nationale, s’être battu avec une autre personne justiciable du code de discipline militaire

 

[16]           La première accusation a été portée en vertu de l’alinéa 86b) de la Loi sur la défense nationale, qui dispose notamment ce qui suit :

 

86.          Commet une infraction [...] quiconque :

 

a)                   se querelle ou se bat avec un autre justiciable du code de discipline militaire;

 

[...]

 

Cette infraction englobe une vaste gamme de situations. Dans le cas qui nous occupe, la poursuite allègue que l’accusé s’est battu avec un autre justiciable du code de discipline militaire. Le premier chef d’accusation est ainsi libellé :

 

[traduction]

 

« Le 20 septembre 2013, au 67, Coriano Crescent, Base des Forces canadiennes de Borden (Ontario), a donné un coup de tête au caporal McKay.

 

Outre les éléments concernant le lieu et la date de la présumée infraction ainsi que l’identité de l’accusé, les autres éléments essentiels de l’infraction sont les suivants :

 

a)                  l’accusé s’est battu avec une personne;

 

b)                  la personne impliquée dans la querelle était un justiciable du code de discipline militaire;

 

c)                  l’état d’esprit répréhensible de l’accusé.

 

[17]      Les questions en litige dans la présente affaire sont limitées. Pour ce qui est du premier chef d’accusation, la seule question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si le caporal-chef Woolvett a agi en état de légitime défense lorsqu’il a donné un coup de tête au caporal McKay. Il incombe là encore à la poursuite d’établir hors de tout doute raisonnable que l’accusé n’a pas agi en état de légitime défense. L’article 72.1 de la Loi sur la défense nationale dispose :

 

72.1        Les règles et principes applicables dans les procès tenus devant des tribunaux civils selon lesquels des circonstances données pourraient justifier ou excuser un acte ou une omission ou offrir un moyen de défense sont également opérants dans le cas de toute accusation fondée sur le code de discipline militaire.

 

La disposition relative à la légitime défense se trouve à l’article 34 du Code criminel. En voici un extrait :

 

34. (1)   N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

 

a)                   croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

 

b)                   commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

 

c)                   agit de façon raisonnable dans les circonstances.

 

(2)           Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

 

a)                   la nature de la force ou de la menace;

 

b)                   la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

 

c)                   le rôle joué par la personne lors de l’incident;

 

d)                    la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

 

e)                   la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

 

f)                    a nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

 

(i)                   l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

 

g)                   la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

 

i)              la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

 

La Cour conclut que la preuve permettait d’invoquer le moyen de défense prévu à l’article 34 du Code criminel. L’article 34 du Code énonce les éléments constitutifs du moyen de défense qui s’applique dans toute situation dans laquelle l’accusé commet un acte dans le but de se défendre ou de défendre une autre personne. Le critère de la raisonnabilité vaut tant pour la perception que pour la réaction de l’accusé. Par conséquent, l’accusé sera acquitté s’il existe un doute raisonnable que celui‑ci :

 

a)                  croyait, pour des motifs raisonnables, que la force était employée contre lui ou une autre personne ou qu’on menaçait de l’employer contre lui ou une autre personne;

 

b)                  a commis l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger – ou de défendre ou de protéger une autre personne – contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

 

c)                  a agi de façon raisonnable dans les circonstances.

 

[18]           Ces éléments sont cumulatifs, de sorte que le juge des faits doit avoir un doute raisonnable au sujet de chacun d’entre eux. Évaluant les facteurs énoncés au paragraphe 34(2) du Code, j’accepte le témoignage du soldat Scarr suivant lequel, avant le coup de tête donné par le caporal-chef Woolvett au caporal McKay, ce dernier avait été neutralisé et le caporal-chef Woolvett maîtrisait la situation. Évidemment, la preuve démontre à l’évidence que le caporal McKay était très en colère et avait perdu toute maîtrise de lui-même alors qu’il tentait de se dégager, et que Woolvett et Scarr avaient tous les deux peur de le laisser se dégager parce qu’il était trop furieux. Tout en retenant la version du caporal-chef Woolvett suivant laquelle le caporal McKay menaçait de le tuer, j’estime que rien ne permet de penser qu’il aurait utilisé ou menacé d’utiliser une arme pour exécuter sa menace. Il n’y avait jamais eu auparavant d’altercation ou de violence entre ces deux personnes qui étaient des amis intimes. Enfin, le caporal-chef Woolvett était plus costaud que sa victime et il maîtrisait parfaitement la situation, mais il était fatigué de retenir le caporal McKay dans cette position avant le coup de tête.

 

[19]           Le premier élément constitutif du moyen de défense de la légitime défense portant sur la crainte raisonnable de force est objectif. La question à se poser est celle de savoir si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que le caporal‑chef Woolvett aurait conclu qu’une force ou une menace de force était utilisée contre elle. On devra tenir compte des caractéristiques de l’accusé, tels que la race et le sexe, par exemple, ainsi que, dans une certaine mesure, du contexte. Toutefois, on ne doit pas perdre de vue l’élément objectif, et ce, même si une personne souffre de TSPT par suite d’opérations de combat au cours desquelles elle a subi des sévices psychologiques. Elle doit quand même avoir des motifs raisonnables de croire que la force, au sens de l’alinéa 34(1)a) était employée contre elle.

 

[20]           Le deuxième élément constitutif, en l’occurrence commettre l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre, se rapporte à l’état d’esprit du caporal-chef Woolvett. Ce dernier doit avoir commis l’acte uniquement dans le but de se défendre ou de se protéger et non dans le but de se venger, de discipliner ou de contrôler l’autre personne. Ce volet du critère est purement subjectif. Il suppose que l’on détermine ce qui motivait l’accusé au moment où il a agi. Le caporal-chef Woolvett affirme qu’il a pris les menaces de mort du caporal McKay très au sérieux. Le soldat Scarr n’a pas entendu ces menaces, mais il a entendu McKay crier à Woolvett : [traduction] « Si tu me laisses faire, tu vas le regretter ». Ces propos ont été proférés alors que le caporal-chef Woolvett cherchait à obtenir l’aide du soldat Scarr pour calmer le caporal McKay, qui avait alors totalement perdu la maîtrise de lui-même. Compte tenu des éléments de preuve que la Cour a déjà acceptés, je conclus que le caporal-chef Woolvett craignait subjectivement pour sa sécurité.

 

[21]           Le troisième élément concerne l’ampleur de la réaction du caporal-chef Woolvett. Cet élément doit être apprécié de façon objective puisqu’il porte sur le caractère raisonnable des agissements, mais il faut le situer dans son contexte en raison du libellé même du paragraphe 34(2) du Code. Toutefois, il faut reconnaître que la proportionnalité n’est pas en jeu ici. Ainsi que l’auteur de l’ouvrage Criminal Pleadings and Practice in Canada, Eugene Ewaschuk, l’explique, au paragraphe 21:5180 :

 

[traduction]

 

Pour repousser une agression illégitime, l’accusé n’est pas tenu de mesurer avec précision la force à laquelle il recourt au moment où survient l’état de nécessité. En effet, la frénésie qui caractérise ce genre d’incident exclut toute réflexion détachée [...]

 

[22]      Comme nous l’avons déjà mentionné, avant que le caporal-chef Woolvett ne donne un coup de tête au caporal McKay, ce dernier avait été neutralisé et le caporal-chef Woolvett maîtrisait la situation. Toutefois, le caporal McKay était très en colère et avait complètement perdu la maîtrise de lui-même alors qu’il tentait de se dégager de sa position. Le soldat Scarr a déclaré qu’il refusait d’intervenir entre les deux hommes parce qu’il ne voulait pas être pris dans des échanges de coups entre les deux hommes et qu’il n’aimait pas se battre. Woolvett et Scarr craignaient de laisser McKay se relever et s’en aller parce qu’il était furieux. Scarr ne voulait pas aider Woolvett physiquement malgré sa demande d’aide, et le fait d’appeler la police n’aiderait pas Woolvett dans l’immédiat. Il est vrai que le soldat Scarr aurait pu intervenir pour aider le caporal-chef Woolvett physiquement ou de façon plus énergique pour le calmer, mais son témoignage ne laisse aucun doute qu’il refusait de le faire parce qu’il ne voulait pas de retrouver pris dans un échange de coups entre les deux hommes. Tout en retenant encore une fois la version du caporal-chef Woolvett suivant laquelle le caporal McKay avait menacé de le tuer, j’estime que rien ne permet de penser qu’il aurait utilisé ou menacé d’utiliser une arme pour donner suite à cette menace, mais la preuve démontre à l’évidence que McKay avait totalement perdu la maîtrise de lui-même. Il est vrai que les deux hommes n’avaient jamais eu d’altercation et qu'ils n'avaient jamais recouru à la violence l’un contre l’autre parce que c’étaient de bons amis, mais en dépit de leur amitié et du fait que sa petite amie implorait Woolvett et Scarr d’arrêter, McKay ne réagissait pas. Malgré le fait que le caporal-chef Woolvett était plus costaud que sa victime et qu’il maîtrisait parfaitement la situation après avoir neutralisé McKay, le caporal-chef Woolvett a déclaré qu’il était fatigué de retenir le caporal McKay dans cette position et qu’il sentait qu’il ne pourrait pas résister très longtemps encore. Enfin, j’accepte le témoignage du caporal-chef Woolvett suivant lequel le caporal McKay était celui qui avait attaqué le premier devant la porte de sa maison. Dans ces circonstances, le recours à la force par le caporal-chef Woolvett lorsqu’il a administré un coup de tête au caporal McKay était raisonnable. Par conséquent, la Cour conclut que la poursuite n’a pas démontré hors de tout doute raisonnable que l’accusé n’a pas agi en légitime défense au sens de l’article 34 du Code.

 

Deuxième accusation : Article 97 de la Loi sur la défense nationale, ivresse

 

[23]      Le deuxième chef d’accusation concerne une présumée violation de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale pour l'infraction d’ivresse. Pour ce qui nous intéresse, les passages pertinents de l’article 97 de la Loi sont ainsi libellés :

 

97. (1)    Quiconque se trouve en état d’ivresse commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine [...]

 

(2)           Pour l’application du paragraphe (1), il y a infraction d’ivresse chaque fois qu’un individu, parce qu’il est sous l’influence de l’alcool ou d’une drogue 

 

a)            soit n’est pas en état d’accomplir la tâche qui lui incombe ou peut lui être confiée;

 

b)            soit à une conduite répréhensible ou susceptible de jeter le discrédit sur le service de Sa Majesté.

 

[24]      Le deuxième chef d’accusation énonce ce qui suit :

 

[traduction]

 

Le ou vers le 2 mars 2014 s’est présenté à l’agent de service de la base en état d’ébriété au Centre de service de la Base des Forces canadiennes de Borden (Ontario).

 

Pour que l’accusé soit jugé coupable de l’infraction d’ivresse, la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable l’identité du contrevenant, ainsi que la date et le lieu indiqués dans l’exposé détaillé de l’accusation. De plus, la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable que :

 

a)                  l’accusé était sous l’influence de l’alcool ou d’une drogue;

 

b)                  l’accusé n’était pas en état d’accomplir la tâche qui lui incombait ou qui pouvait lui être confiée ou a eu une conduite répréhensible ou susceptible de jeter le discrédit sur le service de Sa Majesté;

 

c)                  l’accusé était dans un état d'esprit répréhensible.

 

[25]      En ce qui concerne le second chef d’accusation, la preuve se limite aux aveux de l’accusé en ce qui concerne le fait qu’il a bu une bouteille de vin blanc à trois heures le 2 mars 2014 chez lui après avoir fait un terrible cauchemar, et le fait qu’il s’est présenté à l’agent de service à la Base, le capitaine Dar-Ali, vers 15 h le même jour conformément aux conditions de sa remise en liberté et que son haleine dégageait une odeur d’alcool. Il n’y a aucun élément de preuve se rapportant à des signes tendant à démontrer que ses facultés étaient affaiblies au moment de la présumée infraction. Pour cette seule raison, la poursuite ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait.

 

Troisième accusation : Article 101.1 de la Loi sur la défense nationale, d’avoir omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3

 

[26]      Enfin, le troisième chef d’accusation reproche à l’accusé d’avoir contrevenu à l’article 101.1 de la Loi au motif qu’il a fait d’avoir omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3. Voici un extrait de cet article :

 

101.1 Quiconque, sans excuse légitime, omet de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3 ou à une condition d’une promesse remise sous le régime des sections 3 ou 10 commet une infraction [...]

 

[27]      Le troisième chef d’accusation est ainsi libellé en partie :

 

[traduction]

 

Le ou vers le 2 mars 2014, au Centre de service de la Base des Forces canadiennes de Borden (Ontario), sans excuse légitime, a fait défaut de s’abstenir de consommer de l’alcool, contrairement à une des conditions de sa remise en liberté imposée sous le régime de la Section 3 du code de discipline militaire le 29 octobre 2013.

 

Pour que l’accusé soit jugé coupable d’avoir omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3, la poursuite doit démontrer hors de tout doute raisonnable l’identité de l’accusé en tant qu’auteur de l’infraction, ainsi que la date et le lieu précisés dans le chef d’accusation. De plus, elle doit démontrer hors de tout doute raisonnable que:

 

a)         une condition imposée sous le régime de la Section 3 a été imposée à l’accusé;

 

b)         l’accusé a fait défaut de respecter une condition qui lui était imposée;

 

c)         l’accusé était dans un état d’esprit répréhensible.

 

[28]      En ce qui concerne la troisième et dernière accusation, la question de l’excuse légitime ne se pose qu’après que la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable les éléments constitutifs de l’infraction. Compte tenu des aveux et du témoignage du caporal-chef Woolvett, la Cour est convaincue que la poursuite s’est acquittée de son fardeau de la preuve dans les circonstances. Par conséquent, la seule question soumise à la Cour est celle de savoir si le caporal-chef Woolvett avait une excuse légitime pour contrevenir à la condition qui lui avait été imposée le 29 octobre 2013, en l’occurrence, de s’abstenir de consommer de l’alcool ou toute autre substance intoxicante, lorsqu’il a consommé une bouteille de vin blanc comme automédication aux premières heures du 2 mars 2014 après s’être réveillé à la suite d’un horrible cauchemar récurrent qui était directement lié à son TSPT.

 

[29]      Le caporal-chef Woolvett a déclaré qu’il ne voyait aucune autre solution valable pour se calmer étant donné qu’il n’avait à sa disposition aucun autre médicament ce soir‑là et qu’il était inutile d’appeler des amis ou une ligne téléphonique d’aide psychologique, compte tenu de l’expérience qu’il avait vécue auparavant relativement à ses problèmes médicaux. Le caporal-chef Woolvett savait que ses conditions de remise en liberté ne lui permettaient pas de consommer de l’alcool ou d’autres substances intoxicantes. Il comprenait également ces conditions. Son témoignage sur ce point est clair. Il a décidé de se médicamenter lui-même en vidant une bouteille de vin au cours de la nuit du 2 mars 2014 après avoir eu un terrible cauchemar parce qu’il estimait, en se fiant à ses expériences passées, que c’était le seul moyen dont il disposait dans l’immédiat pour contrôler sa peine et son anxiété ce soir‑là. C’était une décision délibérée. Il ne s’agit pas d’une situation dans laquelle l’accusé était insouciant ou n’a pas pris les précautions nécessaires. Le caporal-chef Woolvett était au courant de toutes les conditions de sa remise en liberté, y compris celles lui interdisant de consommer de l’alcool.

 

[30]           Dans l’arrêt R. c. Dubuc, (1989) 68 C.R. (3d) 256 (CAQ), la Cour d’appel du Québec s’est penchée sur la question de savoir ce qui constituait une excuse légitime dans le cas d’une personne se trouvant illégalement en liberté. Dans cette affaire, l’accusé, qui avait été condamné à purger une peine d’emprisonnement discontinue les week-ends, avait fait défaut de se présenter un week-end parce qu’il s’était de bonne foi présenté à un centre de désintoxication. Examinant la question de savoir si l’excuse était légitime ou licite, la Cour a déclaré ce qui suit, au paragraphe 11 :

 

11. Même si, comme les auteurs le notent, il subsiste la possibilité d’invoquer des moyens particuliers en pareilles circonstances, il doit tout de même s’agir d’une véritable « excuse » dont l’appréciation ne peut être laissée à la seule discrétion de l’accusé.

 

[31]           Dans ces conditions, le caporal-chef Woolvett a peut-être pris la bonne décision pour faire face à son anxiété lorsqu’il a bu une bouteille de vin cette nuit‑là en regardant la télé après avoir eu un horrible cauchemar récurrent la nuit du 2 mars 2014. Toutefois, comme dans l’arrêt Dubuc, l’appréciation du non-respect d’une condition, en l’occurrence l’interdiction de consommer de l’alcool pour se médicamenter soi-même ne saurait être laissée à la seule appréciation de l’accusé. Des éléments de preuve démontrant que le caporal-chef Woolvett souffre d’un TSPT grave ne suffisent pas pour accepter que ses agissements constituaient effectivement une excuse légitime, à défaut de témoignages d’experts qui aideraient la Cour à évaluer ses agissements. Je conclus que le caporal-chef Woolvett n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait une excuse légitime pour ne pas respecter la condition lui interdisant de consommer de l’alcool.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[32]           DÉCLARE le caporal-chef Woolvett non coupable du premier chef d’accusation, en l’occurrence s’être battu avec une autre personne justiciable du code de discipline militaire, contrairement à l’alinéa 86b) de la Loi sur la défense nationale, et non coupable du second chef d’accusation, en l’occurrence l’ivresse, contrairement à l’article 97 de la Loi;

 

ET

 

[33]           DÉCLARE le caporal-chef Woolvett coupable du troisième chef d’accusation, en l’occurrence d’avoir omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3, contrairement à l’article 101.1 de la Loi.


 

Avocats :


Major A.-C. Samson, Service canadien des poursuites militaires, Avocat de la poursuivante, Sa Majesté la Reine

 

Major D. Hodson, Direction du Service d’avocats de la défense, Avocat du caporal-chef Woolvett

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