Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 12 juin 2015.

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, Victoria (CB).

Chefs d’accusation :

• Chefs d’accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 5, 6 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 4 : Retirés.
• SENTENCE : Une amende au montant de 1500$.

Contenu de la décision

 

 

COUR MARTIALE

Référence : R. c. Smith, 2015 CM 1011

Date : 20150616

Dossier : 201510

Cour martiale permanente

Base des Forces canadiennes Esquimalt
Victoria (Colombie-Britannique), Canada

Entre :

Sa Majesté la Reine

- et -

ex-Matelot de 3e classe A.F. Smith, contrevenant

Devant : Colonel M. Dutil, J.M.C.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Prononcés de vive voix)

[1]               L’ex-matelot de 3e classe Smith a reconnu sa culpabilité à quatre chefs d’absence sans permission, en contravention de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale.

[2]               La poursuite et la défense ont présenté une suggestion commune sur la sentence et recommandent à la Cour d’infliger une amende de 1 500 $. Bien que la Cour ne soit pas liée par cette suggestion commune, la Cour ne peut la rejeter que si elle va à l’encontre de l’intérêt public et risque de jeter le discrédit sur l’administration de la justice.

[3]               Les circonstances entourant la perpétration des infractions sont relatées dans le sommaire des circonstances, pièce 7, reproduit ci-dessous :

[traduction] Au moment des faits, le matelot de 3e classe Smith était membre de la Force régulière des Forces armées canadiennes et membre de la Marine royale du Canada affecté au bureau à terre du navire canadien de Sa Majesté PROTECTEUR, situé à la Base des Forces canadiennes Esquimalt, en Colombie­Britannique. Au moment des faits, selon la routine habituelle de travail, telle qu’elle figure dans les ordres courants et est présentée aux marins affectés au bureau à terre du NCSM PROTECTEUR, la journée de travail commence à 7 h 50 chaque jour, et tout congé approuvé se termine à cette heure.

Le 24 juillet 2014, peu après 8 h, le chef mécanicien, le premier maître de 2e classe Penner, a demandé au superviseur du matelot de 3e classe Smith, le maître de 2e classe Cameron, s’il avait vu le matelot de 3e classe Smith à son lieu de service ce jour­là. Le maître de 2e classe Cameron a déclaré n’avoir pas vu le matelot de 3e classe Smith ce jour­là, et le premier maître de 2e classe Penner lui a donné instruction de prendre le véhicule du navire, de se rendre avec deux autres marins à la résidence du matelot de 3e classe Smith et de ramener celui­ci à la Base. Une recherche informatique a été effectuée pour trouver l’adresse résidentielle du matelot de 3e classe Smith, et il a été constaté que les adresses consignées dans le logiciel Gestion­SSAM étaient périmées. À la suite de demandes de renseignements faites par le maître de 2e classe Cameron, une adresse résidentielle a été obtenue. À son arrivée à l’appartement du matelot de 3e classe Smith, le maître de 2e classe Cameron a frappé à la porte, mais n’a obtenu aucune réponse. Le maître de 2e classe Cameron a fait part de son échec au premier maître de 2e classe Penner et a reçu instruction de vérifier si le matelot de 3e classe Smith se trouvait à l’hôpital de la base. Le matelot de 3e classe Smith n’a pu être trouvé.

À 15 h, le commandant en second du bureau à terre du NCSM PROTECTEUR, le lieutenant de vaisseau Parise, s’est servi de son BlackBerry pour appeler le matelot de 3e classe Smith, qui n’a pas répondu. À 15 h 22, le lieutenant de vaisseau Parise s’est servi de son cellulaire personnel pour composer le même numéro, et le matelot de 3e classe Smith a répondu à l’appel. Le lieutenant de vaisseau Parise a donné ordre au matelot de 3e classe Smith de se présenter à l’unité avant 16 h. Le matelot de 3e classe Smith a répondu qu’il s’était déchiré le ligament croisé antérieur du genou et pouvait difficilement marcher. Le lieutenant de vaisseau Parise a répété au matelot de 3e classe Smith de se présenter à l’unité avant 16 h. Le matelot de 3e classe Smith s’est finalement présenté au bureau à terre du NCSM PROTECTEUR à 16 h 30. Le lieutenant de vaisseau Parise a vu le matelot de 3e classe Smith monter l’escalier facilement et n’a noté aucune difficulté ni blessure apparente.

Le 18 août 2014, le matelot de 3e classe Smith a envoyé des textos au matelot de 1re classe Brown pour dire qu’il se rendait à la salle d’examen médical (SEM). Le matelot de 1re classe Brown a envoyé un texto au matelot de 3e classe Smith pour lui dire d’appeler le premier maître de 2e classe Penner, car le premier maître de 2e classe Penner était fâché. Le matelot de 3e classe Smith n’a pas fait cet appel. Après de nombreux textos échangés entre le matelot de 1re classe Brown et le matelot de 3e classe Smith, le matelot de 3e classe Smith a déclaré qu’il se présenterait au bureau à terre à 10 h 23. Le matelot de 3e classe Smith a fini par arriver au bureau à terre à 11 h et a admis au premier maître de 2e classe Penner qu’il ne s’était pas rendu à la SEM, mais qu’il avait décidé d’aller travailler tard ce jour-là.

Le 28 août 2014, le matelot de 3e classe Smith a envoyé un texto au matelot de 1re classe Donaldson à 7 h 30, un jour seulement après avoir encore reçu l’ordre de communiquer avec le premier maître de 2e classe Penner. Dans ce texto, le matelot de 3e classe Smith dit qu’il arriverait une heure en retard au travail. La veille, le matelot de 3e classe Smith avait indiqué à ses commandants qu’il s’était maintenant organisé pour que sa tante fasse office de gardienne et que ses problèmes de garde d’enfant étaient terminés. Le matelot de 3e classe Smith a dit au matelot de 1re classe Donaldson que sa tante avait dû amener sa grand‑mère à l’hôpital et qu’il avait dû rester avec sa fille. Comme la journée avançait et que le matelot de 3e classe Smith ne se présentait toujours pas au travail, le premier maître de 2e classe Penner a envoyé le maître de 2e classe Cameron et le matelot de 1re classe Donaldson à la recherche du matelot de 3e classe Smith. À leur arrivée à l’appartement du matelot de 3e classe Smith, ils ont appris que celui­ci avait été expulsé parce qu’il n’avait pas payé son loyer. Le matelot de 3e classe Smith n’avait signalé aucun changement d’adresse à son unité. Au moyen d’autres textos, le matelot de 1re classe Donaldson a obtenu l’adresse de la mère du matelot de 3e classe Smith et appris que le matelot de 3e classe Smith résidait alors à cette adresse. Le maître de 2e classe Cameron a rencontré le matelot de 3e classe Smith à cet endroit à 16 h et a informé le matelot de 3e classe Smith qu’il était absent sans permission et qu’il le demeurerait jusqu’à ce qu’il se présente au travail au bureau à terre le 2 septembre 2014. Le matelot de 3e classe Smith a dit au maître de 2e classe Cameron qu’il avait pris des arrangements convenables pour faire garder son enfant et qu’il n’avait aucune raison d’être incapable d’arriver à l’heure au travail le 2 septembre après la longue fin de semaine.

Le 2 septembre 2014, le matelot de 3e classe Smith a encore une fois omis de se présenter au travail à 7 h 50. À 6 h 59, le matelot de 1re classe Donaldson a reçu un texto de la part du matelot de 3e classe Smith, dans lequel le matelot de 3e classe Smith disait n’avoir personne pour garder son enfant. Le matelot de 1re classe Donaldson a été chargé par le premier maître de 2e classe Penner de transmettre au matelot de 3e classe Smith le message qu’il était absent sans permission encore une fois et qu’il devait immédiatement se présenter en personne au bureau à terre. Le matelot de 3e classe Smith a répondu : [traduction] « Je suis absent sans permission depuis quatre jours de toute façon, on s’en fout. » Le matelot de 3e classe Smith n’a plus donné de nouvelles jusqu’à ce qu’il se présente au bureau à terre, non rasé et en tenue civile, à 14 h. Le matelot de 3e classe Smith avait été maintes fois averti par le premier maître de 2e classe Penner qu’il devait se présenter au travail à l’heure, rasé et en uniforme.

Le 16 octobre 2014, le matelot de 3e classe Smith a été accusé d’avoir été absent sans permission le 24 juillet 2014. Il s’est vu offrir le choix entre un procès sommaire ou un procès devant une cour martiale. Le 22 octobre 2014, le matelot de 3e classe Smith a choisi d’être jugé devant une cour martiale.

Le 24 octobre 2014, le matelot de 3e classe Smith a été accusé d’avoir été absent sans permission le 15 août 2014 et le 18 août 2014. Il s’est vu offrir le choix entre un procès sommaire ou un procès devant une cour martiale. Le 28 octobre 2014, le matelot de 3e classe Smith a choisi d’être jugé devant une cour martiale.

Le 30 octobre 2014, le matelot de 3e classe Smith a été accusé d’avoir été absent sans permission le 26 août 2014, le 28 août 2014 et le 2 septembre 2014. Il s’est vu offrir le choix entre un procès sommaire ou un procès devant une cour martiale. Le 31 octobre 2014, le matelot de 3e classe Smith a choisi d’être jugé devant une cour martiale.

Le 12 décembre 2014, toutes les accusations susmentionnées ont été renvoyées par le capitaine de frégate Elbourne, commandant du NCSM PROTECTEUR, au contre‑amiral Truelove, commandant des Forces maritimes du Pacifique, l’autorité de renvoi. Le contre‑amiral Truelove a renvoyé les accusations au Directeur des poursuites militaires dans une lettre datée du 15 décembre 2014. Les accusations ont été portées au moyen d’un acte d’accusation, daté du 5 février 2015.

Le matelot de 3e classe Smith a par la suite été libéré de la Marine royale du Canada et est aujourd’hui un civil. Il a une fillette de cinq ans.

[4]        L’objectif fondamental de l’imposition d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire par l’infliction de sanctions qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants :

a)                  la protection du public, y compris les Forces canadiennes;

b)                  la dénonciation de la conduite illicite;

c)                  l’effet dissuasif de la sentence, non seulement pour le contrevenant, mais aussi pour d’autres personnes qui pourraient être tentées de commettre des infractions semblables;

d)                 la réinsertion et la réadaptation du contrevenant.

[5]        La sentence doit également tenir compte des principes suivants :

a)                  elle doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de responsabilité;

b)                  elle doit être analogue à celles qui ont été infligées à des contrevenants ayant commis des infractions similaires dans des circonstances semblables;

c)                  la Cour doit aussi respecter le principe selon lequel un contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si des sanctions moins contraignantes peuvent être justifiées dans les circonstances. Toutefois, la Cour doit faire preuve de retenue lorsqu’elle détermine la sentence en infligeant la ou les sanctions les moins sévères possible pour maintenir la discipline.

[6]        Les objectifs prépondérants de l’imposition de la sentence en l’espèce sont la dissuasion générale, la dénonciation de la conduite et la réadaptation.

[7]        Les facteurs aggravants en jeu dans le cas présent concernent la fréquence des absences et le fardeau imposé à la chaîne de commandement, qui devait trouver le contrevenant quand il ne se présentait pas au travail. De plus, le contrevenant a une longue fiche de conduite où figurent des infractions semblables commises dans la très courte période de cinq ans pendant laquelle il a été membre de la Marine.

[8]        Toutefois, il existe d’importants facteurs atténuants :

a)                  le plaidoyer de culpabilité fait par le contrevenant à la première occasion. Dans les circonstances de l’espèce, je retiens que ce plaidoyer constitue la pleine expression de ses remords et l’acceptation de sa responsabilité;

b)                  la situation personnelle du contrevenant, telle qu’elle a été décrite devant la Cour. Ces dernières années, le contrevenant a éprouvé d’importants problèmes de santé mentale et de dépendance, lesquels ont entraîné sa libération aux termes du point 5b). Il a maintenant pris des mesures pour commencer une nouvelle vie, notamment en déménageant avec sa petite amie ailleurs en Colombie-Britannique. Il est sobre depuis sept semaines et poursuit actuellement son traitement, ce qui comprend une participation régulière aux rencontres des AA;

c)                  il est également père d’une fillette de cinq ans, qui viendra probablement demeurer bientôt avec lui et sa petite amie. Cette situation est favorable pour sa famille et devrait l’aider à se réadapter.

[9]        La Cour convient que la sentence proposée constitue la sentence minimale dans les circonstances pour atteindre les objectifs de la dissuasion générale, de la dénonciation de la conduite et de la réadaptation. Elle ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et ne jetterait pas le discrédit sur l’administration de la justice militaire.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[10]       Vous DÉCLARE coupable des premier, troisième, cinquième et sixième chefs d’absence sans permission en contravention de l’article 90 de la Loi sur la défense nationale.

[11]      Vous CONDAMNE à une amende de 1 500 $, payable en six versements mensuels égaux commençant le 23 juin 2015, par chèque certifié ou mandat fait à l’ordre du receveur général du Canada. Les paiements devront être acheminés à l’adresse fournie par le Directeur des poursuites militaires.

Avocats :

Le Directeur des poursuites militaires, représenté par le major R.J. Rooney

Lieutenant-colonel D. Berntsen, Service d’avocats de la défense, avocat de l’ex­matelot de 3e classe A.F. Smith

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