Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 4 mai 2015.

Endroit : 3e Escadre Bagotville, édifice 81, rue Windsor, Alouette (QC).

Chefs d'accusation :

• Chef d'accusation 1 : Art. 117f) LDN, a commis un acte à caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.

• Chef d'accusation 2 : Art. 130 LDN, avoir fait l'emploi de documents contrefaits (art. 368 C. cr.).

Résultats :

• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Coupable.
• SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Soudri, 2015 CM 3008

 

Date : 20150507

Dossier : 201502

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces Canadiennes Bagotville

Bagotville (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sous-lieutenant N. Soudri, contrevenant

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.


 

Décision corrigée:          Le texte de la décision originale a été corrigé le 2 février 2016. 

 

Correction apportée:      Au  par. 13 d), le mot « dénonciation » dans l’avant-dernière phrase a été remplacé par le mot « dissuasion ».

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Rendu oralement)

 

[1]               La Cour martiale permanente a trouvé coupable le sous-lieutenant Soudri du deuxième chef d’accusation soit d’avoir fait l’emploi de documents contrefaits contrairement à l’article 368 du Code criminel.

 

[2]               Maintenant il est de mon devoir à titre de juge militaire présidant cette cour martiale de déterminer la sentence. Il s’agit d’un processus individualisé comme l’a si bien indiquée la Cour suprême du Canada dans leurs différentes décisions sur le sujet et la Cour d’appel de la cour martiale.

 

[3]               Dans le contexte particulier d’une Force armée, le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline et il est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite, ou de façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite.

 

[4]               C’est au moyen de la discipline que les Forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leur mission avec succès en toute confiance et fiabilité. Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les personnes justiciables du Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[5]               La poursuite a suggéré à la cour d’imposer au contrevenant une amende de trois mille (3000) dollars. De son côté, l’avocat de la défense a demandé à la cour de considérer un blâme seulement. Dans la mesure où la cour en viendrait à la conclusion d’imposer une amende de manière alternative, il a suggéré que la cour considère une amende moindre et aussi des paiements mensuels.

 

[6]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline. Le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’imposer une sentence qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire, en d’autres mots, toutes peines infligées par le tribunal doit être individualisées et représenter l’intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental des théories modernes de la détermination de la peine au Canada.

 

[7]               La cour se doit de tenir compte des objectifs suivants en procédant à la détermination de la peine juste et appropriée:

 

a)                  tout d’abord, protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b)                  dénoncer le comportement illégal;

 

c)                  la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

d)                  isoler, au besoin, le contrevenant du reste de la société;

 

e)                  la réhabilitation et la réforme du contrevenant.

 

[8]               Les peines infligées qui composent la sentence imposées par un tribunal militaire peuvent également tenir compte des principes suivants:

 

a)                  La proportionnalité en relation de la gravité de l’infraction, la responsabilité du contrevenant et les antécédents de celui-ci.

 

b)                  L'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peines semblables à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.

 

c)                  L'obligation, avant d'envisager la privation de liberté, d'examiner la possibilité de peines moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient. En bref, le tribunal ne devrait avoir recours à une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort.

d)                  Finalement, toute peine qui compose une sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[9]               La cour est d’avis que l’infliction d’une peine au contrevenant dans cette cause doit mettre l’accent sur deux objectifs. Premièrement, la dénonciation des gestes et deuxièmement, la dissuasion générale. Il est important de retenir que le principe de dissuasion générale implique que la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites.

 

[10]           Le sous-lieutenant Soudri s’est enrôlé au sein des Forces canadiennes, Force régulière, comme pilote au mois d’août 2007. Il a complété son cours de qualification militaire de base d’officiers en 2008 et il a suivi diverses formations de 2009 à 2012. Dans le cadre de sa formation en cours d’emploi, il a travaillé à la section des opérations du 439e Escadron, Base des Forces canadiennes (BFC) Bagotville, du mois de décembre 2012 au mois de septembre 2013. Il a été libéré très récemment des Forces canadiennes.

 

[11]           Le sous-lieutenant a utilisé neuf billets d’attestation de présence pour sept journées différentes où il aurait accompagné sa conjointe à la clinique de santé de la femme du Centre de santé et de services sociaux de Chicoutimi (CSSS de Chicoutimi) pour justifier son absence de la section des opérations du 439e Escadron entre la fin du mois de janvier 2013 et le début du mois de juillet 2013 alors qu’il savait que les documents soumis ne reflétaient nullement la réalité parce que ses rendez-vous n’ont pas eu lieu, commettant ainsi l’infraction dont il a été reconnu coupable.

 

[12]           Pour en arriver à ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a tenu compte des circonstances aggravantes et atténuantes révélées par les faits de cette cause. En ce qui concerne les facteurs aggravants la cour retient les aspects suivants:

 

a)                  D’abord, la gravité objective de l’infraction. Vous avez été trouvé coupable d’une infraction d’ordre militaire soit d’une infraction punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale pour l’emploi de documents contrefaits contrairement à l’article 368 du Code criminel. Cette infraction est passible d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement.

 

b)                  La cour tient compte aussi de la gravité subjective de l’infraction et la cour a considéré trois éléments:

 

                                             i.                        D’abord, il y a l’abus de confiance particulièrement envers vos superviseurs, vos supérieurs, votre unité, et dans une moindre mesure, par rapport à vos pairs. Vous comprendrez qu’avoir utilisé ces documents-là pour justifier une situation qui n’était pas réelle alors que vos superviseurs vous ont fait confiance et se sont fiés à votre parole, constitue un facteur dont la cour doit tenir compte dans l’imposition de la sentence.

 

                                           ii.                        Il y a aussi le manque d’intégrité et de loyauté qui sont deux principes bien connus par les membres des Forces armées canadiennes. Afin de réussir leurs missions, les membres des Forces armées canadiennes doivent, l’un envers l’autre, penser que les gens avec qui ils travaillent feront preuve d’intégrité et de loyauté particulièrement dans des moments critiques. Donc, si les membres des Forces canadiennes ne sont pas en mesure d’appliquer ces principes-là dans les opérations de tous les jours, qu’en ait-il des situations qui sont beaucoup plus corsées et où la vie des gens pourrait être à risque? C’est le fait que je veux souligner : l’intégrité et la loyauté doivent être respectées et il y a eu manque par vos agissements en relation avec ces principes.

 

                                          iii.                        Finalement, votre conduite a été délibérée, répétée, planifiée et visait à obtenir un avantage personnel. Vous comprendrez que les circonstances révèlent que ce n’est pas des circonstances exceptionnelles qui ont entrainé la commission de cette infraction de manière répétée. Les faits révèlent que cela prenait une certaine forme de planification, à tout le moins, pour vous permettre d’utiliser de faux documents afin de justifier vos absences, telles que les circonstances l’ont révélée. Des fois, les certificats n’arrivaient pas le jour même mais le lendemain, et tout cela révèle une forme de planification qui constitue une circonstance aggravante dans la détermination de la peine.

 

[13]           Maintenant concernant les circonstances atténuantes, la cour retient:

 

a)                  Qu’il n’y a aucune entrée de même nature ou de quel qu’autre nature que ce soit sur votre fiche de conduite relativement à une infraction que vous auriez commise et vous n’avez aucun antécédent judiciaire.

 

b)                  La cour tient compte aussi de votre situation financière personnelle, cependant je dois souligner le fait que le portrait qui a été fourni à la cour est plutôt incomplet sur le plan financier. La cour a obtenu de l’information sur certains de vos paiements mensuels et elle a aussi obtenu comme preuve, le fait que vous n’avez pas d’emploi présentement, mais c’est sûr que je n’ai pas l’ensemble de vos actifs et de votre passif et ce qui en ait par rapport aux autres membres de votre famille, particulièrement votre conjointe à savoir si elle travaille ou non, etc. Je n’ai pas ce portrait-là complet mais j’ai quand même un sens de ce qui se passe par rapport à votre situation financière.

 

c)                  De plus, je dois considérer que dans les circonstances qui ont été révélées durant le procès, l’impact de vos gestes est plutôt limité. Vous avez tiré surtout un gain personnel en étant absent de votre travail. Il n’y a aucune démonstration telle que l’a révélé d’ailleurs, le témoignage du major Gauvin à l’effet que votre comportement et les conséquences découlant de votre comportement ont eu des impacts sur les opérations de la section. Au contraire, il était très difficile pour le major d’identifier quoi que ce soit à cet effet, et il y a eu aussi un impact très limité sur votre entourage professionnelle. On comprend que ce que le major Gauvin a révélé dans le cadre son témoignage est qu’il y avait une forme de tension, il y avait une forme de méfiance ou de malaise au sein de la section causé, je ne peux pas dire uniquement par vos gestes, mais c’est sûr que c’est une situation qui préoccupait les autres membres de la section et cela imposait un certain fardeau aux superviseurs dans la gestion du personnel.

 

d)                  Il est important aussi pour la cour de tenir compte du facteur de parité concernant la sentence à être imposée pour des infractions de nature similaire. Vous comprendrez que l’infraction dont la cour vous a reconnu coupable fait référence habituellement à des situations de fraude, c'est-à-dire d’un gain économique. Cela peut être par la fabrication ou l’utilisation de faux documents, ou simplement de fraude, ou d’acte de caractère frauduleux et, dans ce domaine, j’ai regardé un petit peu plus largement des causes, entre autres qui ne reflètent pas nécessairement une condamnation uniquement sur l’article 368 mais qui a comme thème, de manière plus générale, réfèrent à la nature des infractions en matière de fraude, et quand je regardais par exemple des causes comme M.S., Collins qui m’a été remis, Baptista, et j’ai tenu compte aussi de Stewart and Cheung. De façon générale, ce que ces causes-là révèlent c’est qu’un blâme et une amende ont été imposés sans être exactement la même situation ou fait référence au même nombre d’infractions, il n’en reste pas moins que dans le cadre où il s’agit d’une première condamnation, c’est le principe retenu et, à mon avis, ce principe est celui que doit retenir la cour comme étant la peine minimale à être imposée dans les circonstances, non pas juste une amende ou juste un blâme tel que suggéré de part et d’autre mais une combinaison des deux. Le blâme étant imposé dans la perspective de dénonciation du comportement comme tel, cela reflète aussi la confiance qui a été perdue en raison des gestes qui ont été posés et la dénonciation qui doit se refléter dans l’imposition de la sentence. L’amende, de son côté, reflète vraiment la dissuasion. Quant à l’amende, sans regarder le montant lui-même, je crois qu’il est approprié de combiner cela avec le blâme afin d’apporter l’aspect dissuasif à la sentence.

 

[14]           Évidemment, tout tourne maintenant autour de la détermination du montant. Dans les circonstances, je dois dire que l’un des facteurs atténuants que je retiens, puis cela fait aussi parti d’un constant que j’ai fait dans le cadre de ma décision sur le verdict, c’est l’impact plutôt limité, et dans les circonstances qui ont été décrites à la cour et, dans cette perspective, je ne suis pas prêt à accepter la suggestion faite par la poursuite de trois mille (3,000) dollars, et non plus, je ne crois pas que la suggestion faite par la défense, d’une amende de cinq cents (500) dollars serait appropriée dans les circonstances.

 

[15]           Compte tenu de l’ensemble des causes qui sont de nature relativement similaire, certaines circonstances, comme il m’a été démontrées, justifiaient une amende qui allait à six mille (6,000) dollars et d’autres beaucoup moindre, j’en suis venu à la conclusion et tenant compte aussi de votre situation financière personnelle, qu’un montant de deux mille (2,000) dollars serait approprié dans les circonstances, et en accord avec les objectifs retenus par la cour en terme d’imposition de la peine, particulièrement en ce qui a trait à la dissuasion générale.

 

[16]           Donc, dans les circonstances j’en viens à la conclusion qu’un blâme et une amende de deux mille (2,000) dollars est appropriée dans les circonstances.

 

[17]           Maintenant au niveau du paiement en lui-même, j’ai regardé les possibilités. Je comprends très bien ce qui m’a été suggéré par la défense relativement à l’imposition de montant mensuel mais, d’un autre côté, compte tenu des circonstances qui m’ont été exposées, entre autres choses, l’existence d’un montant qui devra être déboursé par les Forces canadiennes au niveau de l’indemnité de départ mais il reste une incertitude au moment où le montant va être imposé. Je crois que la seule façon de rendre ce montant-là exigible est de faire en sorte que le montant de l’amende soit payable immédiatement. Ceci ne veut pas dire, et c’est un commentaire parce que je ne peux pas en faire une teneur que les Forces canadiennes ne peuvent pas s’asseoir et même si c’est exigible immédiatement, à mon esprit, avant qu’on puisse entamer les procédures pour faire en sorte de réclamer ce montant-là, il est beaucoup plus simple d’attendre tout simplement le paiement de l’indemnité de départ. Ce sera à l’administration des Forces canadiennes de faire en sorte que l’imposition de ce montant sur les sommes dues par effet de compensation soit exercée. Donc, j’ai une certaine confiance en l’administration des Forces canadiennes, et du suivi que les gens pourront faire du dossier pour faire en sorte de ne pas imposer ou ne pas rechercher une exécution immédiate dans les circonstances en ne tenant pas compte de l’existence de ce montant-là. Je pense que c’était le but de la poursuite en faisant venir les témoins qu’ils ont fait venir. D’une part, d’expliquer les motifs de libération mais aussi les conséquences et, dans ces circonstances, je crois que sur le plan juridique, la meilleure façon pour la cour de rendre cela possible est de faire en sorte que l’amende soit exigible immédiatement.

 

POUR TOUS CES MOTIFS, LA COUR:

 

[18]           CONDAMNE le sous-lieutenant Soudri à un blâme et une amende au montant de deux mille (2,000) dollars payable immédiatement.


 

Avocats:

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major P. Doucet, le major B. Tremblay et la lieutenante de vaisseau V. Pagé

 

Capitaine de corvette P.D. Desbiens, service d’avocats de la défense, avocat du sous-lieutenant Soudri

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