Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 16 décembre 2014.

Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).

Chefs d'accusation :

• Chef d'accusation 1 (subsidiaire aux chefs d'accusation 2, 3) : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.
• Chef d'accusation 2 (subsidiaire aux chefs d'accusation 1, 3) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d'accusation 3 (subsidiaire aux chefs d'accusation 1, 2) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d'accusation 4 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Cour martiale générale (CMG) (est composée d'un juge militaire et d'un comité)

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Non coupable. Chef d’accusation 4 : Coupable.
• SENTENCE : Une amende au montant de 400$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

Référence : R. c. Booth, 2015 CM 4015

 

Date : 20150923

Dossier : 201402

 

Cour martiale générale

 

Base des Forces canadiennes Gagetown

Gagetown (Nouveau‑Brunswick), Canada

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et –

 

Caporal B.R. Booth, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.

 

MOTIFS DE LA SENTENCE


 

(Prononcés de vive voix)

 

Introduction

 

[1]               Avant la tenue de l’audience devant le Comité de la présente Cour martiale générale, le caporal Booth a présenté un plaidoyer de culpabilité à l’égard du quatrième chef de l’acte d’accusation, qui vise un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline, prévu à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, relativement à des faits qui se sont produits lors d’un cours de base d’infanterie de la Force de réserve à la Base des Forces canadiennes (BFC) Gagetown, en août 2013; il a amené ou consommé de l’alcool dans un quartier assigné, contrairement aux ordres permanents de son commandant.

 

[2]               À l’issue d’un procès complet portant sur les trois premiers chefs de l’acte d’accusation, en rapport avec une accusation de comportement déshonorant et deux accusations subsidiaires de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, le Comité de la présente Cour martiale générale a prononcé un verdict de non-culpabilité relativement à ces trois chefs.

 

[3]        Il m’appartient maintenant, en ma qualité de juge militaire présidant la présente Cour martiale générale, de déterminer la sentence applicable à la quatrième accusation, pour laquelle j’ai accepté un plaidoyer de culpabilité. Pour ce faire, j’ai examiné les principes de détermination de la sentence qu’appliquent les cours ordinaires du Canada ayant compétence en matière criminelle et les cours martiales. J’ai pris en compte les faits propres à la présente affaire, exposés dans le sommaire des circonstances et dans les documents produits au cours de l’audience de détermination de la sentence, ainsi que les témoignages et les observations des avocats de la poursuite et de la défense.

 

Objectifs et principes de détermination de la sentence

 

[4]        Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline dans les Forces canadiennes et une dimension essentielle de l’activité militaire. Ce système a pour objet de promouvoir la bonne conduite en faisant en sorte que toute inconduite soit dûment sanctionnée. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres remplissent leurs missions avec succès, en toute confiance et d’une manière fiable. Le système de justice militaire fait ainsi en sorte que les sanctions infligées aux personnes assujetties au code de discipline militaire servent l’intérêt public en matière de promotion du respect des lois du Canada.

 

[5]        L’objectif fondamental de la détermination de la sentence par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en infligeant des sentences qui répondent à au moins l’un des objectifs suivants :

 

a)                  protéger le public, y compris les Forces armées canadiennes;

 

b)                  dénoncer les comportements illégaux;

 

c)                  dissuader les contrevenants et autres personnes de commettre les mêmes infractions;

 

d)                 isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société;

 

e)                  réadapter et réformer les contrevenants.

 

[6]        Lorsqu’il inflige une sentence, le juge doit également tenir compte des principes suivants:

 

a)                  la sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b)                  la sentence doit être proportionnelle au degré de responsabilité du contrevenant et à ses antécédents;

 

c)                  l’harmonisation des sentences, c’est-à-dire l’infliction de sentences semblables à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d)                 l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes;

 

e)                  l’adaptation de la sentence aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[7]               Cela étant dit, la sentence infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait constituer l’intervention minimale nécessaire et appropriée dans les circonstances particulières de l’espèce. Une cour martiale doit infliger la sentence la moins sévère ou une combinaison de sentences qui permettent de maintenir la discipline, car la sentence doit viser à rétablir la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire.

 

[8]               Le juge qui détermine la sentence doit « prononce[r] une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant », comme l’indiquent les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC). En d’autres termes, toute sentence infligée doit être adaptée au contrevenant et à l’infraction qu’il a commise. De plus, elle devrait être semblable aux sentences infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Il ne s’agit pas du résultat d’une conformité servile aux antécédents, mais plutôt de faire appel à notre sentiment commun de justice selon lequel les causes semblables doivent être traitées de façon semblable.

 

Contrevenant

 

[9]               Comparaît devant la Cour un soldat d’infanterie de la Force de la réserve âgé de 21 ans, au grade de caporal, qui fait partie du régiment des Highlanders du Cap‑Breton. Il a toujours servi dans la force de la réserve depuis son recrutement en février 2013, à l’âge de 19 ans. Il a suivi sa première formation militaire officielle chez lui à Sydney, en Nouvelle‑Écosse, en juillet 2013, puis il est déménagé à la BFC Gagetown, en août 2013, pour suivre l’étape suivante de sa formation d’infanterie, mais il en a été exclu en raison des événements qui ont donné lieu au présent procès. Il a refait le cours avec succès en août 2014 et, depuis ce temps, il a connu une progression satisfaisante comme membre de la force de la réserve, que ce soit à temps partiel et à temps plein.

 

[10]           Dans sa vie civile, le caporal Booth effectue actuellement des études en sciences politiques à l’Université du Nouveau‑Brunswick, à Fredericton. Il est actif dans sa communauté au Cap‑Breton et ses accomplissements dans le cadre d’un programme de prévention du crime et dans une campagne locale militant en faveur de l’utilisation continue d’un phare sur la côte du Cap‑Breton ont été soulignés dans la presse en 2015. Il a une conjointe, et le couple attend la naissance d’un premier enfant prochainement. Le caporal Booth souhaite continuer ses études et, plus tard, présenter une demande d’admission à la faculté de droit. Les renseignements fournis par la poursuite en vertu du chapitre 112.51 des ORFC révèlent que le caporal Booth n’a pas fait l’objet de fiche de conduite ni d’une déclaration de culpabilité prononcée par un tribunal civil.

 

Infraction


Pour arriver à déterminer une sentence qui serait juste et appropriée, la Cour a examiné la gravité objective de l’infraction, compte tenu de la sentence maximale qu’elle pourrait infliger. Les infractions prévues à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale sont passibles de destitution ignominieuse du service de sa Majesté ou d’une sentence moindre.

 

[11]           Les circonstances entourant les infractions ont été présentées à la Cour au moyen d’un court sommaire des circonstances produit sous la pièce 7, lu par la poursuite et accepté comme preuve concluante par le caporal Booth. Voici les circonstances :

 

a)                  Le caporal Booth, alors soldat, était inscrit au cours du module 1 de la PP1 Infanterie, série 0034, qui a été donné à la BFC Gagetown du 6 au 30 août 2013.

 

b)                  Le 8 août 2013, le caporal Booth a signé le document relatif aux ordres du commandant et aux formalités d’arrivée du centre d’instruction de la 5e Division du Canada, qui renfermait la politique de l’unité en matière de consommation d’alcool et un ordre interdisant aux candidats d’avoir en leur possession ou de consommer de la bière, du vin et des spiritueux dans les quartiers pour célibataires ou les quartiers assignés. Il avait été informé de cette interdiction et il en était parfaitement conscient.

 

c)                  Lors de la deuxième semaine de formation, le caporal Booth a amené une bouteille à moitié pleine de rhum Captain Morgan dans les quartiers communs assignés. De plus, d’autres étudiants l’ont vu aussi une fois en train de consommer de l’alcool dans ces mêmes quartiers.

 

Facteurs atténuants

 

[12]           La Cour tient compte des facteurs atténuants suivants en l’espèce :

 

a)                  d’abord et avant tout, le plaidoyer de culpabilité du contrevenant qui, aux yeux de la Cour, indique que le contrevenant assume entièrement la responsabilité de ce qu’il a fait.

 

b)                  le fait que le contrevenant a sans tarder admis sa responsabilité et communiqué son intention de plaider coupable;

 

c)                  la longue période qui s’est écoulée depuis la perpétration de l’infraction.

 

d)                 le manque de maturité du contrevenant au moment où il a commis l’infraction : il était inscrit à son premier programme d’études à plein temps dans les Forces armées canadiennes, loin de chez lui, et âgé de 19 ans;

 

e)                  le fait que le contrevenant n’avait jamais fait l’objet d’accusation auparavant, qu’il n’en a jamais fait l’objet depuis cette infraction et qu’il s’agit de sa première comparution devant un tribunal militaire ou civil.

 

f)                   le jeune âge du caporal Booth et son aptitude à contribuer positivement à la société canadienne, non seulement comme réserviste dans les Forces armées canadiennes, mais aussi et surtout dans sa vie civile, où il a déjà démontré son aptitude à contribuer positivement à sa communauté.

 

Facteurs aggravants

 

[14]           L’infraction à l’égard de laquelle le contrevenant a admis sa culpabilité n’est pas rare quoique inexcusable. Il existe de nombreuses excellentes raisons susceptibles d’inciter un commandant à donner des ordres interdisant aux candidats d’avoir avec eux ou de consommer de la bière, du vin et des spiritueux dans les quartiers pour célibataires ou assignés, notamment la sécurité et la discipline. En l’espèce, le contrevenant suivait sa formation de base en infanterie au moment où il a commis l’infraction; il s’agit d’un cours intensif pendant lequel des inspections sont faites régulièrement dans les quartiers, lesquelles constituent une partie importante de l’environnement de travail des participants. L’obéissance est l’une des valeurs les plus importantes pour les soldats. Le respect des ordres est fondamental pour contribuer à l’atteinte des objectifs dans une organisation militaire. Il est donc particulièrement important que cette valeur soit respectée lors d’une formation, surtout lors d’une formation de base.

 

[15]           Dans les circonstances que j’ai décrites précédemment, le contrevenant a choisi de faire fi d’un ordre dont il était parfaitement conscient et de le faire dans des quartiers communs où il était inévitable qu’il soit vu par d’autres participants au cours; il a ainsi donné un très mauvais exemple. Je suis d’avis que la violation d’un ordre permanent simple et bien connu revient à défier l’autorité de son commandant et, en fait, de la toute la chaîne de commandement. Le fait qu’il a commis cette violation d’une manière qui serait vraisemblablement connue de ses pairs constitue un facteur aggravant. L’infraction commise en l’espèce constitue une attaque directe à la discipline de l’unité.

 

Objectifs de la détermination de la sentence à cerner en l’espèce

 

[16]           Les circonstances exigent que, dans la détermination de la sentence du contrevenant en l’espèce, la Cour mette l’accent sur les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale.

 

Proposition conjointe des avocats et son incidence

 

[17]           Les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une recommandation conjointe relativement à la sentence que la Cour doit infliger. Ils ont recommandé que la Cour inflige une amende de 400 $ afin de répondre aux exigences de la justice.

 

[18]           Le représentant du directeur des poursuites militaires en l’espèce représente l’intérêt public en ce qui a trait à loi, à l’autorité légitime et aux sanctions infligées à ceux qui enfreignent la loi. Dans le contexte du système de justice militaire, l’intérêt public comprend l’intérêt des autorités militaires dans le maintien de la discipline. Le procureur de la poursuite est bien placé pour savoir ce que cet intérêt commande. Il appartient toutefois à la Cour de décider de la sentence appropriée. Bien que la Cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, la Cour d’appel de la cour martiale a statué, au paragraphe 21 de l’arrêt R. c. Taylor, 2008 CACM 1, que le juge chargé de la détermination de la sentence ne doit aller à l’encontre de la recommandation conjointe que s’il existe des motifs impérieux de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la sentence n’est pas adéquate, qu’elle est déraisonnable, qu’elle va à l’encontre de l’intérêt public ou qu’elle a pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[19]           Je n’ai aucune raison de croire que la sentence proposée n’est pas appropriée. La décision de la cour martiale dans l’affaire R. c. Leblanc, 2010 CM 4011, a été portée à mon attention en ce qui a trait à la question de la consommation d’alcool dans les quartiers. Malgré les différences de grade qui ont entraîné l’approbation d’une recommandation conjointe différente de celle en l’espèce, je suis d’avis qu’il s’agit d’un précédent utile pour me permettre de conclure que l’amende de 400 $ proposée conjointement fait partie des issues possibles qui constituent une sanction appropriée à l’égard de la conduite du contrevenant, qui a fait fi d’un ordre permanent de son commandant en présence d’autres membres de son unité. Cette sentence satisfait aux objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. Elle indique que le contrevenant n’échappera pas à ses responsabilités et favorise l’atteinte des objectifs de dénonciation de tels comportements et de dissuasion des autres personnes d’adopter le même genre de conduite.

 

[20]           Compte tenu de la nature de l’infraction, des circonstances dans lesquelles elle a été commise, des principes de détermination de la sentence applicables et des facteurs aggravants et atténuants susmentionnés, je suis d’avis que l’imposition d’une amende de 400 $, conjointement proposée par les avocats, fait partie des sentences possibles appropriées en l’espèce. La recommandation conjointe des avocats ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et ne déconsidérera pas l’administration de la justice. Par conséquent, la Cour y souscrit.

 

[21]           Caporal Booth, les circonstances de l’infraction que vous avez commise révèlent un manque de respect à l’égard des règles, lequel est incompatible avec la discipline, une valeur très importante que chaque militaire doit adopter pour obtenir du succès dans les Forces armées canadiennes. J’espère qu’il s’agissait d’une erreur de jugement et que vous en avez tiré une leçon. Vous êtes maintenant déclaré coupable d’une infraction d’ordre militaire. Vous devrez vous assurer que cela ne se reproduise plus, si vous souhaitez que vos objectifs de carrière se concrétisent un jour.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[22]           Vous CONDAMNE à une amende de 400 $ payable en deux versements de 200 $ chacun, le premier devant être fait au plus tard le 1er octobre 2015 et le second, au plus tard le 1er novembre 2015.


 

Avocats :

 

Major D.G.J. Martin, pour le Directeur des Poursuites militaires

 

Major D. Hodson, Direction du Service d’avocats de la défense, avocat du caporal B.R. Booth

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