Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 décembre 2015

Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, 48 terrain de parade Nicklin, Petawawa (ON)

Chefs d’accusation :

• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
• Chef d’accusation 2 : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.
• Chef d’accusation 3 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Retirés. Chef d’accusation 3 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1250$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. MacDougall, 2015 CM 1018

Date : 20151215

Dossier : 201564

Cour martiale permanente

Base de soutien de la 4e Division du Canada Petawawa

Ontario, Canada

Entre :

Sa Majesté la Reine

‑ et ‑

Caporal‑chef M. MacDougall, contrevenant

 

En présence du colonel M. Dutil, J.M.C.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Oralement)

[1]               Le caporal‑chef MacDougall a reconnu sa culpabilité à l’égard d’un chef d’accusation d’ivresse, en violation de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale.

[2]               Les avocats de la poursuite et de la défense recommandent conjointement à la Cour d’infliger une peine consistant en une réprimande et en une amende de 1 250 $. La défense a demandé que l’amende soit acquittée sous forme de mensualités d’environ 300 $. La poursuite laisse à la Cour le soin de définir les modalités de paiement. Bien qu’elle ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, la Cour ne peut la rejeter que si elle va à l’encontre de l’intérêt public et qu’elle risque de jeter le discrédit sur l’administration de la justice.

[3]               Voici les détails de l’acte d’accusation :

 

[traduction]

 

En ce que, le 28 février 2015, ou vers cette date, il était ivre alors qu’il se trouvait au bal Paardeberg, au 1er Bataillon, The Royal Canadian Regiment (1 RCR), à la garnison de Petawawa, à Petawawa (Ontario).

[4]               Selon le récit des faits entourant la perpétration de l’infraction, le 28 février 2015, le caporal‑chef MacDougall s’est présenté au bal Paardeberg organisé par 1 RCR, à l’édifice Y‑101 de la garnison de Petawawa des Forces canadiennes. Il s’agissait d’une activité à laquelle les membres du 1 RCR pouvaient inviter leur conjoint. Au début de la soirée, à la suite du discours d’ouverture prononcé par le commandant devant les troupes, le contrevenant a été invité à s’avancer pour recevoir sa nomination à titre de caporal‑chef.

[5]               Alors que le caporal‑chef MacDougall recevait sa nomination devant ses pairs, le commandant a remarqué que le caporal‑chef MacDougall montrait des signes d’intoxication : une odeur d’alcool se dégageait de son haleine, il avait les yeux vitreux, avait des troubles d’élocution et n’arrivait pas à se tenir au garde‑à‑vous. Lorsque le commandant lui a permis de se retirer, le caporal‑chef MacDougall a mal exécuté un mouvement réglementaire : il s’est retourné du mauvais côté et il titubait lorsqu’il a regagné sa place.

[6]               Après avoir obtenu sa promotion et être revenu à sa table, le caporal‑chef MacDougall a reçu les félicitations des convives qui étaient à la table de Mme Rocque. Mme Rocque était présente au bal avec son fiancé, le caporal Oonsten. Mme Rocque et le caporal‑chef MacDougall se connaissaient. Elle l’avait rencontré à quelques reprises dans le passé dans le cadre de son travail. Le caporal‑chef MacDougall s’est alors avancé vers Mme Rocque, qui l’a félicité. Elle est demeurée assise pour adresser ses félicitations au caporal‑chef MacDougall. Mme Rocque portait une robe décolletée ce soir‑là. Le caporal‑chef MacDougall s’est penché vers elle pour lui donner l’accolade, a incliné le visage vers la gauche, puis a déposé la tête sur les seins de Mme Rocque assez longtemps pour avoir le temps de lui dire [traduction] « Merci, chérie » ou des paroles semblables. Mme Rocque sentait le visage du caporal‑chef MacDougall sur son décolleté. Le caporal‑chef MacDougall s’est ensuite éloigné. Les autres convives présents à la table ont été témoins de ces faits et les agissements du caporal‑chef MacDougall ont été signalés au sergent de service du bataillon.

[7]               Peu de temps après la cérémonie de promotion, le sergent de service du bataillon a demandé au caporal‑chef MacDougall de le suivre à la cantine et lui a donné l’ordre de se tenir au garde‑à‑vous. Alors qu’il parlait au caporal‑chef MacDougall, l’adjudant‑maître Doucette a constaté qu’il ne parvenait pas à demeurer immobile, qu’il avait du mal à se tenir au garde‑à‑vous et qu’il oscillait de gauche à droite et de l’avant à l’arrière. Il a observé qu’il avait des troubles d’élocution et qu’il avait du mal à formuler des phrases. Il avait les yeux vitreux et l’adjudant‑maître Doucette a constaté qu’une odeur d’alcool se dégageait de l’haleine du caporal‑chef MacDougall. D’autres personnes présentes avec le caporal‑chef MacDougall ont également pu constater ces mêmes signes d’intoxication chez le caporal‑chef MacDougall.

[8]               Interrogé, le caporal‑chef MacDougall ne se souvenait plus de ce qui était arrivé avec Mme Rocque. Peu de temps après, le caporal‑chef MacDougall a été reconduit chez lui par le chauffeur de service. Au cours de la soirée, on a observé chez le caporal‑chef MacDougall des signes d’intoxication et on l’a vu à plusieurs reprises au bar avec des verres à la main.

[9]               Comme le juge militaire Pelletier l’a déclaré dans la décision R. c. Sloan, 2014 CM 4004, aux paragraphes 14 et15 :

[14]              L’infraction d’ivresse ne vise pas à sanctionner la consommation d’alcool ou de drogues. Elle vise à vérifier l’aptitude à exercer ses fonctions ou à sanctionner les inconduites ou les actes qui discréditent le service de Sa Majesté. Elle témoigne du fait qu’aucun membre de l’armée n’est dispensé de l’obligation de faire preuve de respect envers tous et de s’abstenir de toute violence malgré son niveau d’intoxication.

[15]              La participation à des activités commémoratives ou à des célébrations militaires qui suppose parfois la possibilité de consommer des boissons alcooliques fait partie de la vie militaire. Les personnes qui y participent se rendent habituellement à ces activités, telles que les bals militaires, pour passer du bon temps. Elles devraient être à l’abri de toute violence et de tout manque de respect.

[10]           Au cours de l’audience relative à la détermination de la peine, la Cour a entendu le témoignage de Mme Rocque et du caporal‑chef MacDougall. Il ne fait aucun doute que le comportement que le contrevenant a eu lors du bal a eu des conséquences graves tant pour sa victime que pour son unité. Mme Rocque a non seulement été plongée dans l’embarras et humiliée ce soir‑là, mais presque un an après les faits, elle évite encore les réunions mondaines, elle ne fréquente le gymnase que sporadiquement et elle évite même d’aller à l’épicerie. Elle évite tout lieu où elle risque de rencontrer le contrevenant et elle se sent toujours mal à l’aise et humiliée, car certaines personnes évoquent encore cet incident en sa présence. Elle s’est isolée de sa communauté militaire locale et ne participe plus aux activités sociales militaires, alors qu’elle aimait y participer avant l’incident.

[11]           Dans une lettre déposée avec le consentement des parties, le commandant a fait ressortir la gravité de l’infraction en soulignant que ce soir-là, le caporal‑chef MacDougall était fortement intoxiqué et qu’il avait fait des attouchements non sollicités aux seins de la fiancée de son subordonné, en présence d’autres soldats, à peine deux minutes après avoir obtenu sa promotion à titre de caporal‑chef et alors qu’il venait tout juste de terminer une période de mise en garde et surveillance pour consommation abusive d’alcool. Le caporal‑chef MacDougall s’est immédiatement vu retirer sa nomination de commandant adjoint de sa section au sein de la compagnie d’avant‑garde de son commandant en prévision d’un déploiement opérationnel imminent et il a été remplacé par un autre caporal‑chef.

[12]           Le caporal‑chef MacDougall a également témoigné à l’audience sur la détermination de la peine. Il a exprimé des remords sincères et a présenté ses excuses à Mme Rocque. Il a reconnu qu’il avait vraiment blessé la fiancée de son ancien subordonné par son comportement inacceptable et il a admis qu’il ne pouvait rien changer au passé. Son avocat a également déposé des éléments de preuve documentaire très pertinents pour démontrer que le contrevenant souffrait au moment de l’infraction d’un problème de santé mentale, en l’occurrence du trouble de stress post‑traumatique (TSPT), ce qui expliquait sa consommation abusive d’alcool. Il semble qu’un incident déterminant à l’origine des problèmes de santé mentale du contrevenant soit survenu alors qu’il était en service en Afghanistan. La preuve démontre également que le contrevenant prend maintenant des médicaments et qu’il est suivi par un thérapeute de façon régulière.

[13]           Une lettre de son ancien sergent‑major qui a été déposée devant la Cour est également très pertinente. Il connaît le contrevenant depuis 2008 et a déclaré que jusqu’à cet incident de février 2015, le caporal‑chef MacDougall était un homme remarquable qui était très respecté au sein de son unité. Cette description a été corroborée par les rapports d’évaluation de rendement déposés devant la Cour; toutefois, cette description est irréconciliable avec le rapport couvrant la période relative à l’incident et la déclaration de culpabilité pour une infraction de conduite d’un véhicule automobile avec facultés affaiblies.

[14]           En une seule année, le contrevenant est passé d’une personne au rendement exemplaire et au potentiel remarquable, pour reprendre les qualificatifs employés par l’ancien officier commandant de sa base et son ancien commandant, à un employé affichant le pire niveau de rendement et le pire potentiel décrits par son nouveau commandant en 2014 et en 2015. Il est troublant que l’exposé circonstancié du rapport de rendement du personnel le plus récent mentionne exclusivement les deux incidents en question alors que le rapport lui‑même couvre la presque totalité de la période de déclaration.

[15]           La preuve déposée devant la Cour en ce qui concerne le TSPT et ses conséquences explique le comportement du contrevenant au cours de la période en cause. Elle est certainement utile pour apprécier la valeur à accorder à la lettre écrite par l’ancien sergent‑major du caporal‑chef MacDougall. On ne sait pas si la chaîne de commandement a eu l’occasion de prendre connaissance des rapports sur la santé mentale déposés devant la Cour; toutefois, la lettre écrite par le commandant ne semble pas tenir compte du diagnostic posé par le psychiatre et du rôle qu’il a joué dans l’incident à l’origine de la présente instance.

[16]           Le contrevenant est toujours soumis à une période de mise en garde et surveillance relativement à cet incident tant pour son abus d’alcool que pour son inconduite sexuelle. Ses problèmes de santé sont bien contrôlés par la prise de médicaments et par un suivi thérapeutique.

[17]           Le prononcé des peines a pour objectif essentiel, en cour martiale, de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire par l’imposition de peines qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants :

a)                     la protection du public, y compris celle des Forces canadiennes;

b)                    la dénonciation des comportements illégaux;

c)                     l’effet dissuasif de la peine, non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur d’autres personnes qui pourraient être tentées de commettre des infractions semblables;

d)                    la rééducation et la réadaptation du contrevenant.

[18]           La peine doit également tenir compte des principes suivants :

a)                     la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant et à son degré de responsabilité;

b)                    la peine doit être semblable à celle infligée à des contrevenants ayant une situation semblable et ayant commis des infractions semblables dans des circonstances semblables;

c)                     la cour doit également respecter le principe selon lequel le contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si des sanctions moins contraignantes peuvent être justifiées dans les circonstances. Toutefois, la cour doit faire preuve de retenue lorsqu’elle détermine la peine et elle doit infliger la sanction la moins sévère nécessaire pour maintenir la discipline.

[19]           En l’espèce, l’objectif principal de la détermination de la peine est la dénonciation et la dissuasion générale. La peine doit également favoriser la dissuasion spécifique et permettre au processus de réadaptation de se poursuivre.

[20]           Les circonstances aggravantes en l’espèce se rapportent au degré d’intoxication du contrevenant et à sa conduite ou à son comportement au moment de l’incident survenu en présence de la chaîne de commandement, de ses camarades, de ses subordonnés et d’invités lors d’une activité officielle importante. De plus, le contrevenant avait des antécédents judiciaires, ayant déjà été reconnu coupable d’une infraction liée à la consommation excessive d’alcool. Les circonstances atténuantes sont les suivantes :

a)                       Le caporal‑chef MacDougall a plaidé coupable à la première occasion et il a présenté ses excuses à la victime en séance publique. Ces éléments combinés constituent un signe véritable de remords et une indication que le caporal‑chef MacDougall assume la pleine responsabilité de ses actes.

b)                       Le comportement du caporal‑chef MacDougall depuis la perpétration de l’infraction. Il a continué à s’acquitter de ses fonctions comme membre des Forces canadiennes sans autre incident et a respecté les conditions qui lui ont été imposées depuis qu’il s’est vu infliger une période de mise en garde et probation.

c)                  Le diagnostic de problèmes de santé mentale du contrevenant et les efforts qu’il a sans cesse déployés pour composer efficacement avec son état, diagnostic qui a joué un rôle dans son intoxication et son comportement lors de la perpétration de l’infraction.

[21]           La Cour accepte que la peine proposée constitue la peine minimale dans les circonstances, compte tenu de l’ensemble des facteurs, principes et objectifs susmentionnés, pour répondre aux objectifs de dénonciation, de dissuasion générale et spécifique et de réadaptation. La peine proposée n’est pas contraire à l’intérêt public et elle ne risque pas de jeter le discrédit sur l’administration de la justice militaire. Par conséquent, j’accepte la recommandation conjointe.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[22]           Vous DÉCLARE coupable à l’égard du chef d’accusation d’ivresse, en violation de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale.

[23]           Vous CONDAMNE à une réprimande et à une amende de 1 250 $ que vous devrez acquitter en quatre mensualités égales à compter d’aujourd’hui.


Avocats :

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le major A.‑C. Samson et le capitaine G.J. Moorehead

Lieutenant‑commandant P. Desbiens, Services d’avocats de la défense, avocat du caporal‑chef M. MacDougall

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