Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 14 mars 2016

Endroit : BFC Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC)

Chef d’accusation :

• Chef d’accusation 1 : Art. 116a) LDN, a dissipé un bien public.

Résultats :

• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Non coupable.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence:  R. c. F.Pelland, 2016 CM 1004

 

Date:  20160316

Dossier:  201569

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Valcartier

Québec (Québec) Canada

 

Entre: 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Capitaine D.J.A. F.Pelland, accusé

 

 

Devant:  Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Oralement)

 

[1]               Le capitaine F.Pelland est accusé d’avoir dissipé un bien public aux termes de l’article 116 a) de la Loi sur la défense nationale. Les détails du chef d’accusation se lisent comme suit :

 

En ce que, entre le 20 et 25 août 2014, à ou près de St-Léonard-de-Portneuf, province de Québec, il a  dissipé un bien public soit du carburant diesel.

 

[2]               Les faits de cette affaire sont simples, et la preuve déposée devant la cour se limite à une déclaration vidéo de l’accusé le 20 janvier 2015 (Pièce 4), un sommaire conjoint des faits (Pièce 3) et le témoignage de l’adjudant Tony Fortin.

 

[3]               Il appert que lors de la période précédant les événements qui ont fait l’objet de l’accusation, le capitaine F.Pelland était le commandant adjoint du 53ᵉ Escadron du 5ᵉ Régiment de génie de combat à Valcartier. Ainsi, il participe à la planification et au développement des plans d’entraînement et d’opération de son unité au début de l’année 2014 en compagnie du major Leclerc. Plus particulièrement, il veille aussi à ce que les personnes responsables de la troupe 6 élaborent l’exercice hors base de l’été 2014, plus particulièrement l’adjudant Fortin et le sergent Ross. L’accusé s’assure que les budgets alloués sont pris en compte par les planificateurs de l’exercice. Cet exercice devait se dérouler en partie sur la propriété de monsieur Gerry Joosten, dont la ferme est située à Saint-Leonard-de-Portneuf, province de Québec, entre le 11 et le 22 août 2014. L’adjudant Fortin est notamment responsable d’obtenir les droits d’usage ou d’accès à ladite propriété auprès de monsieur Joosten.

 

[4]               Quelques semaines avant le début de l’exercice, soit le 17 juillet 2014 en soirée, certains membres de la troupe 6 se rendent effectuer une reconnaissance des lieux de monsieur Joosten. Malheureusement, un véhicule du régiment s’enlise. Le remorqueur venu le dépanner s’y enlise également. Le caporal-chef Lepage, un ancien employé de monsieur Joosten, lui demande la permission d’utiliser son tracteur de ferme pour remorquer le véhicule militaire. Le fermier accepte, mais le tracteur est endommagé dans la manœuvre de dépannage pour une somme d’environ 1 249,17 dollars. Le caporal-chef Lepage informe donc l’adjudant Fortin du bris vers 22 heures alors qu’il est chez lui.

 

[5]               Le lundi suivant, les responsables de la troupe 6, l’adjudant Fortin en tête, discutent de l’incident relatif au tracteur endommagé et ils essaient de trouver des solutions pour dédommager le fermier pour la valeur des dommages causés au tracteur et faire les choses de la bonne façon. Vient donc l’idée de compenser le fermier en lui remplissant son réservoir de carburant diesel d’une capacité estimée entre 1 000 et 1 500 litres. On demande au caporal-chef Lepage de soumettre cette solution de dédommagement à monsieur Joosten qui accepte cette proposition. L’adjudant Fortin et ses collègues en informe le capitaine F.Pelland le lundi matin et lui demande si c’est possible. Selon le témoignage de l’adjudant Fortin, le capitaine F.Pelland lui dit ne pas savoir, mais qu’il allait vérifier. Quelques heures plus tard, le capitaine F.Pelland donne son accord, sans consultation préalable avec ses propres supérieurs. Selon lui, il s’agit d’une question qu’il croit pouvoir régler à son niveau parce qu’il gère le budget de l’exercice hors base, y compris les coûts associés au carburant pour l’escadron 53. Selon lui, ce n’est qu’après les événements qu’il apprend qu’il n’avait pas l’autorité d’approuver une telle compensation malgré les pouvoirs qui lui avaient été délégués en vertu de l’article 32 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

[6]               Le capitaine F.Pelland n’a jamais été mis au fait de la quantité réelle de carburant diesel qui avait été donnée au fermier pour la compensation du dommage au tracteur. Il s’est fié à l’adjudant Fortin que les quantités de diesel ne seraient que pour compenser adéquatement le fermier. D’ailleurs, le capitaine F.Pelland confirme avec l’adjudant Fortin que cela était fait à la fin de l’exercice lorsqu’il est sur les lieux. L’adjudant Fortin lui confirme le tout, mais là encore, le capitaine F.Pelland n’est pas mis au fait des quantités impliquées. Les discussions préalables portaient sur la capacité maximale d’un réservoir de 1 500 litres.

 

[7]               L’adjudant Fortin a précisé que c’est lui qui a fait les démarches auprès de la section du pétrole, huiles et lubrifiants (PHL) pour le transfert du carburant diesel directement dans le réservoir du fermier. Questionné sur la légitimité d’une telle démarche, il répond que c’est le cas. Selon l’adjudant Fortin, le caporal-chef Lepage l’informe vers la fin de l’exercice que le diesel n’a pas encore été donné au fermier en raison d’un oubli. Il s’assure que ce sera fait et on l’informe que 300 litres avait déjà été livrés. L’adjudant Fortin n’a pas effectué de contrôle sur la quantité totale, ni avec la section de PHL, ni avec quelqu’autre personne. Il s’en est remis uniquement aux dires et aux faits du caporal-chef Lepage, l’ancien employé du fermier.

 

[8]               La poursuite soutien que le capitaine F.Pelland a dissipé un bien public parce qu’il n’était pas autorisé à utiliser du carburant diesel, la propriété des Forces armées canadiennes, pour compenser le bris du tracteur du fermier, et ce parce qu’il n’a ni surveillé ni vérifié l’exécution de l’entente avec le fermier en laissant carte blanche à l’adjudant Fortin. Il en serait également responsable parce qu’il aurait manqué à son devoir de consulter sa chaîne de commandement avant de donner son autorisation.

 

[9]               La défense soumet que l’accusé n’a pas dissipé de bien public et qu’il n’a jamais eu l’intention de dissiper. Selon la défense, le fait d’agir sans autorité en autorisant une mesure compensatoire dans le contexte de la présente affaire ne peut servir d’ancrage au fait de dissiper le bien public en question parce que l’accusé était en droit de s’attendre à ce que l’autorisation d’une compensation raisonnable et adéquate soit mise en œuvre par ses subordonnés selon l’information que ceux-ci lui avaient transmise.

 

[10]           L’article 116 a) de la Loi sur la défense nationale se lit comme suit :

 

116.  Commet une infraction et, sur déclaration de culpabilité, encourt comme peine maximale un emprisonnement de moins de deux ans quiconque :

 

a)            volontairement détruit ou endommage, perd par négligence, vend irrégulièrement ou dissipe un bien public, un bien non public ou un bien de l’une des forces de Sa Majesté ou de toute force coopérant avec elles;

 

 

[11]           Le dictionnaire Le Petit Robert nous indique que le mot « dissiper » signifie entre autres le fait de « dépenser follement ». Il l’associe aux termes « gaspiller, dilapider ». La cour ne peut souscrire à la thèse que le fait de donner l’autorisation à un subordonné, sans y être soi-même autorisé en droit mais agissant en toute bonne foi, d’effectuer à même des biens publics une compensation raisonnable et adéquate à un tiers pour des dommages causés par ses subordonnés alors qu’ils agissent dans l’exercice de leurs fonctions, constitue l’acte de dissiper. Si les termes de l’entente qu’il a autorisée avaient été suivis, il n’y aurait eu aucun enrichissement sans cause et la Couronne n’aurait subi aucune perte monétaire. C’est la procédure applicable en matière de réclamations contre la Couronne qui aurait été suivie.

 

[12]           Or, le fait que la quantité réelle de carburant diesel transférée au fermier soit tout à fait démesurée et excessive à la lumière de ce qui avait été autorisé par le capitaine F.Pelland lors des discussions avec ses subordonnés ne le rend pas l’auteur du crime allégué. Comme l’a souligné le procureur de la poursuite, il s’agit d’une erreur de jugement. Cette erreur mérite sans aucun doute des mesures appropriées pour veiller à ce que l’accusé ne commette plus ce genre d’erreur, mais ceci ne le rend aucunement responsable d’avoir dissipé un bien public dans les circonstances.

 

[13]           Qu’il y ait eu fraude ou vol d’un bien public par une ou plusieurs personnes dans les faits de cette affaire ne peut être attribué à l’accusé. Vouloir le rendre responsable d’une ou plusieurs autres infractions criminelles, commises par des personnes qui auraient pu avoir profité de son erreur de jugement, ne peut se faire par le moyen d’une accusation sous le régime de l’article 116 de la Loi sur la défense nationale. En conséquence la cour n’est pas satisfaite que la poursuite a prouvé les éléments essentiels de l’accusation hors de tout doute raisonnable.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[14]      DÉCLARE le capitaine F.Pelland non coupable.


 

Avocats:

 

Le Directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major A.J. Van Der Linde

 

Capitaine de corvette P.D. Desbiens, Service d’avocats de la défense, avocat du capitaine D.J.A. F.Pelland

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