Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 19 février 2016

Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, 48 terrain de parade Nicklin, Petawawa (ON)

Chefs d’accusation :

• Chef d’accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
• Chefs d’accusation 2, 3, 4 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Scott S.T. (Caporal), R. c.

Résultats :

• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable. Chefs d’accusation 3, 4 : Non coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Scott, 2016 CM 3003

 

Date : 20160219

Dossier : 201576

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal S.T. Scott, contrevenant

 

 

En présence du Lieutenant‑colonel L.‑V. d’Auteuil, J.M.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Oralement)

 

[1]               Caporal Scott, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au deuxième chef d’accusation, la Cour vous reconnaît coupable de ce chef d’accusation et puisque le premier chef d’accusation est subsidiaire au deuxième chef d’accusation, la Cour ordonne donc une suspension d’instance quant au premier chef d’accusation.

 

[2]               Dans le contexte particulier d’une organisation militaire, le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline, une dimension essentielle de l’activité militaire, dans les Forces canadiennes. Ce système a pour but de prévenir toute inconduite ou d’une manière plus constructive d’encourager le bon comportement. C’est par la discipline qu’une organisation militaire pourra s’assurer que ses membres accomplissent avec succès leurs missions, efficacement et en toute confiance. Le système de justice militaire garantit aussi que l’ordre public sera maintenu et que les personnes justiciables du code de discipline militaire seront punies comme le serait toute autre personne vivant au Canada.

 

[3]               Dans la présente espèce, la poursuite et l’avocat de la défense ont présenté une soumission conjointe sur la sentence que devrait prononcer la Cour. Ils ont recommandé à la Cour de vous condamner à une réprimande et à une amende au montant de 1 000 $. La Cour n’est pas liée par cette soumission conjointe, mais il est généralement admis que le juge qui prononce la sentence ne devrait s’écarter de la soumission conjointe que s’il existe des motifs impérieux de le faire. Les motifs impérieux s’entendent des cas où la peine est inadaptée ou déraisonnable, ou aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait contraire à l’intérêt public comme l’indiquait la Cour d’appel de la cour martiale dans l’arrêt R. c. Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21.

 

[4]               La détermination de la peine dans une cour martiale a pour objectif essentiel d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline. Toutefois, la loi n’autorise pas un tribunal militaire à infliger une sentence qui irait au‑delà de ce qui est nécessaire, eu égard aux circonstances. Autrement dit, toute peine prononcée par un tribunal doit être adaptée à la situation du contrevenant concerné et constituer l’intervention minimale nécessaire car la modération est le principe premier de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[5]               Pour déterminer la peine, la Cour prendra compte de l’un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  protéger le public, ce qui comprend les Forces armées canadiennes;

 

b)                  dénoncer le comportement illégal;

 

c)                  dissuader le contrevenant, et quiconque, de commettre la même infraction ou les mêmes infractions;

 

d)                 isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société;

 

e)                  réadapter et réformer les contrevenants.

 

[6]               Le tribunal militaire détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

 

a)                  la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b)                  la peine doit être proportionnelle à la responsabilité et aux antécédents du contrevenant;

 

c)                  l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d)                 l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté par l’emprisonnement ou la détention, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient; en bref, la Cour ne doit prononcer une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier recours, ainsi que cela a été établi dans la jurisprudence de la Cour d’appel de la cour martiale et dans celle de la Cour suprême du Canada;

 

e)                  enfin, l’adaptation de la peine aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[7]               La Cour est d’avis qu’en l’espèce la peine qu’il convient de prononcer doit tenir compte des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. Il importe de se rappeler que le principe de dissuasion générale signifie que la sentence doit non seulement dissuader le contrevenant de récidiver, mais aussi dissuader quiconque dans la même situation de se livrer au même comportement prohibé.

 

[8]               Vous étiez un instructeur en cabine et votre rôle consistait à évaluer des candidats aux commandes de véhicules. Vous êtes également devenu commandant de section après le départ de l’un des instructeurs chargés du cours.

 

[9]               Vous avez avant le cours bénéficié d’une formation normalisée destinée aux instructeurs (FNI), une formation qui mettait l’accent sur l’attitude et le comportement attendus des instructeurs à l’endroit des candidats.

 

[10]           Le 12 décembre 2015, vous avez socialisé avec des candidats participant au cours et vous avez également à plusieurs reprises durant le cours noué des liens avec l’un d’eux.

 

[11]           L’annexe A de l’exposé conjoint des faits, la pièce 7, indique qu’aux termes de la politique, les cadres et les candidats sont autorisés à socialiser d’une manière responsable, mais à l’évidence des circonstances vous êtes allé au‑delà de ce qui était autorisé et de ce qui vous a été expliqué par l’adjudant Murchison avant le commencement du cours. Vous avez fait fi de l’ordre qu’il vous avait donné.

 

[12]           À la suite de certaines révélations relatives à l’incident, vous avez été renvoyé du cours, une enquête a été ouverte au sein de l’unité et vous avez reçu un avertissement écrit que vous avez été en mesure de respecter. Plus tard, des accusations ont été déposées, après quoi la présente Cour martiale a été convoquée. Ainsi se présentent les circonstances qui sont à l’origine de ma décision.

 

[13]           Pour arriver à ce qu’elle considère comme une sentence équitable et adéquate, la Cour a pris compte des circonstances atténuantes et aggravantes suivantes :

 

a)                  La Cour a considéré comme circonstance aggravante la gravité objective de l’infraction. L’infraction dont vous êtes accusé a été portée conformément à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale et est punissable au maximum de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

b)                  S’agissant de la gravité subjective de l’infraction, la Cour considère comme circonstances aggravantes les deux aspects suivants :

 

i.          la confiance que vous devez inspirer lorsque vous agissez en qualité d’instructeur. Comme vous le savez, vous agissiez dans un contexte de formation, un contexte qui imposait aux instructeurs une manière de se comporter avec les candidats ainsi qu’entre eux‑mêmes. La règle régissant la fraternisation et la socialisation avec les candidats a été établie dans un but précis, et vous en avez été instruit; elle vous a été communiquée et son objet vous a été expliqué. Vous n’en avez pas tenu compte et, ainsi que l’a mentionné votre avocat, vous avez montré une certaine désinvolture. Essentiellement, vous avez décidé de faire passer vos propres besoins et votre personne avant votre mission et ce manque d’engagement constitue une circonstance aggravante dont la Cour tiendra compte;

 

ii.         il faut aussi considérer votre grade, votre situation d’autorité et votre expérience au moment de l’incident. Lorsque vous exerciez vos fonctions d’instructeur en cabine ainsi que celles de commandant de section, vous aviez suffisamment d’expérience, compte tenu de votre grade, pour savoir ce que vous deviez faire en tant que responsable. Et, comme je l’ai déjà dit, votre situation d’autorité vous plaçait dans un autre type de relation, comme l’a expliqué le capitaine Trépanier, une relation au cours de laquelle vous deviez faire une évaluation individualisée excluant tout favoritisme ou tout sentiment de crainte chez les candidats afin qu’ils soient évalués d’une manière impartiale. Vous deviez respecter cette règle, mais vous ne l’avez pas fait.

 

[14]           J’ai également pris compte des circonstances atténuantes suivantes :

 

a)                  il y a votre plaidoyer de culpabilité. Je sais parfaitement que dès que vous avez appris que cette affaire était sur le point d’être déférée à la justice, vous avez prié votre avocat d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité à l’égard de cette infraction. Pour la Cour, cela signifie que vous avez accepté pleinement la responsabilité de ce que vous avez fait;

 

b)                  il n’y a aucune annotation sur votre fiche de conduite; en fait, il n’y a aucune fiche de conduite quelle qu’elle soit, de sorte qu’il n’y a pas d’annotation se rapportant à des incidents disciplinaires ou à des questions disciplinaires, ni aucune mention d’un casier judiciaire que vous pourriez avoir. Je ne dispose donc d’aucune indication selon laquelle vous auriez de quelque manière un casier judiciaire;

 

c)                  je déduis aussi des circonstances qu’il s’agit là d’un incident isolé, qui ne vous ressemble pas, puisque c’est la première fois que vous comparaissez devant la Cour. Vous avez reçu un avertissement écrit que vous avez su respecter; cela montre à la Cour que c’était manifestement un incident isolé;

 

d)                 vous avez également dû vous présenter devant la présente Cour martiale. C’est une cour martiale publique dont la procédure se déroule devant vos pairs et qui, à mon point de vue, produit un effet dissuasif, non seulement sur vous, mais sur les autres. Ce n’est pas un événement habituel bien que certaines personnes pourraient dire que je me trouve souvent à Petawawa ces jours‑ci, mais rassurez‑vous, vous n’y êtes pour rien. Je crois qu’une cour martiale est un événement tout à fait inusité pour votre unité et parce que c’est un événement inusité, il reçoit une certaine attention; il force les gens à surveiller leur propre comportement dans les Forces armées canadiennes. Il peut donc avoir pour effet de les dissuader puisqu’ils y penseront deux fois avant de transgresser une telle règle.

 

[15]           Alors, la Cour acceptera la soumission conjointe des avocats et vous imposera une sentence comprenant une réprimande et une amende au montant de 1 000 $, compte tenu que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle n’aura pas pour effet de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[16]           Je pense que vous avez appris la leçon. Je crois que vous êtes assez adulte et assez expérimenté pour savoir à quoi vous en tenir et qu’il n’est pas toujours nécessaire de comparaître devant une cour martiale pour capter le message, mais vous l’avez capté et je pense que d’autres l’ont également reçu. Vous êtes maintenant en mesure de tourner la page sur cet événement et vous pourrez profiter plus tard de cette expérience pour être un meilleur chef, même si au départ cela ne fut pas évident.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[17]           RECONNAÎT le caporal Scott coupable du deuxième chef d’accusation, à savoir comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, contrairement à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale;

 

[18]           ORDONNE une suspension d’instance concernant le premier chef d’accusation;

 

[19]           CONDAMNE le caporal Scott à une réprimande et à une amende au montant de 1 000 $, payable immédiatement.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le major C. Walsh

 

Le major C.E. Thomas, Service d’avocats de la défense, avocat du caporal S.T. Scott

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