Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 12 décembre 2016

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, pièce 505, salle d’audience, Halifax (NÉ)

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 114 LDN, a commis un vol, étant, par son emploi, chargé de la garde ou de la distribution de l’objet volé ou d’en avoir la responsabilité.
Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, vol (art. 334a) C. cr.).
Chef d’accusation 3 : Art. 124 LDN, a exécuté avec négligence une tâche militaire.

Résultats :

VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Retirés. Chef d’accusation 3 : Coupable.
SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 1500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Barker, 2016 CM 1025

 

Date : 20161214

Dossier : 201562

 

Cour martiale permanente

 

Salle d’audience 505

Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot-chef S.G. Barker, contrevenant

 

 

En présence du Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Le matelot-chef Barker a reconnu sa culpabilité à l’égard d’un chef d’accusation d’exécution négligente d’une tâche militaire lui incombant en vertu de l’article 124 de la Loi sur la défense nationale (LDN).

 

Détails :          En ce que, entre le 1er avril 2014 et le 31 juillet 2014, à ou aux environs de la 12e Escadre Shearwater, en Nouvelle‑Écosse, alors qu’il travaillait comme superviseur de l’hébergement, a exécuté ses tâches d’une manière négligente en omettant de protéger et de contrôler adéquatement des fonds publics d’un montant de 14 889,05 $ perçus au titre de l’hébergement au Pavillon Warrior, 12e Escadre Shearwater.

 

[2]               Les circonstances relatives à la perpétration de l’infraction indiquent que le matelot‑chef Barker était membre de la Force régulière et travaillait comme superviseur de l’hébergement au Pavillon Warrior, 12e Escadre Shearwater, Base des Forces canadiennes (BFC) Halifax entre avril 2014 et juillet 2014. Le 4 septembre 2014, l’unité de la police militaire Halifax a reçu une allégation de vol de fonds publics du Pavillon Warrior, 12e Escadre Shearwater, BFC Halifax. Au cours de la période d’avril 2014 à juillet 2014, aucune somme perçue au titre de l’hébergement n’a été déposée auprès du caissier de la 12e Escadre Shearwater. Il incombait au superviseur de l’hébergement, le matelot‑chef Barker, de déposer cette somme auprès du caissier de la 12e Escadre Shearwater. L’omission du matelot‑chef Barker d’exécuter sa tâche consistant à effectuer les dépôts a été découverte à la suite de la demande de renseignements d’un membre qui se demandait pourquoi son chèque émis en paiement de l’hébergement n’avait pas été encaissé et du transfert des tâches du contrevenant à un autre militaire.

 

[3]               La vérification des reçus relatifs à l’hébergement au Pavillon Warrior a démontré qu’on avait perdu la trace d’une somme de 14 889,05 $, versée au matelot‑chef Barker, au cours de la période où il était le superviseur de l’hébergement. Pendant la période au cours de laquelle le matelot‑chef Barker a été le superviseur de l’hébergement, peu de dépôts ont été effectués auprès du caissier de la 12e Escadre Shearwater ou du receveur général. Ce n’est qu’après le transfert des tâches à son successeur que le matelot‑chef Barker a effectué les dépôts suivants : le 2 septembre 2014, un dépôt de 766,20 $ a été effectué auprès du caissier de la 12e Escadre Shearwater; le 3 septembre 2014, un dépôt de 6 453,65 $ a été effectué auprès du commis du directeur des finances du receveur général; et le 5 septembre 2014, un dépôt de 1 268,05 $ a été effectué auprès du commis du directeur des finances du receveur général, dont 1 090,05 $ en chèques personnels. Globalement, cela indique que sur la somme totale reçue par le matelot‑chef Barker, alors qu’il était superviseur de l’hébergement, la somme dont on n’avait toujours pas retrouvé la trace s’élevait à 6 401,15 $. La somme manquante de 6 401,15 $ a depuis été retenue sur la paie du matelot‑chef Barker.

 

[4]               En sa qualité de superviseur de l’hébergement, le matelot‑chef Barker connaissait ses tâches, qui consistaient à :

 

a)                  percevoir les sommes reçues à titre de paiement de l’hébergement dans les chambres du Pavillon Warrior;

 

b)                  veiller à la manipulation et à la protection adéquates de ces sommes;

 

c)                  déposer la totalité de ces sommes auprès du caissier concerné en temps opportun.

 

Il est également établi qu’entre avril 2014 et juillet 2014, le matelot‑chef Barker, plutôt que de déposer les sommes auprès du caissier, a choisi d’en prendre une partie et de l’amener chez lui. Ce faisant, il n’a pas assuré la sécurité et l’intégrité des sommes qui lui étaient confiées. Ses actes constituent un écart marqué par rapport à la norme attendue de la part d’une personne raisonnable dans l’ensemble des circonstances de la présente affaire.

 

[5]               Lors de l’audience de la détermination de la sentence, la poursuite a fait entendre deux témoins, à savoir le premier maître de 1re classe Mosher et le premier maître de 2e classe Deschaines. En résumé, ils ont témoigné relativement au rôle et aux responsabilités du superviseur de l’hébergement, qui travaille pour l’officier d’administration de la base à la BFC Halifax et qui est responsable de diverses installations, dont la 12e Escadre Shearwater. Le premier maître de 1re classe Mosher a indiqué que le poste d’officier de l’hébergement en est un de confiance. Il a ajouté qu’il est devenu le premier-maître, officier d’administration de la base à la BFC Halifax à la fin d’octobre 2015 et qu’il n’avait jamais rencontré le matelot‑chef Barker avant cette cour martiale. Invité à décrire les répercussions de l’exécution négligente de ses tâches par le matelot‑chef Barker sur le moral et la discipline de l’unité, le premier maître de 1re classe Mosher a indiqué qu’il a visité le personnel en compagnie du commandant et du commandant en second en octobre 2015 et que rien ne lui avait été signalé et que tout semblait bien aller à l’époque. Il n’était pas au courant de ce qui s’était passé.

 

[6]               Le premier maître de 2e classe Deschaines a indiqué qu’il est actuellement le conseiller de la Branche pour l’Est du Canada pour le poste de steward (poste occupé par le matelot‑chef Barker) en plus d’être le gestionnaire des logements pour célibataires à la BFC Halifax. Il a décrit les fonctions et responsabilités d’un steward dans les Forces armées canadiennes (FAC) et, en particulier, dans la Marine. On confie aux stewards le soin et la garde des biens qui leur sont remis et ils doivent assurer le moral des membres de l’unité et leur apporter du soutien. Ils sont responsables des services de restauration, des mess et de la bonne gestion. Dans son témoignage, le premier maître de 2e classe Deschaines a indiqué qu’avant d’occuper son poste actuel, il a servi à bord du Navire Canadien de Sa Majesté (NCSM) St. John’s et a travaillé avec le matelot‑chef Barker, qui avait été affecté à bord du navire après les incidents ayant mené au présent procès. Il a déclaré que le matelot‑chef Barker avait été nommé superviseur des services d’alimentation dans le carré des officiers et avait été privé de tout pouvoir ou responsabilité à l’égard de la manipulation de l’argent comptant ou des comptes par la chaîne de commandement. Le premier maître de 2e classe Deschaines a supervisé le contrevenant pendant un an. Il a été en bons termes avec les autres, a très bien exécuté ses tâches, a atteint ses objectifs et a fait preuve d’un bon leadership auprès des plus jeunes.

 

[7]               L’avocat de la défense a fait entendre le maître de 1re classe Campbell, qui est le superviseur immédiat actuel du matelot‑chef Barker à bord du NCSM St. John’s depuis juillet 2015. Il a indiqué que le navire quittera Halifax, pour une période d’au moins six mois, en janvier 2017, et que l’équipe de commandement est, de façon générale, au courant des incidents concernant le matelot‑chef Barker. Le maître de 1re classe Campbell a déclaré que l’équipe de commandement veut que le matelot‑chef Barker continue à faire partie des membres de l’équipage et quitte le port en janvier avec tous les membres du NCSM St. John’s. Le maître de 1re classe Campbell a affirmé que, bien qu’aucune responsabilité financière n’ait été attribuée au matelot‑chef Barker en tant que superviseur du carré des officiers ou gérant du bar au cours de la dernière année, il a travaillé fort et s’est régulièrement offert pour rester tard et travailler à des fonctions afin d’aider les plus jeunes et aussi pour agir à titre d’instructeur en secourisme à bord du navire et pour d’autres navires également. Il a déclaré que le matelot‑chef Barker est perçu comme un bon mentor et apprécié de tous. Le maître de 1re classe Campbell a indiqué que le matelot‑chef Barker est maintenant qualifié pour agir à titre de maître de quart, une fonction qui est habituellement exercée par un membre ayant un grade plus élevé. Fait à signaler, le maître de 1re classe Campbell a indiqué qu’une fois l’instance devant la cour martiale terminée, la chaîne de commandement immédiate du matelot‑chef Barker a l’intention de lui confier progressivement des responsabilités financières à l’égard de divers comptes du carré des officiers.

 

[8]               L’avocat de la défense a également produit plusieurs documents à l’appui d’une atténuation de la sentence. Dix lettres ou notes de service de remerciements datées entre 2007 et 2015, qui reconnaissaient la contribution du matelot‑chef Barker, comme membre d’une équipe ou à titre personnel, dans le cadre de divers événements au fil des ans. Fait plus important, la Cour s’est vu remettre ses plus récentes revues du développement du personnel (RDP) pour l’année 2016 ainsi que les notes de l’officier divisionnaire, de février 2016 à novembre 2016, concernant le contrevenant. En bref, son rendement au cours de la dernière année a été décrit comme « très bon ». On l’a félicité pour sa contribution exceptionnelle à titre de chef et de mentor auprès de l’équipe de stewards et de l’équipage du navire.

 

[9]               Dans le contexte particulier d’une force armée, le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les FAC. Ce système vise à prévenir toute inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir le bon comportement. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité. Le système de justice militaire assure également le maintien de l’ordre public et veille à ce que les personnes assujetties au code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada. L’objectif fondamental de l’imposition d’une sentence en cour martiale est de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire en infligeant des peines qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  dénoncer le comportement illégal;

 

b)                  dissuader le contrevenant, mais aussi les autres personnes qui pourraient être tentées de perpétrer des infractions semblables;

 

c)                  isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société;

 

d)                  assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

e)                  susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinnquants, notamment par la reconnaince du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité;

 

f)                    la rééducation et la réadaptation du contrevenant.

 

[10]           La sentence doit également tenir compte des principes suivants :

 

a)                  la sentence doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de responsabilité;

 

b)                  l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

c)                  la cour doit aussi respecter l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraingnantes lorsques les circonstances le justifient. Autrement dit, les peines d’incarcération devraient constituer une sanction de dernier recours;

 

d)                  la sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant. Toutefois, la cour doit faire preuve de retenue lorsqu’elle détermine la peine en infligeant la sanction la moins sévère pour maintenir la discipline.

 

[11]           Bien que les circonstances de l’infraction indiquent que le contrevenant s’était vu confier la garde et le contrôle des sommes reçues en paiement de l’hébergement de ceux qui occupaient les chambres du Pavillon Warrior, le contrevenant n’a pas été déclaré coupable de l’infraction de vol prévue à l’article 114 de la LDN ou d’une infraction semblable prévue par le Code criminel. L’infraction établie à l’article 124 de la LDN n’en constitue pas moins une infraction grave qui se rapporte précisément à l’exécution d’une tâche militaire attribuée à une personne. La notion de négligence pénale s’applique en l’espèce, et elle implique que l’accusé devait respecter une norme de diligence du comportement et qu’il y a contrevenu ou n’a pas satisfait à la norme de diligence imposée. La personne déclarée coupable de cette infraction est passible de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ou d’une peine moindre.

 

[12]           La Cour estime que les éléments suivants constituent des facteurs atténuants dans les circonstances :

 

a)                  le plaidoyer de culpabilité du matelot‑chef Barker et le fait qu’il assume la responsabilité de ses actes;

 

b)                  l’absence d’antécédents criminels ou disciplinaires;

 

c)                  sa situation familiale et financière;

 

d)                  son excellent rendement sur le NCSM St. John’s depuis la perpétration de l’infraction.

 

[13]           La poursuite a demandé à la Cour d’infliger une peine de détention de 15 jours pour réaliser et promouvoir les objectifs de la dissuasion générale et de la dénonciation compte tenu des facteurs aggravants qui entrent en jeu dans la présente affaire, à savoir le poste de confiance occupé par le contrevenant à l’époque, la somme en cause et la gravité objective de l’infraction. Je conviens avec la poursuite qu’il s’agit des objectifs de la détermination de la sentence et des facteurs aggravants pertinents en l’espèce. Les personnes auxquelles sont confiés des fonds publics et non publics importants, au bénéfice des FAC et de ses membres, ont une tâche militaire importante qui doit être exécutée avec vigilance et rigueur. Toutefois, la Cour n’est pas convaincue que la détention est la peine la moins sévère pour promouvoir ces objectifs dans les circonstances.

 

[14]           À l’appui de sa position, la poursuite a présenté la jurisprudence suivante, à savoir : R. c. Roche, 2010 CM 4001, R. c. Price, 2009 CM 4009 et R. c. Bélanger, 2010 CM 3011. Le thème commun à ces trois affaires réside dans le fait que des fonds avaient été confiés à tous ces contrevenants. Toutefois, Price et Roche (pour la deuxième fois, dans son cas) ont été déclarés coupables d’une infraction objectivement plus grave, soit celle de vol d’un objet dont l’auteur était chargé de la garde en contravention de l’article 114 de la LDN. Quant à Bélanger, il a été déclaré coupable d’une infraction prévue à l’article 116 de la LDN pour avoir perdu 6 673,18 $ de fonds non publics alors qu’il était le commis‑chef de son unité. En infligeant une amende au montant de 1 000 $, le juge qui présidait a souligné que le cumul des tâches attribuées au contrevenant à l’époque, ainsi que les autres facteurs atténuants, l’autorisaient à souscrire à la soumission conjointe présentée par les avocats « parce que souvent la norme dans les causes de cette nature‑là, on va y retrouver une réprimande et une amende » (Bélanger, au paragraphe 19).

 

[15]           La défense a soutenu que l’incarcération ne devrait pas être infligée dans les circonstances en se fondant sur les principes généraux énoncés dans les décisions rendues par la Cour d’appel de la cour martiale dans les affaires Legaarden, Deg et St. Jean. L’avocat de la défense a fait valoir qu’une amende au montant de 1 000 $ à 1 500 $, qui pourrait être assortie d’une réprimande, constituerait une sentence appropriée. Je suis en partie d’accord avec la défense. Les circonstances relatives à la perpétration de l’infraction sont graves. Elles mettent en évidence un degré élevé de négligence dans la disparition de 6 401,15 $ qui demeure inexpliquée, malgré le fait que la paie du matelot‑chef Barker a été réduite d’une somme correspondante. La réprimande ne serait pas suffisante, à mon avis, pour dénoncer suffisamment le comportement du contrevenant.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[16]           VOUS DÉCLARE coupable à l’égard d’un chef d’accusation d’avoir exécuté avec négligence une tâche militaire vous incombant, en vertu de l’article 124 de la LDN.

 

[17]           VOUS CONDAMNE à un blâme et à une amende au montant de 1 500 $. L’amende sera payable en versements mensuels consécutifs de 200 $ à compter du 1er février 2017 jusqu’au paiement complet.


 

Avocats :

 

Le Directeur des poursuites militaires, représenté par le lieutenant de vaisseau C.Y. MacKinnon

 

Monsieur David Bright, BoyneClarke LLP, 99 chemin Wyse, Dartmouth (Nouvelle‑Écosse), avocat du matelot‑chef S.G. Barker

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