Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 29 novembre 2016

Endroit : BFC Kingston, RTIFC, 20 avenue Redpatch, Kingston (ON)

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 93 LDN, comportement déshonorant.

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable.
SENTENCE : Une rétrogradation au grade de lieutenant.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Christensen, 2016 CM 1026

 

Date : 20161129

Dossier : 201617

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Kingston

Kingston (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Capitaine D.T. Christensen, contrevenant

 

 

En présence du :  Colonel M. Dutil, J.M.C.

 

 

[traduction française officielle]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Vous avez reconnu votre culpabilité à l’égard de l’infraction de comportement déshonorant en vertu de l’article 93 de la Loi sur la défense nationale. Le chef d’accusation se lit comme suit :

 

Deuxième chef d’accusation

Art. 93 (LDN)

(subsidiaire au premier chef

d’accusation)

COMPORTEMENT DÉSHONORANT

 

Détails : En ce que, le ou vers le 10 juin 2015, au 4‑12B promenade Ypres, BFC (Kingston), Ontario, il a agressé le sergent H.R.H.

 

 

[2]               Dans le contexte d’une force armée, le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces armées canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou, de façon plus positive, de veiller à promouvoir le bon comportement. Le système de justice veille aussi au maintien de l’ordre public et fait en sorte que les personnes assujetties au code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[3]               Aujourd’hui, les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une soumission conjointe relative à la sentence, demandant une rétrogradation au grade de lieutenant. Cette soumission conjointe est présentée dans le contexte de l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada, R. c. Anthony‑Cook, 2016 CSC 43, que le juge Moldaver a prononcé au nom de la Cour le 21 octobre 2016. La Cour suprême a énoncé le critère juridique que les juges du procès devraient appliquer pour décider s’il est approprié, dans une affaire donnée, d’écarter une soumission conjointe. La Cour a affirmé que le critère de l’intérêt public est celui que les juges du procès devraient appliquer, c’est‑à‑dire qu’un juge du procès ne devrait pas écarter une soumission conjointe relative à la sentence, à moins que la sentence proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Ce que cela signifie, c’est que les juges du procès ne devraient écarter une soumission conjointe que lorsqu’une personne renseignée et raisonnable estimerait que la sentence proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Pour les juges, il s’agit donc d’un seuil élevé à respecter.

 

[4]               La Cour suprême du Canada reconnaît que, le fait, pour les avocats de la poursuite et de la défense, de convenir d’une soumission conjointe relative à la sentence en échange d’un plaidoyer de culpabilité constitue une pratique acceptée et tout à fait souhaitable. Les ententes de cette nature sont monnaie courante, et elles sont essentielles au bon fonctionnement de notre système de justice pénale, et j’ajouterais de notre système de justice militaire. La perspective d’une soumission conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. Les soumissions conjointes offrent aussi d’autres avantages, notamment celui d’éviter aux victimes de témoigner relativement aux circonstances des infractions ou celui de réduire l’anxiété des personnes appelées à témoigner dans ces contextes également. Elles comportent donc de nombreux avantages, et la Cour suprême l’a reconnu.

 

[5]               Cela signifie également que la présentation de soumissions conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de la détermination de la sentence contestée.

 

[6]               En résumé, pourquoi s’agit‑il d’une bonne approche?

 

a)         Elle est appropriée et nécessaire pour le système; cela ne fait aucun doute.

 

b)         Elle apporte la certitude à l’accusé, en ce sens qu’il renonce à son droit à un procès, et aussi, l’avantage le plus évident tient certainement au fait que le ministère public ou la poursuite accepte de recommander une sentence que l’accusé est disposé à accepter. Cette soumission est susceptible d’être plus clémente que ce à quoi l’accusé pourrait s’attendre à l’issue d’un procès ou d’une audience de la détermination de la sentence contestée. Et les personnes accusées qui plaident coupables ou reconnaissent leur culpabilité rapidement sont en mesure de minimiser le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour les contrevenants qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion de commencer à reconnaître leurs torts à l’égard de ce qu’ils ont fait. Il y a donc un avantage pour l’accusé, mais il y a également un avantage pour le ministère public ou la poursuite.

 

c)         Pour la poursuite, elle réduit au minimum les risques liés à la tenue d’un procès où des questions de preuve peuvent ou non être soulevées et permet assurément d’obtenir une déclaration de culpabilité. Du point de vue de la poursuite, la garantie d’une déclaration de culpabilité qui accompagne un plaidoyer de culpabilité rend le règlement souhaitable. Comme je l’ai déjà dit, un autre avantage tient au fait que le ministère public peut décider de conclure une soumission conjointe parce qu’il estime qu’il s’agit de la meilleure approche pour les victimes ou les autres témoins. Lorsqu’un accusé plaide coupable en échange d’une soumission conjointe relative à la sentence, on épargne aux victimes et aux témoins le coût, au plan émotionnel, d’un procès. De plus, les victimes peuvent trouver du réconfort dans un plaidoyer de culpabilité, étant donné que cela indique que l’accusé reconnaît sa responsabilité et peut, dans de nombreux cas, équivaloir à une expression sincère de remords. La Couronne en tire donc également un avantage.

 

[7]               Cette approche reconnue par la Cour suprême du Canada s’appuie largement sur le travail effectué par le procureur de la poursuite, en tant que représentant de l’intérêt de la collectivité, tel qu’il est énoncé par le capitaine Langlois de la poursuite, et l’avocat de la défense, qui agit dans l’intérêt supérieur de l’accusé. Les avocats doivent évidemment fournir à la cour un compte rendu complet de la situation du contrevenant et des circonstances de l’infraction, et la soumission conjointe devrait faire état de ces renseignements sans que le juge du procès ait à les demander, ce qui a été fait en l’espèce. Puisque les juges du procès sont tenus de ne s’écarter que rarement des soumissions conjointes, les avocats ont l’obligation corollaire de s’assurer qu’ils justifient amplement leur soumission, en indiquant surtout leur position en fonction des faits de la cause, tels qu’ils ont été présentés en audience publique. C’est ce qui a été fait aujourd’hui dans l’énoncé des circonstances, qui est très détaillé et très complète.

 

[8]               La Cour a été informée que le contrevenant est âgé de 27 ans et s’est enrôlé dans les Forces armées canadiennes en 2011. Il a des antécédents disciplinaires pour une infraction de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline pour avoir montré des photos d’un membre nue à un autre officier sans son consentement. Il a été déclaré coupable en juin 2015 et s’est vu infliger une réprimande et une amende au montant de mille deux cents dollars. Aucune autre déclaration de culpabilité n’a été prononcée relativement à ce contrevenant. Il est célibataire et a récemment amorcé une nouvelle relation. Son commandant a fourni des renseignements concernant les répercussions que la perpétration de l’infraction a eues sur l’unité, mais il a également fait état des progrès importants accomplis par le contrevenant tant dans sa vie personnelle que dans sa vie professionnelle depuis l’incident. Enfin et surtout, la Cour s’est vu remettre une déclaration de la victime, le sergent Hawes, qui est venue aujourd’hui et a lu sa déclaration devant la cour. Elle a parlé des répercussions, sur les plans physiques et émotifs, de ces incidents ou de cet événement. Elle a aussi déclaré ou lu qu’il en avait résulté des répercussions sur le plan économique. C’est donc ce que la Cour doit examiner dans le contexte de la présente soumission conjointe.

 

[9]               Enfin, la Cour est convaincue que, dans les circonstances, les avocats se sont acquittés de leurs obligations en appui de leur soumission conjointe relative à la sentence et la Cour estime que celle‑ci satisfait au critère de l’intérêt public.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[10]           VOUS DÉCLARE coupable de l’infraction de comportement déshonorant en vertu de l’article 93 de la Loi sur la défense nationale. La Cour ordonne une suspension d’instance à l’égard du chef d’accusation subsidiaire d’agression sexuelle en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale en contravention de l’article 271 du Code criminel.

 

[11]           VOUS CONDAMNE à une rétrogradation au grade de lieutenant.


Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le capitaine L. Langlois

 

Monsieur D.M. Hodson, 16 rue Lindsay North, Lindsay (Ontario) et le capitaine P. Cloutier, service d’avocats de la défense, avocats du capitaine D.T. Christensen

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