Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 13 septembre 2016

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, Victoria (CB)

Chefs d’accusation :

Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
SENTENCE : Une amende au montant de 250$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R. c. Korolyk, 2016 CM 1015

 

Date :  20160914

Dossier :  201627

 

Cour martiale générale

 

Base des Forces canadiennes Esquimalt

Victoria (Colombie-Britannique), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot de 1re classe K.N. Korolyk, contrevenante

 

 

En présence de : Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

NOTE:     Les données personnelles ont été caviardées conformément à « L’usage de renseignements personnels dans les jugements et protocole recommandé », approuvé par le Conseil canadien de la magistrature.

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]        Le matelot de 1re classe Korolyk a reconnu sa culpabilité à l’égard de deux chefs d’accusation de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale. Les chefs d’accusation se lisent comme suit :


 

            [TRADUCTION]

PREMIER CHEF D’ACCUSATION

ACTE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE

 

Art. 129 LDN

Détails : En ce que, le ou vers le 9 avril 2014, à ou près de la BFC ESQUIMALT, à Esquimalt (Colombie-Britannique), elle a sciemment signé le nom d’un membre des FAC, XXXXX mat 2 Kevin Colson, sur un formulaire au nom de ce membre des FAC avisant la Banque du Canada d’un changement d’adresse concernant le régime d’épargne-salaire des Obligations d’épargne du Canada numéro XXXXX, avec l’intention d’y faire donner suite comme authentique

 

DEUXIÈME CHEF D’ACCUSATION

ACTE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE

 

Art. 129 LDN

Détails : En ce que, le ou vers le 6 mai 2014, à bord du NCSM ALGONQUIN, elle a fait envoyer un document par le télécopieur du navire, soit un formulaire sur lequel la signature semblait être celle de XXXXX mat 2 Kevin Colson, avisant la Banque du Canada au nom du mat 2 Colson d’un changement d’adresse concernant le régime d’épargne-salaire des Obligations d’épargne du Canada numéro XXXXX, en sachant que ledit formulaire n’avait pas été signé par XXXXX mat 2 Kevin Colson.

 

[2]        Les faits entourant la perpétration des infractions sont décrits dans le Sommaire des circonstances. En résumé, il appert que le matelot de 1re classe Korolyk a été affectée à la Base des Forces canadiennes Esquimalt en tant que commis le 2 mai 2011. Le 14 janvier 2013, elle a été mutée au NCSM Protecteur. Elle a été mutée sur le NCSM Algonquin du 4 avril 2014 au 16 juin 2014. Elle vivait en union de fait avec le matelot de 2e classe Colson depuis 2009. Le couple avait convenu que leurs chèques de paie seraient déposés dans un compte conjoint et que le matelot de 1re classe Korolyk gèrerait les finances du ménage. Le couple a fait cet arrangement, notamment parce que le matelot de 2classe Colson était aux prises avec des problèmes de santé. Le 3 janvier 2014, le matelot de 2e classe Colson et le matelot de 1re classe Korolyk ont déménagé au 429 Thetis Crescent, à Victoria. Au mois d’avril 2014, elle a demandé à son conjoint de quitter leur domicile. Il a déménagé et est demeuré Bernay’s Block pendant environ un mois. Après ce séjour au Bernay’s Block, il a vécu parfois au 429 Thetis Crescent et parfois chez un ami. Il a déménagé dans sa propre résidence en octobre 2014. Malgré la séparation, ce n’est qu’en octobre 2014 qu’il a changé son adresse postale. Les paies des deux parties étaient toujours déposées dans le compte conjoint et le matelot de 1re classe Korolyk a continué à gérer les finances du ménage au 429 Thetis Crescent. Le 9 avril 2014, elle a signé un formulaire de changement d’adresse au nom du matelot de 2e classe Colson, demandant à la Banque du Canada de prendre note du changement d’adresse pour le régime d’épargne-salaire des Obligations d’épargne du Canada (OÉC) numéro XXXXX, un régime auquel le matelot de 2 e classe Colson cotisait uniquement au moyen de délégations de solde. Ce formulaire de changement d’adresse modifiait l’adresse inscrite au régime OÉC, remplaçant l’ancienne adresse du couple par 429 Thetis Crescent. Elle n’a pas indiqué sur ce formulaire de la Banque du Canada qu’elle signait au nom du matelot de 2e classe Colson. Le 6 mai 2014, alors qu’elle était à bord du NCSM Algonquin, elle a envoyé ou fait envoyer à la Banque du Canada, par télécopieur du bureau du navire, le formulaire de changement d’adresse pour le régime OÉC XXXXX. Le 9 mai 2014, elle a signé une demande/autorisation d’indemnité de vie chère en région (IVCR), indiquant qu’elle ne demeurait plus dans une résidence principale habitée par un autre militaire ayant droit à l’IVCR, puisqu’à ce moment-là elle ne partageait plus sa résidence avec le matelot de 2e classe Colson. Elle a été libérée des Forces armées canadiennes le 28 juin 2016 pour des raisons médicales.

 

[3]               Au cours de l’audience de la détermination de la peine, la poursuite a présenté deux témoins afin d’établir que le comportement de la contrevenante avait eu des répercussions opérationnelles sur les autres commis à bord du NCSM Protecteur. Lorsqu’elle a été assignée à d’autres tâches au sein de la flotte et qu’elle est retournée au navire quelques mois plus tard, ses accès au Système de gestion de ressources humaines (SGRH) et aux systèmes de paie comme commis de soutien à la gestion des ressources (SGR) avaient été retirés pour des motifs liés à l’OÉC. La Cour n’a toutefois pas connaissance du fondement factuel et des motifs sur lesquels s’est appuyée la chaîne de commandement pour prendre cette décision et n’est pas en position d’émettre une hypothèse sur le poids qui a été accordé aux faits présentés à la Cour au sujet de la prise de ladite décision.

 

[4]               Les parties se sont également entendues sur certains faits. La contrevenante est actuellement âgée de 30 ans et demeure maintenant à Halifax avec son mari et un enfant de quatre ans. Le matelot de 1re classe Korolyk était en poste et à bord du NCSM Protecteur lorsqu’un feu est survenu sur ce bateau. Elle est atteinte des troubles de santé suivants : anxiété, dépression et affections connexes. Elle souffre d’attaques de panique, de manque de sommeil, d’absence d’intérêt et de difficulté à sortir de chez elle. Elle ne souffrait pas de ces troubles avant de s’enrôler dans les Forces armées canadiennes. Après avoir examiné son dossier, Anciens Combattants Canada a décidé que ces troubles de santé étaient imputables à des expériences vécues pendant son service dans les Forces armées canadiennes. Ces expériences, qui ont une incidence sur les troubles de santé du matelot de 1re classe Korolyk, ne sont pas uniquement liées à l’incendie survenu à bord du NCSM Protecteur. Son revenu actuel consiste en des prestations d’invalidité de longue durée d’un montant net d’impôt de 2 900 $ par mois. Son objectif à long terme est d’obtenir un emploi administratif dans un environnement compatible avec les caractéristiques de son état de santé. Elle suit un cours à distance au collège Algonquin pour devenir une adjointe administrative. La contrevenante et son mari conservent leurs finances séparées; sa part des dépenses communes mensuelles s’élève à 1 100 $. Elle a également des dépenses personnelles courantes de 1 625 $ par mois.

 

[5]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine en cour martiale est d’assurer le respect de la loi et de la discipline militaire par l’infliction de sanctions qui répondent à un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         dénoncer le comportement illégal;

 

b)         dissuader le contrevenant, mais aussi les autres personnes qui pourraient être tentées de commettre de semblables infractions;

 

c)         isoler au besoin les contrevenants du reste de la société;

 

d)         assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

 

e)         susciter la conscience de leurs responsabilités chez les contrevenants et la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité; et

 

f)         la réformation et la réinsertion sociale du contrevenant.

 

[6]        La peine doit également tenir compte des principes suivants :

 

a)         la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de responsabilité;

 

b)         elle doit être semblable à celles infligées à des contrevenants ayant commis des infractions semblables dans des circonstances semblables;

 

c)         la Cour doit aussi respecter le principe que le contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si des sanctions moins contraignantes peuvent être justifiées dans les circonstances. Autrement dit, des peines d’incarcération devraient constituer une sanction de dernier recours; et

 

d)         la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes pertinentes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant. Cependant, la Cour doit faire preuve de retenue lorsqu’elle détermine la peine en infligeant la sanction la moins sévère possible pour maintenir la discipline.

 

[7]        Il ne s’agit pas ici d’un commis ayant utilisé ses connaissances, son expérience et son accès spécial aux systèmes financiers pour commettre des actes frauduleux ou voler un bien qui lui a été confié. Il s’agit plutôt d’une situation où une conjointe a signé un formulaire de changement d’adresse au nom de son conjoint et a demandé à la Banque du Canada de prendre note du changement d’adresse pour un régime d’épargne-salaire des OÉC auquel seul son conjoint, qui travaillait également pour le même employeur, cotisait au moyen de délégations de solde. Elle a ensuite envoyé ou fait envoyer le formulaire à la Banque du Canada par voie du télécopieur de son employeur, soit le bureau du navire du NCSM Algonquin. De savoir s’il y a plus à cette histoire que ce qui est ici rapporté n’est pas pertinent. La Cour est liée par les chefs d’accusation qui lui sont présentés et les éléments de preuve à l’appui. Néanmoins, le comportement doit être dénoncé et le fait que la matelot de 1re classe Korolyk ait dû passer par le processus judiciaire pour répondre de ce comportement devrait envoyer un message clair aux autres qu’ils ne doivent modifier en aucune façon des documents en ayant l’intention de les faire reconnaître comme authentique et ce, même pour simplement aviser d’un changement d’adresse. La poursuite a demandé à la Cour de condamner la contrevenante à un blâme et à une amende au montant de 2 000 $. Les accusations et les faits au soutien de celles-ci ne justifient pas une combinaison de peines aussi sévère. Par ailleurs, la suggestion de la défense paraît trop légère dans les circonstances.

 

[8]        Les circonstances aggravantes et atténuantes particulières de la présente affaire, outre les éléments généralement liés à la gravité des infractions et à la culpabilité morale du contrevenant, sont limitées. La preuve indique que la décision de lui retirer ses accès privilégiés au SGRH et aux systèmes de paie a été prise pour des motifs autres que le facsimile envoyé à la Banque du Canada. Autrement dit, s’il existe d’autres faits à cette histoire, la Cour n’en a pas été avisée. L’état d’esprit blâmable de la contrevenante réside dans le fait qu’elle a envoyé un formulaire à la Banque du Canada au nom de son conjoint, en sachant qu’il n’avait pas signé le formulaire. Il n’y a pas de preuve de dépossession ou d’autre acte fautif; il s’agit uniquement d’un avis de changement d’adresse.

 

[9]        La Cour considère que les éléments suivants sont des facteurs atténuants dans les circonstances :

 

a)         le plaidoyer de culpabilité du matelot de 1re classe Korolyk. Elle a plaidé coupable à la première occasion. Son aveu de culpabilité indique qu’elle accepte la responsabilité de ses actes;

 

b)         l’absence d’antécédents criminels et disciplinaires; et

 

c)         son état de santé ainsi que sa situation familiale et financière.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[10]      VOUS DÉCLARE coupable des deux chefs d’accusation portés en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale relativement à des actes préjudiciables au bon ordre et à la discipline.

 

[11]      VOUS CONDAMNE à une amende au montant de 250 dollars.


 

Avocats :

 

Major E.J. Cottrill et capitaine de frégate S.M Archer pour le directeur des poursuites militaires

 

Lieutenant-colonel D. Berntsen, service d’avocats de la défense, avocat du matelot de 1re classe K.N. Korolyk

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