Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 26 janvier 2015.

Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC) et BFC Petawawa, édifice L-106, 48 terrain de parade Nicklin, Petawawa (ON).

Chefs d’accusation :

• Chef d’accusation 1 : Art. 97 LDN, ivresse.
• Chefs d’accusation 2, 3 : Art. 85 LDN, a insulté verbalement un supérieur.

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Non coupable.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Pear, 2015 CM 3021

 

Date : 20150409

Dossier : 201366

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario), Canada

 

Entre :

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Adjudant W.L. Pear, requérant

 

 

En présence du Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J. M.


 

[traduction française officielle]

 

MOTIFS D’UNE DÉCISION CONCERNANT UNE DEMANDE D’ACCÈS À LA BIBLIOTHÈQUE DU CABINET DU JUGE-AVOCAT GÉNÉRAL

 

(Oralement)

 

[1]        L’adjudant Pear est accusé d’une infraction d’ordre militaire en vertu de l’article 97 de la Loi sur la défense nationale, soit de s’être trouvé en état d’ivresse pendant un dîner militaire à la Base des Forces canadiennes (BFC) Petawawa, le ou vers le 1er novembre 2012, et de deux infractions d’ordre militaire visées à l’article 85 de la Loi sur la défense nationale (LDN), soit d’avoir tenu des propos insultants à l’endroit d’un supérieur au cours du même dîner militaire.

 

[2]        Le requérant cherche à obtenir de la Cour une ordonnance autorisant l’avocat de la défense à accéder à la bibliothèque du Cabinet du Juge-avocat général (JAG), seul, pendant une semaine, pour se préparer en vue du procès, et à consulter les registres de toutes les cours martiales contenus dans cette bibliothèque, y compris les décisions rendues par lesdites cours.

 

[3]        Le 26 janvier 2015, le requérant a modifié sa requête, indiquant qu’il ne demandait plus l’accès à la bibliothèque du Cabinet du JAG, mais plutôt aux décisions des cours martiales. La preuve présentée à la Cour en l’espèce comporte un affidavit de Mme Nicole Bélanger-Drapeau, un affidavit de Mme Leeann Jamieson, de même que la Politique sur l’accès aux documents judiciaires de la Cour suprême du Canada et le Modèle de politique sur l’accès aux archives judiciaires au Canada du Conseil canadien de la magistrature.

 

[4]        Essentiellement, les faits sont les suivants :

 

a)                  le 22 juillet 2014, l’avocat de la défense a demandé par une lettre au Cabinet du JAG à accéder sans restriction à la bibliothèque du JAG pendant une semaine en septembre 2014;

 

b)                  le 3 septembre 2014, il a renouvelé sa demande en envoyant une autre lettre;

 

c)                  en septembre 2014, comme le souligne l’avocat de la défense dans l’une de ses réponses, une lettre sans date a été reçue par son cabinet entre le 8 et le 12 septembre; cette lettre accusait réception de sa demande d’accès à la bibliothèque du Cabinet du Juge-avocat général et le renvoyait au Cabinet du juge militaire en chef;

 

d)                  le 8 septembre 2014, l’avocat de la défense a envoyé une lettre au Cabinet du juge militaire en chef dans laquelle il demandait l’autorisation d’accéder aux décisions des cours martiales;

 

e)                  le 15 septembre 2014, l’administratrice de la cour martiale a répondu par écrit qu’elle était disposée à fournir les décisions des cours martiales que l’avocat de la défense indiquerait; ce qui, comme je le ferai remarquer, serait très difficile. Si vous n’avez accès à aucun document, il est difficile de savoir lequel vous souhaitez obtenir;

 

f)                    l’avocat de la défense a donc répondu, le 23 septembre 2014, à l’administratrice de la cour martiale, et lui a à nouveau demandé l’accès aux décisions des cours martiales;

 

g)                  c’est le 2 octobre 2014 que l’administratrice de la cour martiale lui a offert l’accès aux décisions des cours martiales depuis 1971. Par conséquent, d’après ce que je comprends, il existe un sommaire de toutes ces décisions, de sorte que l’accès pourrait être accordé afin d’accélérer les recherches, et un accès complet serait accordé aux procès-verbaux de l’ensemble de ces cours, y compris aux décisions.

 

[5]        Essentiellement, le requérant s’appuie sur le paragraphe 179(1) de la LDN pour demander à la Cour d’ordonner l’accès aux décisions des cours martiales.

 

[6]        Le paragraphe 179(1) de la LDN est rédigé comme suit :

 

La cour martiale a, pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, ainsi que pour la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses ordonnances et toutes autres questions relevant de sa compétence, les mêmes attributions qu’une cour supérieure de juridiction criminelle, notamment le pouvoir de punir l’outrage au tribunal.

 

[7]        Le requérant invoque principalement le dernier point que j’ai mentionné, à savoir « toutes autres questions relevant de sa compétence », pour demander à la Cour d’exercer sa compétence et d’ordonner l’accès aux décisions des cours martiales.

 

[8]        Je dirais que, malheureusement, je ne partage pas cette opinion. L’accès aux décisions n’est pas une question « relevant » de la compétence de la Cour dans l’affaire qui l’occupe. Cette disposition ne confère pas à la Cour le pouvoir d’ordonner à un particulier ou à une organisation qui n’a aucun rapport avec la présente instance de faire quelque chose.

 

[9]        Si l’avocat de la défense cherche à faire faire quelque chose à quelqu’un, il peut s’adresser à un autre ressort pour obtenir une injonction ou une ordonnance de mandamus, ce que la Cour n’a pas le pouvoir d’apprécier.

 

[10]      Ce n’est pas parce qu’elle jouit de certains des pouvoirs d’une cour supérieure de juridiction criminelle que la cour martiale, en soi, est une cour supérieure. Sa compétence est très limitée, et je ne vois rien à l’article 179 de la LDN qui confère à la Cour le pouvoir de forcer ou d’obliger quelqu’un qui est étranger à la présente affaire à faire quelque chose.

 

[11]      Comme je l’ai mentionné plus tôt au cours de la présente instance, il est possible d’assigner comme témoin une personne ou un représentant dans le cadre d’une demande fondée sur la Charte concernant la violation d’un droit que garantit la Charte à l’accusé en rapport avec ce procès. La Cour devrait alors examiner les faits contestés dans le contexte dans lequel elle peut statuer. Je ne dis pas que c’est ce qu’il faut faire. Je pense que vos avocats ont les compétences nécessaires pour en décider, car je ne connais pas tous les faits de l’affaire. Je ne connais que ce qui m’a été présenté. Ce que je dirais, sans suggérer une autre manière de faire, c’est qu’il est certainement clair pour moi que le paragraphe 179(1) ne donne pas à la Cour le pouvoir de forcer quelqu’un à accorder un accès, surtout lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une personne dont il n’a pas été clairement déterminé, du point de vue juridique, qu’elle jouait un rôle dans l’instance.

 

[12]      Donc, sur le plan du droit, la cour martiale n’a pas le pouvoir de forcer une organisation comme le Cabinet du Juge-avocat général à accorder à l’avocat de la défense l’accès aux décisions des cours martiales, à moins que la question soit soumise à la Cour dans le contexte, je dirais, d’une demande fondée sur la Charte ou de toute autre demande pertinente, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Cela peut sembler injuste, en particulier dans un contexte où il est présumé que la poursuite a cet accès, et je l’ai mentionné pendant l’audience. En tant que surintendant du système de justice militaire, le JAG serait probablement en mesure de régler une telle question, puisque l’équité du processus est importante pour lui et pour tous les acteurs, y compris le procureur de la poursuite.

 

[13]           Quoi qu’il en soit, l’avocat de la défense a tout de même accès aux décisions des cours martiales depuis 1971; la Cour lui suggère de profiter de cet accès.

 

[14]           La Cour trouve cette situation regrettable et souhaite qu’elle trouve une issue acceptable, compte tendu de l’apparence d’injustice qu’elle peut créer à l’égard de l’approche du système de justice militaire.

 

[15]           Existe-t-il deux approches? Existe-t-il une approche pour les avocats qui détiennent le grade d’officier dans les Forces armées canadiennes? Existe-t-il une autre approche pour les avocats du secteur privé? On peut voir l’accès de deux manières différentes. Je n’ai pas la réponse à cette question, mais elle peut soulever, d’un point de vue externe, des questions concernant le traitement des avocats qui défendent un accusé devant la Cour.

 

[16]           Je ne suis pas dans un contexte où je serais saisi d’une demande différente. Je vais certainement me limiter à mes commentaires au sujet de cette question. Et comme je l’ai dit, je regrette qu’une telle question m’ait été soumise. Je pensais que l’accès aux décisions et aux procès-verbaux ne posait plus de problèmes de nos jours, mais il semble que je me sois trompé. C’est particulièrement vrai dans une affaire qui porte sur ce que l’on appelle une infraction purement militaire; ces types d’infractions ne se retrouvent pas dans le milieu civil, car elles sont propres au code de discipline militaire. Lorsque j’examine, du point de vue juridique, le pouvoir de la Cour par rapport à l’article 179 de la LDN, il est évident pour moi que la requête de l’adjudant Pear ne peut pas reposer sur cette disposition, ni sur aucune autre disposition.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[17]           REJETTE la requête présentée par le requérant en vue d’obtenir l’autorisation d’accéder à la bibliothèque du Cabinet du Juge-avocat général.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le major A.-C. Samson et le capitaine M.L.P.P. Germain

 

Messieurs M. Drapeau et J.M. Juneau, Cabinet juridique Michel Drapeau, 192, rue Sommerset Ouest, Ottawa (Ontario), avocats de l’adjudant W.L. Pear

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