Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 22 novembre 2016

Endroit : Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier, l’Académie, édifice 534, pièce 227, Courcelette (QC)

Chef d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
SENTENCE : Une amende au montant de 400$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Gagnon, 2016 CM 3020

 

Date : 20161122

Dossier : 201616

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier

Courcelette (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Adjudant J.M.B. Gagnon, contrevenant

 

 

En présence du : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Adjudant Gagnon, la Cour accepte et enregistre votre plaidoyer de culpabilité relativement au premier et seul chef d’accusation apparaissant à l’acte d’accusation et par le fait même vous déclare donc, coupable aujourd’hui de ce chef.

 

[2]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces armées canadiennes (FAC). Ce système a pour but de prévenir toute inconduite ou d’une façon plus positive de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les FAC s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès en toute confiance et fiabilité.

 

[3]               Le système de justice militaire veille également au maintien de l’ordre public et à s’assurer que les personnes assujetties au Code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               Ici le procureur de la poursuite et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine à être infligée. Ils ont recommandé que la Cour impose une amende de 400 dollars.

 

[5]               Bien que la Cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait s’en écarter que lorsqu’il a des raisons impérieuses de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la peine va à l’encontre de l’intérêt public tel qu’énoncé récemment par la Cour suprême du Canada dans la décision R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 au paragraphe 32 :

 

[32]         Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public.

 

[6]               La décision d’Anthony-Cook a récemment imposé un test plus rigoureux qui implique le fait que le juge n’a plus à déterminer la justesse de la peine. Je lisais en diagonal la décision du juge Pelletier. dans R. c. Laurin, 2015 CM 4011. Dans cette décision-là, le juge a déterminé la justesse de la peine ainsi que le fait que cela n’allait pas contre l’intérêt public. Maintenant, ce que la décision de la Cour suprême a indiqué aux juges, particulièrement dans notre cas, aux juges militaires, c’est que cette idée de la justesse de la peine, le fait que la peine est adéquate, le juge n’a plus à soupeser cela. Il a simplement à s’assurer que ça n’ira pas à l’encontre de l’intérêt public ou que cela ne déconsidère pas l’administration de la justice.

 

[7]               Pourquoi s’agit-il d’une meilleure approche? En ayant un test plus rigoureux et plus simple, comme les avocats l’ont évoqué, c’est approprié et nécessaire au système de justice. Il faut comprendre que dans le cadre de négociations, parce que dans le fond c’est les parties qui discutent sur la peine qui devrait être imposée par la Cour, le niveau de certitude est augmenté pour l’accusé. Il renonce à son droit à un procès, mais il faut qu’il ait un certain degré de certitude que l’accord auquel en sont venu les parties va être accepté. On ne peut pas être certain à cent pour cent, mais il faut qu’il ait quand même un certain degré de certitude si on décide de renoncer à son droit à un procès et à plaider non coupable.

 

[8]               D’autre part, le niveau de certitude va aussi augmenter pour la poursuite, parce que cela minimise le risque, évidemment, parce qu’elle a une forme de garantie qu’il y aura une condamnation.

 

[9]               Aussi, au niveau du système en général, c’est approprié et nécessaire parce que ça minimise le stress sur les acteurs, et aussi sur les autres participants, particulièrement les victimes et les témoins qui seraient appelés à venir à la cour. Donc, ces gens-là n’ont pas à se présenter, ils n’ont pas à passer devant la Cour. Et finalement, il y a des coûts juridiques qui sont minimisés. Passer deux heures devant la Cour par opposition à une semaine ou deux, évidemment, cela représente une différence dans les coûts qui sont énormes, particulièrement dans un système comme le nôtre où les témoins peuvent être n’importe où ailleurs que sur la base, donc il faut les faire venir. Il y a des questions de coût de déplacement, d’hôtel, l’attente, la productivité des gens ; tout ça on y gagne par le règlement. Donc, il s’agit d’une meilleure approche si on augmente le niveau de certitude. On sauve à d’autres endroits.

 

[10]           Quand est-ce que la Cour peut s’écarter de la recommandation? Seulement «lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice.» Et je cite ici essentiellement ce qui est dit dans l’arrêt Anthony-Cook au paragraphe 42. Faire «échec au bon fonctionnement du système de justice» est essentiellement le paramètre que doit considérer le juge lorsqu’il impose une sentence dans le cadre d’une suggestion commune.

 

[11]           Donc, comme je l’ai souligné et je le souligne encore, cette approche repose essentiellement sur le travail des avocats qui, dans le cadre de leur négociation, déterminent quelle serait la peine appropriée dans les circonstances. Cela n’appartient plus au juge. La poursuite agit à titre de représentant des intérêts de la communauté et de l’intérêt public, et l’avocat de la défense veille à agir dans les meilleurs intérêts de son client. C’est dans cette perspective que la suggestion commune est présentée au juge.

 

[12]           Ceci explique pourquoi dans le fond, je n’ai juste qu’a examiné la question d’intérêt public.

 

[13]           Adjudant Gagnon, vous avez vu ma réaction lorsque j’ai regardé la documentation. Sans vous connaître, juste la quantité, votre implication dans les FAC au niveau opérationnel et la carrière que vous avez eue, le document parlait de lui-même. Et comme vous voyez, même les avocats ont un très grand respect, et je présume que les gens qui sont ici ont un très grand respect pour tout ce que vous avez accompli. Et ce que je comprends du procureur de la poursuite, le respect va bien au-delà de ce que vous avez accompli, mais sur le fait aussi que vous y avez laissé une partie de votre santé. Je pense que ça aussi c’est reconnu et respecté. Vous avez fait passer plus souvent les FAC que vous-même et peut-être même votre famille et vous en avez subi les conséquences.

 

[14]           Sans regarder la justesse de la peine, je comprends de ce qui est dit par les avocats qu’il s’agit d’un acte isolé, totalement inhabituel compte tenu de votre passé et de votre présent, et ce qui peut expliquer les circonstances qui ont donné lieu à l’incident essentiellement sont reliées à votre état de santé plus qu’autre chose.

 

[15]           Je ne peux pas non plus commenter sur la justesse de vous amener aujourd’hui devant la Cour, mais je comprends très bien par contre qu’en faisant cela, il y a un risque de traumatisme. Mais ce n’est pas le but ; il y a une question de discipline. Je pense que vous êtes peut-être, parmi nous tous, le mieux placé pour comprendre la nécessité de la discipline au sein des FAC, pour l’avoir probablement vécu dans le cadre de plusieurs opérations comment cela peut-être important, et je pense que dans l’intérêt public, il y a des gens qui ont pensé qu’il était nécessaire, malgré toutes les circonstances que cela fasse l’objet d’une mesure disciplinaire.

 

[16]           Je comprends que dans le cadre des discussions entre les avocats, ils ont tenu compte de l’ensemble de vos réalisations au cours de votre carrière et aussi de votre état actuel. Je pense qu’ils ont cité beaucoup les gens qui vous soignent et ils ont donc particularisé la suggestion commune qui est devant moi aujourd’hui. Ils ont tenu compte de l’ensemble des circonstances. Évidemment ce n’est pas une décision qui pourrait être citée dans le futur pour dire que c’est la norme, je ne pense pas qu’ils ont voulu s’adapter à la norme, mais ils reflètent leur perspective ; c’est ce qui était approprié dans les circonstances.

 

[17]           Quant à moi, compte tenu des explications que j’ai reçues par le biais de la preuve et des plaidoiries des avocats, je ne peux pas faire autrement qu’accepter la recommandation des avocats relativement à cette suggestion commune, parce que ça ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et c’est loin, compte tenu des circonstances, de déconsidérer l’administration de la justice. Je pense que ça me semble dans l’intérêt public, une personne qui serait raisonnablement informée de l’ensemble des circonstances ne pourrait pas faire autrement que trouver cela tout à fait correct pour le système. On n’a pas l’impression que le système de justice va s’effondrer parce qu’on accepte une telle recommandation. Au contraire, je pense qu’il y a des gens qui m’encourageraient grandement à l’accepter compte tenu de tout ce que vous avez fait.

 

[18]           C’est avec grand respect, je pense, que tout le monde fait sa petite suggestion et je l’accepte. Je comprends que vous quitterez à une certaine date les FAC. Vous pourrez être fier de ce que vous aurez fait. La personne qui présidait le procès, dans sa sagesse, ne savait pas jusqu’à quel point votre état mental pourrait excuser votre geste, n’étant pas un juriste et n’étant pas une personne formée sur le plan juridique. Il a simplement voulu être prudent et remettre cela entre les mains des avocats et du juge pour être certain que vous ayez toutes les possibilités et que vous soyez traité en toute équité dans la mesure où votre état physique et mental pouvait constituer une excuse.

 

[19]           Cela ne constitue pas une excuse, mais d’un autre côté c’est un facteur, à ce que je comprends, qui est très, très, très atténuant. Parce que c’est tout à fait hors de l’ordinaire par rapport à ce qui est connu et par rapport à votre réputation pour ce que vous avez fait. Donc, ces circonstances expliquent le fait qu’on a dû vous faire revenir ici aujourd’hui, mais à ce que je comprends, c’est la dernière fois qu’on vous fait revenir de cette manière-là. Et tout ce que je peux vous souhaiter c’est bonne chance dans votre vie, parce qu’il en reste. À 54 ans je peux vous dire, il en reste encore quand même long. Alors je vous souhaite une retraite longue et paisible suite à tout ce que vous avez accompli. Et avoir l’occasion que vos proches puissent profiter finalement de votre présence.

 

[20]           Donc la Cour accepte la recommandation conjointe des avocats quant à la peine et vous condamne à une amende de 400 dollars étant donné que cette peine ne va pas à l’encontre de l’intérêt public, et n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[21]           DÉCLARE l’adjudant Gagnon coupable du premier chef d’accusation qui constitue l’infraction prévue à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale pour un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline et;

 

[22]           CONDAMNE l’adjudant Gagnon à une amende de 400 dollars payable en quatre versements égaux de 100 dollars débutant le 30 janvier 2017 et continuant ainsi pour les trois mois qui suivent.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major A.J. van der Linde

 

Major Gélinas-Proulx, service d’avocats de la défense, avocat de l’adjudant J.M.B. Gagnon

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.