Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 5 juillet 2017

Endroit : Centre de ressources pour les familles militaires de la 4e Escadre, édifice 674, chemin Kingsway, Cold Lake (AB)

Chefs d’accusation :

Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Chef d’accusation 3 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chefs d’accusation 2, 3 : Coupable.
SENTENCE : Un blâme et une rétrogradation au grade d’aviateur.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Stuart, 2017 CM 2004

 

Date : 20170705

Dossier : 201724

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Cold Lake

Cold Lake (Alberta), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal R.B. Stuart, contrevenant

 

 

En présence du :  Capitaine de frégate S.M. Sukstorf, J.M.


 

NOTE :     Les données personnelles ont été supprimées conformément à l’« Usage de renseignements personnels dans les jugements et protocole recommandé » du Conseil canadien de la magistrature.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]        Caporal Stuart, aujourd’hui, vous avez admis votre culpabilité relativement à deux chefs d’accusations figurant dans l’acte d’accusation. Le deuxième chef d’accusation, fondé sur l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, concerne une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline ;

 

            [traduction]

 

Détails : En ce que, entre janvier 2016 et mars 2016, à la base des Forces canadiennes Cold Lake (Alberta), il a induit en erreur des membres de la police militaire concernant le vol de son équipement militaire.

 

Le troisième chef, fondé sur l’article 90 de la Loi sur la défense nationale, porte sur une absence sans permission.

 

Détails : En ce que, à 8 h, le 5 février 2016, sans autorisation, il s’est absenté du 409e Escadron d’appui tactique, de la base des Forces canadiennes Cold Lake (Alberta) et est resté absent jusqu’à 16 h 09 le 14 février 2016.

 

Sommaire des circonstances et faits convenus

 

[2]        Le sommaire des circonstances et un énoncé conjoint des faits déposés devant le tribunal sont reproduits ici pour faire toute la lumière sur les circonstances de l’infraction et la situation du contrevenant :

 

[traduction]

 

« SOMMAIRE DES CIRCONSTANCES

 

1.         À toutes les périodes pertinentes, le caporal Stuart était membre de la Force régulière des Forces armées canadiennes. Il était affecté au 409e Escadron d’appui tactique, 4e Escadre Cold Lake (Alberta), en tant que technicien en systèmes aéronautiques.

 

2.         Pour la période du 11 janvier au 26 septembre 2015, le caporal Stuart a été autorisé à quitter son unité pour un congé parental.

 

3.         À son retour du congé parental en septembre 2015, le caporal Stuart a déclaré à sa chaîne de commandement qu’il n’avait aucun uniforme ni autre équipement militaire. Il a précisé qu’on le lui avait volé pendant son congé. Il a en outre précisé qu’il avait signalé le vol à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il a reçu de nouveaux uniformes.

 

4.         À de nombreuses reprises entre septembre 2015 et janvier 2016, la chaîne de commandement du caporal Stuart a demandé et exigé qu’il lui fournisse plus de renseignements concernant le rapport de la GRC. Le caporal Stuart s’est montré évasif et n’a pas fourni les renseignements demandés.

 

5.         Le 18 janvier 2016, le caporal Stuart a été questionné par l’adjudant‑chef intérimaire de l’Escadron, l’adjudant‑maître Windley. L’adjudant‑maître Windley a demandé des renseignements concernant le rapport des uniformes du caporal Stuart qui auraient été volés. Le caporal Stuart a refusé de fournir une copie du rapport, affirmant qu’il ne voulait pas s’incriminer. Il a offert de fournir le nom de l’agent de la GRC qui aurait rédigé le rapport.

 

6.         L’adjudant‑maîtré Windley a déterminé que le caporal Stuart n’avait déposé aucun rapport et a ordonné que le caporal Stuart signale le vol de son équipement soit à la GRC, soit à la police militaire ce jour‑là. Il a laissé le choix entre les deux au caporal Stuart.

 

7.         À 11 h approximativement, le 18 janvier 2016, le superviseur du caporal Stuart, l’adjudant Best, a demandé au caporal Stuart de lui faire part de sa décision. Le caporal Stuart a indiqué à l’adjudant Best qu’il signalerait le vol à la police militaire. L’adjudant Best a accompagné le caporal Stuart à l’édifice de la police militaire à la base des Forces canadiennes Cold Lake.

 

8.         Le caporal Stuart a déposé une plainte verbale au caporal McTavish de la police militaire, l’informant que son équipement et une remorque avaient été volés en septembre 2015. Il a souligné que la GRC avait mené une enquête et avait récupéré son équipement. Il était tenu de fournir le numéro du rapport de la GRC, mais il ne l’a pas fait.

 

9.         Après avoir recueilli la déclaration du caporal Stuart, le caporal McTavish a expliqué le fond et les effets d’un méfait public, en contravention au Code criminel, à savoir, déposer une fausse plainte à la police. Le caporal Stuart a affirmé qu’il comprenait l’avertissement du caporal McTavish et que son équipement avait été volé, comme il l’avait signalé.

 

10.       À la suite de l’interrogatoire, le caporal McTavish a parlé à l’agent Yagminas de la GRC de Cold Lake, qui l’a informé n’avoir aucune connaissance de l’incident. Le caporal McTavish a également parlé à la GRC de St. Paul et de Bonnyville, qui n’avaient non plus aucun dossier de l’incident. Le caporal McTavish a alors communiqué avec le caporal Stuart et lui a dit avoir besoin du numéro de dossier de la GRC. Le caporal Stuart lui a dit qu’il apporterait le dossier la journée suivante, et serait accompagné de son avocat.

 

11.       Le 19 janvier 2016 à 13 h 30, le caporal McTavish a communiqué avec le caporal Stuart, qui l’a informé qu’il ne pouvait pas se présenter ce jour‑là, mais que son avocat était censé communiquer avec le caporal McTavish. Le caporal Stuart a dit qu’il parlerait à son avocat et qu’il rappellerait le caporal McTavish par la suite. À 13 h 56, la petite amie du caporal Stuart, Mme Emily Burke, a communiqué avec le caporal McTavish et l’a informé que leur avocat, Me Munday, passerait prendre l’équipement de la GRC et le laisserait à leur résidence, accompagné d’une copie du rapport. De plus, elle l’a informé que le caporal Stuart serait présent au 11e détachement de police militaire à 18 h 30, le 20 janvier 2016 avec tous les renseignements.

 

12.       Le 20 janvier 2016, le caporal Stuart a appelé l’adjudant Best du téléphone cellulaire de sa copine. Il a affirmé que Mme Burke était malade et qu’il la conduisait à l’hôpital à Bonnyville. Le caporal Stuart a informé l’adjudant Best par messagerie texte que Mme Burke devait se rendre à l’hôpital à Edmonton. L’adjudant Best a accusé réception du message et a demandé que le caporal Stuart lui fournisse d’autres mises à jour et qu’il rassemble des documents pour confirmer ses déplacements. Le caporal Stuart a fourni de nombreuses mises à jour pendant la journée. Il a également envoyé un message électronique au caporal McTavish pour l’informer qu’il avait un [traduction] « imprévu médical » à Edmonton avec sa conjointe et ne pouvait pas de présenter au travail.

 

13.       Le 21 janvier 2016, le caporal Stuart a envoyé à l’adjudant Best d’autres textos indiquant que Mme Burke était toujours à l’hôpital. L’adjudant Best a accusé réception du message et a demandé au caporal Stuart de le tenir au courant de la situation.

 

14.       Le 22 janvier 2016, le caporal Stuart a encore une fois envoyé un texto à l’adjudant Best, indiquant que Mme Burke était encore à l’hôpital. L’adjudant Best a demandé des détails concernant l’hôpital et les coordonnées, mais n’a rien reçu d’autre.

 

15.       Le 24 janvier 2016, le caporal Stuart a envoyé un texto à l’adjudant Best indiquant que Mme Burke resterait à Edmonton une semaine de plus et qu’ils demeuraient chez des membres de la famille. Il a confirmé avoir obtenu des documents des événements. L’adjudant Best a accusé réception du message par messagerie texte et a informé qu’il tentait d’obtenir un congé pour raisons personnelles ou de famille pour le caporal Stuart.

 

16.       Le 25 janvier 2016, l’adjudant Best a envoyé un texto au caporal Stuart ordonnant à celui‑ci qu’il le rappelle avant midi la même journée. Le caporal Stuart a répondu par messagerie texte, précisant qu’il ne pouvait pas faire d’appels avec le téléphone, mais pouvait envoyer des textos. L’adjudant Best a demandé les détails du véhicule du caporal Stuart pour la demande de congé à venir et le nom de l’hôpital de Mme Burke. Le caporal Stuart a fourni ces détails par messagerie texte. Le commandant du 409Escadron d’appui tactique a approuvé les 5 jours de congé pour raisons personnelles ou de famille, datés du 25 au 29 janvier 2016.

 

17.       Le 26 janvier 2016, l’adjudant Best a informé le caporal Stuart par messagerie texte de son congé pour raisons personnelles ou de famille. Le caporal Stuart a indiqué qu’il espérait être de retour chez lui le 29 janvier 2016. Il n’a pas répondu à la question suivante de l’adjudant Best au sujet de l’hospitalisation de Mme Burke.

 

18.       Le 27 janvier 2016, le caporal Stuart a envoyé un texto à l’adjudant Best pour le mettre à jour de la situation de Mme Burke. L’adjudant Best a accusé réception du message et a offert son appui par messagerie texte.

 

19.       Le 28 janvier 2016, le caporal Stuart a envoyé un texto à l’adjudant Best pour l’informer que Mme Burke et lui retourneraient dans la région de Cold Lake dans l’après‑midi du 29 janvier 2016. Il a informé que Mme Burke avait un rendez‑vous médical le 1er février 2016.

 

20.       Pendant la période du 25 au 29 janvier 2016, le caporal Stuart a rendu visite à sa mère à sa résidence au sud de Calgary (Alberta), ce qui va à l’encontre de l’intention et de l’autorisation de son congé pour raisons personnelles ou de famille.

 

21.       Le 1er février 2016, le caporal Stuart a envoyé un texto à l’adjudant Best l’informant que Mme Burke et lui reviendraient cet après-midi-là. Il n’a pas précisé où il était. Il n’a pas répondu aux textos subséquents de l’adjudant Best au sujet de la situation de Mme Burke, de ses allées et venues, ou à ceux qui demandaient une mise à jour.

 

22.       Le 2 février 2016, le caporal Stuart a envoyé un texto à l’adjudant Best déclarant que Mme Burke avait été transportée par hélicoptère à Edmonton et qu’il se rendrait à Edmonton par voiture ce matin‑là. Il n’a répondu à aucune question de l’adjudant Best concernant son emplacement, et n’a répondu à aucun de ses appels téléphoniques.

 

23.       Le 3 février 2016, le caporal Stuart a envoyé un texto à l’adjudant Best l’informant que Mme Burke resterait à Edmonton, mais qu’il reviendrait pour leurs enfants et qu’il fournirait une mise à jour. L’adjudant Best a demandé au caporal Stuart de l’appeler à un moment précis. Le caporal Stuart n’a pas appelé au moment qui avait été entendu. L’adjudant Best, par messagerie texte, a ordonné au caporal Stuart de produire un rapport sans quoi la chaîne de commandement prendrait des mesures à son égard.

 

24.       Le 4 février 2016, le caporal Stuart a envoyé un texto à l’adjudant Best l’informant qu’il était en route vers sa maison et qu’il laissait Mme Burke à Edmonton. L’adjudant Best lui a ordonné de se présenter à son bureau à 6 h 50 le 5 février 2016.

 

25.       Le caporal Stuart ne s’est pas présenté à son bureau comme il le lui avait été ordonné. L’adjudant Best a donc envoyé un texto au caporal Stuart à 8 h 34 lui ordonnant de se présenter avant 10 h cette journée‑là, en uniforme, à son bureau. Le caporal Stuart ne s’y est pas présenté.

 

26.       À 12 h 45, le 5 février 2016, l’adjudant‑maître Bevington a communiqué avec la police militaire à Cold Lake et a demandé qu’une vérification du mieux-être soit menée.

 

27.       Dans l’après‑midi du 5 février 2016, le caporal Cugliari de la police militaire a communiqué avec l’hôpital Royal Alexandra à Edmonton, ainsi qu’avec les hôpitaux de Cold Lake et de Bonnyville pour déterminer si quelqu’un portant le nom de Burke ou de Stuart y avait été admis pendant la période de temps concerné. Il a appris que personne de ce nom n’y avait été admis. Le caporal Downey de la police militaire a également communiqué avec l’avocat du caporal Stuart, qui a déclaré que ni Mme Burke ni le caporal Stuart n’avait été en contact avec lui. Les caporaux Downey et Cugliari se sont donc présentés à la résidence du caporal Stuart et n’y ont trouvé personne. Depuis les récentes chutes de neige, il était évident que personne n’y avait été présent depuis plusieurs jours. Le caporal‑chef Kent a communiqué avec le fournisseur de téléphone cellulaire de Mme Burke. Le téléphone cellulaire a été “localisé” pour déterminer son emplacement. Il a été déterminé que le téléphone était situé au sud‑ouest d’Edmonton (Alberta).

 

28.       Le 8 février 2016, le commandant du 409e Escadron d’appui tactique a lancé un mandat pour l’arrestation du caporal Stuart, compte tenu de son absence continue sans congé.

 

29.       Le 9 février 2016, l’adjudant Best, au nom de l’adjudant‑chef de l’Escadron, l’adjudant‑chef Falardeau, a envoyé un texto au caporal Stuart l’informant qu’un mandat d’arrêt à son égard avait été émis, et qu’il devrait retourner à Cold Lake et se livrer aux autorités. Il a demandé que le caporal Stuart communique avec lui.

 

30.       Le 10 février 2016, des membres de la police militaire et du Service à la petite enfance et à la famille ont mené une vérification du mieux-être à la résidence du caporal Stuart à Cold Lake. Il n’y a pas eu de réponse.

 

31.       Le 11 février 2016, le caporal‑chef Kent, de la police militaire, a communiqué avec le fournisseur de téléphone cellulaire de Mme Burke qui, encore une fois, avait “localisé” le téléphone cellulaire de Mme Burke. Il a été déterminé que le téléphone était situé à une station‑service, approximativement à un kilomètre de l’Aéroport international d’Edmonton. Il a donc communiqué à la fois avec WestJet et Air Canada, qui ont toutes les deux confirmé que ni Mme Burke ni le caporal Stuart n’avaient réservé de vol avec leur compagnie.

 

32.       Le 12 février 2016, le caporal‑chef Kent a de nouveau communiqué avec le fournisseur de téléphone cellulaire de Mme Burke qui a “localisé” le téléphone cellulaire de Mme Burke, et a déterminé qu’il était situé au nord-est d’Edmonton (Alberta).

 

33.       Le 12 février 2016 à 18 h 45, la police militaire a de nouveau mené une vérification du mieux-être à la résidence du caporal Stuart à Cold Lake. Il n’y a eu aucune réponse.

 

34.       Le 14 février 2016 à 16 h 09, le caporal Stuart s’est livré à la police militaire à Cold Lake. Il a été remis en liberté sous conditions à 18 h 10 le 15 février 2016.

 

35.       Le 16 février 2016, le caporal Stuart a informé son adjudant-chef de l’Escadron de ce qui suit :

 

a.         La remorque volée était stationnée sur la propriété d’un certain M. Brody Longshier ;

 

b.         L’avocat du caporal Stuart, Leighton Grey, avait obtenu de la GRC son équipement qui avait disparu ;

 

c.         Me Grey l’avait remis à un aviateur prénommé David, qui l’avait par la suite remis à l’approvisionnement de l’escadre.

 

36.       Ces renseignements ont été transmis au caporal McTavish de la police militaire. Le caporal McTavish a communiqué avec le cabinet Grey Munday Wowk LLP et a parlé avec le réceptionniste de Me Grey, qui a déclaré que le seul travail que le cabinet avait effectué avec le caporal Stuart ou avec Mme Burke était une transaction immobilière pour le caporal Stuart en 2012. Le caporal McTavish a également communiqué avec l’approvisionnement de la 4e escadre et a appris qu’il n’y avait eu aucune transaction récente concernant les documents d’habillement du caporal Stuart, et qu’il ne s’agit pas d’une pratique commune d’accepter le retour d’un équipement personnel au nom d’une autre personne.

 

37.       Le 25 février 2016, le caporal Stuart a communiqué avec le caporal McTavish et l’a informé qu’il ne pouvait pas obtenir les coordonnées de Brody Longshier, et que son avocat, Me Grey, n’appellerait pas. Toutefois, l’épouse de Brody, Sandra, et Me Grey se présenteraient au détachement de police militaire le jour suivant pour fournir des renseignements.

 

38.       Le 26 février 2016, une femme s’identifiant comme Sandra Harris a communiqué avec le 11e détachement de police militaire, demandant de parler avec le principal enquêteur concernant le caporal Stuart. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas pu s’y présenter ce jour‑là, mais a laissé un numéro de téléphone et a affirmé que le vol s’était passé sur la propriété de son grand‑père. Le caporal Stuart a également communiqué avec le 11e détachement de police militaire, demandant si Sandra les avait contactés. Le caporal McTavish a tenté de communiquer avec Sandra Harris, mais le numéro fourni était un mauvais numéro, et ni Mme Harris ni le caporal Stuart n’ont communiqué avec le caporal McTavish ce soir‑là.

 

39.       Le 4 mars 2016, le caporal-chef Sanders et le caporal McTavish de la police militaire ont rencontré le caporal Stuart. Le caporal Stuart les a informés que le rapport de police était entre les mains de ses avocats, et a fourni le nom de « Lexi » en tant que personne‑ressource, et un numéro de téléphone. Ils ont confirmé le nom du cabinet d’avocats comme étant le cabinet qui a nié avoir travaillé avec le caporal Stuart. Le caporal Stuart a souligné que c’était en raison d’une clause de confidentialité qu’il avait demandée, et que le rapport de police avait en fait été effectué par Sandra Harris, vraisemblablement à la GRC de Cold Lake.

 

40.       À la suite de la rencontre avec le caporal Stuart le 4 mars 2016, le caporal‑chef Sanders a communiqué avec Mme Burke, qui lui a dit que Mme Harris lui enverrait par courrier électronique une copie du rapport. Il a également communiqué avec le cabinet d’avocats qui, selon le caporal Stuart, l’a représenté ; selon le cabinet, aucun « Lexi » ne travaillait là‑bas, les employés ne signaient pas des clauses de confidentialité, et il n’y avait eu aucun rapport récent avec le caporal Stuart, le tout étant confirmé par courrier électronique. Le caporal‑chef Sanders a également précisé que le numéro de téléphone fourni pour Lexi était le même que le numéro fourni précédemment pour Mme Harris : un mauvais numéro.

 

41.       Le 5 mars 2016, le caporal Stuart et Mme Burke se sont présentés au 11e détachement de police militaire pour discuter des conditions de mise en liberté. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi le cabinet de Me Grey n’avait aucun employé du nom de « Lexi », et pourquoi ils ont affirmé qu’ils ne l’avaient par représenté et qu’ils n’avaient pas signé d’ententes de confidentialité, le caporal Stuart n’a pas répondu. Quand on lui a demandé pourquoi le même numéro avait été donné pour Lexi et Mme Harris, Mme Burke a affirmé qu’elle a peut‑être fourni un mauvais numéro. Le caporal Stuart n’était pas en mesure de nommer le détachement de la GRC où la plainte avait été déposée, et quand on lui a posé la question sur l’équipement volé, il n’a pas voulu répondre. Le caporal Stuart a avoué que l’histoire concernant l’aviateur « David » était fausse. Pendant la rencontre, Mme Burke a déclaré : [traduction] « Allons simplement chercher l’équipement » de nombreuses fois.

 

42.       Le caporal Stuart a été libéré des Forces armées canadiennes le 10 juin 2016 en vertu du motif de libération 3B, à savoir, pour des raisons de santé : « le sujet est invalide et inapte à remplir les fonctions de sa présente spécialité ou de son présent emploi, et qu’il ne peut pas être employé à profit de quelque façon que ce soit en vertu des présentes politiques des forces armées. » »

 

[traduction]

 

« Énoncé conjoint des faits

 

1.                  Le cpl STUART, R.B. (Ret) réside au XXXX, Airdrie (Alberta) avec sa conjointe et ses trois enfants.

 

2.         Le cpl STUART, R.B. (Ret) dépend d’une pension mensuelle d’invalidité militaire et il s’agit du seul revenu du ménage.

 

3.                  Le cpl STUART, R.B. (Ret) a obtenu son diplôme d’études secondaires et a fréquenté le collège.

 

4.         Le cpl STUART, R.B. (Ret) prévoit de travailler dans l’entretien de l’aviation civile à l’avenir. »


 

Recommandation conjointe

 

[3]        Dans une recommandation conjointe, les avocats de la poursuite et de la défense m’ont recommandé d’imposer une peine de blâme et une rétrogradation de grade de caporal à aviateur.

 

[4]        La recommandation conjointe devant la cour est examinée dans le contexte des indications actuelles de la Cour suprême du Canada (CSC) dans R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43. Dans cette décision, la CSC a précisé qu’un juge de première instance doit imposer la peine proposée dans la recommandation conjointe « à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. »

 

[5]        Une négociation de plaidoyer se produit lorsque les avocats se consultent, à l’extérieur de la Cour, pour discuter de leurs positions respectives selon les principes de contrepartie. Des concessions mutuelles sont nécessaires pour en arriver à une recommandation conjointe. La poursuite accepte de recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, évitant ainsi le stress lié au procès et donnant l’occasion aux contrevenants, tel que le caporal Stuart, qui ont clairement des remords, de commencer à faire amende honorable. En favorisant la négociation de plaidoyer, le fardeau sur la Cour est réduit et la poursuite en tire un avantage direct puisqu’elle n’a pas besoin de porter toutes les affaires devant une cour martiale complète.

 

[6]        Sur le plan logistique, pour régler le tout de façon significative dans une affaire disciplinaire, les victimes et les témoins ne sont pas tenus de se déplacer et de se présenter à la cour martiale. Cela aide également la défense en ce sens que l’accusé peut évaluer ses options aux fins de résolution tôt plutôt que tard.

 

[7]        Dans les cas du système de justice militaire, les avantages systémiques de recommandations conjointes s’étendent également à l’unité. L’unité de l’accusé est responsable de fournir le soutien administratif à la fois au membre et à la cour martiale. Quand il est possible de régler l’affaire rapidement, l’unité bénéficie directement.

 

[8]        Le gain le plus important pour tous les participants est la certitude qu’une recommandation conjointe apporte au processus. L’accusé a beaucoup à perdre. Comme vous l’avez entendu quand j’ai fait la vérification des plaidoyers de culpabilité un peu plus tôt, en entrant dans une négociation de plaidoyers, le droit constitutionnel à la présomption d’innocence a été laissé de côté et cela ne doit jamais être fait à la légère. Par conséquent, en échange du plaidoyer de culpabilité, l’accusé doit avoir un haut degré de certitude que la Cour accueillera la recommandation conjointe.

 

Examen de la recommandation conjointe

 

[9]        En rendant sa décision, la CSC a souligné la responsabilité professionnelle à la fois du procureur et de l’avocat de la défense. Ils sont des intervenants clés dans l’administration du système de justice militaire. Le procureur et l’avocat de la défense sont bien placés pour en arriver à une recommandation conjointe qui reflète les intérêts du public, des Forces armées canadiennes (FAC) et de l’accusé. Les avocats connaissent très bien la situation du contrevenant et les circonstances de l’infraction, ainsi que les forces et les faiblesses de leurs positions respectives.

 

[10]      Le procureur qui propose la peine a été en contact avec la chaîne de commandement. Il est au courant des besoins des Forces armées et de leur communauté environnante, et est responsable de représenter ces intérêts.

 

[11]      L’avocat de la défense est tenu d’agir dans le meilleur intérêt de l’accusé, notamment en s’assurant que son plaidoyer est donné de façon volontaire et éclairé, et qu’il connaît sa culpabilité sans équivoque.

 

[12]      En tant que membres de la profession juridique et étant redevables envers leurs barreaux respectifs, le procureur et l’avocat de la défense ont la tâche de ne pas tromper la Cour dans leurs recommandations. En résumé, je m’attends à ce qu’ils s’engagent à recommander une peine qui soit équitable et conforme à l’intérêt public.

 

[13]      En l’espèce, le procureur a lu le sommaire des circonstances et a fourni les documents requis par l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes qui ont été remis par la chaîne de commandement. L’exposé conjoint des faits a également été déposé sur consentement afin de renseigner la Cour sur les faits concernant la voie à suivre pour le caporal Stuart.

 

[14]      De plus, la Cour a obtenu d’excellentes observations des avocats qui appuient leur position conjointe sur la peine, soulignant les faits et les considérations pertinentes au caporal Stuart. Le procureur a également fourni à la Cour un certain nombre de précédents judiciaires à des fins de comparaison.

 

[15]      Les observations des avocats et la preuve déposée à la Cour m’ont permis d’être suffisamment informé pour me permettre de tenir compte de toute conséquence indirecte de la peine, alors je dois imposer une peine adaptée spécifiquement à la situation du caporal Stuart et des infractions commises.

 

Le contrevenant

 

[16]      Le caporal Stuart a 31 ans. Il s’est enrôlé en décembre 2007 et semble avoir bien servi son pays, jusqu’à ce que les événements en question commencent à se dérouler. Il a une jeune famille, y compris une conjointe et trois jeunes enfants. Il est à présent libéré des Forces armées canadiennes et est la seule source de revenus pour sa famille, soutenant sa famille par une pension mensuelle d’invalidité militaire. Il a obtenu son diplôme d’études secondaires et a fréquenté le collège. Il planifie travailler dans l’entretien de l’aviation civile à l’avenir.

 

[17]      Je constate qu’il a une fiche de conduite qui inclut un incident à la fin de 2015, où le caporal Stuart a été accusé d’avoir été absent sans autorisation, en omettant de se présenter à une séance de counseling sur le régime d’assurance revenu militaire (RARM). Bien que la Cour n’ait pas fourni de détails quant aux faits découlant de cette affaire, l’accusation et la condamnation informent en soi la Cour que vous étiez aux prises avec des problèmes depuis au moins le mois d’octobre 2015 ce qui, je constate, correspondait sensiblement avec votre retour du congé parental. En intentant le procès, il semble que la chaîne de commandement a fait tout en son pouvoir pour vous aider.

 

[18]      Comme il a été précisé dans le sommaire des circonstances, le caporal Stuart a démontré une tendance continue de comportement malhonnête, en induisant continuellement les autres en erreur, en présentant de fausses demandes et en abusant du soutien qu’il recevait de sa chaîne de commandement. Ce qui semble évident dans les faits, c’est qu’il était aux prises avec des problèmes personnels à plusieurs niveaux. Pourtant, bien que ses superviseurs semblent avoir fait preuve d’un soutien favorable, il n’a jamais cherché à obtenir de l’aide pour résoudre les problèmes auxquels il faisait face. Il a plutôt continué de les induire en erreur et de concevoir de nouvelles excuses pour couvrir ses informations trompeuses initiales.

 

Objectifs de détermination de la peine devant être soulignés en l’espèce

 

[19]      Le procureur a insisté sur le fait que les objectifs de la détermination de la peine pris en considération à la fois par l’avocat de la défense et par lui, sont ceux de la dissuasion générale et de la dénonciation dont, compte tenu des faits présentés à la Cour, je suis d’avis.

 

[20]      Pour formuler la recommandation conjointe, l’avocat a informé la Cour qu’il a pris en compte tous les facteurs aggravants et atténuants. Toutefois, la poursuite comprenait des facteurs aggravants pour le dossier :

 

a)         Le délai – à deux niveaux.

 

i.          La durée du temps d’une absence délibérée sans autorisation et des mensonges continus à la chaîne de commandement sur la raison de son absence. Sa chaîne de commandement a demandé de nombreux « vérifications du mieux-être », un congé autorisé pour raisons personnelles ou de famille, et lui a offert un soutien continu durant cette période. Cette activité a détourné des ressources dont la chaîne de commandement aurait pu se servir dans d’autres domaines de travail ;

 

ii.         La période de temps investie par la police militaire à enquêter les fausses déclarations et les faux renseignements fournis par le caporal Stuart. Il aurait pu faire preuve d’honnêteté ou au moins les informer à toute étape du processus de la vérité de la situation, mais il ne l’a pas fait. Il a plutôt continué de tisser un tissu plus grand de mensonges pour les distraire et les faire travailler sur son cas ;

 

b)         La nature de sa conduite malhonnête. La conduite du caporal Stuart était formée d’une tendance régulière à la tromperie où il a menti au sujet de ses allées et venues, obtenant ainsi le soutien de son unité pour des motifs de compassion. Malgré la mise en garde fournie par la police militaire concernant la responsabilité pour l’accusation de méfaits en vertu du Code criminel, s’il s’agit d’une fausse déclaration, il s’est mis à faire de fausses déclarations de toute manière. Dans le tissu de mensonges qu’il a créé, il a mentionné le nom de deux avocats différents à la police militaire et à sa chaîne de commandement. Ces avocats n’étaient pas impliqués dans l’affaire, et leurs services n’avaient pas été retenus par le caporal Stuart à ce sujet. Il a menti au sujet du fait que son équipement lui avait été retourné et au sujet des circonstances dans lesquelles cet équipement lui aurait été volé ;

 

c)         L’unité. Les faits en question semblent démontrer que votre unité a fait tout en son pouvoir pour vous appuyer. Pourtant, vous avez fait preuve d’une indifférence totale pour leurs inquiétudes, leurs offres d’aide, et vous avez semblé oublier les tirages prolongés que vous aviez sur les ressources de l’unité. Pourtant, vous avez continué à parfaire votre tissu de mensonges pour créer une distraction plus importante et pour continuer de faire en sorte qu’ils détournent d’autres ressources vers vous. De plus, pendant votre absence de votre lieu de travail, je soupçonne que vos pairs et collègues avaient la responsabilité d’assumer le travail supplémentaire lié à votre absence.

 

[21]      En ce qui concerne les facteurs atténuants, il convient d’accorder beaucoup de poids à vos plaidoyers de culpabilité et aux raisons sous‑jacentes, décrits dans le sommaire des circonstances. Vous démontrez véritablement des remords et vous êtes maintenant à la retraite et un civil.

 

[22]      Caporal Stuart, vous avez eu des manquements à quelques‑unes des obligations les plus importantes des membres des FAC à divers niveaux. L’éthos militaire est clair et transparent. Il exige une honnêteté et une intégrité totales dans tout ce que nous faisons. Cela signifie la franchise avec votre chaîne de commandement et avec vos pairs. Avec votre conduite, vous avez manqué à cet égard. De plus, comme l’a décrit le juge militaire Gibson dans l’affaire R. c. Squires, 2013 CM 2016, invoquée par la poursuite, il est impératif que les membres des FAC soient fiables et présents là où ils doivent être, et dans les délais prévus.

 

Conclusion

 

[23]      Compte tenu des circonstances, la Cour estime que le caporal Stuart reconnaît pleinement sa responsabilité et que ses aveux de culpabilité sont une expression sincère de son remords à l’égard de sa conduite passée.

 

[24]      Après avoir examiné l’ensemble des observations des avocats et tous les éléments de preuve présentés à la Cour, je dois me demander si la peine proposée sera perçue par un membre informé et raisonnable des FAC, ainsi que par le grand public, comme une défaillance dans le bon fonctionnement du système de justice militaire. Autrement dit, l’acceptation de la peine proposée entraînera‑t‑elle une perte de confiance de la population, de la communauté et des membres des FAC dans le système de justice militaire?

 

[25]      À cet égard, la poursuite m’a renvoyé à deux affaires, Squires et R. c. Smith, 2010 CM 2018 où la Cour a examiné les conséquences d’une rétrogradation.

 

[26]      La peine de rétrogradation à aviateur envoie le message que vous avez démontré que vous n’êtes pas compétent pour détenir votre grade actuel.

 

[27]      De plus, les avocats ont recommandé un blâme qui enverra un message à la collectivité élargie que toute conduite comme la vôtre est inacceptable et sera sévèrement punie. Vous avez clairement fait preuve d’un mépris total envers le respect des principes fondamentaux de la discipline militaire.

 

[28]      Caporal Stuart, vous êtes un jeune homme, avec une jeune famille qui dépend de vous. Vous devez maintenant tourner la page sur cette affaire, mais y tirer une leçon. Je peux vous assurer qu’un employeur civil n’acceptera pas moins votre conduite. En fait, vous verrez qu’il sera loin d’être aussi accommodant que ne l’a été votre chaîne de commandement. Ils se sont fiés à vos propos et ont en retour proposé leur aide à de nombreuses reprises. Vous avez trahi cette confiance. Vous devez vous assurer de trouver une aide appropriée pour que des incidents de la sorte ne nuisent pas à votre avenir.

 

[29]      Compte tenu de tous les facteurs, les circonstances de l’infraction et du contrevenant, la conséquence indirecte du verdict ou de la peine, la gravité de l’infraction et les antécédents du contrevenant, je suis convaincu que la recommandation conjointe sert à l’intérêt public et ne déconsidère pas l’administration de la justice. La Cour est amplement convaincue que les avocats sont conformés à leurs obligations en formulant aujourd’hui leur recommandation conjointe sur la peine.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[30]      VOUS DÉCLARE coupable des deuxième et troisième chefs d’accusation.

 

[31]      VOUS CONDAMNE à un blâme et à une rétrogradation au grade d’aviateur.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le capitaine G.J. Moorehead

 

Le lieutenant-colonel D. Berntsen, Service d’avocats de la défense, avocat du caporal R.B. Stuart

 

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