Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 13 juin 2017

Endroit : Garnison St-Jean, 25 Grand-Bernier Sud, St-Jean-sur-Richelieu (QC)

Chefs d’accusation :

Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, avoir proféré des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles (art. 264.1(1) C. cr.).
Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, avoir volontairement commis un méfait (art. 430(1) C. cr.).
Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 116a) LDN, a volontairement endommagé un bien public.
Chef d’accusation 5 : Art. 130 LDN, avoir commis du harcèlement criminel (art. 264(1) C. cr.).

Résultats :

VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable. Chefs d’accusation 3, 4, 5 : Retirés.
SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Bellevue, 2017 CM 1010

 

                                                                                                                  Date : 20170613

                                                                                                                 Dossier : 201639

 

                                                                                                    Cour martiale permanente

 

                                                                                                             Garnison Saint-Jean

                                                                        Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal Y. Bellevue, contrevenant

 

 

En présence du : Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE


 

(Oralement)

[1]               Le caporal Bellevue a avoué sa culpabilité à deux chefs d’accusation qui ont été portés aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, contrairement à l’article 264.1 du Code criminel, soit d’avoir proféré et transmis des menaces.

[2]               L’objet du système de justice militaire est de maintenir la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. La Cour est en présence d’une suggestion commune sur sentence et les procureurs recommandent à la Cour d’imposer une réprimande ainsi qu’une amende de 2 000 dollars. La Cour a été informée de tous les faits qui entourent la commission des infractions ainsi que des circonstances particulières à l’accusé dans cette affaire.

[3]               Cette suggestion commune se fait dans le cadre des principes qui ont été énoncés dans l’arrêt de la Cour suprême, R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, une décision rendue le 21 octobre 2016 dans la laquelle la cour s’est prononcée relativement aux critères juridiques que les juges de procès doivent appliquer pour décider s’il est approprié, dans une affaire donnée, d’écarter une recommandation conjointe. La cour affirme que le critère de l’intérêt public est celui que le juge du procès devrait appliquer et, selon ce critère, un juge ne doit pas s’écarter d’une recommandation conjointe relative à la sentence à moins que la sentence proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public.

[4]               Les circonstances qui ont été transmises à la Cour et qui ont été déposées comme pièce ainsi qu’un sommaire conjoint des faits nous indiquent les éléments suivants. Le caporal Bellevue est âgé de 53 ans. Il s’est réenrôlé dans les Forces armées canadiennes (FAC) le 30 novembre 2007, mais il s’était enrolé en 1997. Donc, il a eu une carrière appréciable dans les FAC. Au moment des faits qui lui sont reprochés, il était affecté comme cuisinier à la Garnison Saint-Jean, à l’unité des Services du personnel. Il devait travailler en présence de personnel civil et militaire. Le 5 octobre 2015, vers 4 h 15, une collègue de travail, une employée civile qui travaille au service d’alimentation de la Garnison Saint-Jean, constate que la feuille d’attribution des tâches pour la journée n’a pas été remplie par leur superviseur immédiat. Elle prend donc l’initiative de remplir cette feuille et d’attribuer des tâches au caporal Bellevue ainsi qu’aux autres cuisiniers. Le caporal Bellevue n’apprécie pas les tâches que sa collègue de travail lui attribue. Vers 5 h 30, ladite collègue constate que le caporal Bellevue n’avait pas complètement effectué une de ses tâches. Elle va le voir et lui partage son insatisfaction. Elle retourne ensuite à la cuisine. Le ton utilisé par sa collègue irrite le caporal Bellevue qui commence à s’énerver. Il mentionne donc à un autre collègue de travail alors qu’il se trouve sur la ligne de service, « occupes-toi en parce que je vais lui foutre une baffe », ou quelque chose du genre. Quelques instants plus tard, le caporal Bellevue quitte la ligne de service pour retourner dans la cuisine où se trouve également ladite collègue de travail. À cet endroit, le caporal Bellevue et elle échangent des paroles. Lors de cette discussion, il lui mentionne des commentaires non professionnels à quelques pouces de son visage. Selon le superviseur immédiat des deux individus, le caporal Bellevue avait une posture agressive et il parlait fort. À un moment, durant cette discussion, le caporal Bellevue gesticule et crie, « enlevez-la quelqu’un avant que je la frappe ». Le superviseur des deux individus tente, sans succès, de calmer le caporal Bellevue. Selon la victime à laquelle les paroles étaient adressées, le caporal Bellevue aurait également dit à plusieurs reprises en s’adressant à elle, « je vais la frapper ». Le caporal Bellevue a continué à crier son insatisfaction pendant un moment, ce qui, selon un autre collègue de travail, a créé un malaise général dans la cuisine. De plus, un autre collègue de travail quitte alors les lieux car il craignait lui-même pour sa propre sécurité. Lors de ces évènements, le caporal Bellevue a frappé sur des objets dans la cuisine et, par la suite, il est repassé devant la victime des menaces en frappant son poing dans sa main.

[5]               La Cour a été également informée des faits suivants. Le caporal Bellevue sera libéré des FAC pour raison médicale le 15 novembre 2017, donc dans un peu moins de six mois. Il n’a aucun antécédent criminel ni de fiche de conduite militaire. Ses aveux de culpabilité devant la Cour aujourd’hui ont évité la tenue d’un procès avec au moins cinq témoins et pour lequel trois jours d’audition auraient été nécessaires. Il permet également à la victime des menaces de ne pas avoir eu à témoigner et ainsi, elle n’a pas à revivre ces évènements encore une fois.

[6]               Le caporal Bellevue est un militaire qui a eu une carrière irréprochable jusqu’à maintenant. Il a reçu les médailles suivantes : médaille du maintien de la paix; médaille de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord pour l’ex-Yougoslavie; et la décoration des Forces canadiennes. Il a également participé à trois missions internationales des Nations Unies, en Haïti, en Croatie et en Bosnie. Depuis les évènements qui remontent à octobre 2015, il a été transféré aux cuisines de Farnham, ce qui a contribué à créer une distance importante entre son domicile et son nouveau lieu de travail. La Cour a été informée également qu’il est père de cinq enfants. Il est en preuve devant la Cour que le caporal Bellevue regrette profondément ses gestes et que son plaidoyer de culpabilité, aujourd’hui, démontre sans aucun doute qu’il accepte toute la responsabilité dans cette affaire et cela indique l’expression des remords sincères qu’il éprouve. Il a réalisé, suite à ces évènements, qu’il avait un comportement agressif inacceptable et il a décidé d’agir. C’est ainsi qu’il a amorcé des rencontres avec une travailleuse sociale et une psychologue, et ce, de façon hebdomadaire. Ces rencontres, selon ce qui a été fourni à la Cour, continuent d’avoir lieu et il semble que les progrès sont présents. Au moment de sa libération des FAC, le caporal Bellevue entreprendra une carrière dans le domaine d’investigation en sécurité privée au terme d’une formation continue qu’il suivra au Cégep de Saint-Hyacinthe.

[7]               D’un autre côté, la Cour comprend que la victime des menaces et des propos désobligeants a été affectée négativement et qu’à ce jour encore, elle en ressent des séquelles. Le caporal Bellevue s’est excusé et a reconnu ses torts auprès de sa chaîne de commandement, mais plus particulièrement auprès de sa collègue de travail qui a été profondément affectée. Il est opportun de mentionner que le caporal Bellevue a fait l’objet d’un procès sommaire pour les mêmes évènements en date du 25 mai 2016 et que la condamnation qui en a résulté a été annulée. Ceci explique la raison pour laquelle le caporal Bellevue fait l’objet d’une cour martiale aujourd’hui.

[8]               Tous ces faits et évènements font en sorte que la poursuite et la défense ont fait cette suggestion commune d’une réprimande et d’une amende de 2 000 dollars. En conséquence, la Cour se déclare entièrement satisfaite des explications et des faits qui lui ont été fournis et cette suggestion commune ne déconsidère pas l’administration de la justice et elle n’est pas contraire à l’intérêt public.

POUR CES MOTIFS, LA COUR:

[9]               VOUS DÉCLARE coupable du premier et du deuxième chef d’accusation, soit d’avoir proféré et transmis des menaces, contrairement à l’article 264.1 du Code criminel.

[10]            VOUS CONDAMNE aux peines suivantes : une réprimande et une amende de 2 000 dollars. L’amende sera payable en quatre versements mensuels et consécutifs égaux à compter du 1er juillet 2017.


 

Avocats :

 

Capitaines M.-A. Ferron et M. Beaulieu pour le directeur des poursuites militaires

 

Maître K. Jean-Louis, BBCHM avocats, 84 rue Notre-Dame Ouest, 2e étage, Montréal, Québec, H2Y 1S6, avocate du caporal Y. Bellevue

 

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