Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 12 septembre 2017

Endroit : Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier, l’Académie, édifice 534, pièce 227, Courcelette (QC)

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 84 LDN, a usé de violence envers un supérieur.
Chefs d’accusation 2, 3 : Art. 130 LDN, avoir proféré une menace de causer la mort d’une personne (art. 264.1(1)a) C. cr.).
Chef d’accusation 4 : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
Chef d’accusation 5 : Art. 85 LDN, a menacé verbalement un supérieur.
Chef d’accusation 6 : Art. 85 LDN, a insulté verbalement un supérieur.

Résultats :

VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 5, 6 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3, 4 : Non coupable.
SENTENCE : Une rétrogradation au grade de soldat et une amende au montant de 3000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Ladet, 2017 CM 1013

 

Date : 20170912

Dossier : 201640

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 2e Division du Canada, Valcartier

Courcelette (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal A. Ladet, contrevenant

 

 

En présence de : Colonel M. Dutil, J.M.C.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]        Le caporal à la retraite Ladet a avoué sa culpabilité à un chef d’accusation pour avoir usé de violence envers un supérieur contrairement à l’article 84 de la Loi sur la défense nationale (LDN) et à deux chefs d’accusation relativement à des actes d’insubordination visés à l’article 85 de la Loi. Ces accusations se lisent comme suit :

 

« Art. 84             A USÉ DE VIOLENCE ENVERS UN

LDN                   SUPÉRIEUR

 

Détails : En ce que, le 18 novembre 2015, à la Base des Forces canadiennes Cold Lake, Alberta, il a poussé le Sgt Allen, RW.

 

Art. 85    A MENACÉ VERBALEMENT UN SUPÉRIEUR

LDN

Détails : En ce que, le 18 novembre 2015, à la Base des Forces canadiennes Cold Lake, Alberta, il a dit au Sgt Allen, RW « Get the fuck out of here or I’m going to kill you » ou quelque chose du genre.

 

Art. 85 A INSULTÉ VERBALEMENT UN SUPÉRIEUR

LDN

Détails : En ce que, le ou vers le, 9 mai 2016, à la Base des Forces canadiennes Cold Lake, Alberta, il a dit à l’Adj Green S.R.M. « It is a good thing that you are military or I would kill you bitch » ou quelque chose du genre. »

 

[2]        Les procureurs en présence aujourd’hui ont présenté une suggestion commune voulant que la Cour devrait imposer une sentence de rétrogradation au contrevenant ainsi qu’une amende de 3 000 dollars, payable en trois versements égaux et consécutifs à compter d’aujourd’hui.

 

[3]        Outre le sommaire des circonstances, la preuve déposée devant la Cour se limite à un sommaire conjoint des faits. Ces documents se lisent comme suit :

 

« ÉNONCÉ DES CIRCONSTANCES

 

1.         Au moment de chacune des infractions, le Caporal Ladet était membre des Forces armées canadiennes (FAC), force régulière, employé à la 4e Escadre Cold Lake.

 

LES ÉVÉNEMENTS DU 18 NOVEMBRE 2015

 

2.         Le 18 Novembre 2015, le Sergent Allen et le Caporal Ladet étaient tous deux présent au « J.J. Parr Sports Centre » de la BFC Cold Lake.

 

3.         Le Sergent Allen s’exerçait alors sur une bicyclette stationnaire.  À un moment, le Cpl Ladet s’approcha par derrière du Sergent Allen et prononça quelques mots que le Sergent Allen ne fut pas en mesure de comprendre, car il portait des écouteurs branchés à un appareil électronique. 

 

4.         Le Sergent Allen retira alors ses écouteurs, donnant lieu à l’échange suivant:

 

a.      le Cpl Ladet lui dit : « Get the fuck out of here »;

b.      Le Sergent Allen répondu : « what? »;

c.      Le Cpl Ladet répéta ses propos et poussa le Sergent Allen avec ses deux mains, menant à la chute du Sergent Allen qui se cogna sur l’équipement environnant.

 

5.         Le Sergent Allen a souffert d’une ecchymose sur la partie gauche du torse, des suites de sa chute.  Dans les jours suivant l’incident, le Sergent Allen se sentait constamment en danger.  Il a développé une crainte du Caporal Ladet. Le Sergent Allen indique, qu’à ce jour, il continue d’être affecté psychologiquement par cet incident.

 

6.         Le Caporal Ladet connaissait le sergent Allen, avec qui il avait interagi auparavant dans le cadre du travail. 

 

LES ÉVÉNEMENTS DU 9 MAI 2016

 

7.         Vers 0900h le 9 mai 2016, l’Adjudant Green entra par la porte arrière de l’édifice J.J. Parr.  Ce jour-là, elle agissait en tant que bénévole pour le « Canadian Blood Services ».

 

8.         À ce moment, elle rencontra le Caporal Ladet qui se tenait derrière le comptoir du magasin de sport.  Elle lui dit : « good morning ».  Le Caporal Ladet lui adressa quelques mots en retour, que l’Adjudant Green ne put comprendre puisque le Caporal Ladet s’exprimait, à ce moment, en français.

 

9.         L’Adjudant Green informa le Caporal Ladet qu’elle n’avait pas compris ce qu’il venait de dire, ce à quoi le Caporal Ladet répondit, en anglais : « It's a good thing you're military or I would kill you bitch ».

 

10.       L’Adjudant Green se sentie menacée par les propos du Caporal Ladet.  Elle lui indiqua qu’elle n’avait rien fait pour justifier ce qu’il venait de dire et que ces propos étaient indésirables.

 

11.       Le Caporal Ladet répéta alors une seconde fois : « It's a good thing you're military or I would kill you bitch ».

 

12.       L’Adjudant Green n’ajouta rien et quitta promptement.  Elle craignait pour sa sécurité, sachant que le Caporal Ladet avait déjà attaqué un supérieur par le passé. »

 

« ÉNONCÉ CONJOINT DES FAITS

 

1.                  Selon les diagnostics du psychiatre James Hanley, l’Ex-Cpl Ladet souffre de trouble de stress post traumatique (TSPT) chronique et sévère, de trouble dépressif majeur et de trouble de consommation d’alcool.

 

2          Selon, la psychologue de l’Ex-Caporal Ladet, Mme Patricia Bergeron, le trouble de stress post traumatique de l’Ex-Caporal Ladet est attribuable à ces déploiements comme fantassin à Kandahar en 2009 et 2010-2011 et à Haïti en 2010 où il a vécu divers évènements traumatiques. À son retour de mission en 2011, il géra les symptômes résultant de son TSPT en consommant de l’alcool.

 

3.         En avril 2015, l’Ex-Caporal Ladet fut affecté à la Base des Forces canadiennes Cold Lake. Il y fut malheureux et anxieux et ses symptômes de TSPT s’intensifièrent. Sa consommation d’alcool, déjà abusive à son retour de mission, devient plus importante à Cold Lake. L’Ex-Caporal Ladet consulta alors afin de recevoir des services de santé mentale.  Le 14 aout 2015, le Caporal Ladet fut retiré de son milieu de travail et cessa d’être employé comme conducteur, soit trois mois avant son altercation avec le Sgt Allen.  Il fut alors réaffecté au comptoir d’équipement du centre sportif de la base. 

 

4.         La psychologue de l’Ex-Caporal Ladet, Mme Patricia Bergeron, est d’avis que les troubles mentaux de l’Ex-Caporal Ladet ont été des facteurs prédisposant et que la période difficile qu’il vécut à Cold Lake précipita ses passages à l’acte hétéro agressif.

 

5.         En avril 2016, l’Ex-Caporal Ladet fut affecté à l'Unité interarmées de soutien du personnel, détachement Cold Lake, en raison de ses troubles de santé mentale.

 

6.         En juin 2016, l’Ex-Caporal Ladet fut affecté à l'Unité interarmées de soutien du personnel, détachement Valcartier, afin qu’il puisse recevoir des soins de santé mentale en français, ce qui n’était pas possible à Cold Lake.

 

7.         Le 23 mars 2017, l’Ex-Caporal Ladet fut libéré des Forces canadiennes en raison de ses troubles de santé.

 

8.         L’Ex-Caporal Ladet poursuit ses traitements psychologiques avec sa psychologue, Mme Patricia Bergeron. Il la consulte depuis février 2017 et la voit à une fréquence d’une fois par semaine. »

 

[4]        Lorsqu’un tribunal est en présence d’une suggestion commune relativement à la sentence qu’il devrait imposer à un contrevenant, le juge du procès doit appliquer le critère de l’intérêt public et il ne devrait pas écarter une recommandation conjointe à moins que ce qui est proposé soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public.

 

[5]        Dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, la Cour suprême a reconnu que « [l]e fait, pour les avocats du ministère public et de la défense, de convenir d’une recommandation conjointe relative à la peine en échange d’un plaidoyer de culpabilité constitue une pratique acceptée et tout à fait souhaitable. Les ententes de cette nature sont monnaie courante, et elles sont essentielles au bon fonctionnement de notre système de justice pénale et de notre système de justice en général », y compris les procès devant la cour martiale.

 

[6]        Les avocats sont toutefois tenus de donner au tribunal un compte rendu complet de la situation du délinquant, des circonstances entourant la commission de l’infraction ainsi que de la recommandation conjointe sans attendre que le juge du procès en fasse la demande. Dans le contexte de cette affaire, la Cour se déclare satisfaite des explications ou de l’information fournie par le procureur.

 

[7]        La poursuite a bien expliqué que la suggestion commune visait principalement les objectifs de dénonciation et de dissuasion pour des infractions d’insubordination liées à des actes de violence envers des supérieurs.

 

[8]        Les facteurs atténuants dans cette affaire sont toutefois très importants. Le caporal à la retraite Ladet a trente-neuf ans et il a eu une courte mais impressionnante carrière de onze ans au sein des Forces armées canadiennes dans un métier particulièrement exigeant jusqu’en 2014 et il a servi son pays notamment en Afghanistan à deux reprises en 2009 et 2010 où on lui a même décerné une citation à l’ordre du jour pour ses actions au combat. Il en est sorti meurtri et il souffre depuis de très sérieux troubles de santé mentale qui ont contribué directement à la commission des infractions pour lesquelles il a reconnu sa culpabilité. Il n’a aucun antécédent disciplinaire ou criminel et il a été libéré des Forces armées canadiennes en mars dernier pour ces mêmes raisons de santé. Il continue d’ailleurs à recevoir des soins pour ses problèmes de manière intensive. Cette affaire illustre ce qui peut arriver de malheureux lorsqu’une personne souffre et que son comportement envoie des signes de détresse.

 

[9]        Il demeure que la rétrogradation est une peine sérieuse qui met l’emphase sur la dénonciation du geste et la dissuasion tant générale qu’individuelle lorsqu’un militaire utilise la violence envers des supérieurs. Assortie d’une amende importante, elle lance un message clair que même dans les cas où le contrevenant a eu une carrière jusque-là irréprochable, voire hautement méritoire, on ne peut faire usage de violence envers un supérieur sous peine de graves sanctions.

 

[10]      La suggestion commune, dans les circonstances, assure le maintien de la discipline, ne déconsidère pas l’administration de la justice et elle n’est pas contraire à l’intérêt public.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[11]      VOUS DÉCLARE coupable d’un chef d’accusation pour avoir usé de violence envers un supérieur contrairement à l’article 84 de la LDN et de deux chefs d’accusation relativement à des actes d’insubordination visés à l’article 85 de la Loi.

 

[12]      VOUS CONDAMNE à la rétrogradation au grade de soldat et à l’amende pour un montant de 3 000 dollars payable en trois versements mensuels égaux et consécutifs à compter d’aujourd’hui.


Avocats :

 

Major D.J.G. Martin pour le directeur des poursuites militaires

 

Major A. Gélinas-Proulx, service d’avocats de la défense, avocat du caporal A. Ladet

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