Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 8 mars 2018

Endroit : Base de soutien de la 2e Division du Canada, l’Académie, édifice 534, pièce 227, Courcelette (QC)

Chef d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
SENTENCE : Une amende au montant de 200$ et consigné aux quartiers pour une période de 10 jours.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Obele Ngoudni, 2018 CM 3005

 

Date : 20180308

Dossier : 201807

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 2e division du Canada Valcartier

Garnison Valcartier (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal-chef F. Obele Ngoudni, contrevenant

 

 

En présence du : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Le caporal-chef Obele Ngoudni a avoué sa culpabilité au seul chef d’accusation apparaissant à l’acte d’accusation, chef d’accusation porté en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN), soit un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline et dont les détails se lisent comme suit :

 

Entre le 14 juillet et le 10 novembre 2015, à ou près du camp Glebokie, Pologne, il a eu en sa possession une arme prohibée à savoir un « coup-de-poing américain », lors d’un champ de tir alors qu’il était en théâtre opérationnel.

 

[2]               La Cour accepte et enregistre votre plaidoyer de culpabilité relativement à ce chef d’accusation et, par le fait même, vous déclare coupable aujourd’hui de ce chef.

 

[3]               Les avocats ici présents ont présenté une suggestion commune à la Cour voulant qu’elle impose une amende au montant de 200 dollars et consigne au quartier pour une période de 10 jours. À titre de juge militaire, il est maintenant de mon devoir de déterminer la peine qui doit vous être imposé.

 

[4]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces armées canadiennes (FAC). Ce système a pour but de prévenir toute inconduite ou, d’une façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les FAC s’assurent que leurs membres rempliront leur mission avec succès en toute confiance et fiabilité.

 

[5]               Le système de justice militaire veille également au maintien de l’ordre public et à s’assurer que les personnes assujetties au code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[6]               Le sommaire des circonstances se lit comme suit :

 

« SOMMAIRE DES CIRCONSTANCES

 

1.         Le caporal-chef Obele Ngoudni s’est enrôlé dans les Forces armées canadiennes le 18 février 2009.

 

2.         Entre le 14 juillet et 10 novembre 2015, le caporal-chef Obele Ngoudni se trouvait en Pologne dans le cadre de l’Op Réassurance au sein de la Force opérationnelle Terrestre

 

3.         À un moment, entre le 14 juillet et le 10 novembre 2015, le caporal-chef Obele Ngoudni a assisté à un festival en Pologne, le festival des Vikings.

 

4.         Pendant le festival des Vikings, le caporal-chef Obele Ngoudni a acheté un coup-de-poing-américain à un commerçant. Ce coup-de-poing-américain a été ramené au Camp Glebokie en Pologne par le caporal-chef Obele Ngoudni.

 

5.         Le Camp Glebokie était l’endroit où logeait pendant l’Op Réassurance une partie de la Force opérationnelle Terrestre dont le caporal-chef Obele Ngoudni et les membres de sa section d’ingénieur de combat. 

 

6.         Lors de son retour au Camp Glebokie, le caporal-chef Obele Ngoudni a pris la décision d’apporter le coup-de-poing-américain sur un champ de tir auquel il participait pour le montrer à d’autres militaires.

 

7.         Par la suite, le coup-de-poing-américain a été entreposé et oublié par le caporal-chef Obele Ngoudni à l’intérieur de sa veste balistique.

 

8.         Vers le 10 novembre 2015, le caporal-chef Obele Ngoudni a été rapatrié au Canada.

 

9.         Son équipement militaire comprenant notamment sa veste balistique n’a pas été rapatrié au Canada en même temps que celui-ci. Son équipement militaire a transité à Cologne en Allemagne à titre de bagages non accompagnés (BNA).

 

10.       Son équipement militaire était à l’intérieur d’une boîte à fourbi, d’un sac à fourbi et d’un sac alpin.

 

11.       La veste balistique du caporal-chef Obele Ngoudni avec le coup-de-poing-américain se trouvait à l’intérieur de son sac alpin.

 

12.       Le 15 décembre 2015, à Cologne, lors de la fouille des BNA du caporal-chef Obele Ngoudni, le caporal-chef Marmen a découvert un coup-de-poing-américain et il l’a saisi.

 

13.       Lors de l’enquête de la police militaire, le caporal-chef Obele Ngoudni a collaboré avec l’enquêteur chargé de  l’interroger. Il a admis qu’il avait acheté un coup-de-poing-américain et qu’il savait que la possession de cet objet était illégale au Canada. Cependant, il a également déclaré qu’il n’avait jamais eu l’intention de vouloir le rapporter dans ses BNA, et qu’il s’agissait d’un oubli de sa part étant donné la courte période de temps qu’il avait eu pour emballer ses effets militaires avant son rapatriement.

 

14.       Il reconnaît qu’il a fait preuve dans le contexte militaire d’un manquement à l’autodiscipline en manquant de respect aux règles relatives aux armes et en exhibant un coup-de-poing-américain en théâtre opérationnel.»

 

[7]               La preuve déposée devant la Cour inclut un sommaire des circonstances et un sommaire conjoint des faits se lisant comme suit :

 

« SOMMAIRE CONJOINT DES FAITS

 

1.         Le caporal-chef Obele Ngoudni a été nommé caporal-chef le 1er juillet 2016. À ce titre, il est attendu qu’il fasse preuve d’habiletés en matière de leadership et en matière décisionnelle.

 

2.         Sa décision d’apporter sur un champ de tir un coup-de-poing-américain alors qu’il se trouvait en théâtre opérationnel démontre un manquement à l’égard de ces habiletés. Il savait également que la possession d’un coup de poing américain est illégale au Canada.

 

3.         Cependant, dès le début de l’enquête, le caporal-chef Obele Ngoudni a admis sa faute et il a collaboré avec la police militaire.

 

4.         La preuve de la poursuite repose sur plusieurs éléments de preuve dont la déclaration extrajudiciaire du caporal-chef Obele Ngoudni. Sans cette déclaration, la poursuite n’aurait pas été en mesure de remplir son fardeau de preuve. 

 

5.         Son plaidoyer de culpabilité à la première occasion évite la tenue d’un débat sur l’admissibilité de la déclaration extrajudiciaire et sur le dépôt potentiel de requêtes. 

 

6.         Le caporal-chef Obele Ngoudni est le père de deux jeunes enfants. Il bénéfice du support de sa conjointe et bénéficierait également du support de sa chaîne de commandement.

 

7.         Les procédures judiciaires ont eu un impact sur sa santé mentale. Il souffre de dépression.

 

8.         Le délai entre la commission de l’infraction et la présente cour martiale est d’environ 27 mois. L’accusation a été portée le 14 août 2017. Une partie des délais peut s’expliquer par le fait que l’enquête s’est déroulée dans trois pays : l’Allemagne, la Pologne et le Canada.»

 

[8]               Lorsqu’un tribunal est en présence d’une suggestion commune relativement à la sentence qu’il devrait imposer à un contrevenant, le juge du procès doit appliquer le critère de l’intérêt public et ne devrait pas écarter une recommandation conjointe à moins que ce qui est proposé soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou soit contraire à l’intérêt public.

 

[9]               La cour peut s’écarter d’une recommandation faite par les avocats seulement « lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice » tel que mentionné dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 au paragraphe 42. Faire « échec au bon fonctionnement du système de justice » est essentiellement le paramètre que doit considérer le juge lorsqu’il impose une sentence dans le cadre d’une suggestion commune.

 

[10]           Dans la même décision, la Cour suprême a reconnu que « [l]e fait, pour les avocats du ministère public et de la défense, de convenir d’une recommandation conjointe relative à la peine en échange d’un plaidoyer de culpabilité constitue une pratique acceptée et tout à fait souhaitable. Les ententes de cette nature sont monnaie courante, et elles sont essentielles au bon fonctionnement de notre système de justice pénale et de notre système de justice en général », y compris les procès devant la cour martiale.

 

[11]           Cependant, les avocats sont tenus de donner au tribunal un compte rendu complet de la situation du délinquant, les circonstances entourant la commission de l’infraction ainsi que de la recommandation conjointe sans attendre que le juge du procès en fasse la demande. Même si j’ai dû intervenir ou que j’ai posé des questions à quelques reprises dans le contexte de cette affaire, la Cour se déclare totalement satisfaite des explications et de l’information fournie par les avocats.

 

[12]           Dans le cas qui nous occupe, les principes et objectifs de dénonciation et de dissuasion spécifique et générale ont servi de paramètre pour les discussions des avocats. De plus, la réhabilitation a été aussi une composante intégrante de leurs suggestions.

 

[13]           Le caporal-chef Obele Ngoudni s’est enrôlé en 2009. Il semble selon les documents qui ont été soumis à la Cour qu’il a eu une progression de carrière stable, mais toutefois assez rapide au cours des neuf dernières années.

 

[14]           Il a été déployé à deux reprises, en 2012 et 2013 en Afghanistan ainsi qu’en 2015 en Pologne. C’est dans le cadre de ce dernier déploiement que l’infraction a été commise. Il est revenu au pays et cette histoire a été quelque chose qui l’a dérangé à un tel point qu’il souffre maintenant de dépression. Il est maintenant dans le cadre d’un retour progressif au travail. Donc, il y a eu, pendant un certain moment, un arrêt de travail. Il a été désigné caporal-chef en 2016, soit après l’incident qui fait l’objet de cette cour martiale.

 

[15]           La Cour a posé certaines questions afin de comprendre le cadre des discussions en lien avec les objectifs visés par l’imposition d’une peine. La Cour comprend qu’il s’agit d’une infraction qui a été considérée sérieuse en soit et dont on a voulu limiter l’impact des conséquences sur le contrevenant. La Cour s’est informée à propos de l’exécution possible de la sentence de consigne au quartier en raison du contexte qui a été présenté à la Cour et de l’impact que cela pourrait avoir autant sur l’unité que sur l’individu.

 

[16]           La Cour comprend que le caporal-chef Obele Ngoudni a le soutien de l’unité. J’encourage l’unité à consulter les intervenants pertinents dans ce dossier lors de l’exécution de la sentence, particulièrement les autorités médicales et aussi les autorités légales par le biais du conseiller juridique.

 

[17]           J’ai aussi considéré l’émission d’une ordonnance d’interdiction de possession d’arme, de munitions et d’explosifs en vertu de l’article 147.1 de la LDN considérant que je fais face à une infraction qui comporte l’utilisation ou la possession d’une arme prohibée. Je comprends de l’ensemble des circonstances qui ont été soumises à la cour qu’il n’est pas nécessaire qu’une telle ordonnance soit émise et qu’il n’y a aucun danger pour la sécurité du contrevenant ou pour celle d’autrui. En conséquence, je n’émettrai pas une telle ordonnance simplement parce que ce n’est pas dans l’intérêt public de le faire.

 

[18]           Messieurs les avocats, j’acquiesce l’ensemble de vos suggestions et parce qu’elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public. Caporal-chef Obele Ngoudni, je comprends que vous avez été partie prenante des discussions convenues entre les avocats, vous avez été informé et c’est tout à fait consciemment que vous avez accepté la suggestion commune qui a été discutée entre les avocats et que vous en connaissez l’ensemble des conséquences. Aussi, je suis rassuré par le fait que l’unité est tout à fait au courant de votre situation et que si il y a un problème dans le cadre de l’exécution de la sentence, ils seront en mesure de réagir de manière appropriée afin de vous permettre de ne pas remettre en cause toute la progression que vous faite dans le cadre de votre réhabilitation.

 

[19]           Comme l’ont dit les avocats, ils ont voulu soumettre à la cour une suggestion qui n’aura pas d’impact à long terme sur votre carrière, ce qui signifie probablement qu’à un certain moment vous aurez suffisamment de perspective pour utiliser ce qui vous est arrivé comme une leçon et ça pourrait faire de vous un meilleur leader au sein des FAC.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[20]           DÉCLARE le caporal-chef Obele Ngoudni coupable du premier chef d’accusation relativement à un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[21]           CONDAMNE le caporal-chef Obele Ngoudni à une amende de 200 dollars payable le 15 mars 2018 et à consigne au quartier pour une période de dix jours qui débute immédiatement.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le capitaine M.-A. Ferron

 

Lieutenant de vaisseau M. Tremblay, service d’avocats de la défense, avocat du caporal-chef F. Obele Ngoudni

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