Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 30 octobre 2008

Endroit : Garnison Valcartier, l’Académie, édifice 534, Courcelette (QC)

Chefs d’accusation :
Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, fabrication de faux documents (art. 367 C. cr.).
Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 125c) LDN, dans l’intention d’induire en erreur a altéré des documents établis à des fins militaires.
Chef d’accusation 3 : Art. 130 LDN, s’être servi de documents contrefaits (art. 368a) C. cr.).
Chef d’accusation 4 : Art. 122a) LDN, a donné sciemment une fausse réponse à une question d’un document à remplir à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes.
Chef d’accusation 5 : Art. 122b) LDN, à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes a fourni un renseignement qu’il savait être faux.

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3, 4, 5 : Non coupable.
SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 3000$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. M.S., 2009 CM 3001

 

Dossier : 200820

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CENTRE DE RECRUTEMENT DES FORCES CANADIENNES

GARNISON VALCARTIER

COURCELETTE, QUÉBEC

 

 


Date : 23 janvier 2009

 

 


SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

 


SA MAJESTÉ LA REINE

c.

M.S.

(Requérant)

 

 

 


DÉCISION CONCERNANT UNE REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR LE REQUÉRANT ACCUSÉ À L'EFFET QU'IL Y A UNE ABSENCE DE PREUVE PRIMA FACIE SUR UN DES ÉLÉMENTS ESSENTIELS D'UNE INFRACTION

(Prononcée oralement)

 

 

 


[1]                    M.S. est accusé de fabrication de faux documents contrairement à l'article 367 du Code criminel, de manière subsidiaire à cette accusation il est accusé d'avoir altéré des documents établis à des fins militaires dans l'intention d'induire en erreur contrairement à l'article 125 c) de la Loi sur la défense nationale (ci-après la LDN), de s'être servi de documents contrefaits contrairement à l'article 368(1)a) du Code criminel, d'avoir sciemment donné une fausse réponse à une question d'un document à remplir à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes contrairement à l'article 122 a) de la LDN, et finalement d'avoir fourni un renseignement qu'il savait être faux à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes contrairement à l'article 122 b) de la LDN.

 

[2]                    Tel que prescrit dans les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ci-après les ORFC), lorsque le procureur de la poursuite a terminé la présentation de sa preuve, l'accusé peut demander d'être déclaré non coupable à l'égard d'un chef d'accusation parce que le procureur de la poursuite n'a pas établi une preuve prima facie, c'est-à-dire une cause dans laquelle il y a quelque preuve sur tous les éléments essentiels d'une accusation et si cru par le juge des faits, amène une condamnation.

 

[3]                    En conséquence, le 20 janvier 2009, suivant la déclaration du procureur de la poursuite à l'effet que sa preuve était close, et en conformité avec l'article 112.05(13) des ORFC, l'accusé a présenté une requête pour absence de preuves prima facie à l'égard des troisième, quatrième et cinquième chefs d'accusation qui se trouvent sur l'acte d'accusation, alléguant que le procureur de la poursuite n'a présenté aucune preuve devant cette cour en ce qui a trait à l'un des éléments essentiels de l'infraction portée en vertu de l'article 130 de la LDN, soit d'avoir agi contrairement à l'article 368(1)a) du Code criminel, et celles portées en vertu de l'article 122 a) et b) de la LDN.

 

[4]                    La preuve présentée par le procureur de la poursuite dans le cadre de ce procès par cour martiale permanente est la suivante :

 

a.  Les témoignages entendus, dans l'ordre de leur apparition :

 

i.    le sergent Thierry Paré, policier militaire, responsable de l'enquête qui a mené aux accusations devant cette cour;

 

ii.    madame Manon Francoeur;

 

iii.   le major Chantal Descoteaux;

 

iv.   madame Francine Martineau;

 

v.   madame Sonya Sylvain;

 

vi.   monsieur Roger Lafond;

 

vii. monsieur Luc Métayer;

 

viii. madame Francine Galarneau;

 

ix.   madame Vickie Mercier, spécialiste en documents;

 

x.   madame Anne Cloutier; et

 

xi.   le sergent Isabelle Voyer.

 

b.  Les pièces documentaires numérotées de 1 à 24 et qui sont énumérées à l'annexe de la présente décision.

 

c.  La connaissance judiciaire prise par la cour des faits et questions contenues dans la règle 15 des Règles militaires de la preuve, et plus particulièrement la chapitre 5002-3 (Mutation entre éléments et sous-éléments constitutifs) des Directives et ordonnances administratives des Forces canadiennes.

 

[5]                    Ce genre de requête, présentée immédiatement après que le procureur de la poursuite ait déclaré sa preuve close, est différente de celle relative à une demande d'acquittement sur la base d'un doute raisonnable. Ce dernier argument est à l'effet qu'il existe quelque preuve sur tous les éléments essentiels d'une accusation et sur laquelle un jury équitable, ayant reçu des directives appropriées, pourrait conclure à la culpabilité, mais qui est insuffisante pour établir la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Puisque le concept de doute raisonnable n'entre pas en jeu tant que toute la preuve n'a pas été présentée, la notion de doute raisonnable ne peut pas être considérée ici, à moins que l'accusé ait décidé de ne pas présenter de preuve ou avoir déclaré sa preuve close, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

 

[6]                    Je n'ai pas à considérer la qualité de la preuve en déterminant s'il existe quelque preuve qui a été présentée par le procureur de la poursuite sur chacun des éléments essentiels de l'infraction se trouvant au troisième, quatrième et cinquième chefs d'accusation en vertu duquel un jury équitable, convenablement instruit en droit, pourrait prononcer un verdict de culpabilité.

 

[7]                    Le test pour un verdict imposé a été formulé par le juge Ritchie dans États-Unis d'Amérique c. Shephard, [1977] 2 R.C.S. 1067, à la page 1080, et qui se lit comme suit :

 

... qu'il esiste ou non des éléments de preuve au vu desquels un jury équitable, ayant reçu des directives appropriées, pourrait conclure à la culpabilité.

 

Il est important de souligner que le fardeau de preuve appartient à l'accusé et qu’il doit démontrer, par prépondérance de preuve, que le test est respecté.

 

[8]                    La Cour suprême a confirmé l'énoncé de ce test au paragraphe 9 de sa décision dans R. c. Monteleone, [1987] 2 R.C.S. 154, en s'exprimant comme suit :

 

Lorsqu'on présente au tribunal un élément de preuve admissible, directe ou circonstancielle, qui, s'il était accepté par un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière raisonnable, justifierait une déclaration de culpabilité, le juge du procès n'est pas justifié d'imposer un verdict d'acquittement.

 

[9]                    Le test est le même, que la preuve soit directe ou circonstancielle. C'est l'application de ce test qui varie dépendant du genre de preuve présentée par la poursuite. Lorsque la cause de la poursuite repose entièrement sur la preuve directe, l'application du test est simple. Si le juge détermine que la poursuite a présenté quelque preuve directe sur chacun des éléments essentiels de l'infraction, la requête doit être rejetée. La seule question qui restera est relative à la véracité de la preuve et cet aspect aura à être débattu par le juge des faits. Par contre, lorsque la preuve d'un élément essentiel de l'infraction repose sur une preuve circonstancielle, la question à déterminer n'est pas simplement reliée à sa véracité. Il s'agit aussi, dans la mesure où la preuve est acceptée comme véridique, de déterminer si les inférences se basant sur celle-ci, et telles que proposées par la poursuite, peuvent être faites telles que suggérées. le juge doit jauger la preuve en évaluant s'il existe une capacité raisonnable pour cette preuve de supporter les inférences proposées par la poursuite. Le juge ne se demande pas s'il tirerait de telles inférences, et n'en évalue pas la crédibilité. La seule question est de savoir si la preuve, si elle est crue, peut raisonnablement supporter une inférence de culpabilité.

 

[10]                  Tout d'abord, en ce qui concerne le troisième chef d'accusation, soit l'emploi de documents contrefaits, les éléments essentiels de l'infraction de l'article 368(1)a) du Code criminel sont :

 

a.  L'identité de l'accusé.

 

b.  La date et l'endroit de l'infraction.

 

c.  Que l'accusé savait que les documents ont été contrefaits. Cet élément est relié à l'intention de l'accusé, particulièrement au fait qu'il savait que les documents étaient contrefaits lorsqu'il les a utilisés. Une manière de prouver cet élément essentiel est de démontrer que l'accusé savait réellement ou était au courant que les documents étaient contrefaits lorsqu'il les a utilisés. l'accusé n'a pas à savoir la définition juridique d'un « document contrefait » mais il doit connaître les circonstances qui font de ces documents des documents contrefaits. Une autre manière de prouver cet élément essentiel, c'est-à-dire la connaissance par l'accusé du caractère contrefait des documents, est de démontrer qu'il était au courant de la nécessité de s'enquérir de la nature des documents, mais qu'il a délibérément omis de le faire parce qu'il ne voulait pas connaître la vérité sur ce sujet.

 

d.  Un autre élément essentiel de l'accusation est que l'accusé s'est servi des documents contrefaits. Cet élément essentiel implique le fait que l'accusé a utilisé lui-même les documents ou de faire en sorte ou d'essayer qu'une autre personne les utilise. Il n'est pas nécessaire que l'autre personne ait réellement utilisé les documents en raison des efforts de l'accusé. Il est suffisant que l'accusé ait essayé qu'une telle chose soit faite.

 

e.  Un dernier élément de preuve, un élément essentiel relié à cette infraction et que l'accusé a présenté les documents comme authentiques. Représenter quelque chose comme authentique signifie de décrire ou mettre de l'avant le caractère authentique du document, c'est-à-dire comme étant la chose réelle, tel qu'il apparaît être, plutôt que ce qu'il est vraiment et tel qu'il est connu par l'accusé. Cet élément essentiel est relié à l'intention de l'accusé de tromper une personne et/ou une organisation à qui les documents sont présentés comme étant authentiques.

 

[11]                  L'accusé a soumis que le procureur de la poursuite n'a introduit aucune preuve devant la cour concernant le fait qu'il s'est servi des documents contrefaits. Tout au contraire, le procureur de la poursuite suggère plutôt à la cour qu'il existe quelque preuve que l'accusé s'est servi des trois documents contrefaits énumérés dans les détails de ce chef d'accusation. Il appuie sa prétention sur de la preuve circonstancielle provenant des éléments de preuve qu'il a présentés à la cour.

 

[12]                  La cour constate effectivement qu'il n'existe aucune preuve directe concernant l'élément de preuve à l'effet que l'accusé s'est servi des documents.

 

[13]                  Parmi l'ensemble des éléments de preuve soumis à la cour par le procureur de la poursuite, je retiens les suivants comme étant ceux pouvant être utilisés pour déterminer si des inférences raisonnables peuvent être faites, telles que suggérées par le procureur de la poursuite, afin d'établir qu'il existe quelque preuve que l'accusé s'est servi des trois documents contrefaits :

 

a.  La preuve que M.S. a quitté la clinique médicale de la garnison Valcartier le 4 octobre 2002 en possession de son dossier médical (CF 2034) (voir les pièces 15 et 18, et le témoignage du major Descoteaux).

 

b.  La preuve que M.S. devait se rendre à la Base des Forces canadiennes Winnipeg la semaine suivant le 4 octobre 2002 afin d'y passer son examen médical de libération parce que son unité d'appartenance se trouvait à cet endroit (voir le témoignage du major Descoteaux).

 

 

c.  la preuve que le dossier médical de M.S. s'est rendu à la clinique médicale de la Base des Forces canadiennes Winnipeg le 8 octobre 2002 (voir les pièces 15 et 18, la note du major Descoteaux à la pièce 12 et aussi son témoignage à l'effet qu'elle a obtenu la pièce 15 de la clinique médicale à la BFC Winnipeg).

 

d.  La preuve qu'une procédure médicale a eu lieu concernant la libération de M.S. le 9 octobre 2002 (voir la pièce 16).

 

e.  La preuve que le 9 octobre 2002, une note médicale portant sur la libération de M.S., incluant une série de nombres écrits sur une seule ligne sous la forme 111221 et aussi une référence à une dépendance à la nicotine et au traitement offert, portant la signature d'un médecin militaire appartenant à une unité à Winnipeg, le lieutenant de vaisseau Roque, a été inscrite au carnet de visites médicales de M.S. (voir la pièce 3).

 

f.   La preuve que le profil médical de M.S. s'exprimait sous la forme numérique 111223 le 21 septembre 2002, et ce depuis le 28 juin 1999, et qu'il s'exprimait sous la forme numérique 111221 le 9 octobre 2002. Seul le dernier chiffre de cette forme numérique a changé, soit la cote du facteur professionnel à titre de pilote, passant du chiffre 3, qui indique qu'il existe des restrictions à l'emploi pour des raisons médicales concernant M.S., au chiffre 1 qui indique que M.S. satisfait à toutes les exigences médicales pour l'emploi (voir la pièce 16 et le témoignage du major Descoteaux quant à la signification des cotes attribuées).

 

g.  La preuve que la fiche d'examen médicale (formulaire CF 2033) et l'examen de santé de type II pour le personnel naviguant (formulaire DND 1737), tous deux datés du 21 septembre 2002, constituant les documents qui auraient été contrefaits, et auxquels réfère le troisième chef d'accusation, contiennent un profil médical s'exprimant sous la forme numérique 111221 (voir les pièces 4 et 5).

 

h.  La preuve que la pratique d'un médecin militaire lors d'un examen médical relatif à la libération d'un militaire des Forces canadiennes, est de prendre le formulaire d'examen médical le plus récent se trouvant au dossier médical et de se servir des renseignements qui s'y trouvent pour formuler des observations quant aux diagnostics et traitements médicaux concernant ce militaire (voir le témoignage du major Descoteaux).

 

i.   La preuve que le personnel soignant et celui des archives sont les seules personnes qui ont accès au dossier médical d'un militaire (voir le témoignage du major Descoteaux).

 

[14]                  Dans la mesure où la cour accepte ces éléments de preuve comme véridiques, le procureur de la poursuite suggère qu'ils peuvent supporter raisonnablement l'inférence suivante :

 

Un médecin militaire, le lieutenant de vaisseau Roque, aurait utilisé réellement les trois documents contrefaits, soit le carnet de visites médicales (formulaire CF 2016) contenant une note en date du 21 septembre 2002 (la pièce 3), la fiche d'examen médicale (formulaire CF 2033) (la pièce 5) et l'examen de santé de type II pour le personnel naviguant (formulaire DND 1737) (la pièce 4), tous les deux datés du 21 septembre 2002, ou l'un de ces trois documents, lors de l'examen médical de libération de M.S. le 9 octobre 2002, en raison des efforts de ce dernier.

 

[15]                  Il apparaît clair qu'un examinant l'ensemble de la preuve soumise, la cour a plus qu'un soupçon à l'effet que M.S. s'est servi des documents contrefaits. Ceci l'oblige donc à analyser si cette preuve, si elle est crue, peut raisonnablement supporter une inférence de culpabilité, telle que suggérée par le procureur de la poursuite.

 

[16]                  En ce qui a trait à cette inférence suggérée, soit qu'un médecin militaire, aurait utilisé les trois documents contrefaits ou au moins l'un des trois, pour l'examen médical de libération de M.S. suite aux efforts de ce dernier, la cour est d'avis que la preuve présentée par le procureur de la poursuite peut raisonnablement supporter cette inférence. Le fait qu'un médecin militaire ait inscrit une note relative à la libération de M.S. dans le carnet de visites médicales immédiatement à la suite des deux notes falsifiées, que dans la note du médecin militaire se trouve une inscription sous forme numérique qui apparaît comme référant à un profil médical se trouvant dans les deux autres documents contrefaits et que la note du médecin militaire a été inscrite en date du 9 octobre 2002, soit la semaine où devait avoir lieu l'examen médical de libération de M.S. justifie la conclusion de la cour. Dans ce contexte, le fait que M.S. avait le dossier médical en sa possession à compter du 4 octobre 2002 et qu'il existe une preuve qu'il serait l'auteur des notes contrefaites au carnet de visites médicales permet de supporter raisonnablement l'inférence qu'il a fait en sorte que le médecin utilise ce document contrefait.

 

[17]                  De plus, la cour est d'avis que dans le cas où une telle inférence serait acceptée par un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière raisonnable, elle justifierait une déclaration de culpabilité.

 

[18]                  La cour conclut donc qu'il y a une preuve quelconque concernant le quatrième élément essentiel relatif au troisième chef d'accusation.

 

[19]                  La cour est d'avis que M.S. n'a pas prouvé, par prépondérance de preuve, l'absence totale de preuve à l'effet qu'il s'est servi des documents contrefaits.

 

[20]                  L'accusé soulève aussi que le procureur de la poursuite n'a présenté aucune preuve à la cour au sujet d'un élément essentiel à l'égard des quatrième et cinquième chefs d'accusation. Concernant le quatrième chef d'accusation, soit d'avoir donné sciemment une fausse réponse d'un document à remplir à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes, les éléments essentiels de l'infraction de l'article 122 a) de la LDN sont :

 

a.  l'identité de l'accusé;

 

b.  la date et l'endroit de l'infraction;

 

c.  que l'accusé a fourni une réponse à une question d'un document à remplir;

 

d.  que l'accusé a donné sciemment une réponse fausse à la question;

 

e.  que le document à remplir était à propos de l'enrôlement de l'accusé dans les Forces canadiennes.

 

[21]                  En ce qui a trait au cinquième chef d'accusation, soit d'avoir fourni un renseignement qu'il savait être faux à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes, les éléments essentiels de l'infraction de l'article 122 b) de la LDN sont :

 

a.  l'identité de l'accusé;

 

b.  la date et l'endroit de l'infraction;

 

c.  que l'accusé a fourni un renseignement aux autorités des Forces canadiennes;

 

d.  que l'accusé a fourni un renseignement qu'il savait être faux;

 

e.  que le renseignement était à propos de l'enrôlement de l'accusé dans les Forces canadiennes.

 

[22]                  L'accusé soumet donc à la cour que le procureur de la poursuite n'a soumis aucune preuve concernant le cinquième élément essentiel relatif aux quatrième et cinquième chefs d'accusation, soit que le document à remplir et que le renseignement fourni par l'accusé étaient tous les deux à propos de son enrôlement dans les Forces canadiennes.

 

[23]                  Les éléments de preuve que la cour retient concernant cette question qui lui est soumise sont les suivants :

 

a.  M.S. s'est enrôlé dans les Forces canadiennes le 15 décembre 1992 et il en est membre de manière continue depuis ce temps, sans aucun bris de service, tel qu'établi par la documentation (pièce 21) soumise comme preuve à la cour et le témoignage du sergent Voyer;

 

b.  M.S. a été membre de la force régulière dans l'occupation professionnelle de pilote du 15 décembre 1992 au 27 décembre 2002 et du 23 mars 2005 jusqu'à ce jour (voir la pièce 21).

 

c.  Le DAGRCM a rendu une décision le 15 novembre 2000 à l'effet que M.S. était retenu dans les Forces canadiennes avec la restriction suivante à l'emploi : il ne doit pas piloter d'hélicoptères. De plus, il était ordonné qu'une copie du message militaire reflétant cet état de chose soit donnée à M.S., qu'une autre copie soit placée dans son dossier personnel de l'unité et qu'une copie du message soit aussi envoyée au médecin-chef de la base pour inclusion dans son dossier médical (CF 2034) (voir la pièce 22).

 

d.  M.S. a été membre de la force de réserve dans l'occupation professionnelle de pilote du 27 décembre 2002 au 22 mars 2005. Cependant, les types d'affectations qu'il a reçues en service de classe A et B et les antécédents de formation concernant cette période indiquent qu'il n'aurait pas piloté, mais plutôt exercé des fonctions de nature administrative (voir la pièce 21).

 

e.  M.S. aurait passé un examen médical à l'enrôlement le 1er octobre 2003 impliquant un médecin indéterminé à un endroit indéterminé (voir la pièce 16).

 

f.   Le 2 décembre 2004, alors qu'il était membre de la force de réserve, il a subi un examen médical annuel à la clinique médicale de la garnison Valcartier, impliquant le major Descoteaux à titre de médecin pour la phase 2 de l'examen, durant lequel il a déclaré son intention de se ré-enrôler dans la force régulière (voir la pièce 16 et note du major Descoteaux à la pièce 12, annexe B).

 

[24]                  L'examen de la preuve présentée par la poursuite, incluant les éléments précis précédemment mentionnés, permet à la cour de conclure qu'il y a absence totale de preuve concernant le cinquième élément essentiel relatif aux quatrième et cinquième chefs d'accusation, et ce, pour deux raisons.

 

[25]                  Premièrement, la preuve démontre clairement que l'examen médical qu'a subi M.S. le 2 décembre 2004, et pendant lequel il aurait fourni un faux renseignement et aussi sciemment une fausse réponse, était un examen médical annuel et non pas un examen médical relié à son enrôlement. La cour n'a pu trouver aucune preuve directe ou circonstancielle pouvant faire en sorte de qualifier l'examen médical du 2 décembre 2004 comme en étant un pour les fins d'enrôlement. Il y a bien sûr le commentaire de M.S. consigné par le médecin militaire dans la pièce 12 annexe B, à l'effet qu'il a l'intention de se ré-enrôler dans la force régulière, mais cela ne suffit pas pour faire en sorte qu'un examen médical annuel devienne un examen médical pour des fins d'enrôlement. Il est possible que cet examen annuel ait pu servir à la mutation de M.S. dans la force régulière, cependant aucune preuve n'a été soumise à la cour sur ce sujet.

 

[26]                  Deuxièmement, après avoir étudié les dispositions législatives et réglementaires applicables, j'en viens à la conclusion que l'enrôlement pour une personne se fait à l'égard des Forces canadiennes, et non pas en ce qui concerne ses éléments constitutifs.

 

[27]                  Les paragraphes 122 a) et 122 b) de la LDN réfère clairement à un enrôlement dans les Forces canadiennes. L'article 14 de la LDN prévoit la constitution des Forces canadiennes. Les articles 15 et 16 de cette même loi prévoit quels en sont les éléments constitutifs : la force régulière, la force de réserve et la force spéciale. Il est aussi intéressant de noter que l'article 24 de la LDN réfère à la notion de transfert entre la force régulière et la force de réserve, et vice et versa, lorsqu'un militaire passe d'un élément constitutif à l'autre.

 

[28]                  Différents règlements, ordonnances et directives au sein des Forces canadiennes, prévoient pour les officiers et militaires du rang les termes de service, les conditions d'engagement et de libération, le salaire et les bénéfices auxquels ils ont droit et qui diffèrent dépendant de leur appartenance à un élément constitutif ou un autre, soit la force régulière ou de réserve.

 

[29]                  Il faut aussi noter le chapitre 5002-3 des Directives et ordonnances administratives de la défense (DOAD), intitulé « Mutation entre éléments et sous-éléments constitutifs », et qui prévoit, entre autres choses, ceci :

 

Les militaires servant au sein des éléments constitutifs des FC ont été recrutés et enrôlés. Par conséquent, lors d'une mutation entre éléments ou sous-éléments constitutifs, les militaires n'ont normalement pas à être traités par le système de recrutement.

 

[30]                  Il appert, selon cette même DOAD qu'un militaire doit se soumettre à certaines formalités administratives quant à sa mutation qui sont similaires à celles qui existent pour un enrôlement. Cependant, cela n'a pas pour effet de faire en sorte qu'une mutation d'un élément constitutif à un autre soit considérée comme un enrôlement sur le plan légal.

 

[31]                  Donc, sur le plan juridique, je retiens de l'ensemble de la structure législative et réglementaire qui existe qu'un individu s'enrôle dans les Forces canadiennes et qu'il se retrouve dans un de ces deux éléments constitutifs que sont la force régulière et la force de réserve. Il est soumis à des régimes différents quant à ses obligations et conditions de travail, dépendant de l'élément constitutif auquel il appartient. Lorsqu'un militaire qui a été enrôlé décide de changer d'élément constitutif, alors il effectue une mutation ou un transfert. L'enrôlement dans les Forces canadiennes tient au fait de devenir militaire et la libération représente le fait de quitter les Forces canadiennes.

 

[32]                  En conséquence, en présumant que l'examen médical subi par l'accusé concernait son passage de la force de réserve à la force régulière, je conclus qu'il n'y a aucune preuve directe ou circonstancielle qui a été présentée par le procureur de la poursuite à l'effet que l'examen médical qu'a passé M.S. le 2 décembre 2004 en était un concernant son enrôlement dans les Forces canadiennes. Toujours dans le cadre de la même présomption, la preuve présentée par le procureur de la poursuite sur ce sujet avait trait plutôt à la mutation de M.S. de la force de réserve à la force régulière.

 

[33]                  M.S., levez-vous. C'est ma décision qu'une preuve prima facie a été établie à votre égard par la poursuite quant au troisième chef d'accusation se trouvant sur l'acte d'accusation mais que la poursuite n'a pas établi une telle preuve quant aux quatrième et cinquième chefs d'accusation se trouvant sur l'acte d'accusation.

 

[34]                  Conséquemment, M.S., je vous déclare non coupable des quatrième et cinquième chefs d'accusation.

 

 

LIEUTENANT-COLONEL L.-V. D'AUTEUIL, J.M.

 

Avocats :

 

Major J.J. Caron, Procureur militaire, Région de l'Est

Capitaine P. Doucet, Procureur militaire, Région de l'Est

Avocats de la poursuivante

Major A. Litowski, Directeur du service d'avocats de la défense

Avocate de M.S.

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