Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 3 octobre 2018

Endroit : Base des Forces canadiennes Esquimalt, édifice 30-N, 30 rue Nelles, Victoria (CB)

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, possession d’un outil de cambriolage (art. 351 C. cr.).

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.
SENTENCE : Une amende au montant de 150$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Murphy, 2018 CM 2028

 

Date : 20181003

Dossier : 201842

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Esquimalt

Victoria (Colombie‑Britannique) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot de 1re classe M.T. Murphy, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate S.M. Sukstorf, J.M.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Aujourd’hui, le matelot de 1re classe Murphy a admis sa culpabilité à la première accusation figurant sur l’acte d’accusation. Ayant accepté et enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard du premier chef d’accusation, la Cour doit maintenant déterminer et prononcer la peine à l’égard de ce chef d’accusation, qui se lit comme suit :

 

[traduction]

« Première accusation

Article 129 de la Loi sur la défense nationale

 

 

ACTE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE

 

Détails : Le 16 novembre 2017, à environ 00 h 20, à bord du navire canadien de Sa Majesté (NCSM) WINNIPEG, à quai à Vancouver (Colombie-Britannique), l’accusé a tenté d’ouvrir de force le réfrigérateur du bar du mess des caporaux et des soldats. »

 

[2]               La preuve présentée à la Cour comprend le sommaire des circonstances suivant :

 

[traduction]

« LE SOMMAIRE DES CIRCONSTANCES

 

1.                  À toutes les dates pertinentes, le mat 1 Murphy était membre de la force régulière des Forces armées canadiennes et était affecté au NCSM Winnipeg.

 

2.                  Alors qu’ils se trouvaient dans le port de Vancouver le 15 novembre 2017, le mat 1 Murphy et le mat 1 Honeyman ont utilisé un outil d’effraction trouvé sur le navire pour tenter d’ouvrir de force le réfrigérateur du mess des caporaux et des soldats, et ce, en dehors des heures durant lesquelles la consommation d’alcool est autorisée.

 

3.                  Ils ont été pris sur le fait et ont immédiatement rendu l’outil d’effraction.

 

4.                  Le mat 1 Murphy se comportait de façon inhabituelle parce qu’il était sous l’influence de l’alcool.

 

5.                  Aucun article n’a été pris dans le réfrigérateur du bar.

 

6.                  Après le dépôt des accusations, à la première occasion, le mat 1 Murphy a indiqué son intention de plaider coupable et d’assumer l’entière responsabilité de ses actes. »

 

Recommandation conjointe

 

[3]               Dans une recommandation conjointe, les avocats m’ont suggéré d’imposer une amende de 150 $ payable immédiatement.

 

[4]               La recommandation conjointe présentée à la Cour est examinée à la lumière de l’orientation donnée par la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’arrêt R. c. Anthony‑Cook, 2016 CSC 43. Dans cet arrêt, la CSC a précisé qu’un juge du procès ne devrait écarter une recommandation conjointe que « si la peine proposée serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait par ailleurs contraire à l’intérêt public ».

 

[5]               Comme vous l’avez entendu lorsque j’ai vérifié le plaidoyer de culpabilité plus tôt, lorsque l’on négocie un plaidoyer, on renonce à son droit constitutionnel d’être présumé innocent et on ne doit jamais le faire à la légère. En fait, conformément au serment prononcé par tous les militaires, ce droit en est un que nous devons tous protéger. Par conséquent, en échange de son plaidoyer de culpabilité, l’accusé doit avoir un degré de certitude élevé que la Cour acceptera la recommandation conjointe.

 

[6]               Le procureur qui propose la peine est conscient des besoins des militaires et de l’ensemble de la communauté et il est chargé de défendre ces intérêts. Inversement, l’avocat de la défense agit exclusivement dans l’intérêt supérieur de l’accusé, ce qui, en l’espèce, garantit que le plaidoyer de l’accusé est un choix volontaire et éclairé et qu’il reconnaît sans équivoque sa culpabilité.

 

[7]               Puisque les avocats de la poursuite et de la défense sont membres de la profession juridique et sont redevables envers leurs barreaux respectifs, la Cour compte beaucoup sur leur professionnalisme et leur jugement ainsi que sur le respect de leur devoir envers la Cour.

 

Preuve

 

[8]               En l’espèce, le procureur de la poursuite a lu le sommaire des circonstances, puis a fourni les documents requis par l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes qui lui ont été remis par la chaîne de commandement.

 

[9]               Par ailleurs, la Cour a tiré profit des représentations des avocats à l’appui de leur position conjointe relativement à la peine où ils ont souligné les faits et les facteurs pertinents dans le dossier du matelot de 1re classe Murphy.

 

[10]           Les représentations des avocats et la preuve présentées devant la Cour m’ont permis d’être suffisamment informée de la situation du matelot de 1re classe Murphy et de tenir compte de toute conséquence indirecte de la peine, et ce, afin d’imposer une peine adaptée à la situation de l’accusé et qui tient compte de ses efforts de réadaptation et des progrès qu’il a réalisés jusqu’à maintenant.

 

Le contrevenant

 

[11]           Le matelot de 1re classe Murphy est âgé de 34 ans. Il s’est enrôlé le 24 août 2011 et a servi pendant plus de 500 jours en mer, dont deux missions opérationnelles qui lui ont valu l’Étoile de campagne générale – Asie du Sud‑Ouest et la Médaille de l’OTAN Article 5 pour l’opération ACTIVE ENDEAVOUR. De l’avis général, il semble avoir bien servi son pays et n’a aucun antécédent de conduite inappropriée ou de casier judiciaire dont la Cour doit tenir compte.

 

[12]           Comme nous l’avons noté lors des représentations sur la détermination de la peine, le matelot de 1re classe Murphy a déjà fait d’importants efforts de réadaptation qui ne peuvent pas être ignorés par la Cour.

 

Objectifs et principes de la détermination de la peine à souligner en l’espèce

 

[13]           La détermination de la peine dans une cour martiale a pour objectifs essentiels de favoriser l’efficacité opérationnelle des Forces armées canadiennes (FAC) en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral, et de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre. L’atteinte de ces objectifs essentiels se fait par l’infliction de sanctions visant un ou plusieurs des objectifs énoncés au paragraphe 203.1(2) de la Loi sur la défense nationale (LDN). Le procureur de la poursuite a souligné que, lors des négociations, l’avocat de la défense et lui‑même avaient examiné attentivement les objectifs de la détermination de la peine énoncés à ce paragraphe.

 

[14]           Selon les faits présentés en l’espèce, le procureur de la poursuite et l’avocat de la défense considèrent que les objectifs les plus importants sont la dissuasion spécifique et générale ainsi que la dénonciation. L’avocat de la poursuite a également noté que la volonté du membre des FAC d’accepter sa responsabilité et ses efforts de réadaptation doivent également être pris en considération. Je suis d’accord avec leur interprétation.

 

Prise en compte des circonstances aggravantes ou atténuantes

 

[15]           Lorsqu’elle impose une peine en vertu de l’alinéa 203.3a) de la LDN, la Cour doit tenir compte du fait que la peine devrait être adaptée « aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant ».

 

Facteurs aggravants

 

[16]           Après avoir entendu les représentations des avocats, la Cour souligne les circonstances aggravantes suivantes pour les besoins du dossier :

 

a)                  l’utilisation d’un outil d’effraction, trouvé sur le navire, à des fins inappropriées;

 

b)                  au moment de l’incident, le matelot de 1re classe Murphy était sous l’influence de l’alcool et il tentait d’avoir accès à plus d’alcool.

 

Facteurs atténuants

 

[17]           Après avoir entendu les représentations des avocats, la Cour souligne les circonstances atténuantes suivantes pour les besoins du dossier :

 

a)                  il faut tenir pleinement compte du fait que le matelot de 1re classe Murphy a plaidé coupable à l’infraction, comme il est exposé dans le sommaire des circonstances. Il a fait preuve de courage en acceptant publiquement ses responsabilités devant ses camarades de bord. Il a démontré qu’il éprouvait des remords sincères. Son plaidoyer de culpabilité a permis à la Cour et aux avocats de gagner beaucoup de temps et d’économiser des ressources;

 

b)                  rien n’a été pris;

 

c)                  l’incident n’était pas représentatif du comportement habituel de l’accusé;

 

d)                  sa participation au cours de qualification élémentaire en leadership a été retardée de quatre mois, ce qui a ralenti la progression de sa carrière;

 

e)                  l’accès à son mess lui a été interdit pour une période de six mois.

 

L’harmonisation des peines

 

[18]           Conformément à l’alinéa 203.3b) de la LDN, la peine imposée doit être semblable à celle infligée à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Selon la jurisprudence et les représentations des avocats, il est évident que la peine recommandée conjointement fait partie d’une fourchette acceptable compte tenu des sentences antérieurement prononcées pour ce type d’infraction.

 

[19]           Matelot de 1re classe Murphy, avant de prononcer la sentence, je vais citer l’avocat de la défense qui a dit que, par votre plaidoyer, vous avez fait preuve de courage et d’honneur en acceptant immédiatement votre responsabilité. La Cour note que l’acceptation publique de votre responsabilité n’est pas chose facile, mais elle constitue un excellent exemple de la façon dont vous avez choisi de traiter cette erreur de jugement. Bref, la façon dont nous abordons nos erreurs de jugement révèle notre véritable nature, et parfois on apprend davantage des erreurs faites en public que des erreurs commises dans un contexte privé. Votre avocat a commenté le fait que, ce faisant, vous avez fait preuve d’un leadership positif et la Cour vous souhaite beaucoup de succès dans votre carrière.

 

Conclusion

 

[20]           Après avoir examiné l’ensemble des observations des avocats et tous les éléments de preuve présentés à la Cour, je dois me demander si la peine proposée serait perçue par un membre informé et raisonnable des FAC, ainsi que par la population en général, comme une défaillance dans le bon fonctionnement du système de justice militaire.

 

[21]           Compte tenu de tous les facteurs, des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant, des conséquences indirectes du verdict ou de la peine, de la gravité de l’infraction et des antécédents comportementaux du contrevenant, je suis convaincu que les avocats se sont acquittés de leurs obligations lors de la présentation de la recommandation conjointe. Une peine constituée d’une amende de 150 $ envoie le message que ce type de comportement ne sera pas toléré dans les FAC, mais elle témoigne également de la volonté du contrevenant d’accepter la responsabilité de ses actes. La peine recommandée est dans l’intérêt public et elle ne déconsidère pas l’administration de la justice.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[22]           VOUS DÉCLARE coupable du premier chef d’accusation.

 

[23]           VOUS CONDAMNE à une amende de 150 $, payable immédiatement.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le major A. van der Linde.

 

M. D.M. Hodson, David Hodson Criminal Defence Law, 16, rue Lindsay Nord, Lindsay (Ontario), avocat du matelot de 1re classe M.T. Murphy

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