Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 16 juillet 2018

Endroit : Base de soutien de la 4e Division du Canada Petawawa, édifice L-106, 48 terrain de parade Nicklin, Petawawa (ON)

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
Chef d’accusation 2 : Art. 118.1 LDN, ayant été dûment convoqué, fait défaut de comparaître devant un tribunal militaire.

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chef d’accusation 2 : Coupable.
SENTENCE : Emprisonnement pour une période de cinq jours.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. McEwan, 2018 CM 4019

 

Date : 20180930

Dossier : 201740

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 4e Division du Canada Petawawa

Petawawa (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal R.A. McEwan, contrevenant

 

 

En présence du Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Caporal McEwan, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du dernier chef d’accusation figurant à l’acte d’accusation, la Cour vous déclare maintenant coupable de ce chef d’accusation prévu à l’article 118.1 de la Loi sur la défense nationale (LDN) pour défaut de comparaître devant un tribunal militaire, plus précisément à un procès par voie sommaire, alors que vous aviez dûment reçu l’ordre.  

 

Présentation d’une recommandation conjointe

 

[2]               Je dois à présent infliger la peine. Une recommandation conjointe a été présentée à la Cour. Le procureur de la poursuite et l’avocat de la défense m’ont recommandé d’infliger une peine d’emprisonnement de cinq jours, qui tient compte des deux jours de détention avant procès considérés comme crédit à raison d’un jour contre un.

 

[3]               Cette recommandation des avocats limite considérablement le pouvoir discrétionnaire dont je dispose pour déterminer la peine appropriée. Je ne suis pas tenu de suivre la proposition présentée à la Cour, mais comme tout autre juge du procès, je ne peux écarter une recommandation conjointe que si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle est par ailleurs contraire à l’intérêt public. C’est le critère qui a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43. 

 

[4]               Bien qu’il m’incombe d’apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, le seuil requis pour s’en écarter est indéniablement élevé, car les recommandations conjointes répondent à d’importantes considérations d’intérêt public. Le procureur de la poursuite accepte de recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, afin d’éviter le stress d’un procès et de permettre aux contrevenants qui ont des remords de commencer à faire amende honorable. Les recommandations conjointes ne sont pas avantageuses que pour l’accusé, mais aussi pour les victimes, les témoins, la poursuite et l’administration de la justice en général, car le temps, les ressources et l’argent ainsi économisés peuvent être alloués à d’autres affaires. Les recommandations conjointes apportent une certitude à tous les participants, en particulier à l’accusé, mais aussi à la poursuite, qui obtient ce qu’un procureur militaire estime être un règlement approprié de l’affaire dans l’intérêt public.

 

[5]               Or, même si la certitude quant au résultat est importante pour les parties, ce n’est pas l’objectif ultime du processus de détermination de la peine. Je dois également garder à l’esprit l’objectif disciplinaire du code de discipline militaire et des tribunaux militaires au moment d’exercer la fonction de détermination de la peine qui m’incombe à titre de juge militaire. Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, le code de discipline militaire porte avant tout sur le maintien de la discipline et de l’intégrité au sein des Forces armées canadiennes (FAC), mais il joue aussi un rôle de nature publique du fait qu’il vise à punir une conduite précise qui menace l’ordre et le bien-être publics. Grâce aux cours martiales, les autorités militaires sont en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. La peine est la conséquence ultime du constat, à l’issue d’un procès ou d’un plaidoyer de culpabilité, qu’il y a eu manquement au code de discipline militaire. La détermination de la peine se déroule habituellement dans un établissement militaire, en public et en présence de membres de l’unité du contrevenant, comme en l’espèce.

 

[6]               L’infliction d’une peine dans le cadre d’une instance en cour martiale remplit donc une fonction disciplinaire importante, ce qui rend ce processus différent du processus de détermination de la peine qui a habituellement cours dans le système civil de justice pénale. Même en cas de recommandation conjointe, le juge militaire qui inflige la peine doit s’assurer à tout le moins que les circonstances de l’infraction, la situation du contrevenant et la recommandation conjointe sont non seulement prises en compte, mais qu’elles sont bien exposées dans la décision relative à la peine avec une précision qui n’est pas toujours nécessaire devant d’autres tribunaux. Pourtant, les exigences particulières en matière de détermination de la peine en cour martiale ne visent pas à déroger aux directives données par la Cour suprême concernant les recommandations conjointes au paragraphe 54 de l’arrêt Anthony-Cook.

 

[7]               De nouvelles dispositions législatives énonçant les objectifs et les principes de la détermination de la peine par les tribunaux militaires sont entrées en vigueur le 1er septembre 2018. Sans vouloir reprendre le contenu de ces dispositions, je tiens à mentionner que, selon le principe fondamental de détermination de la peine énoncé à l’article 203.2 de la LDN, le juge militaire doit infliger une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

Questions examinées

 

[8]               En l’espèce, le procureur de la poursuite a lu un sommaire des circonstances qui a été admis en preuve en tant que pièce, en plus d’autres documents fournis par la poursuite, comme l’exige l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC). L’avocat de la défense a également déposé en tant que pièce un exposé conjoint des faits faisant ressortir les circonstances atténuantes pour le caporal McEwan et un rapport d’évaluation psychologique mettant l’infraction en contexte.  

 

[9]               En plus de ces éléments de preuve, la Cour a bénéficié des observations des avocats à l’appui de leur position conjointe quant à la peine, laquelle repose sur les faits et les facteurs pertinents en l’espèce, ainsi que sur la jurisprudence applicable à des cas semblables. Ces observations et éléments de preuve me permettent de tenir compte des objectifs et des principes de la détermination de la peine et de les appliquer à la situation du contrevenant et à l’infraction commise.

 

Contrevenant et infraction

 

[10]           Âgé de 47 ans, le caporal McEwan a été libéré des FAC le 30 novembre 2016 pour des motifs médicaux, après plus de 20 ans de service continu au sein de l’infanterie de la force régulière, principalement au 3e Bataillon, The Royal Canadian Regiment, (3 RCR) ici à Petawawa, mais également au Centre de parachutisme du Canada pendant deux ans à Trenton. Le caporal McEwan avait servi pendant six ans dans la force de réserve avant de se joindre à la force régulière en 1996. Au cours de sa carrière, il a participé à des opérations à l’étranger avec son régiment à trois reprises : deux fois en soutien à la mission de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Bosnie et une fois à Kaboul, en Afghanistan. Son départ du service ne s’est pas fait d’une manière habituelle. Son unité allègue qu’il a cessé d’accomplir son service régulier en août 2016, au moment où il allait obtenir sa libération du service. Le caporal McEwan estime que ses absences reprochées étaient attribuables à une mauvaise communication et étaient liées à ce qu’il percevait comme étant du harcèlement de la part de son unité, dont il a été victime pendant environ quatre ans avant sa libération.             

 

[11]           Les faits entourant la perpétration de l’infraction en l’espèce sont exposés dans le sommaire des circonstances lu par le procureur de la poursuite, et dont le caporal McEwan a formellement reconnu l’exactitude. Voici un résumé de ces circonstances :

 

a)                  Le 15 novembre 2016, le caporal McEwan a été accusé par son unité, 3 RCR, d’un chef d’accusation d’absence sans permission en application de l’article 90 de la LDN

 

b)                  Son procès par voie sommaire devait avoir lieu le 17 novembre 2016. Le caporal McEwan ne s’y est pas présenté, bien qu’il ait dûment reçu l’ordre.

 

c)                  On a tenté de reporter le procès par voie sommaire au lendemain, le 18 novembre 2016, étant donné que le caporal McEwan était présent à l’unité pour régler des questions administratives relativement à sa libération imminente des FAC. Encore une fois, le caporal McEwan aurait refusé de comparaître et serait sorti de l’immeuble après que son sergent-major régimentaire lui eut ordonné de se présenter. 

 

d)                  Le 14 décembre 2016, le caporal McEwan a été accusé par son unité d’un chef d’accusation de défaut de comparaître au titre de l’article 118.1 de la LDN. Le 27 février 2017, le directeur des poursuites militaires (DPM) a été saisi de l’accusation. Ensuite, le 22 juin 2017, il a accusé le caporal McEwan d’un chef d’accusation d’absence sans permission au titre de l’article 90 de la LDN et d’un chef d’accusation de défaut de comparaître devant un tribunal militaire au titre de l’article 118.1 de la LDN.   

 

e)                  Le 4 septembre 2017, un huissier a signifié personnellement au caporal McEwan un acte d’accusation daté du 22 juin 2017. Cependant, il n’y a pas répondu et n’a pris aucunement part à l’établissement du calendrier et aux décisions ayant trait aux autres questions administratives concernant son procès devant la cour martiale.

 

f)                   Par suite de l’acceptation de la demande du DPM en vue de fixer la date du procès, une cour martiale permanente (CMP) a été convoquée le 16 juillet 2018 à Petawawa (Ontario). Malgré un ordre de convocation signifié par huissier à la petite amie du caporal McEwan à la résidence où ce dernier passe du temps, le caporal McEwan n’y a pas répondu et ne s’est pas présenté devant la CMP comme on le lui avait ordonné le 16 juillet 2018.

 

g)                  En l’absence de la présentation d’une preuve de la signification personnelle au caporal McEwan à ce moment, comme l’exigent les ORFC, la CMP a dû ajourner les procédures et délivrer une ordonnance le 17 juillet 2018 exigeant que le caporal McEwan comparaisse devant la CMP le 26 septembre 2018 à Petawawa (Ontario). Le 27 juillet 2018, un huissier a signifié personnellement une copie de cette ordonnance au caporal McEwan.  

 

h)                  Le 26 septembre 2018, le caporal McEwan ne s’est pas présenté devant la CMP. Un mandat d’arrestation judiciaire a été délivré sous le régime de l’article 249.23 de la LDN pour que l’accusé comparaisse devant la Cour. La CMP a été ajournée jusqu’à ce que cela soit possible.  

 

i)                   Le 3 octobre 2018 à 11 h 53, le caporal McEwan a été mis sous garde après l’exécution du mandat d’arrestation judiciaire par la police militaire à Toronto. Il a été transporté à Petawawa. 

 

j)                   Le lendemain, le 4 octobre 2018, le caporal McEwan a été conduit devant la CMP à Gatineau (Québec). On a ordonné sa mise en liberté sous conditions à 18 h 35. L’instance de la CMP s’est poursuivie, et le procureur de la poursuite a retiré le premier chef d’accusation pour absence sans permission figurant à l’acte d’accusation.

 

k)                  Au total, le caporal McEwan a passé deux jours en détention avant procès. 

 

[12]           Le caporal McEwan est jugé par une cour martiale malgré sa libération de la force régulière le 30 novembre 2016 parce qu’il aurait commis l’infraction reprochée alors qu’il était encore un membre de la force régulière et donc assujetti au code de discipline militaire en application du paragraphe 60(1) de la LDN. Le paragraphe 60(2) de la LDN prévoit en ces mots le maintien du statut de justiciable :    

 

Quiconque était justiciable du code de discipline militaire au moment où il aurait commis une infraction d’ordre militaire peut être accusé, poursuivi et jugé pour cette infraction sous le régime du code de discipline militaire, même s’il a cessé, depuis que l’infraction a été commise, d’appartenir à l’une des catégories énumérées au paragraphe (1).

 

Aux termes du paragraphe 60(3) de la LDN, quiconque a cessé d’être visé par le paragraphe (1) :

 

[E]st réputé, pour l’application du code de discipline militaire, avoir le statut et le grade qu’il détenait immédiatement avant de ne plus en relever, et ce tant qu’il peut, aux termes de ce code, être accusé, poursuivi et jugé.

 

C’est pourquoi le caporal McEwan a été conduit devant la CMP et qu’il est la plupart du temps appelé caporal McEwan dans les présents motifs.

 

[13]           Depuis son départ de l’armée, le caporal McEwan passe beaucoup de temps à la résidence de sa petite amie à Petawawa (Ontario). Elle a deux enfants et exploite une garderie. Le caporal McEwan l’aide à prendre soin des enfants. Il a deux parents âgés qui habitent à Toronto (Ontario). Sa mère a été victime de deux accidents vasculaires cérébraux et a de nombreux rendez-vous médicaux. Le caporal McEwan partage son temps entre Petawawa et Toronto, de manière à pouvoir prendre soin de sa mère.    

 

[14]           Le caporal McEwan touche une pension et n’occupe actuellement aucun emploi. Il a récemment terminé une formation en ébénisterie à Rosewood Studio à Perth, en Ontario, afin d’explorer les occasions d’emploi futures.

 

[15]           Selon le caporal McEwan, le harcèlement dont il a été victime au travail de 2012 jusqu’à sa libération en 2016 a pesé dans sa décision de ne pas se présenter à son procès, en guise de protestation. Il reconnaît maintenant que sa décision, qui a mené à l’infraction dont la Cour est saisie en l’espèce, n’était pas appropriée et il est désolé pour les ennuis que ses décisions ont causés au système de justice militaire et à l’ensemble des FAC.

 

Admission d’infractions semblables

 

[16]           À l’audience de détermination de la peine, le caporal McEwan a admis par application de l’article 194 de la LDN avoir commis des infractions d’ordre militaire de nature semblable à celle à l’égard de laquelle il est accusé devant la cour martiale, relativement à son défaut de comparaître à l’instance de la CMP les 16 juillet et 26 septembre 2018. Il a été accusé des deux infractions reprochées et, avant la tenue de l’audience de détermination de la peine en l’espèce, une mise en accusation a été prononcée par un représentant du DPM relativement au défaut de comparaître le 16 juillet.       

 

[17]           Compte tenu de la demande de l’avocat de la défense, des discussions pendant les observations et du contexte d’une recommandation conjointe présentée par les avocats, j’accepte de tenir compte, en vue de la sentence à rendre, de ces infractions reprochées comme si le caporal McEwan en avait été accusé, jugé et déclaré coupable. Cependant, cela ne devrait pas être considéré comme une adhésion à la position du procureur de la poursuite concernant la compétence d’une cour martiale de juger des infractions commises par une personne qui était un civil au moment desdites infractions.  

 

Facteurs pris en considération dans l’évaluation de l’infraction

 

[18]           Pour évaluer le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction compte tenu de la peine maximale pouvant être infligée. Les infractions visées à l’article 118.1 de la LDN sont passibles, au maximum, d’une peine d’emprisonnement de moins de deux ans. 

 

[19]           Cette cour martiale juge un contrevenant qui est un civil depuis plus de deux ans relativement à une infraction d’absence du service commise alors qu’il était sur le point de quitter l’armée. Certains pourraient considérer les efforts déployés par les autorités militaires pour que M. McEwan réponde de ses actes devant un tribunal militaire comme étant excessifs compte tenu du temps qui s’est écoulé et de la nécessité d’utiliser les ressources limitées pour des infractions plus graves commises par des personnes actuellement en service. J’estime toutefois que de rendre justice dans le cas de M. McEwan aura une incidence sur les personnes actuellement en service. Les infractions dont la Cour est saisie peuvent très bien être considérées par des observateurs en service comme une tentative de la part du contrevenant de se soustraire à la justice en profitant de sa libération des FAC. Pourtant, la LDN oblige les membres des FAC à y servir et à accomplir leur service jusqu’à ce qu’ils en soient légalement libérés. Cette obligation est au cœur de ce que signifie être dans l’armée. Ne pas obliger une personne à la respecter simplement parce qu’elle est sur le point de quitter les FAC enverrait un message d’impunité qui pourrait être préjudiciable au bon ordre et à la discipline de ceux qui servent au sein des FAC.

 

Facteurs aggravants

 

[20]           En l’espèce, les efforts considérables qui ont dû être déployés pour traduire le caporal McEwan en justice sous un chef d’accusation qui avait initialement été déposé pour être jugé sommairement, puis par une cour martiale à plusieurs occasions, constituent l’un des facteurs particulièrement aggravants. Malgré les frustrations ressenties par le caporal McEwan et son sentiment d’avoir été harcelé, je considère que ses actes ne constituent pas un mode de protestation valable. En tant que caporal âgé de 45 ans comptant 26 ans de service au sein de la force régulière et de la force de réserve, le caporal McEwan aurait dû s’abstenir d’enfreindre la loi. D’autres avenues s’offraient à lui pour porter plainte. 

 

Facteurs atténuants

 

[21]           La Cour a également tenu compte des arguments des avocats en ce qui a trait aux facteurs atténuants résultant des circonstances de l’infraction ou de la situation du contrevenant en l’espèce. Ces facteurs sont notamment les suivants :

 

a)                  Premièrement, le plaidoyer de culpabilité du caporal McEwan, qui a permis d’économiser les ressources et l’argent nécessaires à la tenue d’un procès et qui, selon moi, indique clairement que le contrevenant assume la pleine responsabilité de ses actes, dans le cadre de ce procès public, en présence de membres de la communauté militaire. 

 

b)                  Deuxièmement, le fait que le caporal McEwan a profité de l’occasion pour admettre avoir commis d’autres infractions.

 

c)                  Troisièmement, le fait que le caporal McEwan vivait un certain stress et se sentait harcelé, ce qui, bien qu’aucunement prouvé, constituait un facteur pris en compte par le procureur de la poursuite pour décider qu’il n’existait aucune perspective raisonnable de condamnation et qu’il n’était pas dans l’intérêt public de continuer les poursuites relativement à l’accusation initiale de s’être absenté sans permission, qui avait fait l’objet du premier chef d’accusation dans la présente affaire. Je conclus que la situation difficile vécue par le caporal McEwan à l’époque limite, dans une certaine mesure, sa culpabilité morale.

 

d)                  Finalement, le fait que le caporal McEwan ait servi au sein des FAC pendant 26 ans et ses efforts pour devenir un membre productif de la société depuis et à l’avenir.

 

Objectifs de la détermination de la peine à souligner en l’espèce

 

[22]           Je partage l’avis des avocats qui estiment que les circonstances de l’espèce requièrent de mettre l’accent sur les objectifs de dénonciation et de dissuasion au moment d’infliger une peine au contrevenant. Je suis toutefois d’accord avec l’avocat de la défense que la peine infligée ne devrait pas compromettre la réadaptation du caporal McEwan.   

 

Évaluation de la recommandation conjointe

 

[23]           Les observations du procureur de la poursuite faisaient brièvement référence à des affaires antérieures, qui m’aident à évaluer la recommandation conjointe et à déterminer si elle est acceptable. Je ne peux écarter la recommandation conjointe des avocats, à savoir une peine d’emprisonnement de cinq jours, que si j’estime que la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle est par ailleurs contraire à l’intérêt public.

 

[24]           La question que je dois me poser à titre de juge militaire n’est pas celle de savoir si la peine conjointement proposée me convient ou si j’aurais proposé quelque chose de mieux. En effet, le seuil à respecter pour écarter une recommandation conjointe est très élevé pour de bonnes raisons. L’opinion que je pourrais avoir quant à la peine qui s’impose ne suffit pas pour revenir sur la recommandation conjointe qui m’a été présentée. Je dois plutôt me demander si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’infliction de la peine recommandée, elle correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice militaire.     

 

[25]           Je ne crois pas que ce soit le cas. Une personne raisonnable instruite des circonstances de la présente affaire s’attendrait à ce que le contrevenant, ramené devant le tribunal militaire pour faire face à la justice deux ans après sa libération des FAC, se voie infliger une peine qui à la fois exprime une désapprobation à l’égard du manquement à la discipline et entraîne des répercussions personnelles pour le contrevenant. Selon moi, la période d’emprisonnement proposée répond à ces attentes.    

 

[26]           Compte tenu des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant, des principes de détermination de la peine applicables, des deux infractions admises par le caporal McEwan et des facteurs aggravants et atténuants mentionnés précédemment, je conclus que la peine conjointement proposée par les avocats n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle n’est pas par ailleurs contraire à l’intérêt public. Par conséquent, la Cour y souscrit.

 

[27]           Caporal McEwan, il est regrettable que vous ayez cru pouvoir échapper à votre responsabilité à l’égard de vos actes en obtenant votre libération des FAC. En agissant de la sorte, vous avez jeté une ombre sur votre importante période de service au sein de l’armée, au Canada et à l’étranger, au profit de vos concitoyens. J’espère que vous avez appris que vous ne pouvez échapper à la justice, ce qui vaut également pour vous en tant que civil. Votre plaidoyer d’aujourd’hui et la peine que vous purgerez mettront un terme à vos obligations envers le système de justice militaire. Je vous encourage à tirer des leçons de ce processus et à respecter la loi à l’avenir.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[28]           VOUS CONDAMNE à un emprisonnement d’une durée de cinq jours.

 

[29]           La peine d’emprisonnement a été imposée à 11 h 50, le 30 novembre 2018.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le major S. Poitras

 

Le major F. Ferguson, Service d’avocats de la défense, avocate du caporal R.A. McEwan

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