Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 6 décembre 2018

Endroit : NCSM Brunswicker, 1 passage Navy, Saint-John (NB)

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Chef d’accusation 2 : Art. 97 LDN, ivresse.

Résultats :

VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Mitchell, 2018 CM 4020

 

Date : 20181206

Dossier : 201865

 

Cour martiale permanente

 

Navire canadien de Sa Majesté Brunswicker

Saint John (Nouveau-Brunswick) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot de 1re classe N.C. Mitchell, contrevenant

 

 

En présence du :  Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Matelot de 1re classe Mitchell, après avoir accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à l’égard des deux accusations portées contre vous sur l’acte d’accusation, la Cour vous déclare maintenant coupable de ces accusations : la première, au titre de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN) pour comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, spécifiquement pour avoir harcelé le matelot de 1re classe S.F., et la deuxième pour ivresse.

 

Une recommandation conjointe est présentée à la Cour

 

[2]               Je dois maintenant imposer la peine. En l’espèce, une recommandation conjointe à cet effet est présentée à la Cour. Les avocats de la poursuite et de la défense m’ont tous deux recommandé d’imposer une peine combinant un blâme ainsi qu’une amende de 2 500 $.

 

[3]               Cette recommandation des avocats restreint considérablement mon pouvoir discrétionnaire quant à la détermination de la peine appropriée. Comme tout juge de première instance, je peux écarter une recommandation conjointe seulement si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle est par ailleurs contraire à l’intérêt public. Il s’agit du critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 

[4]               Le seuil à partir duquel le juge peut s’écarter de la recommandation conjointe est donc élevé, car celles-ci répondent à d’importantes considérations d’intérêt public. La poursuite convient de recommander une peine que l’accusé est prêt à accepter, ce qui lui évitera de subir le stress d’un procès et qui constitue par ailleurs une occasion, pour tout contrevenant éprouvant des remords, de commencer à faire amende honorable. Les avantages découlant de recommandations conjointes ne sont pas limités aux contrevenants mais s’étendent aussi aux victimes, aux témoins, à la poursuite ainsi qu’à l’administration de la justice en général. Les recommandations conjointes permettent en effet d’économiser du temps, des ressources et des dépenses, qui peuvent ainsi être affectés à d’autres affaires. Bref, elles constituent un gage de certitude pour tous les participants au processus.

 

[5]               Cependant, bien que la certitude quant à l’issue du litige soit importante pour les parties, ce n’est pas le but ultime du processus de détermination de la peine. En exerçant la fonction de détermination de la peine qui m’est attribuée à titre de juge militaire, je dois aussi garder à l’esprit l’objectif disciplinaire du code de discipline militaire et des tribunaux militaires. Les cours martiales permettent aux militaires d'appliquer la discipline interne de manière efficace et efficiente. L’imposition de la peine est le résultat ultime une fois qu'une violation du code de discipline militaire a été reconnue à la suite d’un procès ou d’un plaidoyer de culpabilité. Habituellement, la détermination de la peine a lieu dans un établissement militaire ouvert au public et en présence des membres de l’unité du contrevenant, comme c’est le cas en l’espèce.

 

[6]               L’imposition d’une peine lors d’une instance en cour martiale remplit ainsi une fonction disciplinaire importante, ce qui fait que le processus diffère de la détermination de la peine habituelle dans les cours civiles de justice pénale. Lorsque les avocats des parties présentent une recommandation conjointe, le juge militaire qui impose la peine doit non seulement s’assurer d’examiner les circonstances de l’infraction, la situation du délinquant et les motifs de la recommandation conjointe, mais se doit aussi de les exposer adéquatement dans sa décision sur la peine, et ce, dans une mesure qui n’est pas toujours nécessaire devant d’autres tribunaux. Cela dit, les exigences particulières de la détermination de la peine en cour martiale ne font pas obstacle aux principes énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony‑Cook, au paragraphe 54, en ce qui a trait aux recommandations conjointes.

 

[7]               Par ailleurs, de nouvelles dispositions législatives énonçant les objectifs et les principes de détermination de la peine par les tribunaux militaires sont entrées en vigueur le 1er septembre 2018. À défaut de reproduire le contenu de ces dispositions, je tiens à mentionner que le principe fondamental de la détermination de la peine, énoncé à l’article 203.2 de la LDN, est qu’un juge militaire doit imposer une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

Les facteurs devant être pris en compte

 

[8]               En l’espèce, le procureur de la poursuite a lu un sommaire des circonstances, lequel a été déposé comme pièce avec d’autres documents fournis par la poursuite conformément à l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC). Il a informé la Cour que la personne identifiée comme étant la victime du harcèlement dans l’exposé des détails relatifs au premier chef d’accusation avait été informée qu’elle pouvait présenter une déclaration de victime, mais qu’aucun document à cet effet ne serait présenté à la Cour.

 

[9]               L’avocat de la défense pour sa part a lu un énoncé conjoint des faits, qu’il a consigné au dossier et déposé comme pièce, lequel met en lumière la preuve atténuante à l’égard du matelot de 1re classe Mitchell, ainsi qu’une lettre de recommandation soulignant la contribution positive de ce dernier, son potentiel et son comportement favorable pendant ses études secondaires et depuis lors.

 

[10]           En plus de ces éléments de preuve, la Cour a aussi bénéficié des représentations des avocats à l’appui de leur position commune concernant la peine à infliger au regard des considérations et faits pertinents en l’espèce et compte tenu de la jurisprudence dans des affaires similaires. Ces observations, combinées aux éléments de preuve qui m’ont été présentés, me permettent de rendre une décision en considérant, d’une part, les buts et principes de la détermination de la peine et, d’autre part, les circonstances du délinquant et de l’infraction commise.

 

Le contrevenant et les infractions

 

[11]           Le matelot de 1re classe Mitchell est un membre de la Réserve navale âgé de 25 ans. Depuis son entrée dans les Forces armées canadiennes (FAC) en mars 2011, il sert comme technicien en approvisionnement au Navire canadien de Sa Majesté (NCSM) Brunswicker. Il a servi à temps plein à plusieurs reprises, principalement pendant l’été, mais aussi durant une période continue d’avril à décembre 2013 et lors d’un déploiement de 78 jours en service de classe C dans le bassin des Caraïbes. Le matelot de 1re classe Mitchell sert actuellement à temps partiel dans la Réserve navale tout en terminant des études de premier cycle en littérature anglaise. Au fil des ans, il s’est vu décerner un grand nombre de prix pour sa réussite scolaire et le directeur du département d’anglais de l’école secondaire qu’il a fréquentée le tient toujours en haute estime. Il prévoit d’obtenir son baccalauréat de l’Université du Nouveau-Brunswick en mai 2019.

 

[12]           Les faits entourant la commission de l’infraction en l’espèce sont énoncés dans le sommaire des circonstances qui a été lu par l’avocat de la poursuite et formellement admis comme étant exacts par le matelot de 1re classe Mitchell. Ces circonstances peuvent être résumées ainsi :

 

a)         Le 9 décembre 2017, le matelot de 1re classe Mitchell participait à la fête de Noël de son unité, qui a eu lieu dans les installations du NCSM Brunswicker, à Saint John (Nouveau-Brunswick).

 

            b)         Durant cette fête, le matelot de 1re classe Mitchell a consommé plusieurs boissons alcoolisées jusqu’au point d’intoxication.

 

            c)         À un moment de la soirée, alors qu’il discutait avec une collègue, le matelot de 1re classe S.F., et attendait dans la file avec elle pour leurs boissons, il a touché ses fesses sans son consentement. Quelques instants plus tard, alors qu’ils attendaient toujours en file au bar, il lui a touché la poitrine sans son consentement.

 

[13]           Le 19 décembre 2017, le matelot de 1re classe Mitchell s’est excusé auprès de la victime en lui envoyant des messages texte dans lesquels il dit à plusieurs reprises qu’il est désolé pour son comportement inapproprié. Il a envoyé ces messages malgré le fait que son intoxication le soir du 9 décembre 2017 était telle qu’il a de la difficulté à se rappeler ses comportements inappropriés à l’endroit de la victime. Depuis, le matelot de 1re classe Mitchell a considérablement diminué sa consommation d’alcool et il s’abstient volontairement de fréquenter les établissements qui en servent. Peu de temps après le dépôt des accusations, le matelot de 1re classe Mitchell a demandé à son avocat de résoudre l’affaire efficacement et de procéder avec un plaidoyer de culpabilité.

 

[14]           Deux mesures administratives en règle ont été imposées au matelot de 1re classe Mitchell à la suite de l’incident. Il a d’abord reçu une première mise en garde pour inconduite liée à l’alcool dans son unité et il a rencontré un superviseur sur une base mensuelle afin que ce dernier évalue sa conduite et son rendement pendant la période de surveillance de six mois qui a pris fin le 24 juillet 2018. Ensuite, et de manière plus importante, il a été l’objet d’un examen administratif pour inconduite sexuelle et a récemment reçu un avis d’intention de procéder à une libération administrative de la part des autorités responsables des carrières militaires au quartier général de la Défense nationale. Le matelot de 1re classe Mitchell prépare actuellement ses observations dans le but de convaincre le décideur administratif qu’il a toujours sa place au sein des FAC.

 

[15]           La Cour n’a pas été informée de la position de la chaîne de commandement actuelle du matelot de 1re classe Mitchell en ce qui a trait à la volonté de ce dernier de demeurer membre actif de la Marine royale canadienne. J’ai cependant été informé qu’un membre du Sénat canadien appuie le matelot de 1re classe Mitchell dans le cadre de ses démarches.

 

Les objectifs de détermination de la peine devant prévaloir en l’espèce

 

[16]           Je suis d’accord avec les avocats des parties pour dire qu’il convient de mettre l’accent sur les objectifs de dénonciation et de dissuasion dans la détermination de la peine compte tenu des circonstances en l’espèce. En effet, la peine imposée doit dissuader le contrevenant et quiconque qui pourrait être tenté d’agir de la même manière inacceptable. 

 

[17]           Cela dit, je suis d’accord avec la défense pour dire que, quelle que soit la peine imposée, celle-ci ne doit pas compromettre la réhabilitation du matelot de 1re classe Mitchell, qui paraît avoir déjà fait beaucoup de progrès d’après les faits qui m’ont été présentés. En effet, le matelot de 1re classe Mitchell semble s’être réellement pris en main pour remédier à l’une des principales causes de son comportement du 9 décembre 2017, soit la consommation abusive d’alcool, et il a du soutien dans sa réhabilitation à l’égard des conséquences de ses actes.

 

Les facteurs aggravants

 

[18]           Les considérations qui sous-tendent la politique interdisant le harcèlement au sein des FAC sont centrées sur des valeurs telles que la confiance et le respect de la dignité de chacun, lesquelles assurent un milieu de travail favorisant la collaboration et encouragent l’effectif à faire tout ce qui est possible pour atteindre les objectifs de défense du Canada. Qui plus est, le harcèlement mine la confiance mutuelle et le respect entre personnes et peut créer un environnement de travail malsain, risquant ainsi de compromettre la cohésion et l’humeur de l’équipe, de même que l’efficacité opérationnelle.

 

[19]           La nature des actes posés constitue un facteur particulièrement aggravant en l’espèce. Toucher les fesses et les seins d’une collègue sans son consentement démontre un manque de respect totalement inacceptable. Un autre facteur aggravant en l’espèce découle des circonstances de l’inconduite. Ce qui a été décrit comme la fête de Noël de l’unité constitue en l’occurrence une activité traditionnelle et officielle qui a lieu chaque année depuis longtemps, car il s’agit d’une occasion exceptionnelle pour des collègues de tous grades de s’amuser dans une atmosphère détendue. L’ivresse et les gestes de harcèlement peuvent gâcher cette occasion pour tout le monde, en particulier les personnes directement touchées par l’inconduite. Nul ne devrait craindre d’être agressé lors de la fête de Noël de son unité. Les faits en l’espèce démontrent un incident majeur de harcèlement sexuel.

 

Les facteurs atténuants

 

[20]           La Cour a également tenu compte des arguments des avocats en ce qui a trait aux facteurs atténuants qui découlent soit des circonstances de l’infraction soit de la situation du contrevenant, notamment les suivants :

 

                        a)                  Premièrement, le plaidoyer de culpabilité du matelot de 1re classe Mitchell permet d’éviter la charge de travail et les coûts liés à la tenue d’un procès; cela démontre par ailleurs que le contrevenant assume l’entière responsabilité de ses actes en subissant un procès public, en présence de sa famille, des membres de son unité et de la collectivité.

 

                        b)                  Deuxièmement, le matelot de 1re classe Mitchell s’est excusé auprès de la victime peu de temps après l’incident et il a rapidement demandé à son avocat de résoudre l’affaire après le dépôt des accusations.

 

                        c)                  Troisièmement, le matelot de 1re classe Mitchell n’a pas de casier judiciaire ni de dossier disciplinaire.

 

                        d)                  Quatrièmement, le matelot de 1re classe Mitchell a terminé sa période de mise en garde pour inconduite liée à l’alcool et il s’est pris en main pour régler son problème d’abus d’alcool dans le cadre de sa réhabilitation.

 

                        e)                  Cinquièmement, le service du matelot de 1re classe Mitchell au sein des FAC durant les sept dernières années ainsi que le soutien dont il peut bénéficier, comme en font foi les témoignages de sa bonne réputation, démontrent à mon avis son grand potentiel d’apporter une contribution favorable à la société dans l’avenir, au sein de la Réserve navale comme ailleurs.

 

[21]           J’aimerais prendre un moment pour traiter des questions soulevées par l’avocat de la défense dans ses observations concernant la réaction défavorable du public à l’égard des infractions en l’espèce. Je conviens que la publicité avant le procès est susceptible de porter préjudice à un contrevenant, surtout dans la collectivité où il effectue son service militaire à temps partiel, comme c’est le cas ici. Cependant, il s’agit à mon avis d’une conséquence qui concorde avec la nécessité d’une dissuasion spécifique dans l’imposition d’une peine appropriée, car cette conséquence peut montrer que le contrevenant a eu l’occasion d’apprendre de son erreur, et ainsi l’objectif de dissuasion spécifique est atteint dans une certaine mesure. Tel le cas en l’espèce.

 

[22]           Toutefois, comme l’a affirmé la cour martiale dans la décision R. c. Brunelle, 2017 CM 4001, au paragraphe 20, la publicité découlant du déroulement du procès ne constitue pas en soi un facteur atténuant selon moi. L’infraction a été commise par un membre des FAC à l’endroit d’un autre membre des FAC, et ce, dans la présente unité de la Réserve navale et dans le cadre d’une fonction militaire. Vu les circonstances, à quoi pourrait s’attendre le public sinon au procès qui nous occupe? Les autorités militaires ont porté l’affaire devant les procureurs militaires, lesquels ont demandé qu’une cour martiale soit convoquée, comme le prévoit la loi. Il s’agit d’un tribunal et, comme tout autre tribunal dans une société démocratique qui prône la primauté du droit, ses audiences sont publiques. Les membres du public, qu’ils soient militaires ou civils, y sont bienvenus; il en va de même pour les journalistes, dont le travail consiste à informer le public tout en respectant les interdictions de publication et autres ordonnances judiciaires, le cas échéant. Je ne vois pas comment une finalité logique comme celle-là pourrait constituer de quelque façon que ce soit un facteur atténuant la sanction.

 

L’appréciation de la recommandation conjointe

 

[23]           Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective des infractions au regard de la peine maximale qui peut être imposée. Les infractions prévues à l’article 129 de la LDN sont passibles d’une peine maximale de destitution ignominieuse, tandis que les infractions prévues à l’article 97 de la LDN sont passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de moins de deux ans, sous réserve d’une limite au temps maximal d’emprisonnement ou de détention dans certaines circonstances, réserve qui s’applique en l’espèce.

 

[24]           Les observations des avocats contenaient quelques renvois sommaires à des affaires antérieures, notamment la décision R. c. Bernier, 2015 CM 3015. Ceux-ci m’aident à apprécier la recommandation conjointe et à décider si elle est acceptable. Je peux écarter la recommandation conjointe d’imposer une peine combinant un blâme et une amende de 2 500 $, mais seulement si je juge que la peine proposée serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle serait par ailleurs contraire à l’intérêt public.

 

[25]           La question que je dois examiner en tant que juge militaire n’est pas celle de savoir si la peine recommandée conjointement me paraît appropriée ou si j’en aurais imposé une qui conviendrait davantage selon moi. En fait, toute opinion que je pourrais avoir quant à la peine appropriée n’est pas suffisante pour écarter la recommandation conjointe qui m’a été présentée.

 

[26]           La Cour suprême du Canada a établi un seuil aussi élevé en raison de la nécessité de tirer profit des avantages découlant des recommandations conjointes. Les avocats de la poursuite et de la défense sont bien placés pour effectuer une recommandation conjointe qui reflète à la fois les intérêts du public et de l’accusé. Ils connaissent très bien la situation de ce dernier ainsi que les circonstances des infractions, en fonction des forces et faiblesses de leurs positions respectives. L’avocat de la poursuite, qui propose la peine, communique avec la chaîne de commandement et il est conscient des besoins de la communauté militaire et de la communauté civile; il est chargé de représenter l’intérêt commun, qui consiste à permettre que justice soit rendue. L’avocat de la défense est quant à lui tenu d’agir dans l’intérêt supérieur de l’accusé, notamment en s’assurant que son plaidoyer est volontaire et éclairé. Les deux avocats sont tenus, tant sur le plan professionnel qu’éthique, de ne pas induire la Cour en erreur. Bref, ils sont tout à fait capables de parvenir à des résolutions justes dans l’intérêt public.

 

[27]           Pour décider si une recommandation conjointe sur la peine à imposer risquerait de déconsidérer l’administration de la justice ou serait par ailleurs contraire à l’intérêt public, je dois me demander si une personne raisonnable ayant connaissance des circonstances de l’affaire estimerait que la peine recommandée correspond si peu à ses attentes qu’elle y verrait un échec au bon fonctionnement du système de justice militaire. Comme tout juge devant apprécier une recommandation conjointe, je dois éviter de rendre une décision qui amènerait un public renseigné et raisonnable, y compris les membres des FAC, à perdre confiance dans l’institution des tribunaux, dont les cours martiales.

 

[28]           Je crois qu’une personne raisonnable au courant des circonstances de l’affaire s’attendrait à ce que le contrevenant, coupable de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline ainsi que d’ivresse au cours du même incident, se voie infliger une peine composée de sanctions qui expriment la désapprobation à l’égard de l’indiscipline en question et qui ont sur lui un impact personnel. Une peine composée d’un blâme et d’une amende au montant proposé correspond à de telles attentes.

 

[29]           Compte tenu des circonstances de l’infraction, de la situation du contrevenant, des principes de détermination de la peine applicables et des circonstances aggravantes et atténuantes mentionnées précédemment, je ne suis pas en mesure de conclure que la peine proposée conjointement par les avocats risquerait de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle serait par ailleurs contraire à l’intérêt public. Je dois donc l’accepter.

 

[30]           Le paragraphe 145(2) de la LDN prévoit que les modalités de paiement d’une amende sont laissées à la discrétion du tribunal militaire qui l’impose. Lors de l’audience sur la détermination de la peine, la poursuite ne s’est pas opposée à la demande de la défense à l’effet de requérir un paiement initial de 500 $, suivi de huit versements mensuels, à moins que le contrevenant ne soit libéré des FAC.

 

[31]           Matelot de 1re classe Mitchell, les circonstances des accusations auxquelles vous avez plaidé coupable dénotent un comportement carrément inacceptable. J’espère que vous comprenez que vous auriez pu faire face à des accusations et à des conséquences plus graves si ce n’était des restrictions qui existent de nos jours en matière de poursuites militaires. Je vous accorde le mérite d’avoir pris en main la cause potentielle principale de votre comportement, soit l’abus d’alcool. Gardez cette faiblesse à l’esprit à l’avenir. Mais je vous invite aussi, si vous ne l’avez pas déjà fait, à réfléchir aux autres causes potentielles de votre manque de respect total à l’égard de l’intégrité sexuelle d’une collègue le 9 décembre 2017. Vous semblez avoir beaucoup de potentiel. Je ne peux être le juge de votre avenir au sein de la Réserve navale, mais certaines personnes importantes m’ont dit que vous aviez le potentiel de contribuer à l’amélioration de la vie des gens dans d’autres domaines d’activité, notamment la littérature et le théâtre. Vous ne réaliserez cependant jamais votre plein potentiel si vous ne respectez pas les gens avec qui vous interagirez, en particulier les femmes. Je suis convaincu que vous avez appris votre leçon et que vous êtes résolument déterminé à prouver que l’incident n’est pas représentatif de votre comportement habituel.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[32]           VOUS CONDAMNE à un blâme et à une amende de 2 500 $ payable de la façon suivante : un premier versement de 500 $, au plus tard le 15 décembre 2018, suivi de huit versements mensuels de 250 $, dont le premier doit être effectué au plus tard le 1er janvier 2019. Si, pour quelque raison que ce soit, vous êtes libéré des FAC avant que l’amende ne soit payée en entier, tout solde impayé sera dû le jour précédant votre libération.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le major M.L.P.P. Germain

 

Le major B.L.J. Tremblay, Service d’avocats de la défense, avocat du matelot de 1re classe N.C. Mitchell

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