Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 19 février 2019

Endroit : Base des Forces canadiennes, salle d’audience, pièce 505, 6080 rue Young, Halifax (NÉ)

Chef d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
SENTENCE : Une amende au montant de 3500$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Richard, 2019 CM 2004

 

Date : 20190219

Dossier : 201827

 

Cour martiale permanente

 

Salle d’audience de Halifax, bureau 505

Halifax (Nouvelle-Écosse), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot de 1re classe M.H. Richard, accusé

 

 

En présence du Capitaine de frégate S.M. Sukstorf, J.M.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

DÉCISION SUR LE CARACTÈRE VOLONTAIRE

DE LA DÉCLARATION DE L’ACCUSÉ

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Dans la présente affaire, le matelot de 1re classe Richard a été interrogé par un agent de la police militaire, le caporal-chef Sabalbal, pour consommation soupçonnée de cocaïne. Dans le contexte de cette entrevue, le procureur de la poursuite a admis que le caporal-chef Sabalbal était une personne en autorité.

 

[2]               Aucune déclaration d’un accusé à une personne en autorité n’est admissible en tant que partie intégrante de la preuve présentée par le procureur de la poursuite, ou encore dans le cadre du contre-interrogatoire d’un accusé, qu’à la condition que son caractère volontaire a été démontré hors de tout doute raisonnable. Il incombe donc au procureur de la poursuite de prouver qu’il s’agit d’un acte volontaire.

 

[3]               Normalement, un voir-dire est requis pour prouver le caractère volontaire et, puisque l’accusé n’a pas renoncé à son droit à un voir-dire, la Cour a procédé à un voir-dire.

 

[4]               Pour exclure une déclaration admissible, la défense doit prouver selon la prépondérance des probabilités, premièrement qu’elle a été obtenue en violation d’un droit prévu à la Charte; deuxièmement que son admissibilité déconsidérera l’administration de la justice.

 

Caractère volontaire

 

[5]               La règle pour déterminer le caractère volontaire est énoncée à l’article 42 des Règles militaires de la preuve (RMP). L’article 42 des RMP est similaire sur le fond à la règle de common law définie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3. Toutefois, dans l’arrêt Oickle, la Cour suprême du Canada précise également un certain nombre de facteurs qui ne figurent pas actuellement à l’article 42 des RMP, notamment l’état d’esprit conscient et les ruses policières.

 

[6]               Pour les besoins du présent voir-dire, l’admissibilité de la déclaration audiovisuelle faite par le matelot de 1re classe Richard le 9 juin 2017 est examinée sous le régime de l’article 42 des RMP, complété par les règles de la preuve de common law.

 

[7]               Dans l’arrêt Oickle, il est établi que, pour qu’une déclaration faite à une personne en autorité soit admissible, le procureur de la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable que l’accusé n’a pas été indûment influencé par des incitations ou une oppression et qu’il avait un état d’esprit conscient. De plus, aucune ruse policière privant injustement l’accusé de son droit au silence ne doit avoir été utilisée. Le caractère volontaire d’une déclaration exige, d’une part, qu’elle n’ait pas été obtenue suivant la crainte de quelque préjudice ou l’espoir d’un avantage subséquent à une promesse faite par une personne en autorité, et d’autre part que la déclaration est le produit d’un état d’esprit conscient.

 

[8]               La question à savoir si une déclaration est ou non volontaire est presque entièrement contextuelle. Compte tenu de l’interaction complexe des circonstances qui peuvent vicier une déclaration volontaire, le juge doit examiner toutes les circonstances entourant la déclaration et se demander si elles soulèvent un doute raisonnable en ce qui a trait à son caractère volontaire.

 

Faits

 

[9]               Le caporal-chef Sabalbal, policier militaire et enquêteur, a demandé au responsable de l’unité du matelot de 1re classe Richard de l’envoyer à son bureau du 1310, rue Hollis, Halifax (Nouvelle-Écosse), pour une entrevue. Le matelot de 1re classe Richard a confirmé en entrevue que son capitaine d’armes lui avait dit de se présenter aux bureaux du Service national des enquêtes.

 

[10]           Le 9 juin 2017, vers 10 h 55, le matelot de 1re classe Richard a été interrogé par le caporal-chef Sabalbal au détachement de la police militaire pendant environ une heure. Au début de l’entrevue, le matelot de 1re classe Richard a confirmé à l’enquêteur que, lorsqu’il s’était présenté au 1310, rue Hollis, le caporal-chef Sabalbal lui avait dit qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable en se présentant à eux, mais que le caporal-chef Sabalbal lui avait expressément dit que rester et participer à l’entrevue était son choix. Le matelot de 1re classe Richard a confirmé qu’on lui avait dit [traduction] : « C’est 100 pour cent volontaire. Vous n’êtes pas obligé d’être ici. Vous avez fait preuve de diligence raisonnable en venant ici. Vous pouvez continuer. »

 

[11]           Au début de l’entrevue, le caporal-chef Sabalbal a expliqué l’accusation à laquelle il faisait face et il a décrit ce qui constitue une violation de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale avant de lui lire ses droits sur le formulaire des droits et mises en garde. En plus de les lire mot pour mot, il lui a expliqué ses droits en termes pragmatiques. Le matelot de 1re classe Richard a signé volontairement les formulaires, ne démontrant aucune hésitation.

 

[12]           Pendant l’entrevue, alors qu’il toussait, le caporal-chef Sabalbal a offert de l’eau au matelot de 1re classe Richard. L’entrevue a été courte et il n’y a pas eu d’oppression.

 

[13]           Il était clair que tout au long de l’entrevue, le matelot de 1re classe Richard avait un état d’esprit conscient. Il n’était sous l’effet d’aucune substance intoxicante, il s’était rendu sur place par lui-même en conduisant et il était très conscient du risque auquel il était exposé. Il a semblé relativement honnête et franc, il était sincèrement préoccupé par sa famille et son rétablissement complet. Parfois, il faisait des blagues en disant être la première personne à subir les conséquences les plus graves s’il était reconnu coupable.

 

[14]           D’après l’examen de l’entrevue audiovisuelle, il ne semble pas que le matelot de 1re classe Richard ait fait l’objet d’encouragements, de menaces ou d’actes coercitifs de la part de l’enquêteur qui pourraient constituer une incitation; il était dans l’état d’esprit conscient nécessaire et aucune ruse policière n’a été déployée.

 

Défense

 

[15]           L’avocat de la défense a clairement indiqué dans ses représentations que, même s’il n’était pas prêt à soulever des violations de la Charte pour le moment, il était préoccupé par le fait que le caporal-chef Sabalbal ait recours à la chaîne de commandement pour convoquer le matelot de 1re classe Richard à une entrevue. En effet, puisque le capitaine d’armes a dit au matelot de 1re classe Richard de se présenter au Service national des enquêtes, c’était un ordre et il est possible que cela ait indûment influencé l’entrevue. Il a laissé entendre qu’il aurait été préférable d’aborder la convocation de la même manière que les services de police civils le feraient en communiquant directement avec la personne.

 

[16]           De plus, la défense a soulevé une préoccupation supplémentaire concernant une autre discussion qui a eu lieu à la fin de l’entrevue. Bien qu’il n’ait pas allégué que cela devrait invalider l’entrevue précédente, il estime que cette discussion est troublante. Il a déclaré qu’après l’entrevue, le matelot de 1re classe Richard avait été emmené dans une autre pièce et s’était entretenu avec deux policiers militaires, ce qui, selon lui, semblait être une forme de détention. Le procureur de la poursuite a soutenu que la discussion qui a eu lieu par la suite n’est pas pertinente puisqu’elle a eu lieu après l’entrevue.

 

[17]           Comme cela a été mentionné ci-dessus, pour exclure une déclaration admissible, la défense doit prouver selon la prépondérance des probabilités, premièrement qu’elle a été obtenue en violation d’un droit prévu à la Charte, et deuxièmement que son admissibilité déconsidérera l’administration de la justice. Cela n’a pas encore été établi.

 

Conclusion

 

[18]           La Cour est convaincue que le procureur de la poursuite a prouvé hors de tout doute raisonnable que la déclaration audiovisuelle du matelot de 1re classe Richard enregistrée le 9 juin 2017 a été faite volontairement.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, représenté par le major M.L.P.P. Germain

 

Major A.H. Bolik et Capitaine P.C. Briffett, Service d’avocats de la défense, avocats du matelot de 1re classe M.H. Richard

 

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