Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 30 septembre 2019

Endroit : Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier, bâtisse CC-119, salle 123, rue Casgrain, Courcelette (QC)

Chefs d’accusation :

Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, avoir volontairement commis un méfait (art. 430(3) C. cr.).
Chef d'accusation 2 : Art. 130 LDN, avoir proféré des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles (art. 264.1(1)a) C. cr.).
Chef d'accusation 3 : Art. 130 LDN, s'être livré à des voies de fait (art. 266 C. cr.).

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3 : Non coupable.
SENTENCE : Un blâme.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Dion, 2019 CM 3011

 

Date : 20190930

Dossier : 201943

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier

Garnison Valcartier(Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal M.J.D. Dion, contrevenant

 

 

En présence du Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.C.A.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Le caporal Dion a avoué sa culpabilité au premier chef d’accusation paraissant à l’acte d’accusation, concernant la commission d’un méfait, contrairement au paragraphe 430(3) du Code criminel et les détails de l’accusation se lisent comme suit :

 

« En ce que, le, ou vers le, 9 octobre 2018, à la Base de soutien de la 2e Division du Canada, Valcartier, province de Québec, il a volontairement commis un méfait à l’égard d’un bien d’une valeur dépassant cinq mille dollars soit un véhicule Dodge Caravan, propriété de Madame Marie-Pier Blanchette-Lacombe. »

 

[2]               À ce stade-ci, la Cour accepte et enregistre le plaidoyer de culpabilité de l’accusé relativement à ce chef d’accusation apparaissant à l’acte d’accusation et le déclare donc coupable de ce chef.

 

[3]               D’autre part, comme je l’ai confirmé auparavant, la Cour a aussi déclaré non coupable le caporal Dion des deuxième et troisième chefs d’accusation, suite à la déclaration de la poursuite selon laquelle elle n’avait pas de preuve à présenter sur ces deux chefs.

 

[4]               Concernant le premier chef d’accusation, les avocats ont présenté une suggestion commune concernant la peine pour que la Cour impose un blâme. Il est maintenant de mon devoir de déterminer la peine qui doit vous être imposée.

 

[5]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces armées canadiennes. Ce système a pour but de prévenir toute inconduite ou, d’une façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les Forces armées canadiennes s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, en toute confiance et fiabilité. Le système de justice militaire veille également au maintien de l’ordre public et à s’assurer que les personnes assujetties au code de discipline militaire soient punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[6]               La preuve déposée devant la Cour inclue un sommaire des circonstances et un sommaire conjoint des faits qui se lisent comme suit :

 

« Sommaire conjoint des circonstances

 

1.         En tout temps pertinent, le caporal Dion était membre de la Force régulière, affecté au 12e Régiment blindé du Canada, à la Base de soutien de la 2e Division du Canada, Valcartier.

 

2.         Le ou vers le 9 octobre 2018, un conflit relativement à une relation romantique est intervenu entre le caporal Dion et le caporal Ouellet. 

 

3.         Le 9 octobre 2018, le caporal Dion et le caporal Ouellet et Mme Marie-Pier Blanchette-Lacombe, la conjointe du caporal Ouellet se sont vus par hasard au Centre de Santé Valcartier. Cette rencontre s’est déroulée dans une extrême animosité. Le caporal Ouellet et sa conjointe ont quitté le Centre de Santé Valcartier. Dans le stationnement, ils ont constaté que des dommages matériels importants avaient été faits au véhicule de Mme Marie-Pier Blanchette. Le véhicule présentait plusieurs égratignures et la peinture était écaillée.

 

4.         Le caporal Ouellet et Mme Marie-Pier Blanchette-Lacombe ont contacté la Police Militaire afin de déposer une plainte de méfait pour les dommages sur le véhicule contre le caporal Dion. Ce dernier a été intercepté, plus tard, par les policiers militaires. Il a été rencontré en entrevue par les policiers militaires et il a avoué être l’instigateur du méfait sur le véhicule d’une valeur d’environ 12 000,00$. Les dommages matériels au véhicule étaient d’une somme d’environ 1000,00$. »

 

« Sommaire conjoint des faits

 

1.         Le caporal Dion n’a aucun antécédent judiciaire et n’a aucune fiche de conduite.

 

2.         Durant la préparation du procès, le caporal Dion a déterminé que l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité était la solution raisonnable dans ce dossier et il a mandaté le capitaine de corvette Léveillé de procéder par l’intermédiaire d’une suggestion commune.

 

3.         Le présent plaidoyer de culpabilité du caporal Dion est une économie de ressources pour le système de justice militaire.

 

4.         La chaîne de commandement du caporal Dion a décidé de ne pas le déployer sur un tour opérationnel en Lettonie entre janvier 2019 et juillet 2019 suivant les événements précités.

 

5.         Le caporal Dion a personnellement remboursé à Mme Marie-Pier Blanchette-Lacombe les frais de 250,00$ représentant la franchise des assurances de cette dernière afin de réparer les dommages matériels causé par son méfait au véhicule. »

 

[7]               Lorsqu’un tribunal est en présence d’une suggestion commune relativement à la peine qu’il devrait imposer à un contrevenant, le juge du procès doit appliquer le critère de l’intérêt public et ne devrait pas écarter une recommandation conjointe à moins que ce qui est proposé soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public. La cour peut s’écarter d’une recommandation faite par les avocats seulement « lorsque les personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice », tel que mentionné dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, au paragraphe 42. Faire échec au bon fonctionnement du système de justice est essentiellement le paramètre que doit considérer le juge lorsqu’il impose une sentence dans le cadre d’une suggestion commune.

 

[8]               De plus, comme suggéré dans le même arrêt, une telle pratique est acceptable et tout à fait souhaitable. En fait, très souvent, la cour a à considérer des suggestions de telle nature et elles font partie du système de justice militaire. Par contre, les avocats doivent donner au tribunal un compte-rendu complet de la situation du délinquant, des circonstances entourant la commission de l’infraction ainsi que de la recommandation conjointe sans nécessairement attendre que le juge du procès en fasse la demande. Et comme vous l’avez constaté, il y avait certains détails, ici, qui n’ont pas été fournis et pour lesquels la Cour a demandé des explications additionnelles.

 

[9]               Dans le contexte de cette affaire et compte tenu des réponses qui ont été fournies par les avocats aux questions posées par la Cour, la Cour se déclare satisfaite des explications et de l’information fournies par les avocats.

 

[10]           Le procureur de la poursuite a mis en lumière les objectifs et principes qui soutenaient la recommandation qui était faite à la Cour et qui visaient essentiellement, d’une part, à dénoncer l’infraction ainsi que, d’autre part, à dissuader de manière générale toute autre personne qui serait susceptible de la commettre et de manière plus spécifique, de dissuader le contrevenant de le faire à nouveau. À mon avis, je crois que ces objectifs, dans le cadre de la suggestion commune, ont été atteints.

 

[11]           Le caporal Dion s’est enrôlé en 2014 dans les Forces armées canadiennes, donc ça fait depuis environ cinq ans. Il est donc un caporal avec une certaine expérience. À ce que j’ai constaté, il a connu une progression normale au sein de son métier. Il a été décrit, tel que mentionné par son avocat, comme un excellent travailleur. L’incident qui a été présenté à la Cour, dans les circonstances qui ont été décrites, constitue ce qu’on pourrait qualifier d’un excès de colère tout à fait isolé, inhabituel, et qui l’a amené à poser les gestes qui sont décrits dans les détails de l’accusation. Il est à noter que lorsqu’il a été abordé par la police militaire concernant ce qui s’était passé le 9 octobre 2018, il a immédiatement avoué sa faute et il a réitéré cette reconnaissance de responsabilité par un plaidoyer de culpabilité. Par le fait même, le caporal Dion a reconnu sa faute, a remboursé la victime et, comme nous tous, a reconnu que ce genre de comportement était inacceptable.

 

[12]           Il s’agit ici d’une des situations qui a été couverte récemment par la Cour suprême du Canada lorsqu’elle a décidé d’aborder la question de la constitutionnalité de l’alinéa 130(1)(a) de la Loi sur la défense nationale. Quelque chose qui s’est produit dans un cadre non opérationnel, entre deux militaires. Donc, c’est quelque chose qui va un peu au-delà de ce qu’on pourrait qualifier de typiquement militaire, mais qui, d’un autre côté, est très important au niveau de la discipline militaire de contrôler. Comme je l’ai expliqué, les militaires sont entraînés à maîtriser la force létale et les attentes, en ce sens, sont très élevées. Et lorsqu’un débordement se produit, même en dehors de l’unité, il est nécessaire que la discipline soit imposée, ce qui est le cas ici. En ce sens, c’est pourquoi vous vous retrouvez devant la Cour aujourd’hui.

 

[13]           Par contre, je suis rassuré par le fait que la chaîne de commandement a pris en main aussi votre destinée, c’est assuré que vous avez bien compris la portée de votre geste et les conséquences. Vous avez dû en subir, d’une certaine manière, les conséquences, mais d’un autre côté, ils ont réitéré leur confiance. Et je fais de même aujourd’hui. En acceptant votre plaidoyer de culpabilité, en acceptant la suggestion commune qui m’est faite, je suis tout à fait d’accord que la proposition qui m’est faite par les avocats est dans l’intérêt public et que ça ne déconsidère pas l’administration de la justice. Je comprends aussi que vous retiendrez cet événement qui vous a conduit ici aujourd’hui, comme une leçon et qu’il y a plusieurs autres façons de gérer ses émotions que de la manière dont vous l’avez fait, particulièrement comme militaire. Et je suis certain que vous avez compris la leçon, je n’ai aucun doute. Et vos superviseurs, votre chaîne de commandement a aussi compris très très bien que vous avez compris tout ça et vous allez pouvoir passer à autre chose, dans ce sens-là. Et c’est ce qu’on fait aujourd’hui.

 

[14]           Donc, quant à moi, j’accepte la suggestion qui m’est faite par les avocats et, en conséquence,

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[15]      VOUS DÉCLARE coupable du premier chef d’accusation sous l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, concernant la commission d’un méfait, contrairement au paragraphe 430(3) du Code criminel.

 

[16]      VOUS DÉCLARE non coupable du deuxième et troisième chef d’accusation.

 

[17]      VOUS CONDAMNE à un blâme.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major É. Baby-Cormier

 

Capitaine de corvette É. Léveillé, Service d’avocats de la défense, avocat du caporal M.J.D. Dion

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