Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 juillet 2019

Endroit : 2e Escadre Bagotville, édifice 81, pièce 202, rue Windsor, Alouette (QC)

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, entrave à la justice (art. 139(2) C. cr.).
Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, abus de confiance d’un fonctionnaire public (art. 122 C. cr.).
Chefs d’accusation 3, 4, 5 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Non coupable. Chefs d’accusation 4, 5 : Coupable.
SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2500$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Renaud, 2019 CM 4023

 

Date : 20190918

Dossier : 201882

 

Cour martiale permanente

 

Base des forces canadiennes Bagotville

Alouette (Québec) Canada

 

Entre :

 

Capitaine J. Renaud, requérant

 

- et -

 

Sa Majesté la Reine, intimée

 

 

En présence du : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


 

Ordonnance de restriction à la publication : Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de toute personne décrite dans le cadre des présentes procédures devant la cour martiale comme étant une victime, spécifiquement et non restrictivement les personnes désignées à l’acte d’accusation par les initiales « E.T. », « A.L. », et « A.N. »

 

DÉCISION SUR LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE EN ARRÊT DES PROCÉDURES

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Le capitaine Renaud fait face à cinq chefs d’accusation dans ce procès par cour martiale permanente. Les premiers et deuxièmes chefs portés sous l’alinéa 130(1)b) de la Loi sur la défense nationale (LDN) allèguent, d’une part, qu’il a commis une entrave à la justice contrairement au paragraphe 139(2) du Code criminel et, d’autre part, qu’il a commis un abus de confiance contrairement à l’article 122 du Code criminel. La conduite reprochée au capitaine Renaud est la même pour les deux chefs, c’est-à-dire d’avoir demandé au capitaine Morin-Nappert de supprimer de son téléphone intelligent des photographies et des textos à caractère sexuel qu’il lui avait transmis. Les trois autres chefs sont portés sous l’article 129 de la LDN alléguant un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Spécifiquement, le troisième chef allègue la transmission de photographies et de propos inopportuns et offensants au capitaine Morin-Nappert, incluant des propos échangés en personne. Les quatrièmes et cinquièmes chefs allèguent que le capitaine Renaud a eu un comportement inopportun et offensant envers ou en présence d’autres personnes.

 

[2]               Avant même le début des procédures de cette Cour, les procureurs du capitaine Renaud ont soumis la présente requête, alléguant essentiellement que la destruction d’enregistrements vidéo par l’enquêteur au dossier porte atteinte à l’équité procédurale et au droit de l’accusé à une défense pleine et entière à un degré tel que cette violation ne peut être réparée autrement que par un arrêt des procédures.

 

[3]               Dès le début du procès, la Cour a jugé qu’il était préférable que sa décision sur la présente requête ne soit rendue qu’après avoir entendu la totalité de la preuve. En effet, la question de déterminer si la conduite inappropriée alléguée par la défense a un impact suffisant pour justifier un arrêt des procédures dépend en grande partie de l’impact de cette conduite sur l’équité du procès, une détermination qui est difficile à faire avant d’avoir entendu la preuve. (voir R. v. Bero, 2000 CanLII 16956 (ON CA)). Conséquemment, les parties se sont vues accorder une certaine flexibilité dans la présentation de leur preuve, autant pour appeler des témoins qui relataient des faits en lien exclusivement avec la requête en arrêt des procédures que pour appeler et contre-interroger des témoins sur des sujets pertinents autant aux verdicts qu’à la requête. Après que la preuve eut été close, les procureurs ont présenté leurs plaidoiries sur la requête.

 

Les faits

 

[4]               Les faits pertinents pour décider de la présente requête en arrêt des procédures ne sont pas contestés. Les infractions alléguées auraient toutes été commises alors que le capitaine Renaud et les autres personnes impliquées étaient déployés sur une base aérienne roumaine au soutien d’une opération de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le capitaine Renaud occupait les fonctions de grand prévôt de la Force opérationnelle canadienne, le Contingent.  À ce titre, il était à la fois le représentant sénior de la police militaire en théâtre et l’officier responsable de l’élément de protection de la force.

 

[5]               Dès son arrivée en août 2017, le Contingent canadien s’est vu attribuer une petite zone de travail sur la base. On y compte deux bâtiments ainsi que quelques conteneurs maritimes servant de bureaux. Des caméras ont rapidement été installées pour aider à la surveillance des lieux par le personnel assigné à la protection de la force, qui pouvait voir les images transmises par les caméras sur un écran situé à leur poste de garde. Ces caméras, au nombre de quatre initialement et de sept par la suite, captaient des images extérieures jour et nuit.  Celles-ci étaient accessibles en direct en plus d’être également enregistrées en tant que fichiers numériques, un processus automatisé. Les caméras montrent des images d’excellente qualité. Celles-ci pouvaient capter le son mais peu de temps après leur installation, la captation sonore a été mise hors service en raison de préoccupations en lien avec la protection de la vie privée.

 

[6]               L’enquête policière sur ce dossier a été initiée après que le capitaine Morin-Nappert eu formulé une plainte au Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle à Ottawa le 6 octobre 2017, visant certains comportements dont elle s’estime avoir été victime de la part de l’accusé. Notamment, elle s’est plainte d’avoir été l’objet de propos inopportuns et offensants en personne et par messages textes (3e chef) et d’intimidation en lien avec la demande de supprimer de son téléphone intelligent des textos (1er et 2e chefs). Dans les jours qui suivent, le sergent Morinville, policier militaire au Service national des enquêtes (SNE) des Forces armées canadiennes (FAC) se voit confier l’enquête et quitte pour la Roumanie le 13 octobre 2017 pour enquêter sur les lieux avec une consœur.

 

[7]               Les rencontres avec les témoins débutent le 15 octobre 2017 et le capitaine Morin-Nappert est la première à s’entretenir avec les enquêteurs. Elle mentionne deux demandes du capitaine Renaud pour qu’elle efface des textos, la deuxième ayant eu lieu le 5 octobre 2017, alors que l’accusé est venu vers elle pour lui demander de le suivre à son bureau, ce qu’elle a fait. Les propos qui se sont tenus par la suite sont en partie l’objet des premiers et deuxièmes chefs d’accusation. Il semblerait que les circonstances de cette rencontre, incluant le fait que le capitaine Renaud était armé, aient pu avoir un lien avec le sentiment d’oppression ressenti par le capitaine Morin-Nappert à cette occasion. Lors de son entrevue avec les enquêteurs, le capitaine Morin-Nappert a mentionné que certaines des nombreuses rencontres et discussions qu’elle a eu avec le capitaine Renaud ont pu être filmées par les caméras de surveillance du camp, notamment celles ayant eu lieu au « smoke pit », l’endroit où il est permit de fumer sur le camp. Elle a aussi mentionné ce fait dans sa déclaration écrite remise aux enquêteurs. Le sergent Morinville avait d’ailleurs rencontré le major Turcotte, officier commandant l’élément de soutien opérationnel, peu de temps après être arrivé sur le camp. Ce dernier lui avait parlé de la présence de caméras de surveillance et de la possibilité d’obtenir les enregistrements d’images captées par ces caméras auprès du sergent Leavens, un policier militaire affecté à la mission. Le major Turcotte l’avait également informé que le capitaine Renaud avait exprimé le souhait que ces images soient conservées et que des instructions avaient été données à cet effet au sergent Leavens. Dans son témoignage sur la requête, le capitaine Renaud a confirmé avoir mentionné, avant d’être rapatrié au Canada le 7 octobre 2017, que les images captées par les caméras de surveillance étaient selon lui des éléments de preuve importants. Le commandant du contingent a témoigné à l’effet qu’il avait donné des instructions pour que toute preuve potentielle soit préservée et rendue disponible aux enquêteurs.

 

[8]               Suite à la rencontre avec le capitaine Morin-Nappert, le sergent Morinville s’enquiert auprès du sergent Leavens à propos des enregistrements provenant des caméras de surveillance. Il obtient une copie de ces enregistrements couvrant la période du 29 septembre au 5 octobre 2017 sur un disque dur externe qui lui avait été fourni par le Contingent. Il appert de la preuve entendue au procès que ces dates correspondent aux moments où deux conversations pertinentes aux premiers et deuxièmes chefs auraient eu lieu. Le téléchargement des images sur le disque dur portatif a duré plusieurs heures. Ce disque dur a été pris en charge par le sergent Morinville le 17 octobre 2017 et transporté au Canada avec les autres documents et enregistrements récoltés ou produits au cours de son enquête. Une fois de retour, le disque dur portatif a été conservé dans le coffre-fort du sergent Morinville comme tout autre élément de preuve. Le 23 octobre 2017, le sergent Morinville a consulté plusieurs heures d’enregistrement de ces images de manière à se faire une idée de leur importance et a créé le même jour deux fichiers vidéos qui ont été produits à l’audience, montrant le capitaine Renaud se déplaçant à deux occasions le 5 octobre 2017 dans le camp, avec et sans son ceinturon de policier militaire sur lequel il portait son arme. La décision de produire ces extraits des déplacements du capitaine Renaud a un lien avec l’information reçue de la part du capitaine Morin-Nappert et révèle que le sergent Morinville considérait à ce moment que le port de l’arme pouvait être important.

 

[9]               Le sergent Morinville a témoigné à l’effet que ce matériel, ne comportant aucun son, était selon lui inutile pour prouver ou réfuter la perpétration d’une infraction criminelle ou d’ordre militaire commise par le capitaine Renaud, principalement parce qu’elles ne permettaient pas de prouver le contenu des conversations pertinentes. Il a mentionné avoir pris possession des fichiers vidéo par courtoisie considérant que cela semblait important pour le capitaine Renaud et le major Turcotte. Après ce qu’il qualifie de plusieurs heures de visionnement, il est arrivé à la conclusion que les images n’étaient pas pertinentes, surtout les prises de nuit qui ne permettaient pas d’identifier clairement les personnes ou les prises de lieux qui étaient non pertinents à ou aux accusations alors envisagées. Il a mentionné qu’en aucun moment, alors qu’il visionnait une partie de ces images, il avait vu le capitaine Renaud et le capitaine Morin-Nappert en conversation. Les fichiers vidéo ne permettaient donc pas selon lui de prouver, ou de démontrer une quelconque conversation entre le capitaine Renaud et le capitaine Morin-Nappert.

 

[10]           Le sergent Morinville a expliqué que vers le mois de septembre 2018, dans un effort pour mettre de l’ordre dans ses affaires, il a effacé les fichiers vidéo du disque dur portatif qui lui avait été fourni et a retourné celui-ci à la 8e Escadre de Trenton après une discussion avec des collègues et supérieurs au bureau. Il n’a pas documenté ses actions dans des notes en lien avec la suppression des fichiers ou les discussions avec ses collègues et supérieurs.  Il mentionne avoir obtenu une confirmation de la réception du disque dur reformaté à Trenton le 14 octobre 2018. Il a par contre conservé les deux fichiers créés le 23 octobre 2017, montrant le capitaine Renaud en déplacement sur le camp.

 

[11]           La preuve entendue dans le cours du procès est à l’effet qu’il y aurait eu deux conversations entre le capitaine Renaud et le capitaine Morin-Nappert qui pourraient être pertinentes aux accusations aux premiers et deuxièmes chefs. La première aurait eu lieu le 29 ou le 30 septembre 2017 à l’extérieur et aurait donc pu être filmée par l’une des caméras de surveillance. L’autre en date du 5 octobre 2017 a eu lieu à l’intérieur, dans le bureau du capitaine Renaud, et ne pouvait donc pas être filmée et apparaître sur fichiers vidéo. Par contre, le prélude à cette conversation montrant le capitaine Renaud entrer l’édifice qui abrite son bureau suivit de peu par le capitaine Morin-Nappert pourrait possiblement être vu. La preuve révèle que certains propos inopportuns et offensants allégués au troisième chef d’accusation auraient pu être filmés. Par contre, les comportements ou propos visés par les quatrièmes et cinquièmes chefs d’accusation n’auraient pas pu être filmés.

 

Soumission des parties

 

[12]           Les procureurs de l’accusé soumettent que la poursuite avait l’obligation de divulguer, et donc de préserver les images contenues dans les fichiers vidéo provenant des caméras de surveillance en tant que fruits de l’enquête sur des infractions alléguées impliquant le capitaine Renaud. La poursuite n’ayant pas fait la preuve que ces fichiers n’avaient pas été perdus par négligence inacceptable, les droits du capitaine Renaud sous l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés ont été violés. La seule réparation convenable pour cette atteinte aux droits de l’accusé qui constitue également un abus de procédure est, selon la défense, un arrêt des procédures.

 

[13]           Pour sa part, la poursuite soutient que les images vidéos ne sont pas pertinentes et n’étaient donc pas assujetties à une quelconque obligation de divulgation et de préservation. De toute manière, la destruction de ces enregistrements ne constitue pas une négligence inacceptable et les circonstances de la perte de cette preuve dans la présente affaire font en sorte qu’il ne s’agit pas de l’un des cas manifestes où l’arrêt des procédures serait justifié.

 

Le droit et les questions en litige

 

[14]           L’approche devant être adoptée lorsqu’un accusé soumet que le défaut de la poursuite de conserver le matériel en sa possession a occasionné une violation des droits protégés par la Charte est expliquée dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada, R. v. La, [1997] 2 SCR 680. On trouve un sommaire en dix considérations pertinentes entre autres dans l’arrêt Bero, précité, de la Cour d’appel de l’Ontario, au paragraphe 30, ainsi que dans l’arrêt Cartier c. R., 2015 QCCA 329 de la Cour d’appel du Québec, au paragraphe 84, tous deux basés sur les motifs du juge Roscoe de la de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans l’arrêt R. c. B. (F.C) (2000), 142 C.C.C. (3d) 540 aux pages 547-548.

 

[15]           Je ne crois pas nécessaire de réitérer les dix considérations mentionnés dans ces arrêts. Sur la base des faits du présent dossier et des représentations des procureurs, je crois être en mesure d’analyser et de décider sur la présente requête en arrêt des procédures en trois étapes principales utilisées par le juge Brunton de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Mymryk v. R., 2004 CanLII 32042 (QC CS). Les trois questions principales qui doivent, selon moi, être analysées en l’espèce sont les suivantes : premièrement, est-ce que les images vidéo obtenues par le sergent Morinville étaient des éléments de preuve pertinents? Si c’est le cas, il y a obligation de la part de la poursuite de conserver ces images et d’expliquer leur destruction. Si nécessaire, la deuxième question est donc, à la lumière de ces explications, de déterminer si la poursuite a démontré que les images vidéo n’ont pas été détruites par suite d’une négligence inacceptable. Si ce n’était pas le cas, il y aurait lieu de conclure à une violation des droits de l’accusé et de déterminer, en tant que troisième question, si le remède approprié serait l’arrêt des procédures.

 

Analyse

 

La pertinence des images vidéo

 

[16]           Lorsque des éléments de preuve sont détruits et que la défense s’en plaint, il y a lieu premièrement, de déterminer si ces éléments de preuve sont pertinents, sinon leur conservation n’est pas exigée.

 

[17]           L’accusé soutient que les images des caméras de surveillance sont pertinentes, étant des témoins fiables de ce qui pourrait bien être l’actus reus d’infractions basées sur l’interaction entre des personnes. Bien que la fonction sonore ait été désactivée, les images sont en mesure de montrer si et quand des personnes se sont rencontrées et fournir certaines informations sur la nature des conversations par l’observation du langage non verbal des participants.

 

[18]           Pour sa part, la poursuite soutient que ces images muettes n’étaient aucunement pertinentes à une quelconque question en litige, tel que la preuve entendue au procès a, selon elle, révélée.

 

[19]           À ce stade de l’analyse, l’évaluation du l’impact que les images vidéo supprimées auraient pu avoir pour la détermination de la culpabilité ou non de l’accusé à la lumière de toute la preuve entendue lors du procès n’est pas déterminent. En effet, les éléments pouvant être considérés comme étant pertinents constituent une catégorie beaucoup plus vaste que la catégorie constituée de la preuve ultimement utile à une partie ou une autre dans le cadre d’un procès. L’obligation de divulgation de la preuve définie par la Cour suprême du Canada dans R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326 est à l’effet que sauf de rares exceptions, tous les renseignements pertinents doivent être divulgués à la défense.

 

[20]           Les informations pertinentes sont celles qui sont raisonnablement en mesure d’influer sur la capacité d’un accusé à exercer son droit à une défense pleine et entière (voir R. c. Egger, [1993] 2 R.C.S. 451 à 466). Tel que mentionné par le juge Cory dans R. c. Dixon, [1998] 1 R.C.S. 244 au paragraphe 23, « [l]e droit à la communication de tous les documents pertinents est large et vise les documents qui peuvent n’avoir qu’une importance secondaire par rapport aux questions fondamentales en litige. » La Cour suprême du Canada nous enseigne également que le seuil de la pertinence est fort peu élevé et que peu de renseignements sont soustraits à l’obligation de communication de la preuve imposée à la poursuite (Tel que mentionné par Lebel J. dans R. c. Taillefer, [2003] 3 R.C.S. 307 au paragraphe 60).

 

[21]           Je suis d’avis que les fichiers vidéo obtenus par le sergent Morinville doivent être considérés comme étant des fruits de l’enquête qu’il menait alors sur les agissements du capitaine Renaud. Le sergent Morinville, même s’il témoigne avoir pris possession de ces fichiers par courtoisie, a manipulé le disque dur contenant les fichiers vidéo avec le même soin que tout élément de preuve matérielle, a visionné des images pendant de nombreuses heures et a pris soin d’extraire de ces fichiers deux extraits où on peut observer le capitaine Renaud se déplacer avec et sans son arme, un détail jugé à l’époque important.

 

[22]           Les faits révèlent non seulement que le sergent Morinville considérait ces éléments de preuve comme étant les fruits de son enquête, mais révèlent aussi qu’en octobre 2017, il les considérait également comme étant assez pertinent pour qu’il investisse des efforts à les examiner et en isoler quelques extraits. Il n’est donc pas déraisonnable pour la défense d’affirmer que ces images auraient pu être examinées pour permettre de démontrer l’existence ou non de rencontres entre les personnes impliquées dans les évènements au coeur des accusations, surtout les capitaines Morin-Nappert et Renaud.

 

[23]           Je suis d’avis que les fichiers vidéo obtenus par le sergent Morinville et subséquemment détruits étaient des éléments de preuve pertinents. Il y a donc obligation de la part de la poursuite de conserver ces images et d’expliquer leur destruction.

 

[24]           Je tiens à préciser, en lien avec l’argument de la poursuite, que je suis conscient que le niveau de pertinence de cette preuve n’est pas élevé, tel qu’illustré par la question des déplacements du capitaine Renaud avec et sans son arme, un détail jugé à l’époque important mais qui, au demeurant, s’avère plutôt anodin maintenant que toute la preuve a été entendue. Par contre, tel que mentionné par le juge Laskin qui écrivait pour la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. v. Dulude, 2004 CanLII 30967 (ON CA), une décision qui portait également sur la pertinence d’images de caméras de surveillance détruites par la police, une faible pertinence n’empêche pas l’existence d’une obligation de divulgation à la défense et l’obligation corollaire de préserver cette preuve. La faible pertinence pourrait par contre être un facteur important pour juger du remède approprié suite à la perte de ce type d’élément de preuve (Voir au paragraphe 24).

 

[25]           Comme la Cour suprême du Canada nous l’enseigne au paragraphe 20 de l’arrêt La, si les explications de la poursuite convainquent le juge du procès que la preuve n’a pas été détruite par suite d’une négligence inacceptable, l’obligation de divulgation n’aura pas été violée. Le défaut de préserver les fichiers vidéo provenant des caméras de surveillance constituera une violation du droit de l’accusé à la divulgation de la preuve sous l’article 7 de la Charte, à moins que la poursuite fournisse une explication satisfaisante pour le défaut de préserver cette preuve. Je dois maintenant traiter de la deuxième question et évaluer les explications de la poursuite.

 

Les explications de la poursuite

 

[26]           La poursuite allègue essentiellement que les fichiers contenant les images vidéo des caméras de surveillance pouvaient être détruits parce qu’ils n’étaient pas pertinents. Se faisant, le sergent Morinville n’a pas commis de négligence inacceptable en reformatant le disque dur portatif contenant ces images.

 

[27]           Lors des plaidoiries sur la requête, la poursuite a mentionné que les avocats du capitaine Renaud n’avaient pas fait de demande spécifique pour la divulgation de ces éléments de preuve avant la fin de l’automne 2018, c’est-à-dire quelques semaines après la destruction des fichiers. Considérant que la divulgation de la preuve a eu lieu au printemps 2018 en réponse à une demande générique des avocats de la défense, la poursuite suggère que si la défense avait examiné avec soin la divulgation transmise par la poursuite à ce moment, elle aurait pu remarquer l’absence des fichiers vidéo et faire une requête pour les obtenir avant qu’ils soient détruits. Par contre, aucune preuve n’a été soumise à cet effet.

 

[28]           Je suis d’avis qu’il ne serait pas approprié de pénaliser la défense pour un défaut de signaler une divulgation incomplète ou inadéquate avant l’automne 2018. En effet, il n’y avait aucune procédure cédulée avant l’hiver 2019 dans le présent dossier. La défense est à mon avis justifiée de s’attendre à ce que la poursuite remplisse ses obligations de divulgation, surtout dans les circonstances de l’espèce où le capitaine Renaud s’était exprimé sur l’importance de cette preuve et son subordonné immédiat l’avait conservé pour la transmettre à l’enquêteur dans le respect des directives données par la chaîne de commandement visant la préservation de la preuve. La défense était justifiée de présumer que cette preuve ferait partie de la divulgation transmise. L’absence de demande précise de la défense ne peut excuser un défaut de la poursuite de divulguer et de conserver toute la preuve pertinente. Essentiellement donc, même si une preuve avait été produite à cet effet, je ne serais pas enclin à considérer qu’il y a eu un manquement de la part de la défense qui soit suffisant pour avoir effet de constituer une renonciation à alléguer une violation du droit à la divulgation de la preuve.

 

[29]           La poursuite n’explique la destruction des fichiers contenant les images vidéo que par la non-pertinence. Elle soutient essentiellement que les enregistrements ou une copie de ceux-ci n’ont pas été divulgués avant leur destruction parce que l’enquêteur au dossier a décidé que cette preuve n’était pas pertinente et l’a détruite après une discussion informelle avec des collègues et supérieurs. La Cour a déjà déterminé que les fichiers vidéo étaient pertinents. Il m’est donc difficile d’accepter que l’explication offerte par la poursuite soit suffisante pour démontrer que la suppression de cette preuve n’est pas le résultat de négligence inacceptable.  

 

[30]           Ceci étant dit, je crois devoir continuer l’analyse plus détaillée de l’argument de non-pertinence de la poursuite, étant conscient des propos du juge Sopinka au paragraphe 21 de l’arrêt La, à l’effet que la pertinence que la police accordait à l’élément de preuve détruit fait partie des circonstances devant être prises en compte pour déterminer si l’explication de la poursuite est satisfaisante. Tel que mentionné par le juge Sopinka, « On ne peut attendre de la police qu’elle conserve tout ce qui lui passe entre les mains au cas où cela deviendrait un jour pertinent. »

 

[31]           En l’espèce, par contre, la preuve sous forme d’images vidéo était à mon avis pertinente dès le début de l’enquête, c’est-à-dire dès l’entrevue avec le capitaine Morin-Nappert qui suggérait que des conversations entre elle et l’accusé aient pu être filmées et que le fait que le capitaine Renaud portait son arme le 5 octobre 2017 avait contribué à ce qu’elle se sente intimidée. Sur la base de ce témoignage et possiblement de l’information fournie par le major Turcotte qui avait pris soin de mentionner l’existence des enregistrements, le sergent Morinville a passé plusieurs heures à regarder ces images vidéo et a fait l’extraction d’images montrant le capitaine Renaud se déplaçant sur le camp à deux reprises. Il m’est difficile de concevoir que l’enquêteur puisse considérer la preuve d’images vidéo comme ayant été assez pertinente pour l’étudier ainsi que pour produire et conserver les deux extraits en question et non-pertinente pour le reste. Le sergent Morinville mentionne que malgré ses efforts de visionnement des enregistrements vidéo, il n’a pu voir d’images de l’accusé et du capitaine Morin-Nappert en discussion, ce qui est un facteur l’ayant convaincu que ces enregistrements n’étaient pas pertinents. Pourtant, il me semble que l’absence d’images de conversations qui, selon le témoin principal de l’enquête, auraient dû exister est, en soi, un élément pertinent.

 

[32]           De plus, les explications techniques que le sergent Morinville a fourni à l’effet qu’il considérait que les fichiers contenant les images vidéo n’entraient pas dans la définition d’éléments de preuve au paragraphe 3(d) des Ordres du groupe de la police militaire des forces canadiennes, parce que ceux-ci ne pouvaient pas prouver ou réfuter la perpétration d’une infraction, ne sont pas convaincantes. Avec respect, il semble tenter de justifier a posteriori sa décision d’avoir supprimé les fichiers vidéo en se dissociant de toute obligation qui pourrait lui incomber pour la conservation de ce qu’il avait récolté dans le cadre de ses fonctions d’enquêteur dans le dossier. Il en va de même de ses propos à l’effet qu’il a pris possession des fichiers vidéo uniquement par courtoisie. En tant qu’enquêteur indépendant, il ne doit aucune courtoisie au major Turcotte, au capitaine Renaud, au sergent Leavens ou à quiconque d’autre au sein du Contingent. La décision de prendre possession des fichiers vidéo des caméras de surveillance est la sienne. Ayant pris possession de ce qui ne peut être considéré qu’un fruit de l’enquête, il ne peut affirmer qu’il n’avait aucune obligation en ce qui a trait à la conservation et à la destruction de ces fichiers.

 

[33]           Les faits démontrent que les fichiers vidéo ont été détruits sans consultation formelle avec des supérieurs hiérarchiques ou avec le service des poursuites militaires. Aucune note ne fut prise du moment de la destruction ni de l’identité des collègues ou supérieurs que le sergent Morinville aurait consulté de manière informelle. La destruction des fichiers n’a pu être associée à l’application d’une quelconque procédure ou protocole en vigueur et n’était pas rendue nécessaire pour des considérations pratiques telles que l’encombrement suscité par la conservation d’une voiture accidentée dans l’affaire Bero par exemple. Il s’agit donc d’une situation hautement inhabituelle.

 

[34]           Tel que mentionné au paragraphe 21 de l’arrêt La, « [p]our déterminer si l’explication du ministère public est satisfaisante, la Cour doit analyser les circonstances dans lesquelles la preuve a été perdue. La principale considération est la question de savoir si le ministère public ou la police (selon le cas) a pris des mesures raisonnables dans les circonstances pour conserver la preuve en vue de sa divulgation. » L’explication fournie par le sergent Morinville ne fait état d’aucune obligation de divulgation dont il aurait tenu compte, directement ou indirectement. Selon ses dires, sa prise de décision en lien avec la destruction de certains des fruits de son enquête ne tenait compte que de son seul point de vue en tant que policier qui, à un moment, a décidé qu’il devait faire un peu de ménage dans les choses qu’il conservait dans son coffre-fort. En aucun moment n’ai-je eu l’impression que le sergent Morinville avait tenu compte de la question de savoir si la conservation de cette preuve pouvait être nécessaire pour respecter les obligations qui incombent à la poursuite en lien avec la divulgation de la preuve.

 

[35]           La situation est, selon moi, similaire à ce qui a été décidé par la Cour d’appel de l’Ontario dans Bero, qui portrait sur la destruction d’une voiture qui conséquemment ne pouvait plus être expertisée par la défense. Le juge Doherty s’exprime ainsi: « The destruction of potentially relevant evidence is not satisfactorily explained where that destruction is occasioned by a failure to consider whether preservation of that evidence was necessary to meet the disclosure obligations of the Crown. » Il s’agit de la situation vécue en l’espèce. L’explication fournie est dénudée de toute considération en lien avec l’obligation de divulgation de la poursuite. Encore une fois et au risque de me répéter, il me semble qu’il est illogique pour l’enquêteur de considérer la preuve d’images vidéo comme ayant été assez pertinente pour produire et conserver deux extraits et non-pertinente pour le reste. Ceci l’a amené à détruire cette preuve sans considérer l’obligation de divulgation qui y était attachée. Pour accepter une telle explication, on doit considérer que l’enquêteur est le seul juge de ce qui est pertinent dans l’ensemble des images vidéo qu’il a obtenu. Il s’agit d’une proposition inacceptable du point de vue de la saine administration de la justice en considération de l’obligation de divulgation du poursuivant.

 

[36]           Je conclus donc que la destruction des enregistrements vidéo a occasionné une violation des droits de l’accusé en vertu de l’article 7 de la Charte.

 

[37]           Le requérant plaide également que la destruction des enregistrements vidéo constitue un abus de procédure. Il n’a pas été allégué que le comportement du sergent Morinville était empreint de malice. Il ne s’agit pas d’un cas où les éléments de preuve ont été détruits de propos délibéré pour faire obstacle à leur divulgation. Par contre, tel que mentionné au paragraphe 22 de l’arrêt La, dans certains cas, une conduite démontrant un degré inacceptable de négligence pourrait être suffisant. Ce fut le cas dans Bero, où le juge Doherty a conclu comme suit au paragraphe 39, en expliquant sa décision à l’effet qu’il y avait abus de procédure :

 

The failure to preserve the vehicle reveals an ignorance of, or at least an indifference to, the duty on the Crown and the police to preserve the fruits of their investigation. This indifference or ignorance is difficult to comprehend so many years after the pronouncement of the Supreme Court of Canada in R. v. Stinchcombe, supra, and in my view, is a sufficiently serious departure from the Crown’s duty to preserve evidence that it constitutes an abuse of process.

 

[38]           Je crois qu’il est opportun de conclure de la même manière en l’espèce. Il  y a eu selon moi abus de procédure. Par contre, cette conclusion n’est de peu d’impact pratique parce que j’ai précédemment conclu à une violation de l’article 7 de la Charte. Je dois maintenant décider si l’arrêt des procédures est une réparation convenable.

 

Le remède approprié

 

[39]           Cette étape de la détermination de la réparation qui s’impose est pertinente peu importe l’origine de la violation de l’article 7 observée, que ce soit en raison du défaut de la poursuite de respecter son obligation de divulgation, d’un abus de procédure ou si l’accusé réussit à démontrer que la perte de la preuve cause un préjudice si significatif à son droit à une défense pleine et entière qu’il ne peut avoir droit à un procès juste et équitable. En effet, le défaut de la part des autorités de conserver la preuve récoltée n’assure pas à l’accusé un arrêt automatique des procédures prises contre lui, même si ce défaut constitue un abus de procédure (voir La, paragraphe 23).

 

[40]           Il a été déterminé dans de nombreuses décisions des tribunaux supérieurs que l’arrêt total des procédures constitue un remède exceptionnel qui ne doit être accordé que dans de rares occasions, les « cas les plus manifestes ». Un arrêt des procédures est un résultat insatisfaisant pour le système de justice car il prive autant l’accusé que la communauté de ce à quoi ils peuvent légitimement s’attendre d’un procès, c’est-à-dire une détermination de la culpabilité ou de l’innocence d’un accusé fondé sur la preuve entendue. Essentiellement, lorsque les autorités ont fait défaut de préserver la preuve en violation des droits d’un accusé, l’arrêt des procédures sera le seul remède approprié seulement si la violation a eu pour effet de porter atteinte au droit de l’accusé à une défense pleine et entière qui ne peut être remédié autrement ou si la continuation du processus judiciaire serait susceptible de porter atteinte à l’intégrité du système de justice.

 

[41]           L’intégrité du système de justice sera menacée lorsque le comportement des autorités révèle une tentative délibérée de nuire à la défense d’un accusé en supprimant des éléments de preuve qui aurait pu lui être utile. Tel que concédé par le procureur de l’accusé, il n’y avait pas de malice dans le comportement de l’enquêteur en l’espèce. Je ne suis pas en présence ici d’un comportement policier qui choque le sens du franc-jeu au point où de permettre la continuation de la poursuite équivaudrait à absoudre judiciairement la conduite reprochée. Je ne suis pas non plus en présence de l’un des rares cas où l’intégrité du système de justice pourrait être mise en jeu en l’absence d’une conduite répréhensible.

 

[42]           Ce qui est en jeu à cette étape de la réparation appropriée est de déterminer si la destruction des fichiers contenant les enregistrements vidéo des caméras de surveillance, dans le contexte de ce procès, a porté préjudice à la capacité du capitaine Renaud de présenter une défense pleine et entière. Lorsqu’une preuve est détruite et est donc plus disponible, l’évaluation du préjudice subit est potentiellement difficile et en partie spéculative. Sauf que l’accusé n’a pas droit à un arrêt des procédures simplement en raison du fait qu’il a été privé d’éléments de preuve pertinents. À l’étape de la détermination de la réparation qui s’impose, il incombe à l’accusé d’établir l’ampleur des préjudices déjà subis ou qu’il serait susceptible de subir en l’absence d’un arrêt pur et simple des procédures. (voir R. c. Fournier, 2000 CanLII 6745, (QC CA) paragraphe 74 et R. v. Sheng, 2010 ONCA 296, paragraphe 46.)

 

[43]           L’accusé a fait défaut de me convaincre qu’il a été préjudicié dans la poursuite de sa défense, à la lumière de la preuve entendue dans le cadre du procès.

 

[44]           Il est important de spécifier que les images qui auraient pu être captées par les caméras de surveillance ne seraient pertinentes que pour les premiers et deuxièmes chefs et possiblement le troisième chef de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Ce chef allègue la transmission verbale et par messagerie texte de photographies numériques et des propos inopportuns et offensants. Sur la base du témoignage de la plaignante en ce qui concerne les incidents spécifiques où des propos inopportuns et offensants lui auraient été transmis, il n’y a possiblement qu’un seul échange qui ait pu se dérouler à un endroit où des images de la conversation auraient pu être captées. En ce qui concerne les quatrièmes et cinquièmes chefs d’accusation, les comportements inopportuns et offensants allégués ont eu lieu dans une salle de conférence et un restaurant, des endroits non couverts par les caméras de surveillance.

 

[45]           Pour les premiers et deuxièmes chefs, alléguant tous deux que l’accusé aurait demandé à la plaignante de supprimer de son téléphone intelligent des photographies et des textos à caractère sexuel qu’il lui aurait transmis, les images vidéo des caméras de surveillance qui aurait pu capter des images de ces conversations ou des préliminaires à ces conversations ne seraient d’aucune utilité pour la Cour. En effet, ayant entendu la preuve au procès, il appert que l’accusé admet avoir eu deux conversations avec la plaignante, durant lesquelles il lui aurait demandé d’effacer les textos échangés, dans un premier temps et, lors de la deuxième conversation, lui aurait demandé de confirmer qu’elle avait bien effacé les textos. Il existe une certaine convergence en ce qui a trait aux moments et aux lieux de ces discussions. Donc, images vidéo ou pas, l’ensemble de la preuve révèle l’identité des gens qui se sont parlé, de quoi ils ont parlé et quand. Il y a nul doute des contradictions dans la preuve en ce qui a trait à ce qui a été dit exactement mais les images vidéos, si elles avaient été disponibles, n’auraient pu aider aucune des parties considérant l’absence de captation de son. Il me semble que les éléments contentieux en ce qui concerne les deux premiers chefs sont liés surtout à l’intention coupable pour le premier chef et au statut et fonctions de l’accusé en lien avec le comportement reproché au deuxième chef. La preuve en lien avec ces éléments n’est aucunement reliée aux images vidéo dont la perte ne cause donc aucun préjudice à la défense.

 

[46]           En ce qui a trait au troisième chef, même s’il est possible que des images de l’une des conversations litigieuses aient pu être captées, il s’agirait de l’une des multiples conversations entre l’accusé et la plaignante, la plupart portant sur des défis et conseils de nature professionnelle. Je suis conscient que lorsqu’une preuve est perdue, l’analyse de l’impact de cette perte est jusqu’à un certain point spéculative. Il y a par contre des limites à spéculer sur ce que les images vidéo auraient pu révéler des mots échangés à ce moment, en présumant qu’on ait pu avec un degré suffisant de certitude isoler une ou certaines des nombreuses conversations entre la plaignante et l’accusé, surtout dans l’espace fumeur, le « smoke pit », comme étant une ou des conversations comportant des propos inopportuns et offensants, en l’absence de son. Lors de son témoignage, l’accusé a nié en bloc avoir tenu des propos du genre lors de ses nombreuses conversations avec la plaignante. Je ne vois pas comment des images sans son d’une conversation avec la plaignante rendraient ces démentis plus ou moins crédibles.

 

[47]           L’impact de la destruction des enregistrements vidéo est donc négligeable. Conséquemment, l’accusé a fait défaut de convaincre la Cour qu’il a subi de quelconques préjudices dans la poursuite de sa défense. Tel que mentionné précédemment, la destruction de ces images ne menace pas, dans les circonstances, l’intégrité du système de justice. Je conclus donc que l’arrêt des procédures ne constitue pas un remède approprié. L’impact de la violation des droits de l’accusé est si spéculatif et tenu que je ne crois pas, à ce stade des procédures, qu’un remède doive être imposé.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[48]           REJETTE la requête de l’accusé en arrêt des procédures.


 

Avocats :

 

Me Charles Cantin et Me Sylvain Morissette, Cantin Boulianne Avocats, 2456, rue Saint-Dominique, Jonquière (Québec), avocats du requérant, le capitaine J. Renaud

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le lieutenant-colonel D. Martin et le major É. Baby-Cormier, avocat de l’intimée

 

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