Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 3 juillet 2020

Endroit : Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier, édifice 534, local 227, l’Académie, Courcelette (QC)

Chef d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Morissette, 2020 CM 5008

 

Date : 20200703

Dossier : 201953

 

Cour martiale permanente

 

Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier

Garnison Valcartier (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sergent J.N.S. Morissette, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


 

SENTENCE

(Oralement)

 

[1]               Le sergent Morissette a avoué sa culpabilité à un chef d’accusation relativement à une conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, une infraction visée à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN), en ce qu’il a harcelé J.R. La Cour doit maintenant imposer une peine juste et appropriée, proportionnée aux circonstances de l’affaire ainsi qu’à la situation du contrevenant, conformément aux principes de détermination de la peine tels qu’établis par la LDN. Dans ce contexte, la poursuite et la défense ont conjointement recommandé que la Cour impose comme peine un blâme avec une amende de $2000.

 

[2]               Le sergent Morissette a formellement admis la véracité des faits contenus dans le Sommaire des circonstances, déposé en preuve comme Pièce 3.  Les faits entourant la commission de l’infraction peuvent se résumer comme suit:

 

a)                  Le sergent Morissette est technicien médical. En 2016, il était affecté à la 5e Ambulance de campagne à la Base de soutien de la 2e Division du Canada, Valcartier. La victime, identifiée par les initiales « J.R. », pratique également le métier de technicien médical et se trouve affectée à la même unité dans le cadre de sa formation en cours d’emploi durant l’été 2016. Sans être placée sous la supervision directe du contrevenant, J.R. se trouve à interagir avec lui dans un cadre professionnel.

 

b)                  Entre le 1 juin et le 31 août 2016 au cours de la préparation d’une pratique de décontamination, le sergent Morissette a demandé à J.R. si elle était vêtue de manière décente sous son uniforme de combat étant donné qu’il était possible qu’on lui demande de jouer le rôle de patiente lors de cette pratique.  Celle-ci a répondu par la négative. Un peu plus tard au cours de la même journée, le sergent Morissette est retourné voir J.R. et lui a dit : « Ah oui, vous n’êtes pas habillé de manière décente en dessous de votre combat, c’est dont bien coquin » ou quelque chose du genre.

 

c)                  À un autre moment pendant sa formation en cours d’emploi, J.R. participe à l’inventaire de la pharmacie où elle doit identifier à voix haute ce qu’elle prend dans ses mains.  A plusieurs reprises et ce, dans un court laps de temps, elle dit le mot « bandage ». Ceci fait rire le contrevenant. À au moins deux reprises, il exprime faire des liens entre le mot « bandage » et le mot « bander », faisant référence dans le langage courant à « avoir une érection ». Le sergent Morissette cesse de faire ce type de commentaire lorsque J.R. lui dit que son comportement n’est pas pertinent.

 

d)                  À son domicile, J.R. reçoit un message sur son compte Facebook du sergent Morissette qui mentionne « as-tu trouvé tous tes bandages » accompagné d’un emoji de type « bonhomme sourire qui sort sa langue ». Le lendemain, le sergent Morissette va voir J.R. pour s’assurer de la réception du message. Celle-ci répond que Facebook n’est pas le meilleur moyen de la joindre. La situation la rend inconfortable.

 

e)                  Un autre évènement se produit entre J.R. et le contrevenant alors qu’ils sont tous deux dans le bureau de ce dernier. En voyant une collègue de travail de J.R. en tenue civile en train de passer la serpillière, le sergent Morissette a reculé sa chaise pour regarder la collègue et lui a dit qu’elle devrait porter plus souvent une tenue civile le vendredi, car ça lui allait bien et qu’elle était belle ou quelque chose du genre.

 

f)                    Enfin, alors qu’il est devant une classe à discuter des protocoles de la douleur, le sergent Morissette a fait le commentaire suivant en regardant J.R. : « la douleur c’est assez relatif, il y en a qui aiment ça doux, il y en a qui aiment ça fort, et il y en a qui aiment ça tout court, (sic) » ou quelque chose du genre.

 

[3]               En considérant les circonstances entourant la commission de l’infraction telles que précédemment résumées, la Cour doit maintenant décider si la recommandation conjointe satisfait le critère de l’intérêt public tel qu’établi par la Cour suprême du Canada.

 

Positions des parties

 

Poursuite

 

[4]               Lors de sa plaidoirie, la poursuite a énoncé les raisons qui démontrent que la recommandation conjointe proposée, soit un blâme et amende de $2000, ne tend pas à déconsidérer l’administration de la justice. La poursuite suggère que l’emphase lors de la détermination de la peine devrait être mise sur les objectifs de dénonciation, ainsi que de dissuasion générale et spécifique. Dans l’exercice de sa discrétion, la poursuite affirme avoir tenu compte de trois facteurs aggravants. Premièrement, l’impact que la commission de l’infraction a eu sur la vie de J.R., plus précisément le stress causé par le comportement du contrevenant. Le comportement du sergent Morissette a même amené la victime à remettre en question sa place dans les Forces armées canadiennes (FAC). La poursuite affirme que le grade, l’expérience et la position qu’occupait le contrevenant vis-à-vis de la victime constituent un autre facteur aggravant qu’il a considéré. En effet, la victime était en formation en cours d’emploi lors de la commission de l’infraction, ce qui la plaçait dans une position de vulnérabilité. Finalement, il a expliqué que le comportement du contrevenant a eu pour effet de violer la confiance des collègues, qu’il s’agit dans les faits d’un abus de confiance. D’un autre côté, la poursuite reconnaît le plaidoyer de culpabilité du contrevenant, que ce dernier a le support de sa chaîne de commandement et qu’il est récipiendaire d’une mention élogieuse du Chef d’état-major de la défense. Ces facteurs devraient atténuer la peine et ont donc été considérés dans la détermination de la recommandation conjointe.

 

[5]               La poursuite a aussi fait référence à cinq décisions de la cour martiale afin de démontrer que la suggestion commune tient compte du principe de l’harmonisation des peines, principe selon lequel l’infliction d’une peine devrait être semblable à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Dans la première affaire invoquée par la poursuite, R. v. Scott, 2018 CM 2034, le contrevenant, un instructeur au grade de sergent, a été trouvé coupable de trois accusations qui visaient un comportement de harcèlement s’étant déroulé sur une période de plusieurs mois. Le contrevenant avait fait des commentaires homophobes, sexistes, liés à l’apparence physique, entre autres, qui ciblaient trois victimes. Le contrevenant a reçu comme peine un blâme.

 

[6]               Dans l’affaire R. c. Handfield, 2018 CM 3010, le contrevenant, un capitaine, était aussi instructeur et son comportement visait des candidats sous sa supervision. Ses propos, de caractère sexuel, contrevenaient à la Directive et ordonnance administrative de la défense (DOAD) 5012-0. La cour a accepté la suggestion commune et a imposé comme peine une réprimande et amende de 700 $.

 

[7]               Dans le dossier R. c. Wheaton, 2015 CM 4017 dont la poursuite a également fait mention, le caporal-chef Wheaton a plaidé coupable à une infraction de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline au terme de l’article 129 de la LDN pour avoir eu un comportement aguicheur et avoir fait de nombreuses allusions sexuelles à la victime au cours d’une interaction qui a duré quelques minutes. La cour a accepté la suggestion commune des parties et a imposé une réprimande et une amende au montant de 1 200 $.

 

[8]               La poursuite a aussi fait référence à l’affaire R. c. McCabe et Gibson, 2010 CM 2008. Les contrevenants ont offert un plaidoyer de culpabilité pour une infraction semblable, car ils avaient employé un langage vexant et dégradant à l’endroit de quatre compagnes de classe. Le comportement de harcèlement s’était déroulé sur plusieurs mois pendant la formation de technicien médical. Le matelot de première classe McCabe a reçu un blâme et une amende de 4 000 $, car il avait, en plus, touché les fesses de l’une des victimes tandis que le caporal Gibson a reçu un blâme et une amende de 3 000 $.

 

[9]               La poursuite a finalement fait référence à la cause de R. c. Duhart, 2015 CM 4023. Le sergent Duhart a été trouvé coupable de quatre chefs d’accusation relativement au harcèlement sexuel et au mauvais traitement de deux de ses subordonnées qui étaient des techniciennes médicales. Dans ce dossier, il y avait eu des contacts physiques. Le sergent Duhart a reçu comme peine un blâme et une amende de 4 000 $.

 

Défense

 

[10]           Pour sa part, la défense mentionne que le sergent Morissette n’a aucun antécédent judiciaire relatif à un comportement d’harcèlement. Son plaidoyer de culpabilité présente plusieurs avantages pour le système de justice militaire ainsi que pour les participants du système, notamment une économie de ressources. En plus de démontrer que le contrevenant éprouve du remords, le plaidoyer de culpabilité a pour effet que la victime n’a pas à venir témoigner et à subir le stress qui aurait pu en résulter.

 

[11]           La défense suggère aussi que les chances de récidive sont pratiquement nulles, car il s’agissait d’un écart de conduite de la part du sergent Morissette. La défense prétend que cet argument est appuyé par le fait que l’infraction s’est déroulée sur une période ciblée alors que le contrevenant aurait manqué de jugement. Le comportement faisant l’objet de l’accusation à laquelle il plaide coupable n’est pas représentatif de son comportement habituel tel que le démontre la carrière du contrevenant, que la défense qualifie de « dynamique ». En effet, le sergent Morissette a participé à trois opérations internationales et a, de plus, reçu une Mention élogieuse du Chef d’état-major de la Défense. Il a le support et la confiance de sa chaîne de commandement. Son comportement postérieur aux évènements, notamment ses excuses publiques et la lettre d’excuse formelle qu’il a fait parvenir à la victime, démontre de la maturité de sa part. De plus, il continue de faire son travail malgré son implication dans le processus judiciaire. Il n’hésite pas à aller chercher de l’aide lorsqu’il en ressent le besoin. Le sergent Morissette est encore jeune. Il y a une grande possibilité de réhabilitation dans son cas.

 

Question en litige

 

[12]           La Cour doit maintenant décider si la recommandation conjointe satisfait le critère de l’intérêt public afin de déterminer si la peine proposée peut être acceptée et imposée.

 

La preuve

 

[13]           En plus du Sommaire des circonstances lu en cour, la poursuite a déposé en preuve la documentation énumérée à l’article 111.17 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, soit les Points pertinents des états de service de l’accusé, une copie certifiée de son Sommaire de dossiers personnels des militaires, sa fiche de conduite ainsi qu’une copie certifiée de son guide de solde. La défense a déposé de consentement, quant à elle, un Sommaire conjoint des faits avec trois annexes, soit une lettre d’excuses signée par le sergent Morissette le 11 mars 2020, un courriel concernant les facteurs atténuants envoyé par le lieutenant-colonel Poirier, ainsi qu’une lettre de référence du lieutenant-colonel Grenier, datée de juin 2020. La victime a demandé que sa déclaration ne soit pas lue en cour, mais qu’elle me soit plutôt remise directement.

 

Analyse

 

Recommandation conjointe

 

[14]           Dans le contexte d’une recommandation conjointe soumise par les parties, c’est le principe de l’intérêt public qui s’applique, tel qu’édicté par la Cour suprême du Canada en 2016. Il a alors été reconnu que les recommandations conjointes relatives à la peine contribuent à rendre le système de justice pénale équitable et efficace. Elles permettent de régler des causes rapidement, de façon efficiente et pour le bénéfice tant de l’accusé que du système de justice. Cela est aussi vrai dans le contexte de la justice militaire. Les recommandations conjointes ne sont toutefois pas automatiquement acceptées par les juges du procès; en effet, les parties doivent démontrer, preuve à l’appui, que la recommandation conjointe en question satisfait le critère juridique de l’intérêt public. Selon ce critère rigoureux, si la peine suggérée par les parties est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle est, par ailleurs, contraire à l’intérêt public, le juge devra suivre les étapes élaborées par la Cour suprême du Canada afin de déterminer si la recommandation devrait être rejetée.

 

[15]           La Cour doit donc déterminer si la peine proposée, dans les circonstances de l’affaire, ferait perdre au public renseigné et raisonnable, sa confiance dans l’institution des tribunaux. Même si du point de vue de la Cour, une peine différente serait plus appropriée, la Cour doit accepter la peine proposée si celle-ci rencontre le critère de l’intérêt public. La discrétion laissée à la Cour à l’égard de la détermination de la peine est donc fort limitée.

 

[16]           Dans le cadre de cette analyse, la Cour doit décider si la recommandation conjointe est contraire à l’intérêt public à la lumière de la situation du contrevenant, ainsi que des circonstances entourant la commission des infractions, tout en étant guidée par les principes de détermination de la peine, tels que le principe de proportionnalité et le principe de l’harmonisation des peines.

 

[17]           Les juges du procès peuvent s’attendre à ce que les procureurs aient pris en compte tous les faits pertinents lorsqu’ils se sont entendus sur la peine appropriée à recommander. La preuve documentaire soumise au soutien des prétentions des parties, telle que le Sommaire des circonstances lu et déposé comme pièce, ainsi que le Sommaire conjoint des faits, fournie l’information nécessaire quant aux faits considérés par les parties lorsqu’elles en sont arrivées à leur entente, et guide la Cour dans l’appréciation de la recommandation conjointe.

 

Facteurs aggravants

 

[18]           Dans le cas présent, le Sommaire des circonstances révèle que certains propos formant la base du comportement reproché dans l’acte d’accusation ont une connotation sexuelle. Le comportement reproché constitue donc une forme de harcèlement sexuel. À cet effet, comme l’a conclu la Cour suprême du Canada à la page 1284 de l’arrêt Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1252:

 

Le harcèlement sexuel en milieu de travail est un abus de pouvoir tant économique que sexuel.  Le harcèlement sexuel est une pratique dégradante, qui inflige un grave affront à la dignité des employés forcés de le subir.  En imposant à un employé de faire face à des gestes sexuels importuns ou à des demandes sexuelles explicites, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est une atteinte à la dignité de la victime et à son respect de soi, à la fois comme employé et comme être humain.

 

[19]           Ce type de comportement est d’autant plus problématique lorsqu’il se produit dans le contexte militaire.  Dans la décision R. c. Morgan, 2015 CM 4005, le contrevenant a été reconnu coupable à l’égard de trois chefs d’accusation fondés sur l’article 129 de la LDN, soit de conduite sous la forme de harcèlement sexuel de trois membres de sexe féminin d’un grade inférieur.  Je souscris aux remarques formulées par mon collègue au paragraphe 18 de ce jugement, en ce qui concerne l’effet corrosif du harcèlement sexuel dans un environnement ou milieu relié au service militaire:

 

La Cour reconnaît que des militaires des Forces canadiennes — de grade parfois différent — peuvent avoir un comportement enjôleur dans un lieu de travail. Or, en l’espèce, le comportement était importun et aurait dû être considéré comme tel en trois occasions au cours d’une longue période, en ce qui concerne trois membres féminins dont le grade était inférieur à celui du contrevenant. La Cour convient avec l’avocat de la poursuite que ces circonstances, y compris, en particulier, le grade du contrevenant, sont des facteurs aggravants. Rien n’indique que les victimes aient subi des traumatismes en lien avec les incidents ou qu’il y ait eu des répercussions opérationnelles sur les unités à ce moment-là, mais il reste que le harcèlement de la part d’une personne qui détient un grade supérieur ou qui occupe un poste supérieur à l’égard d’un membre subalterne peut avoir pour effet de miner la confiance mutuelle et le respect des personnes et peut créer un milieu de travail malsain, tel qu’il est indiqué dans la politique DAOD 5012-0.

 

 

[20]           Bien que des propos puissent paraître à première vue innocents, anodins, humoristiques même pour certains, si ces propos rabaissent, humilient ou offensent une personne, et que son auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu'un tel comportement pouvait offenser ou causer préjudice, ces propos constituent du harcèlement. Un tel comportement risque d’avoir un effet malsain au sein de l’unité concernée. Considérant l’effet toxique que le harcèlement peut avoir en milieu de travail, particulièrement dans le contexte militaire, tel que reconnu par les décisions mentionnées à cet effet, la Cour s’est penchée sur les facteurs présentés par la poursuite, et les accepte.  En particulier:

 

 

a)                  Les conséquences que le comportement a eues sur la victime. Il est déplorable qu’un membre des FAC qui en est à ses tout débuts dans sa carrière, soit traitée de la sorte et en vienne même à questionner son choix de carrière.

 

b)                  Le comportement du contrevenant a causé un dommage non seulement à la victime, mais a aussi affecté le moral des membres de cette unité et miner la confiance que les membres de l’unité avaient envers le contrevenant.

 

c)                  Le grade et l’ancienneté du contrevenant constituent un élément aggravant. En effet, les FAC ont des attentes plus élevées envers les membres du grade de sergent, car ils occupent habituellement un rôle de supervision et de leadership. Le contrevenant était d’ailleurs dans une position où il était possible qu’il supervise la victime dans le cadre de la formation en cours d’emploi de celle-ci, car il avait la discrétion de lui confier des tâches. La victime était dans une position de vulnérabilité vis-à-vis le contrevenant.

 

Facteurs atténuants

 

[21]           Lors de la détermination de la peine, la Cour ne peut faire abstraction de la situation du contrevenant. Bien au contraire, elle doit imposer une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. En conséquence, en plus des facteurs aggravants présents dans le dossier, la Cour doit également considérer la situation personnelle du contrevenant, notamment son rendement, sa carrière et son comportement suivant la commission de l’infraction.  Un contrevenant qui éprouve du remords, s’excuse à la victime et prend des mesures pour se réhabiliter ne devrait pas être puni plus sévèrement ou recevoir une peine similaire à celle d’un contrevenant qui, après avoir été reconnu coupable d’une infraction similaire, n’a rien fait pour se réhabiliter.

 

[22]           Dans ce contexte, je ne souscris pas entièrement à l’argument de la poursuite à l’effet que l’emphase lors de la détermination de la peine devrait être mise sur les objectifs de dénonciation, de dissuasion générale et spécifique. Étant donné la situation du contrevenant, particulièrement les mesures qu’il a prises à la suite de la plainte, l’emphase lors de la détermination de la peine devrait être mise sur les objectifs de dissuasion générale et de réhabilitation.

 

[23]           La Cour accepte les facteurs atténuants énumérés par les deux parties, soit :

 

a)                  l’absence d’antécédent criminel ou disciplinaire pour des infractions similaires ;

 

b)                  le plaidoyer de culpabilité qui démontre que le contrevenant éprouve du remords ;

 

c)                  le contrevenant a transmis une lettre d’excuse à la victime ;

 

d)                  il a pris des mesures pour se réhabiliter ;

 

e)                  il a fait des excuses publiques à l’ensemble du personnel féminin de la compagnie médicale à Valcartier en raison de son comportement inapproprié, et ce, au début septembre 2016. Selon les superviseurs présents lors cette allocution, les excuses présentées semblaient sincères ;

 

f)                    dans le cadre de mesures correctives, le sergent Morissette a complété les formations suivantes portant sur le harcèlement: Création d’un environnement de travail respectueux, le 10 octobre 2017, et Introduction à l’éthique de la défense, à la même date ;

 

g)                  il a le support et la confiance de sa chaîne de commandement ;

 

h)                  la Cour a aussi identifié comme facteur atténuant les délais dans ce dossier.

 

Autres facteurs

 

[24]           La Cour a examiné d’autres facteurs qui, sans nécessairement qu’ils aggravent ou mitigent la peine, ont été considérés dans le cadre de la détermination de cette dernière. En effet, le sergent Morissette a été placé en mise en garde et surveillance pour une période de six mois. Celle-ci a été complétée avec succès. Toutefois, cette mesure a été prise à la suite d’autres conduites de harcèlement ayant été commise durant la même période que l’infraction faisant l’objet de cette cour martiale et dans le même lieu de travail.

 

[25]           Les accusations portées contre le sergent Morissette, ainsi que l’inquiétude reliée aux effets potentiels du processus disciplinaire sur sa carrière militaire et sa situation familiale, ont causé la dégradation de la santé mentale de celui-ci à partir de février 2019. Un diagnostic de trouble de l’adaptation avec humeur anxieuse et dépressive a été porté. Le sergent Morissette a été retiré du travail pour une période de onze semaines, soit entre avril et juin 2019, avec un retour progressif hors de son milieu de travail habituel depuis juillet 2019. En date du 5 mars 2020, il travaillait quatre jours par semaine avec un retour au travail à temps plein anticipé dans les mois à venir. Un suivi mensuel en travail social a été entrepris, à des fins de support et de psychothérapie.

 

Situation du contrevenant

 

[26]           Le sergent Morissette s’est enrôlé le 11 octobre 2002. Il a 34 ans. Il détient plusieurs décorations militaires : Étoile de campagne générale – Asie du Sud-Ouest (deux barrettes), Médaille du service opérationnel – Humanitas, Mention élogieuse du Chef d’état-major de la Défense, Décoration canadienne. Sa fiche de conduite indique qu’il a été reconnu coupable en novembre 2010 d’avoir eu une décharge négligente en théâtre opérationnel. Elle fournit également les raisons pour lesquelles il a reçu une Mention élogieuse du Chef d’état-major de la Défense le 28 avril 2010, soit pour avoir sauvé la vie d’un pilote inconscient à la suite d’un accident d’avion, au péril de sa vie. À la lecture de la preuve documentaire fournie par la défense, ses supérieurs indiquent que le sergent Morissette démontre un enthousiasme et un intérêt soutenu à vouloir aider l’organisation. Depuis les évènements, il fait preuve d’une conduite irréprochable. Il a même obtenu en 2019 un diplôme d’études collégiales en soins pré-hospitaliers d’urgence. Il est aussi impliqué dans la communauté civile.

 

Conclusion

 

[27]           Le comportement du sergent Morissette envers J.R. à l’été 2016 a eu pour effet de briser la confiance d’un jeune membre des FAC envers ses supérieurs et envers sa chaîne de commandement, lui faisant douter de son futur au sein des FAC. Le comportement du contrevenant a contribué à créer un environnement nocif au sein de l’unité concerné.  Néanmoins, la preuve au dossier établie que le contrevenant a entrepris des démarches afin de se réhabiliter.  La cour est d’avis que le contrevenant continuera à s’améliorer, et compte sur sa chaîne de commandement afin d’encourager sa réhabilitation.  Elle compte aussi sur la chaîne de commandement  de la victime pour que celle-ci puisse recevoir le support nécessaire et continuer de servir et avancer dans sa carrière et ce, en toute confiance, dans un milieu de travail sain et dépourvu de harcèlement.

 

[28]           La recommandation conjointe satisfait aux principes de détermination de la peine, notamment celle de l’harmonisation des peines et dans les circonstances, assure le maintien de la discipline, ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[29]           DÉCLARE le sergent Morissette coupable d’un chef d’accusation relativement à la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline visée à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, en ce qu’il a harcelé J.R.

 

[30]           Le CONDAMNE à un blâme et une amende pour un montant de 2 000 $ dollars, payable en quatre versements mensuels de 500 $, le premier étant dû le 15 juillet 2020.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major M.-A. Ferron

 

Major B.L.J. Tremblay et Capitaine I. Gagné, Service d’avocats de la défense, avocats du sergent J.N.S. Morissette

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